Comment les technologies transforment-elles le Cameroun ?

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🏫 UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ - CENTRE DE RECHERCHE ET FORMATION DOCTORALE EN SCIENCES HUMAINES, SOCIALES ET ÉDUCATIVES - DÉPARTEMENT D’HISTOIRE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Mars 2023
🎓 Auteur·trice·s
Abdougani YOUMENI
Abdougani YOUMENI

L’impact des technologies au Cameroun a révélé des transformations inattendues dans les comportements sociaux depuis 1987. Cette étude met en lumière les effets profonds des programmes d’ajustement structurel sur la vie quotidienne, redéfinissant ainsi notre compréhension des dynamiques sociétales.


CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE

Cadre conceptuel

Pour mieux cerner le sens fondamental de cette étude, il importe de définir un ensemble de concepts opératoires. De ce fait, il importe de présenter les concepts de programme d’ajustement structurel et secteur social. Le mot « ajustement » est d’après le dictionnaire de la langue française Le Grand Robert, l’action d’ajuster une chose à une autre15.

Il dérive du verbe « ajuster », qui veut dire adapter parfaitement une chose à une autre, rendre juste, rendre conforme à une norme, rendre précis, ou encore arranger de façon appropriée16. « Ajustement  » est donc le fait de mettre quelque chose à un niveau, un niveau considéré comme une norme. Selon l’Encyclopédie Universalis, « ajustement  » c’est le fait d’ajuster ; ajuster c’est adapter, rendre plus en accord, viser, cibler17.

Nous pouvons retenir à ce niveau que l’ajustement c’est la mise à niveau.

« Ajustement structurel » est la mise à niveau des structures. Cette mise à niveau est régie par des normes bien définies et un cadre bien déterminé ; on peut donc ajuster des structures économiques, sociales et même politiques. Selon le dictionnaire Petit Larousse, c’est une mesure de politique économique prônée par certaines organisations monétaires internationales aux pays en développement rencontrant des problèmes d’endettement18. À cet effet, ces mesures ont pour but visé la transformation progressive des structures, le rétablissement des grands équilibres financiers et la création des conditions d’une croissance saine. C’est dans cette optique que Philippe Hugon dit :

L’ajustement structurel est un processus institutionnel qui se traduit par l’adoption d’accords économiques et financiers par des pays en voies de développement avec les Institutions de Bretton Woods, dans lesquels ces dernières cautionnent un programme de réformes en échange de concours financiers abondés pour l’essentiel par des bailleurs bilatéraux19.

15 « Ajustement », Alain Rey, Le Grand Robert de la langue française 2005, version électronique, 2005.

16 « Ajuster », Anonyme, Petit Larousse 2010, dictionnaire multimédia version électronique, 2009.

17 « Ajustement », Encyclopaedia Universalis 2011, version électronique, 2011.

18 « Ajustement structurel », Petit Larousse 2010, dictionnaire multimédia version électronique, 2009.

19 Jean Coussy et Philippe Hugon (sd), Intégration régionale et ajustement structurel en Afrique sub-saharienne,

Paris, Ministère de la coopération et du développement, 1991, p.82.

Parti de cette définition, l’ajustement structurel se veut donc être une solution pour les pays en crise. Il est un cadre de référence, propice à une certaine ascension économique. Le continent africain touché par la crise économique des années 80, se trouve avec des structures de production précaires et embryonnaires. La solution d’un ajustement des structures de production proposée par le FMI et la Banque Mondiale (BM) était donc un Programme d’ajustement structurel (PAS).

Le Programme d’ajustement structurel est selon Jean Coussy, une politique qui permet aux économies nationales une compétitivité et une ouverture à l’extérieure, à retrouver un sentier de croissance au travers d’un ensemble d’instruments de politiques conjoncturelles et de réformes structurelles20. De cette pensée, les PAS peuvent être considérés comme étant des programmes conçus pour résoudre le problème de conjoncture économique ceci par la mise à jour des structures de production pour faciliter la croissance, l’ouverture et la compétitivité internationales.

Pour Bruno Bekolo Ebe, les PAS sont un correctif des déséquilibres macroéconomiques des pays africains21. Ce dernier s’inscrit dans la même vision des faits que Jean Coussy, considérant aussi les PAS comme étant un catalyseur important dans la résolution de la crise économique des années 80. C’est fort de ce fait qu’il pense que l’objectif des PAS « était alors d’éliminer les distorsions et imperfections qui empêchaient ces économies d’utiliser au mieux les potentialités existantes, et les rendaient vulnérables aux chocs extérieurs qui frappent l’économie22 « .

Allant dans le même sens, Mathieu Jérémie Abena Etoundi dit : « L’ajustement structurel désigne en effet, l’ensemble des mesures devant permettre à une économie de connaître une croissance accélérée et durable23 « .

Pour Gilles Duruflé, l’ajustement c’est « plus d’orthodoxie  » et « plus de tutelle « . « Plus d’orthodoxie « , dans ce contexte, c’est l’application plus systématique des principes de la théorie économique qui implique l’ouverture du marché mondial, le privilège accordé au secteur privé, la diminution du poids et du rôle de l’État. « Plus de tutelle  » signifie interventions et contrôles de plus en plus précis au niveau de la mise en application des principes de l’ajustement structurel tel que pensé et présenté par le « Consensus de Washington  » 24. À ce niveau, il est important de souligner que le PAS est une sorte de politique qui permet aux

20 Coussy et Hugon (sd), Intégration régionale et ajustement…, p.11.

21 Bekolo Ebe, « Unité Européenne, ajustement… », p. 173.

22 Ibid.

23 Mathieu Jérémie Abena Etoundi, « La planification économique au Cameroun : Aperçu historique (1960-2000) », Thèse de Doctorat /Ph.D en Histoire, Université de Yaoundé I, 2008, p.11.

24 Gilles Duruflé, L’ajustement structurel en Afrique (Sénégal, Côte d’Ivoire, Madagascar), Paris, Karthala, 1988,

p. 197.

institutions de Bretton Woods de contrôler les économies des pays en voie de développement. Dans le même sens, Jean Koufan pense que « les programmes d’ajustement structurel ne sont pas des politiques de développement, mais, des politiques de confiscation et d’emprisonnement du développement25 « . Pour lui, l’objectif des institutions de Bretton Woods en Afrique à travers les PAS n’était point d’aider les économies africaines à se relever ; mais, plutôt de les enfoncer et les maintenir dans une situation précaire, insignifiante donc impossible de décoller.

Mamadou Lamine Sylla va dans le même sens que Gilles Duruflé et Jean Koufan. L’ajustement structurel est compris chez lui comme étant la continuité du projet colonial. Il dit à cet effet que : « les programmes d’ajustement structurel ont repris là où le projet colonial avait, sous bien des rapports échoué26 « .

Les PAS deviennent et demeurent un danger et un frein au décollage économique de l’Afrique en général et du Cameroun en particulier. Ils peuvent donc être considérés comme étant des politiques de dépendance internationale.

Au total, les programmes d’ajustement structurel, considérés pour d’aucuns comme une entrave à l’évolution d’un pays et pour d’autres comme un catalyseur de développement, sont dans le cadre de cette étude une « épée à double tranchant ». De ce fait, les PAS sont l’ensemble des mécanismes de réforme économique aux conditionnalités accrues, proposés par le FMI et la BM aux pays touchés par la crise de pouvoir se relever.

Dans les textes et la définition, ils sont de réelles bases pour le développement d’un État en réduisant des charges liées à ce dernier ; mais dans l’applicabilité, ces programmes sont de véritables barrières à l’évolution d’un État en ceci qu’ils suppriment et limitent le tout puissant rôle de l’État employeur majoritaire et l’État régulateur de développement.

Pour ce qui est du concept de secteur social, il convient de définir d’abord les mots secteur et social, puis donner le sens accordé ici à secteur social. Par définition le secteur signifie un domaine, une partie27. Ce qui signifie que le secteur peut être considéré comme un ensemble d’activités se référant à un domaine ou moins encore se rapprochant à une partie d’un grand ensemble.

On peut donc parler de secteur des agriculteurs, secteur des cheminots. Le secteur peut aussi faire référence à un domaine naturel, une partie d’un espace géographique. On parle là de secteur forestier, secteur industriel. Pour ce qui est du mot social, par définition c’est tout ce qui se rapproche de la société.

Il peut être relatif à un groupe d’individus, d’hommes, conçu

25 Koufan Menkene Jean, 67ans, Enseignant au département d’Histoire de l’université de Yaoundé I, Yaoundé, le 19 octobre, 2017.

26 Mamadou Lamine Sylla, Pour mieux amarrer l’Afrique noire à l’économie mondiale globalisée, Paris, L’Harmattan, 2015, p.42.

27 « Secteur », Alain Rey, Le Grand Robert de la langue française 2005, version électronique, 2005.

comme une réalité distincte, ou encore ce qui appartient à un tel groupe28. Le social peut aussi être ce qui forme une société, ou un élément de la société ; ou encore tout ce qui concerne les rapports entre un individu et les autres membres de la collectivité ou les rapports entre les divers groupes ou classes qui constituent la société29.

Le secteur social peut donc être compris comme étant le domaine de la société. Mieux, l’ensemble des activités se rapprochant à la société. Ça peut aussi signifier le domaine qui concerne les activités et les interactions entre les hommes et les groupes d’homme dans une société. De ce fait, le secteur social rassemble les professionnels qui exercent des activités sociales et d’assistance sociale. Il comprend alors les services qui répondent aux besoins d’individus et groupes démunis et marginaux30. Dans le cadre de cette étude, le secteur social fait référence à l’emploi avec ses corollaires recrutement, fonctionnariat, salariat, licenciement ; à la mobilité axée sur les transports et les migrations (exode rural, exode urbain, émigration) ; à la santé, l’éducation.

– Cadre théorique

Cette étude est basée sur les effets sociaux des programmes d’ajustement structurel qui sont définis comme étant des politiques à double aspect à la fois facteur et entrave au développement. Perçus sous cet angle, l’on a opté pour une analyse descriptive du fait qui s’inscrit à cet effet dans les théories structuraliste et néoclassique.

La théorie structuraliste, inscrite dans le cadre des théories de la dépendance internationale31, elle prend en compte le développement sous l’angle des structures de production, c’est-à-dire les usines et les industries32. Les PAS étant des politiques de développement sont par définition axés principalement sur les structures de production. Selon les instituts de Bretton Woods, il faut une mise à jour totale et complète des industries et autres usines de production pour faciliter un véritable décollage économique. De ce fait, tout État qui a subi l’effet de la crise des années 80 s’est senti obligé de s’arrimer à la donne du FMI et de la

28 « Social », Alain Rey, Le Grand Robert de la langue française 2005, version électronique, 2005.

29 « Social », Petit Larousse 2010, dictionnaire multimédia version électronique, 2009.

30 « Le secteur social : Définition, métiers, compétences et carrières », https://fr.jobted.com/browse/social, consulté le 07/08/2022 à 11h42min.

31 Ces théories rejettent toute idée préconçue et insistent sur l’idée qu’on ne peut comprendre le sous- développement que si l’on prend en compte sa relation avec le développement des pays capitalistes industrialisés. Elles s’appuient sur les concepts de « centre » et de « périphérie ». Pour plus de détails, voir Raymond Ebalé, Le concept de « développement ». Fondements épistémologiques et débats, Yaoundé, Éditions Arimathée, 2014, pp. 55, 56 et 57

32 Raymond Ebalé, Le concept de « développement ». Fondements épistémologiques et débats, Yaoundé, Éditions Arimathée, 2014, p. 57

BM ; devenant à cet effet dépendant de ces derniers, car, la politique est dictée et contrôlée de par eux. D’où la justification de la dépendance internationale.

La théorie libérale néoclassique est cette théorie qui fondamentalement appelle au marché libre, au démantèlement de la propriété publique, à la planification économique et à la régulation gouvernementale des activités économiques33. Le penchant néoclassique de cette théorie impose comme dogme l’ouverture du marché34. Cette théorie pense que le développement passe par la participation aux échanges internationaux, et elle est de plus en plus soutenue et défendue par les institutions de Bretton Woods. Ceci dit la politique de l’ajustement structurel est conduite par le libéralisme économique c’est-à-dire l’ouverture des secteurs de production et la diminution du rôle de l’État au travers des privatisations des entreprises étatiques et paraétatiques et les libéralisations des filières de production.

JUSTIFICATION DES BORNES CHRONOLOGIQUES

Discipline scientifique qui prend en compte la trilogie temporelle passé, présent, futur, l’histoire se veut d’être écrite en tenant compte d’un espace temporel bien défini. C’est dans ce sens que Joseph Ki-Zerbo rappelle : « Et l’historien qui veut remonter le passé sans repère chronologique ressemble au conducteur qui parcourt dans une voiture sans compteur une piste sans bornes kilométriques35  » : d’où le rôle ou la place capitale de la chronologie ou de la temporalité dans l’étude et la compréhension d’un fait historique. Parti de ce postulat, nous pouvons considérer l’histoire comme l’organisation par l’intelligence des donnés se rapportant à une temporalité36. Ainsi, ce travail part de 1987 comme borne inférieure à 2017 comme borne supérieure.

Le choix de la borne 1987 n’est pas un fait du hasard, elle est la date du début effectif de la crise économique au Cameroun qui le conduisit au FMI. En effet en 1986, le Cameroun ressentait déjà sur tous les secteurs clés de la vie étatique (production, transformation, commercialisation), les effets de la crise économique qui le conduisit au FMI37. Ainsi, dans son discours à la Nation le 31 décembre 1986, Paul Biya disait en ces termes : « 1987 ne sera pas

33 Ebalé, Le concept de « développement… », p. 59.

34 Ibid.

35 Joseph Ki-Zerbo, Histoire de l’Afrique noire. D’hier à demain, Paris, Hatier, 1978, p.16

36 Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire ?, Paris, Le Seuil, 1971, p.33.

37 Gladisse Tchouamoun Monthe, « Production et commercialisation du café dans le département des hauts- plateaux de l’ouest Cameroun (1960-2000) : Étude historique », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2014, p. 95

une année facile38« . Dès le début de l’année 1987 précisément le 19 février, ce dernier annonça, lors d’une interview exclusive à la Cameroon Radio and Television (CRTV) : « ce que les Camerounais doivent savoir, c’est que la crise économique est là et qu’elle a atteint le Cameroun »39.

Pour ce qui est de la borne 2017, on assiste à une nouvelle orientation des relations Cameroun-FMI. En ce sens que, le Cameroun après avoir atteint le point d’achèvement de l’IPPTE en 2006 et être sorti sous PAS en 2009, entreprit un vaste chantier pour la reconstruction de l’espace national et pour le développement40.

C’est ainsi qu’il adopta en 2010 deux supports de sa politique le DSCE et la Vision à 2035. Mais dû à la guerre contre Boko Haram, et la baisse du cours de matières premières au marché mondial, le Cameroun fut contraint de faire recours une fois de plus au FMI. C’est ainsi qu’il signa le 26 juin 2017 un nouvel accord qui rentre toujours dans le cadre des politiques d’aide publique au développement, des prêts du FMI, connu sous le vocable de Facilité Élargie de

Crédit (FEC)41.

38 Paul Biya, « Message de vœux à la nation, Yaoundé, le 31 décembre 1986 », in Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun 1982-2002, Volume I, Yaoundé, SOPECAM, 2002, p.502.

39 Paul Biya, « Interview accordée à la CRTV, Yaoundé, le 19 janvier 1987 », in Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun 1982-2002, Volume II, Yaoundé, SOPECAM, 2002, p.459.

40 Foute Rousseau-Joël, « Relations Cameroun-FMI : Au-delà des fausses polémiques : Cameroun « , http://www.camer.be/49005/12:1/relations-cameroun-fmi-au-dela-des-fausses-polemiques-cameroon.html, consulté le 27/01/18 à 15h25min

41 Sango Longue, « Accord du Cameroun avec le FMI : le gouvernement explique », http://cameroon- report.com/Économie/accord-cameroun-fmi-explications.htm, consulté le 27/01/18 à 15h40 min

42 Ghislain Brice Seme, « Impact des programmes d’ajustement structurel sur le secteur santé au Cameroun : cas du Nyong-et-So’o, 1988-2006 », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2016.


Questions Fréquemment Posées

Quel est l’impact des programmes d’ajustement structurel au Cameroun ?

Les programmes d’ajustement structurel ont laissé une empreinte indélébile sur la société camerounaise, affectant profondément la vie sociale dans des domaines tels que l’emploi, la santé et l’éducation.

Qu’est-ce qu’un programme d’ajustement structurel ?

Un programme d’ajustement structurel est une mesure de politique économique prônée par certaines organisations monétaires internationales aux pays en développement rencontrant des problèmes d’endettement, visant à transformer progressivement les structures économiques, sociales et politiques.

Comment les programmes d’ajustement structurel ont-ils été perçus au Cameroun ?

Les programmes d’ajustement structurel sont considérés comme un correctif des déséquilibres macroéconomiques, permettant aux économies nationales de retrouver un sentier de croissance à travers des réformes structurelles.

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