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Quelles implications politiques la morale révèle-t-elle dans La Répudiation ?

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🏫 Université 8 mai 1945 Guelma - Faculté des Lettres et des Langues - Département des Lettres et de Langue Française
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022/2023
🎓 Auteur·trice·s
Bouhessane Amira Bouguerra Hana
Bouhessane Amira Bouguerra Hana

Les implications politiques de la morale révèlent un paradoxe fascinant : alors que la société cherche des normes universelles, elle se heurte à l’absence d’une vérité objective. Cette étude met en lumière comment ces tensions façonnent notre compréhension des dynamiques sociales contemporaines.


La morale comme élément modificateur :

De tous temps, l’homme s’est évertué à expliquer les normes qui doivent régir la société et permettre un équilibre qui garantira la sérénité de chacun. Mais qu’es ce que la morale ?

« De tout temps on a vu mettre la morale en bons et nombreux sermons : quant à la fonder, c’est à quoi l’on n’a jamais réussi. À voir les choses d’ensemble, on s’aperçoit que les efforts de tous ont toujours tendu à ceci : trouver une vérité objective, d’où puissent se déduire logiquement les préceptes de la morale. Cette vérité, on l’a cherchée tantôt dans la nature des choses, tantôt dans la nature humaine : mais en vain. » 33

La morale c’est l’ensemble des règles et des préceptes qu’une société doit prendre en considération afin de garder intacts les relations entre ses membres. C’est un mot qui découle du latin mores, C’est-à-dire mœurs. C’est à travers l’action humaine et l’interaction entre individus au sein de la collectivité, que la morale devient une assise indispensable qui va garder la stabilité des échanges.

C’est la vertu et la notion de bien qui sont au centre de la préoccupation sociale autour de la morale. La morale est par conséquent en relation avec la collectivité et tient une part importante dans la valorisation ou non des individus.

31 La répudiation page 88.

32 La répudiation page 38.

33 [1] SCHOPENHAUER, Arthur, (1879), Le fondement de la morale,.

Depuis René Descartes en passant par Emmanuelle Kant, la morale fut perçue comme une confrontation entre le bien et le mal avec un dieu rédempteur qui va punir les écarts de conduite et les abus. C’est seulement à partir de la pensée de Jean Jack Rousseau qu’on a commencé à se dire que le bien et le mal sont subjectifs et en relation avec la conscience de chacun de nous.

Nous pouvons affirmer de ce fait, que la morale est avant tout une obligation sociale et un devoir sociétal également.

C’est ainsi que nous pourrions dire que l’écriture de Rachid Boudjedra est une expression des faits saillants qui forment les fondements moraux de la société d’après indépendance. C’est à travers les relations entre les personnages au sein de la cellule familiale que va se construire la narration et vont se développer les événements de manière à exposer la morale des membres de la famille ainsi que ceux de la tribu.

Rachid le personnage de La répudiation, exprime la violence, la subversion, l’agressivité ainsi que la sournoiserie des gens. C’est une purgation des émotions à travers laquelle Rachid raconte à Céline les causes de sa déchéance. Rachid raconte aux alentours de 1965, la répudiation de sa mère par son père.

Il dit la décision de Si Zoubir de délaisser la mère de ses enfants afin de se remarier en secondes noces avec une jeune femme de 16 ans.

Rachid depuis son enfance porte en lui une charge émotionnelle si négative, qu’elle a détruit ses rêves dans une société pleine d’incohérence. La tribu où il vivait semblait un lieu de désolation et de débauche aux yeux de Céline.

« Le saccage était en nous, dès notre enfance éreintée par cette course à la découverte du père phallique mi- réel, mi- apparent, perdu dans ses sortilèges, accaparé par ses nombreuses femmes et dont nous poursuivions l’ombre désinvolte et sûre d’elle-même, sans répit ni espoir, Trans baladés d’énigme en énigme, étonnés par le nombre croissant de demi-frères et de demi-sœurs qui entravaient notre marche vers la découverte merveilleuse du patriarche inique ; mais le périple s’enfonçait à jamais dans les affres de l’alcool et de l’inceste Quelque part la rupture avait été définitive, et déjà nous étions pressés de trouver la faille, pour nous en prendre à la tribu, transformée plus tard en clan restreint afin de mieux donner ses ordres et édicter ses lois et ses exigences. »34

Une situation paradoxale et sadique qui contraste avec la morale socioreligieuse qui impose au mari la prise en charge de ses enfants après la séparation avec sa femme. Ma la mère de Rachid devient ainsi délaissée et sans aucune ressource propre à elle. C’est une déchéance totale dans laquelle elle se retrouve avec ses trois enfants à nourrir et à entretenir.

Condamnée à vivre recluse dans une chambre au milieu de la tribu de Si Zoubir, Ma va souffrir les privations et la scintillante cruauté d’un mari chef de la tribu avec un pouvoir illimité. Rachid explique de ce fait, qu’un semblant de vertige existentiel s’est emparé de lui dès son enfance. Il a sombré dans une dépression si forte que la vie devenait invivable pour lui.

« Au fond, l’espace se refermait sur moi et je n’avais pas le vertige nécessaire à mon étonnement. Je ne pouvais, d’ailleurs, plus rire, ni courir, car courir c’est mourir, et je n’avais plus peur du chagrin. Je m’imposais alors des limites que la répudiation de ma mère rendait plus astreignantes encore.

L’étalement familial me mortifiait et pourtant c’était dans cette périphérie oiseuse, et nulle part ailleurs, que j’avais l’unique chance de retrouver le père ! Le bonheur les rendait fous, et cependant, tout autour, les choses s’entêtaient dans leur chétivité première. Ils mentaient, grossissaient les phénomènes ; et le dîner se poursuivait : sucreries, pâtisseries, sur lesquelles les femmes avaient trimé toute la journée.

Délectation ! Bruits de langue ! Odieuse nuit. »35

Rachid devient un révolté dès son jeune âge, il commence à honnir ce père et cette société qui a détruit son enfance. Il devient tributaire d’une charge négative qui va se répercuter sur ses relations intimes et sociales. Une forme de haine imperceptible s’empare de lui au point de vouloir séduire ZouBida la marâtre.

La répudiation est une pratique qui érodait toute l’innocence qui existait en l’enfant qui était Rachid. Son frère Zahir sombre dans l’alcoolisme et devient homosexuel tant il n’arrivait pas à supporter le malaise dans lequel il se trouvait après l’abandon de son père. Une absence que Rachid impute à l’égoïsme de Si Zoubir et au machisme d’une société patriarcale sans complaisance pour les femmes.

La violence, la laideur et les vices de la société sont au premier plan exposés afin de fustiger la société traditionnelle où se passe l’action. L’écriture de la subversion de Rachid Boudjedra est une représentation d’une cassure sociale qui à partir d’une pratique ancestrale pérennise le statut d’infériorité de la femme.

Les vices sont omniprésents à chaque moment dans le récit. Les fêtes religieuses comme le Ramadan et l’Aïd sont l’occasion pour Rachid de dénoncer l’hypocrisie des faux dévots et des charlatans. Une manière subtile de dire les causes de son malheur. Notre personnage Rachid explique à Céline les conditions qui l’ont conduit à devenir un individu immoral.

35 La répudiation page p 47.

« Pour éviter l’inceste, je m’esclaffais dans les redondances d’euphémismes matinaux qui coïncidaient avec les délires-prières, lorsque les hommes font semblant d’être frileux pour cacher leur peine. Tout à l’heure, dès que le matin sera levé, tu m’accompagneras à l’hôpital (il faut lever cette ambiguïté). Combien étions-nous ? Une gigantesque tribu épar- pillée depuis et que personne n’arrive à reconstituer ! Zahir est mort depuis une éternité déjà. Yasmina agonise dans un autre hôpital. La grande maison appartient toujours à Si Zoubir et doit abriter quelque oncle rescapé de la guerre. »36

Selon Rachid, c’est la société dans son fonctionnement erroné qui va conduire le père à renier la mère sans aucune excuse ni justification. Le sacré et le profane contribuent dans le récit à dire les effets d’une cassure familiale aux conséquences tragiques. La morale devient un détail dans cette structure de non-sens et de dépravation.

Rachid va joindre ainsi une fiction à son récit sur soi. Il développe une thématique ambiguë autour de la morale et de la confrontation entre le bien et le mal. Un e forme de révolte contre la morale sociale qui n’a de moral que le nom.

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31 La répudiation page 88.

32 La répudiation page 38.

33 [1] SCHOPENHAUER, Arthur, (1879), Le fondement de la morale,.

34 La répudiation page 193.

35 La répudiation page p 47.

36 La répudiation page 47.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les implications politiques de la morale dans La Répudiation ?

La morale est perçue comme une obligation sociale et un devoir sociétal, influençant les relations entre les personnages et exposant la morale des membres de la famille ainsi que ceux de la tribu.

Comment la morale est-elle définie dans le contexte de La Répudiation ?

La morale est l’ensemble des règles et des préceptes qu’une société doit prendre en considération afin de garder intacts les relations entre ses membres.

Quel rôle joue le personnage de Rachid dans l’exploration de la morale ?

Rachid exprime la violence, la subversion et l’agressivité des gens, racontant les causes de sa déchéance et la répudiation de sa mère par son père.

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