L’impact des réformes éducatives au Cameroun révèle des transformations inattendues dans le système scolaire, affectant profondément l’accès à l’éducation. Cette étude met en lumière des conséquences souvent négligées, essentielles pour comprendre les défis actuels du pays.
L’ajustement structurel et l’éducation camerounaise
Tout comme le domaine sanitaire, le domaine de l’éducation camerounaise connut les effets de l’ajustement structurel. De l’éducation de base à l’enseignement supérieur, les effets des PAS étaient perceptibles. On assista là à une crise de l’école camerounaise d’une part et une panne de l’université camerounaise d’autre part.
La crise de l’école camerounaise
Pour ce qui est de l’éducation, l’ajustement structurel engendra un déséquilibre qu’il convient de qualifier ici de crise de l’école. La crise de l’école n’est rien d’autre que l’abandon du chemin de l’école. L’école est considérée comme l’un des foyers par excellence de la socialisation, en ce sens qu’elle offre à l’individu les moyens assurés pour l’insertion sociale76. Ceci étant, sa déstructuration contribue à la décadence de la société.
Il faut rappeler que les réformes de l’ajustement liées au système éducatif prévoyaient que l’État mette un accent particulier sur l’enseignement de base et professionnel. Cet accent mis sur l’éducation de base et l’enseignement professionnel était en fait la réduction voire la suppression des frais de scolarité dans les établissements primaires et maternels pour permettre à une masse de la population de pouvoir s’instruire facilement, et la liberté accordée à la création des instituts supérieurs de formation profession.
Mais la baisse du pouvoir d’achat, l’aggravation du chômage d’insertion et de la pauvreté vinrent constituer des facteurs gênants pour la poursuite de l’activité scolaire. La démotivation concernant l’école auprès des jeunes fut sans cesse croissante, car en observant que les aînés parfois diplômés de l’enseignement secondaire ou supérieur baignent dans les eaux froides du chômage ne donne pas envie de se retrouver dans une telle situation77.
Aussi, la réforme universitaire de 1993 en constitue aussi des facteurs d’abandon de l’école en ce sens que la bourse universitaire étant déjà très modique a été supprimée, la scolarité universitaire payante a été instaurée78. Il régna dès lors le phénomène de déscolarisation. Dans ce sens, Fabien Eboussi Boulaga fait observer que :
L’éducation du primaire au supérieur est malade. Depuis 1987, la déscolarisation imperceptible pendant plusieurs années est imposée massivement à l’attention en 1993 et pour l’année scolaire 1994/1995. Le déficit d’inscription est passé officiellement de 300 000 à 1 000 000. Le taux de fréquentation diminue en raison de la crise79.
76 Njoya, « Dynamiques de privatisation… », p.56.
77 Ibid., p.57.
78 Wado Kenne, « Émigration internationale féminine… », pp.5-6.
79 Fabien Eboussi Boulaga, La démocratie de transit au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1997, p.139, cité par Njoya, « Dynamiques de privatisation… », p.57.
De là, l’on observe que la déscolarisation devint une véritable tare dans la société camerounaise en ce sens que la diminution du pouvoir d’achat de la population, la croissance du malaise social au cours de la période d’ajustement, facilitèrent sa croissance. Ainsi, entre 1985-86 et 1989-90, les dépenses de l’État pour l’enseignement primaire et secondaire baissèrent respectivement de 25,3% et 40,1%, le budget de l’éducation nationale baissa donc de 2% en 1989-9080Face à ce problème, plusieurs initiatives ont été prises tant de la part des
particuliers que d’État. Pour les particuliers, il y eut mise sur pied de l’Association des Parents d’Élève (APE) qui avait pour objectif d’épauler le gouvernement avec notamment un fonds dont chaque parent se devait de verser chaque année. Ce fonds était destiné d’une part à la construction des écoles et d’autre part à leur entretien81.
Pour l’État, il y eut la création d’un fonds de solidarité de l’Éducation qui fut l’une des résolutions des états généraux de l’Éducation tenus en mai 1995 au Cameroun. Son objectif était de permettre à l’État de financer l’éducation de base dans le but de la rendre gratuite. À partir de 1997, la mise en place d’une caisse de collecte du fonds représentant les 5% des frais exigibles à chaque élève du primaire et du secondaire prévoyait une enveloppe d’environ 300 millions F CFA sur
un total de 2 620 000 élèves environ. Mais malheureusement, cet argent ne servit à rien, car il y eut des malversations financières82. Ceci ne fit qu’aggraver la situation ambiante. Pourtant la population y voyait déjà une lueur d’espoir.
L’université en panne
Aussi, l’ajustement structurel fut à l’origine d’une situation trouble au sein de l’université camerounaise. En effet, suite à l’autonomisation de l’université, qui entraîna le retard dans le paiement des bourses universitaires et par la suite la cessation totale, les étudiants exprimèrent leur mécontente par la manière forte83. Entre 1990 et 1992, une suite de grèves estudiantines est organisée, dégénérant à cet effet un affront entre grévistes et policier d’une part et grévistes et non-grévistes d’autre part84. Dans la même logique, la suppression des avantages universitaires contribua à la naissance d’un esprit de compensation financière au sein de la masse estudiantine. C’est ainsi que les étudiants de plus en plus se consacre sur des
80 Fadimatou Moussa Iya, « Le Cameroun et les institutions financières de Bretton-Woods : Du début de la coopération à l’ère de l’ajustement structurel (1963-2000) », mémoire de maîtrise en histoire, Université de Yaoundé I, 2008, p.93.
81 Njoya, « Dynamiques de privatisation… », p.57.
82 Alexandre T. Djemeli, « Détournement de fonds publics au Cameroun », http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premi erdph/fiche-premierdph-5381.html, consulté le 16/05/2020, à 11h33min.
83 Francine Bitee, La transition démocratique au Cameroun de 1990 à 2004, Paris, L’Harmattan, 2008, pp.75-76.
84 Ibid., p.76.
activités d’appoint85. Ces activités sont parfois des enseignements (vacation ou répétition), le commerce. Parfois ces jeunes étudiants pratiquent des activités qui n’ont rien à voir avec leur formation de base86. Ces activités absorbent le temps d’apprentissage de l’étudiant, donnant lieu à des résultats en deçà des attentes87.
Somme toute, la mise sur pied du programme DSA ne freina pas l’effet pervers des PAS sur le social Camerounais. Le coût est énorme et couvre presque tous les domaines de ce secteur. L’emploi, le salariat, la mobilité, la santé, l’éducation ont été des proies faciles pour le ravisseur du Consensus de Washington. Rendu à ce stade du travail, il est judicieux de se poser quelques questions ultimes. Notamment, quelle est la nouvelle configuration sociale au Cameroun en matière d’accès aux richesses ? Quelles dispositions le Cameroun peut pendre pour réguler ce secteur après l’ajustement ?
85 Ce sont des activités que le diplômé exerce lors de sa formation pour trouver des financements pour sa formation
86 Par une observation participante faite sur le campus universitaire de l’Université de Yaoundé I entre 2013 et 2017, il apparait que plus de la moitié des commerçants, des employés de secrétariat bureautique, des agents d’entretien des amphithéâtres est essentiellement estudiantine et n’a subi presque pas de formation formelle s’il y a une seule, elle sur le tas.
87 Fohapa, L’emploi et la…, p.226
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Questions Fréquemment Posées
Quel a été l’impact des programmes d’ajustement structurel sur l’éducation au Cameroun ?
L’ajustement structurel engendra un déséquilibre qualifié de crise de l’école, contribuant à la déstructuration de l’éducation et à la décadence de la société.
Comment les réformes éducatives ont-elles affecté la scolarisation au Cameroun ?
La déscolarisation devint une véritable tare dans la société camerounaise, avec un déficit d’inscription passant de 300 000 à 1 000 000 entre 1993 et 1995.
Quelles initiatives ont été prises pour soutenir l’éducation au Cameroun durant la période d’ajustement ?
Des initiatives telles que la création de l’Association des Parents d’Élève (APE) et d’un fonds de solidarité de l’Éducation ont été mises en place pour soutenir l’éducation de base.