Quel impact des ajustements structurels au Cameroun (1987-2017) ?

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🏫 UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ - CENTRE DE RECHERCHE ET FORMATION DOCTORALE EN SCIENCES HUMAINES, SOCIALES ET ÉDUCATIVES - DÉPARTEMENT D’HISTOIRE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Mars 2023
🎓 Auteur·trice·s
Abdougani YOUMENI
Abdougani YOUMENI

L’impact des ajustements structurels au Cameroun, entre 1987 et 2017, révèle des transformations sociales inattendues, affectant profondément l’emploi, la santé et l’éducation. Cette étude met en lumière des conséquences souvent méconnues, essentielles pour comprendre l’évolution de la société camerounaise.


LES MESURES NATIONALES DE RÉSOLUTION DE LA CRISE

Parlant de ces mesures, il s’agit donc de la patrimonialisation des avoirs de l’État94. À ce titre, le gouvernement du renouveau mit sur pied un plan anticrise basé sur la réduction du train de vie de l’État, la gestion du patrimoine national, des recettes de l’État, de la production nationale et de l’appareil administratif95. Encore appelé Plan de relance économique, il fut conçu pour une durée de quatre ans, allant de ce fait de 1986-1987 années du début de la crise jusqu’en 1990-1991. Ces mesures furent contenues dans la Déclaration de Stratégie de Relance Économique (DSRE) adoptée en 1988 par le gouvernement camerounais96, et étaient regroupées autour de la réglementation des finances publiques et l’administration du secteur public et parapublic.

La réglementation des finances publiques

Le premier volet sectoriel de la DSRE concernait principalement les finances publiques. L’État du Cameroun entendait mettre sur pied des stratégies et des mécanismes forts pour la maîtrise de ses dépenses, la rationalisation du choix de ses investissements publics, la restructuration de ses revenus et le règlement de ses arriérés intérieurs.

La gestion des dépenses et des revenus de l’État

Les premières mesures de résolution de la crise étaient déflationnistes et visaient la réduction du déficit des paiements. Il fallait diminuer les gaspillages. Cependant, Paul Biya pensait que « l’État doit cesser d’être une vache de lait »97. Pour ce faire, la loi des finances 1987-1988 considérée comme le champ d’expérimentation, prévoyait une réduction du montant budgétisé de 18,8 % soit 13 % pour le fonctionnement et 26,5 % pour l’investissement. Celle de 1988-1989, permit à son tour la réduction à 7,7 % des dépenses, soit 6,3 % pour le fonctionnement et 10 % pour l’investissement. Ce plan prévoyait alors que chaque ministère compétent devrait procéder à une révision de façon systématique de tous les textes réglementaires qui allouaient des privilèges aux personnels.

Il fallait donc réduire les dépenses de matériel, revoir l’utilisation du téléphone et du fonctionnement des caisses d’avance, la vente des véhicules administratifs, refondre la politique de gratuité de l’eau et de l’électricité, promouvoir une politique de limitation des locations administratives98. Le déficit fiscal du PIB fut ainsi ramené grâce aux efforts consentis du Gouvernement, à 4 % en 1988-1989 ; ce qui facilita sa croissance à 7,8 % en 1989-1990. Le Cameroun avait donc réussi à réduire le déficit de 508 milliards F CFA en 1986-1987 à 256 milliards F CFA en 1988-198999.

En plus de rationaliser ses dépenses, l’État du Cameroun pensait aussi au travers de ces premières mesures de résorption de la crise, l’accroissement de ses revenus. Ceci était possible par le biais d’une redynamisation de l’appareil fiscal et l’élargissement de « l’assiette de la base taxable ». Pour atteindre cet objectif, il fallait que l’État songe à la création des missions spéciales de recouvrement des recettes douanières, fiscales et des services ; au renforcement du contrôle des recettes budgétaires ; à l’augmentation de la taxe spéciale sur les produits pétroliers et la taxe sur les vins, les bières et les boissons hygiéniques ; à l’instauration d’un impôt foncier ; et le relèvement du droit d’enregistrement, du timbre ainsi que du minimum de perception de l’impôt sur les sociétés100.

Le management des arriérés intérieurs de l’État et des investissements publics

D’entrée de jeu, il faut faire un constat, le recouvrement des arriérés de l’État devait favoriser la relance du secteur privé. Le Cameroun connaissait à cet effet, une accumulation d’arriérés de 250 milliards F CFA en 1986-1987101. Pour mener à bien cet objectif, une commission ad hoc fut ainsi créée. Après évaluation, cette dernière présenta un échéancier précis et bien établi de recouvrement.

Ceci concernait principalement le recouvrement des créances inférieures à 100 millions F CFA à un taux de 100 % avant la date butoir du 31 décembre 1989 ; et le recouvrement de 15 % cash ceci en 14 semestrialités pour le reste, avec un an de différé et aux taux d’escompte ordinaires de la BEAC (Banque des États de l’Afrique Centrale)102.

Pour les arriérés commerciaux, il fallait donc un supplément de négociation avec les fournisseurs concernés. Pour les arriérés administratifs, un chronogramme a été établi, il s’agit du recouvrement en 3 ans des arriérés sur loyers, pour les rappels de salaires, pour la requête de rééchelonnement pour les dettes postales et hospitalières auprès du Gouvernement français ; la consolidation sur 10 ans pour les arriérés orchestrés par les organismes publics, les arriérés envers les entreprises publiques et parapubliques.

Pour ce qui est du management des investissements publics, le Cameroun opta pour la rationalisation des choix d’investissements. Le Gouvernement entendait par là la consolidation des programmes d’investissements publics financés sur fonds étrangers et ceux sur fonds nationaux. Pour ce faire, il fallait adopter et inscrire annuellement en annexe de la loi des finances, un programme quadriennal, cadré d’une méthode de diffusion par projet entre fonds national et fonds étranger.

Ce programme devait donc être révisé suivant le capital existant, l’exécution des projets lancés, la cohérence entre investissement et besoin, la priorité aux projets les plus rentables et le désengagement de l’État des activités pouvant être la charge du privé103. Le gouvernement camerounais tenta donc de réduire le déficit fiscal et externe dont il faisait face par le biais de la compression de la demande publique et la baisse de 60 % des investissements publics soit 695 milliards F CFA en 1986-1987 ; 283 milliards en 1987-1988104.

Au total, il fallait bien maîtriser les dépenses publiques, bien gérer les revenus et les arriérés de l’État et rationaliser les investissements. Cependant, la deuxième catégorie de ces mesures d’ajustement national concernait le secteur public et parapublic.

Le réaménagement de la fonction publique

Réformer la fonction publique signifiait mettre sur pied des mécanismes pouvant permettre aux pouvoirs publics d’avoir une parfaite maîtrise de son fonctionnariat. La correction des distorsions liées à ce secteur se voulait très importante, voire primordiale. L’État se devait d’avoir une bonne maîtrise de l’effectif total de ses fonctionnaires d’une part et accroitre l’efficacité de la fonction publique d’autre part.

La maitrise de l’effectif des fonctionnaires

Concernant la maîtrise de l’effectif des fonctionnaires, l’État mit sur pied une politique de recrutement dans les écoles de formation professionnelle et administrative, qui limitait l’accès à la fonction publique. Cette politique permit de mettre sur pied l’opération ANTILOPE (Application Nationale pour le Traitement Informatique et Logistique des Personnels de l’État) et devait être implémentée par l’élaboration d’un système de préretraite et du maintien de la stricte application des règles de mise à la retraite ; la consolidation des systèmes existants de contrôle des fichiers de la solde ; la réforme de la politique des avantages sociaux c’est-à-dire les allocations familiales, les indemnités de logement, les logements administratifs ; la révision de l’organisation des ministères à travers la mise en place des plans de réorganisation et d’effectifs permettant de clarifier leurs missions, de lever les oppositions, de définir leurs besoins, de détecter des personnels pléthoriques, d’adapter leurs budgets ; et une politique de réduction du personnel de l’État axée notamment sur les départs volontaires et un redéploiement dans le secteur privé105.

L’accroissement de l’efficacité de la fonction publique

Pour accroitre l’efficacité de la fonction publique, le gouvernement choisit de réviser le cadre juridique et réglementaire de la fonction publique c’est-à-dire statut général, statut particulier, pour ainsi définir une politique de la fonction publique. Cette dernière devait être focalisée sur la redynamisation des carrières et sur un accroissement de la motivation et de la responsabilisation des personnels de l’État.

Pour ce faire, il était question de : réaliser un inventaire des compétences nationales existantes par niveau ; élaborer une politique des rémunérations basée sur la révision des salaires, des rémunérations accessoires et des avantages en nature liés à l’évaluation des performances individuelles ; renforcer les relations institutionnelles dans la gestion du personnel entre les principaux ministères concernés c’est-à-dire fonction publique et finances ; et promouvoir une formation professionnelle continue et adaptée aux besoins de la fonction publique106.

En définitive, le Cameroun réussit à partir de 1960 à réaliser des prouesses remarquables dans plusieurs secteurs de la vie étatique. Ayant pensé et implémenté une politique hybride, épousant à la fois les idéaux du capitalisme et du socialisme, le Cameroun eut une économie diversifiée et en croissance continuelle surtout boostée avec la découverte de la manne pétrolière. Le secteur de l’agriculture et de l’exploitation minière se portaient bien, le tissu industriel était diversifié avec une pluralité d’entreprises publiques et parapubliques. Le social se comportait assez bien avec une croissance du PIB par tête. Cependant, la crise économique due à la combinaison des facteurs à la fois externes et internes vint basculer les tendances et plongea l’économie dans une certaine décadence.

La réponse du Cameroun face à elle fut très prompte. Les pouvoirs publics mirent de ce fait sur pied un ensemble de stratégies qui recouvraient presque tous les secteurs de la vie de l’État affectés par la crise. Une préoccupation majeure attire l’attention celle de savoir comment le Cameroun se retrouva finalement au FMI malgré les efforts consentis pour résorber la crise ?

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94 Pierre Janin, L’avenir des planteurs camerounais. Résister ou se soumettre au marché, Paris, Karthala, 1999, p.24.

95 Abena Etoundi, « La planification économique… », p. 440.

96 Touna Mama, L’économie camerounaise…, p.283.

97 Bonguino, « Production et commercialisation… », p.98.

98 Touna Mama, L’économie camerounaise…, p.284.

99 Herrera, « La nature de… », pp.49-50.

100 Touna Mama, L’économie camerounaise…, p.285.

101 Herrera, « La nature de… », p.50.

102 Touna Mama, L’économie camerounaise…, p.286.

103 Touna Mama, L’économie camerounaise…, p.285.

104 Herrera, « La nature de… », p.49.

105 Touna Mama, L’économie camerounaise…, pp.287-288.

106 Ibid., p.288.


Questions Fréquemment Posées

Quel était le but des mesures nationales de résolution de la crise au Cameroun?

Le but des mesures nationales de résolution de la crise au Cameroun était de réduire le train de vie de l’État, de gérer le patrimoine national, les recettes de l’État, la production nationale et l’appareil administratif.

Comment le Cameroun a-t-il réduit son déficit fiscal pendant les ajustements structurels?

Le Cameroun a réduit son déficit fiscal du PIB à 4 % en 1988-1989 grâce à des efforts de rationalisation des dépenses et à une augmentation des revenus de l’État.

Quelles stratégies ont été mises en place pour accroître les revenus de l’État camerounais?

Pour accroître les revenus de l’État camerounais, des stratégies telles que la création de missions spéciales de recouvrement, le renforcement du contrôle des recettes budgétaires et l’augmentation de certaines taxes ont été mises en place.

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