Les implications des politiques d’ajustement sont souvent sous-estimées, pourtant elles ont profondément transformé la vie sociale au Cameroun entre 1987 et 2017. Cette étude révèle des changements significatifs dans l’emploi, la santé et l’éducation, offrant des perspectives essentielles sur les effets durables de ces ajustements.
REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE
Loin de nous la prétention de dire que nous sommes la première personne à avoir mené un travail de recherche dans le domaine de l’ajustement structurel au Cameroun, nous avons le devoir de présenter quelques travaux antérieurs au nôtre. Ainsi, dans le cadre de notre revue critique de la littérature, nous avons pu recenser des travaux de types mémoire, thèse, article et ouvrage.
Les mémoires
Brice Seme Ghislain42, montre que le Cameroun dès son accession à l’indépendance mit sur pied un programme de développement à la fois économique et humain. Ceci passe par la construction des infrastructures fortes et solides pour garantir cela. Encadrée par les plans quinquennaux, cette initiative sera possible et profitable. Le domaine sanitaire ne sera pas en
reste. Ainsi, dès le cinquième plan quinquennal, le Cameroun enregistrera 359 infrastructures de santé (hôpitaux, centres de santé, centre départementaux). Mais, avec la crise économique et la mise en place des PAS, le domaine sanitaire va connaitre des perturbations, notamment avec la baisse du personnel soignant et l’élévation du coût des soins. Ces perturbations seront donc aux conséquences désastreuses avec la naissance et l’évolution grandissante de la pharmacie de la rue et la fixation des populations sur la médecine traditionnelle. Ce travail fort intéressant reste nonobstant circonscrit dans le domaine sanitaire et se limite à l’unique espace géographique du Nyong-Et-So’o.
Maxim Lontio Kahabi43, retrace dans son mémoire l’évolution de la production et de la commercialisation de la banane au Cameroun. Il fait savoir que la banane est un produit qui tire ses origines de la période coloniale allemande. Après les indépendances, l’État camerounais va aussi s’appuyer sur l’économie bananière dans le cadre de sa politique de développement économique.
Celle-ci va subir des perturbations dans les années 70 ; mais, la réponse du Cameroun favorise sa reconversion. Cette reconversion sera fructueuse car elle va faciliter la stabilisation de la filière. Cependant, la crise économique vint bouleverser le cours de l’évolution de cette filière et entrainera sa libéralisation par l’État camerounais.
Notons que ce travail est axé uniquement sur la production bananière et est borné à la période de la libéralisation de cette dernière. Il laisse à cet effet, un vide dans la compréhension cette économie à partir de 1991.
Rémi Bonguino44, présente l’effet pervers des politiques d’ajustement structurel au Cameroun, sur la filière cacao, au travers de la libéralisation de cette dernière. Son travail présente clairement l’état de la production du cacao dans la région de Bafia. Il nous montre d’ailleurs comment cette filière fut introduite au Cameroun et dans la région qu’il étudie. Il présente les acteurs de cette production. Son travail permet d’avoir d’amples informations sur l’impact des PAS sur la filière cacao au Cameroun bien qu’étant une étude régionale. Mais sa limite chronologique qui est 2006 ne permet pas de faire état de la situation de la production du cacao camerounais après la période des PAS.
43 Maxim Lontio Kahabi, « L’économie bananière au Cameroun, entre crises et restructurations 1960-91 », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé I, 2004.
44 Remi Bonguino, « Production et commercialisation du cacao à Bafia 1960-2006, Approche historique », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2009.
Les thèses
Ambroise Mbatsogo Nkolo45, fait une endoscopie des différents problèmes qu’a connu le fonctionnariat camerounais de 1960 à 1994. Il fait savoir que la fonction publique depuis les indépendances s’est érigée comme étant un foyer d’enrôlement de plusieurs Camerounais en leur offrant des moyens de subsistance au travers de l’emploi et du salaire.
En ceci que le tissu industriel du pays était fable, les possibilités d’emploi étaient alors plus grandes au sein du fonctionnariat. Il montre qu’à cause de cette exclusivité, naquirent plusieurs fléaux sociaux à l’instar de la corruption, le clientélisme, le tribalisme, les fonctionnaires fictifs pour ne citer que ceux. Son travail permet de voir les effets sociaux de l’ajustement.
En effet, il renseigne qu’avec les PAS, les employés du circuit administratif du Cameroun se trouvèrent dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins élémentaires de nutrition, déplacement et logement. Les gels de salaires, la réduction des avantages liés à la fonction, les licenciements furent des mobiles de reconversion de ces Camerounais vers les voies et moyens de compensation du déficit du salaire (détournement de fonds publics, fonctionnaires fictifs, corruption).
Mathieu Jérémie Abena Etoundi46, dans sa thèse de Doctorat/Ph.D, présente le Cameroun de la période de la planification économique à la période de l’ajustement structurel. Dans sa thèse, il divise l’histoire économique du Cameroun indépendant en deux périodes majeures, la première est celle de la planification qui part de 1960 à 1986 et la deuxième celle de l’ajustement structurel qui commence à partir de 1987/1988.
Il présente ainsi les défis relevés par le Cameroun pendant la période de la planification comme politique économique telle que pensée et implémentée par le président Ahmadou Ahidjo et par la suite par le président Paul Biya ; politique basée essentiellement sur l’interventionnisme et le protectionnisme étatique. Il chute sur la période de l’ajustement en montrant que celle-ci n’intervient qu’avec l’échec des politiques de planification.
Ce travail ne donne pas un bilan des entreprises qui ont subi la privatisation, encore moins l’impact des PAS sur les secteurs de la production, par exemple au travers de la libéralisation des filières de production, et même de la sortie du Cameroun sous ajustement structurel et son atteinte du point d’achèvement de l’IPPTE.
Aussi, cette thèse n’aborde pas l’aspect social des PAS au Cameroun, qui constitue le noyau de notre travail de recherche.
45 Ambroise Mbatsogo Nkolo, « Endoscopie du fonctionnariat camerounais de 1960 à 1994 », Thèse de Doctorat/Ph.D en Histoire, Université de Yaoundé I, 2017.
46 Mathieu Jérémie Abena Etoundi, « La planification économique au Cameroun : Aperçu historique (1960-2000) », Thèse de Doctorat /Ph.D en Histoire, Université de Yaoundé I, 2008.
Oumarou Yalla47, retrace dans sa thèse de doctorat, l’évolution de production de coton au Cameroun depuis le début de sa culture pendant la période de domination franco-britannique jusqu’à la crise cotonnière camerounaise. Ceci dit, depuis l’introduction de cette culture au Cameroun, elle est devenue une préoccupation aussi majeure dans la vie des populations productrices de cette matière première.
Ce secteur de production va donc connaitre une évolution croissante avec surtout l’interventionnisme de l’État camerounais. Mais, à cause de la crise des années 80, l’État camerounais se sentira obligé de libéraliser ce secteur de production et de privatiser la Société de Développement du Coton du Cameroun (SODECOTON). Ces deux actions seront aux conséquences désastreuses sur le secteur coton, entraînant à cet effet une succession de crise cotonnière au Cameroun.
La lecture de ce travail nous permet de voir l’effet qu’ont eu les PAS dans le secteur de la production au Cameroun. Il reste cependant circonscrit à l’unique zone géographique du Nord-Cameroun.
Les articles et les ouvrages
François Roubaud48, présente la situation économique du Cameroun de 1965 à la période de l’ajustement structurel. Par le biais d’une analyse basée sur des données chiffrées et des représentations graphiques, il subdivise sa réflexion en deux grandes parties, celle d’avant l’ajustement et celle de la période d’ajustement. Il montre que la période pré-ajustement est caractérisé par une croissance de l’économie de 1965 à 1985 avec la mise sur pied des industries de production, la découverte de la manne pétrolière, ensuite vint la crise économique qui
plongea le Cameroun dans un désarroi, où le recours au FMI fût la solution pour éviter la déchéance totale de l’État. Cette étude permet d’avoir des détails chiffrés sur les résultats de l’application des PAS. Mais, son analyse n’aborde pas la question sociale car circonscrite essentiellement sur le volet économique.
Hermann-Habib Kibangou49, met en évidence la problématique de la privatisation au Cameroun et axe sa réflexion essentiellement sur le cas le CDC (Cameroon Development Corporation). Cette étude apporte d’amples informations sur la situation de privatisation de la CDC et surtout son impact sur la population locale. Elle permet d’avoir la situation chaotique
47 Oumarou Yalla, « Culture du coton et dynamiques socio-économiques au Nord-Cameroun 1951-2008 », Thèse de Doctorat/Ph.D en Histoire, Université de Yaoundé I, 2013.
48 François Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais 1965-1990 : de la croissance équilibrée à la crise structurelle », in Georges Courade (sd), Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Karthala, 1994.
49 Hermann-Habib Kibangou, Enjeux sociaux des privatisations au Cameroun : Le cas de la Cameroon Development Corporation (CDC), Paris, Edilivre.
dans laquelle vécurent les ex-employés de la CDC après la privatisation, le malaise social qui découla de la privatisation qui était une des exigences des PAS au Cameroun. Son étude reste cependant circonscrite dans un seul pan du social touché par l’ajustement au Cameroun.
Raymond Ebalé50, présente la situation économique du Cameroun pendant la période de l’ajustement structurel. Il part des fondements de cette politique jusqu’à son applicabilité au Cameroun. Il nous montre que le Cameroun à partir de 1960, avait un appareil productif performant regroupant plusieurs entreprises nationales ; tout ceci conçu au travers des plans quinquennaux qui sous-tendaient sa politique économique du libéralisme planifié.
Cet appareil économique va favoriser une bonne croissance du pays, jusqu’aux années 1980, où, le Cameroun n’échappera pas à la crise économique qui sévit partout en Afrique. De là, il sera imbriqué dans la mécanique des PAS et subira donc l’effet pervers de ces politiques. Riche d’information dans la période d’ajustement structurel, ce travail regorge nonobstant une limite sur espace temporel borné en 2006 date du point d’achèvement de l’IPPTE.
Aussi, ce travail est axé uniquement sur la politique en elle-même et sur l’effet sur le domaine entrepreneurial via les privatisations, il ne met pas en exergue le penchant social des PAS.
Théodore Ejangue et Ngankam Noubissie51, font état des entreprises privatisées au Cameroun. Ainsi, ils présentent le concept de privatisation depuis son fondement basé sur l’État entrepreneur jusqu’à sa concrétisation sur le territoire camerounais. Cet ouvrage est un vrai recueil de ces entreprises qui ont subi la privatisation. Il présente à la fois les opérations de négociation, les montants et les acteurs de la privatisation qui s’est faite soit par liquidation, soit par simple vente des actions de l’État au secteur privé.
Mais vu l’année de publication de cet ouvrage, c’est-à-dire 1995, la présentation des entreprises est limitée aux six premières entreprises à avoir subi l’effet de la privatisation. Aussi, dans sa présentation du concept de privatisation, cet ouvrage ne donne pas de façon claire le contexte ambiant camerounais dans lequel le processus de privatisation est enclenché.
Touna Mama52, retrace l’évolution de l’économie camerounaise depuis 1950. Il permet d’avoir d’amples informations sur l’état des structures de production camerounaises, les différentes politiques économiques appliquées au Cameroun et leurs mutations. Il montre que
50 Raymond Ebalé, « Vingt ans d’ajustement structurel au Cameroun (1986-2006) », in Abwa Daniel et al., Regards croisés sur les cinquantenaires du Cameroun indépendant et réunifié, Paris, l’Harmattan, 2012.
51 Théodore Ejangue et Noubissie Ngankam, Les privatisations au Cameroun : Bilan et perspectives, Yaoundé, Fondation Friedrich Ebert, 1995.
52 Touna Mama, L’économie camerounaise, pour un nouveau départ, Yaoundé, Afrédit, 2008.
le Cameroun a connu une longue période de croissance positive à partir de 1950 et à partir de 1987, cette tendance vint à changer à cause de la crise économique. Cette crise mît le Cameroun dans une situation trouble où il fallait par tous les moyens possibles trouver une solution de sortie.
Touna Mama renseigne que l’État du Cameroun pensa d’abord à la mise sur pied de l’ajustement autonome. Consistant à réviser tous les pans de l’appareil économique du pays, cette politique ne connut pas un réel succès, d’où la reconversion vers les Institutions de Bretton Woods et l’acceptation de la politique d’ajustement structurel.
Il présente clairement le contenu des différents programmes d’ajustement et tente de faire un bilan de l’application de ces derniers. Mais sa présentation reste et demeure purement économique et évoque de façon sommaire le pan social.
Xavier Durang 53, mène une réflexion sur l’effet pervers des PAS sur le salariat au Cameroun. Il montre que l’ajustement avec sa vision de la réduction des charges de l’État a eu à impacter le salariat en réduisant les avantages y afférant, et le gelant quelques fois. Dans cette situation, le Camerounais qui subit cette rafle se devait donc de trouver d’autres moyens pour s’en sortir.
Étant donné que son ex-salaire devint très petit et parfois inexistant, il devait soit se retourner vers la débrouillardise, soit « rentrer au village » et se prêter à l’agriculture ou tout autre activité relevant du secteur primaire. Ce travail intéressant ne donne pas des éclairages sur les employés qui n’ont pas perdu leur emploi et se limite uniquement au salariat.
Somme toute, il est important voire capital de savoir que le domaine de l’ajustement a fait jusqu’ici l’objet de plusieurs productions scientifiques. Et comme le dit un proverbe wolof, « rien n’est nouveau sous le soleil « , l’innovation de ce travail réside au fait qu’il met en exergue le coût social des PAS au Cameroun. Il montre l’entrée du Cameroun sous ajustement structurel, l’applicabilité de cette politique au travers des privatisations des entreprises et libéralisation des secteurs de production. Il fait une évaluation au point de vue social des PAS en montrant ainsi les axes sociaux concernés et la conséquence observée.
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les conséquences des programmes d’ajustement structurel sur la santé au Cameroun ?
Les programmes d’ajustement structurel ont entraîné des perturbations dans le domaine sanitaire, notamment avec la baisse du personnel soignant et l’élévation du coût des soins.
Comment les programmes d’ajustement structurel ont-ils affecté l’emploi au Cameroun ?
Les programmes d’ajustement structurel ont modifié les comportements et les habitudes des Camerounais, impactant ainsi l’emploi et les opportunités de travail.
Quels ont été les effets des programmes d’ajustement structurel sur l’éducation au Cameroun ?
L’article ne traite pas directement des effets sur l’éducation, mais souligne que les ajustements ont eu des conséquences profondes sur divers aspects de la vie sociale, ce qui inclut potentiellement l’éducation.