Les implications politiques de la création révèlent un paradoxe surprenant : la crise écologique actuelle trouve ses racines dans l’anthropocentrisme du christianisme occidental. Cette recherche propose une transformation théologique inspirée de Saint François d’Assise, essentielle pour rétablir l’harmonie entre l’homme et la nature.
3.3. La théologique écologique africaine
Selon J.-M. Ela, une réflexion théologique en milieu africain sur l’écologie, « doit aller au-delà des rêves d’un retour au jardin d’Eden ou de la quête d’un paradis perdu et d’une harmonie oubliée entre l’homme et la nature ».524 Elle doit plutôt aller jusqu’à la découverte du sens de la Parole de Dieu sur la Création.
A ses yeux, la crise écologique actuelle oblige à renouveler la théologie de la création et son incidence dans la prédication chrétienne. En privilégiant la rencontre avec le Christ, « il convient de relire la Bible pour repenser les tâches de l’Eglise face à la problématique environnementale ».525 La pertinence du message biblique n’est pas à démontrer : tout existe par la Parole de Dieu, qui à la fin de chaque journée de la création « vit que tout cela était bon » (Gn1, 4.12.18.
21). Ainsi, « tout ce qui relève de la création est un don de Dieu ».526 L’homme ne doit pas se comporter en propriétaire absolu. « Le respect de l’environnement doit être lié au
respect que l’homme doit à Dieu lui-même auquel tout être participe ».527 Cela lui impose une attitude responsable quant à la gestion de l’environnement naturel.
L’auteur fait aussi appel à l’attitude du respect authentique qui est sans cesse requise, selon les belles indications de Saint François d’Assise dans son célèbre Cantique des créatures. Dans cette perspective, « François que l’on considère aujourd’hui comme l’ancêtre de l’écologie a mis en évidence la fraternité qui lie l’homme avec la nature ».528 En Afrique, dans une perspective d’inculturation de la foi au Dieu créateur, l’auteur prône
« un dialogue approfondi avec les spiritualités africaines qui permettra de retrouver l’esprit de la terre, de l’air, de l’Eau ou de l’Arbre violé, torturé et exploité à cause de la cupidité humaine ».529 On le sait, contrairement au christianisme patriarcal occidental, en Afrique
« les croyances de la Terre- Mère animent les comportements et les attitudes à l’égard de la nature ».530 Cette vision matriarcale et unitaire du monde est un atout de taille pour féconder la théologie africaine et ses préoccupations écologiques.
Enfin, l’auteur invite à scruter la Parole de Dieu qui est d’une richesse immense permettant de s’ouvrir à un Dieu qui libère. En effet, la Bible se sert des images de la création pour parler de Dieu.531 Jean-Marc Ela indique aussi l’importance des réalités de la création dans la liturgie de l’Eglise.
Il s’agit particulièrement « de l’eau, de la lumière, du feu et de la nourriture qui sont chargés de symbole ».532 Aussi, l’Eucharistie qui est la célébration de la mort et de la résurrection de Jésus de Nazareth, renvoie à la terre et aux éléments de la nature. Toutes ces considérations montrent clairement qu’une théologie africaine de l’écologie peut s’élaborer sur des bases scripturaires solides.
Faudra-t-il encore qu’on se persuade de cette richesse biblique à propos des maux qui menacent la terre, notre maison commune.
Conclusion.
Notre investigation théologique en ce troisième et dernier chapitre nous a conduits à scruter les perspectives africaines de la théologie de la création dans un contexte de crise écologique. Nous avons affirmé avec plusieurs auteurs que l’Afrique ne peut plus rester indifférente face à deux réalités environnementales extrêmes qui menacent la survie de l’humanité et du cosmos.
Notre recherche s’est attelée sur un appel vibrant adressé à la théologie et aux théologiens africains de scruter la bible, la tradition chrétienne ainsi que la Religion et la spiritualité négro-africaine pour une véritable articulation de l’écologie et de la théologie de la création. Il n’est un secret pour personne, l’homme africain est un amoureux de la vie.
Il veut vivre et retrouver la plénitude de vie. Tout ce qu’il entreprend doit nécessairement être orienté vers l’accroissement de la vie, vers le renforcement des liens vitaux. Toutefois, l’africain sait bien que cette vie ne lui appartient pas. Elle tient sa sa source en Dieu créateur des toutes choses. Participant à la même source de vie avec toute la créature qui appartient à Dieu lui-même, le respect de la vie des autres et de la nature devient un mode de vie.
Tout au long de ce chapitre nous avons cherché à indiquer combien la question écologique est son incidence sur la vie est devenue une question pertinente posée à la foi des chrétiens et à la réflexion théologique en Afrique. Il va sans dire que dans le contexte actuel du continent africain, on ne peut plus parler de Dieu ou penser Dieu sans être attentif aux cris des hommes et femmes africains dont l’existence est compromise par des troubles écologiques. Il ne s’agit donc pas d’une prise de conscience indifférente mais plutôt d’une volonté ferme d’élaborer une théologie écologique capable d’amorcer une véritable sortie de crise favorisant ainsi l’accroissement de la vie et la paix cosmique.
Pour exposer cette contribution combien féconde de la théologie africaine sur la création nous avons procédé par une étude documentaire et herméneutique de plusieurs auteurs regroupés en trois perspectives majeurs à la fois distinctes et complémentaires. Ces perspectives sans prétendre épuiser la réflexion théologique sur la création à l’heure de la crise écologique en Afrique, nous ont fournis l’essentiel de la pensée éco-théologique africaine. Certes, beaucoup reste à faire sur le continent africain car l’enjeu est de taille : il s’agit de promouvoir la beauté du mode et la survie de l’univers humain et non humain.
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520 J-M. ELA, op.cit., p. 122. ↑
522 M. CHEZA, op.cit., p. 260. ↑
523 J-M. ELA, op.cit., p. 124. ↑
530A.SIDONIE ZOA, Protection de l’environnement et cultures africaines, dans Ecovox, n° 5, (1995), cité par J-M. ELA, op.cit., p. 128. ↑
531 Quelques verset bibliques sont repris par l’auteur pour fonder son affirmation ; (Ps 1, 3 ; 46,4 ; Is 27, 3-6 ; 41,17-18 ; Ez 16, 9 ; 36,25 ; Jn 3, 5 ; 7,37-39 ; Ep 5, 26…). ↑
532 J-M, ELA, op.cit. p.129. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment la théologie de la création influence-t-elle les politiques écologiques?
La théologie de la création oblige à renouveler la théologie et son incidence dans la prédication chrétienne, en relisant la Bible pour repenser les tâches de l’Église face à la problématique environnementale.
Quelle est l’importance de Saint François d’Assise dans la théologie écologique?
Saint François d’Assise est considéré comme l’ancêtre de l’écologie, ayant mis en évidence la fraternité qui lie l’homme avec la nature.
Comment la spiritualité africaine contribue-t-elle à la théologie de la création?
La spiritualité africaine permet de retrouver l’esprit de la terre, de l’air, de l’eau ou de l’arbre, et prône un dialogue approfondi pour une véritable articulation de l’écologie et de la théologie de la création.