Quels résultats des ajustements structurels au Cameroun ?

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🏫 UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ - CENTRE DE RECHERCHE ET FORMATION DOCTORALE EN SCIENCES HUMAINES, SOCIALES ET ÉDUCATIVES - DÉPARTEMENT D’HISTOIRE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Mars 2023
🎓 Auteur·trice·s
Abdougani YOUMENI
Abdougani YOUMENI

L’impact des ajustements structurels au Cameroun entre 1987 et 2017 révèle des transformations sociales inattendues. Cette étude met en lumière les défis rencontrés par les Camerounais, notamment en matière d’emploi et de santé, redéfinissant ainsi notre compréhension des conséquences de ces politiques.


Le salarié camerounais en période d’ajustement structurel

Suite à l’ajustement, un environnement nouveau se créa autour du salarié camerounais qui ne perdit pas son emploi. Il connut alors le phénomène de baisse de salaire et fut contraint d’opter pour une reconversion à une nouvelle vie.

La réduction des indemnités et des salaires des agents publics

En application des nouvelles mesures dictées par les PAS, qui stipulaient la réduction des charges de l’État, d’autres mesures au-delà des licenciements furent prises, notamment la diminution des indemnités et la baisse des salaires.

Il faut dire que cette réduction de salaire fut considérée comme la meilleure option à contrario à la poursuite des opérations de licenciements. Paul Biya disait alors dans son discours à la jeunesse camerounaise le 10 février 1994 : « Au Cameroun, nous avons préféré, au prix de sévères réductions de salaire, préserver l’emploi de plusieurs millions de fonctionnaires (parmi lesquels beaucoup de jeunes) plutôt que de procéder à des licenciements15« . Pour y parvenir, l’État en janvier 1990 instaura la redevance audiovisuelle, avec un taux variant selon les salaires. Chaque salarié se voyait dès lors débité un montant sur son salaire mensuel pour l’audio-vision.

À partir de juillet 1991, il procéda à l’application d’une série de mesures notamment : la réduction de moitié des différents avantages indemnitaires16, le supplément familial y compris, la suppression de l’allocation de naissance, la non prise en compte des avancements dont la date est postérieure à janvier 1989 pour le personnel civil de l’État, la soumission des prises en charge des élèves sortant des écoles de formation au visa préalable du Directeur de la solde et régularisation sans paiement des rappels subséquents, et la

reprise en solde des agents publics suspendus par le passé, sans rappel et en fonction des crédits budgétaires disponibles. C’est ce qui permit d’avoir la révision des pourcentages de certains éléments de retenue sur salaire notamment la taxe proportionnelle qui passa de 2,64% à 5,28% du salaire de base et la retenue de pension qui passa de 6% à 10% du salaire de base pour les fonctionnaires et de 2,8% à 6% pour le personnel relevant du Code du travail17.

Le fonctionnaire camerounais dans cet

15 Clébert Agenor Njimeni Njiotang, « Le discours de Paul Biya à l’ère du multipartisme au Cameroun : Mises en scène argumentatives et relation au pouvoir », Thèse de Doctorat en Linguistique, Université de Bordeaux Montaigne, Volume 2, 2018, p.221.

16 À titre illustratif, la prime de technicité jadis payée à 10 000 FCFA, se paie à 5 000 FCFA.

17 MINFI, Guide pratique de traitement de la solde et des pensions dans l’administration publique camerounaise, Yaoundé, DDPP, 2020, pp.127-128.

environnement n’avait que son salaire mensuel pour s’occuper de lui-même et de sa famille. Il y eut aussi la révision de l’âge de départ à la retraite des personnels de l’État à partir du 1er juillet 1994. Ainsi, pour les agents de l’État de la 8ème à la 12ème catégorie l’âge passa de 60 ans à 55 ans et pour les agents de l’État de la 7ème catégorie en descendant de 55ans à 50ans18, soit une réduction globale de 5ans sur l’âge de la retraite des agents de l’État, toute catégorie confondue.

Dans le même ordre d’idée de la réduction des salaires, il se produit en février 1987 un arrêt de paiement de tous les avantages dus aux agents publics ainsi que les rappels subséquents. C’est cet arrêt de paiement qui conduisit au stockage en mémoire des rappels calculés et non payés de ces agents qui subissaient un traitement des éléments de leurs salaires au cas par cas, exemple des cas sociaux19.

Il était donc facile pour un fonctionnaire de travailler pendant des années avant de recevoir son rappel subséquent. C’est dans la continuité de ces méthodes, qu’il survint la réduction des salaires du personnel enregistré dans le fichier solde de l’État. Ainsi pour le seul compte de l’année 1993, l’État du Cameroun procéda à une double baisse de salaire20.

La première baisse eut lieu en janvier de cette année et était de l’ordre de – 8% à -20% proportionnellement au salaire du fonctionnaire. La deuxième de l’ordre de -40% à -60% fut plus sévère et intervint en décembre21. À titre d’exemple, un cadre supérieur de l’administration qui touchait un salaire mensuel de 400 000 francs CFA en décembre 1992 ne touchait plus que 150 000 francs CFA l’année qui suivait.

L’on note une perte nominale de l’ordre de 65 %22. Dans une telle situation, le salarié camerounais devait à tout prix changer ses habitudes de vie.

La reconversion à une nouvelle vie : « Vivre petit »

Suite à la diminution des salaires, à la baisse des recrutements dans la fonction publique, bref à la libéralisation de l’économie camerounaise, le citoyen camerounais, employé, ex- employé ou sans-emploi se trouve dans une situation assez précaire. Il fallait tout réduire pour s’en sortir. Qu’il s’agisse du budget de l’alimentation, du vestimentaire ou de la mobilité. En gros, il fallait « vivre petit ».

18 MINFI, Guide pratique de…, p.128.

19 Ibid., p.126.

20 Abdou Aziz Njoya, « Dynamiques de privatisation de l’espace public urbain à Yaoundé », mémoire de Master en Sociologie, Université de Yaoundé I, 2011, p.54.

21 Pierre Janin, L’avenir des planteurs camerounais. Résister ou se soumettre au marché, Paris, Karthala, 1999, p.40.

22 Roubaud, « Le « modèle » de…, p.69.

Le « vivre petit » est un concept emprunté de Xavier Durang23, qui désigne la condition de vie du citoyen camerounais, ex-employé des sociétés étatiques, qui devrait avec l’ajustement structurel, revoir ses habitudes de consommation à la baisse, mieux diminuer ses dépenses de telle sorte qu’elles soient proportionnelles à ses revenus qui ont été compressés, revus à la baisse.

Il faut donc dire qu’en plus de la double baisse des salaires de 1993, il y eut une inflation de 30% ce qui fit baisser le pouvoir d’achat des Camerounais24. Cette chute du pouvoir d’achat dépassa les 50 % en trois mois25. Il y eut donc une contraction du niveau de consommation des ménages.

De ce fait entre 1983 et 1993, une baisse de la consommation annuelle allant de 454 000 F CFA à 304 000 F CFA est enregistrée26. Cette situation est donc semblable à certaine « descente aux enfers », où le compressé est contraint d’assumer son nouveau statut économique et social, et chercher par la même occasion une voie de contournement pour éviter que le pire s’installe27.

Dès lors le malaise social est de plus en plus grandissant dans la mesure où « manger du riz » devient un luxe pour le Camerounais. Aussi, manger du poisson, de la viande de bœuf, du poulet ou toute autre viande ne relève que du luxe ou alors lors des grandes cérémonies telles que les mariages, les baptêmes et les jours de fête religieuse. Des propos recueillis auprès de Foundikou Mariatou en sont une illustration de cette situation. Elle rapporte que :

À partir des années 1993, la situation était devenue très complexe. Mon mari n’avait plus assez de revenus. Pour m’en sortir, je me suis lancée dans le commerce des arachides grillées. Mon fonds de commerce s’élevait à 1000 F CFA. Cette activité ne donnait pas toujours et ne me permettait pas de compléter les 1000 F CFA de ration journalière que j’avais. J’ai dû changer de commerce. Et quand je commençai la vente des beignets, ce fut un bon début pour me lancer plus tard dans le commerce du textile. À partir de là j’eus une situation pas très prospère, mais qui m’a permis de subvenir aux petits besoins de la famille et surtout de payer l’école de mes enfants28.

Ceci montre que l’ajustement n’a pas épargné la vie des Camerounais jusqu’au niveau des ménages. Les Camerounais fonctionnaires ont adopté pour la plupart un système d’endettement, au cours du mois ils prennent des produits chez un boutiquier et payent lorsque le salaire mensuel est récupéré. Le mal allant grandissant, les compressés dont la survie dépend de l’entraide, sont dans l’attente d’une concrétisation de la promesse d’un proche pour relancer une activité génératrice de revenus. Xavier Durang rapporte que : « d’une manière générale,

23 Durang, « Sortir du salariat… »

24 Janin, L’avenir des planteurs, p.40.

25 Roubaud, « Le « modèle » de…, p.69.

26 Jean-Joël Aerts et al., L’économie camerounaise. Un espoir évanoui, Paris, Karthala, 2000, p.118.

27 Durang, « Sortir du salariat… », p.132.

28 Foundikou Mariatou, 52ans, commerçante, Yaoundé le 20/04/2020.

l’aide reste importante pour l’ensemble des compressés puisque 47% déclarent en bénéficier, 36% en provenance de la famille et 11% des amis29« .

Au total, l’emploi et le salariat connurent lors de l’ajustement des effets pervers. L’on assista à des licenciements dans l’administration camerounaise et dans les entreprises publiques et parapubliques, à la baisse de salaire, donnant lieu à un malaise social où le pouvoir d’achat est revu à la baisse. Les effets des PAS sur l’emploi et le salariat ainsi présentés, qu’en-est-il du domaine de la mobilité ?


Questions Fréquemment Posées

Quels ont été les effets des ajustements structurels sur les salaires des fonctionnaires au Cameroun ?

La réduction des salaires fut considérée comme la meilleure option pour préserver l’emploi de plusieurs millions de fonctionnaires, entraînant une baisse des indemnités et des salaires.

Comment l’État camerounais a-t-il géré la réduction des charges durant les ajustements structurels ?

L’État a instauré des mesures telles que la diminution des indemnités, la baisse des salaires et l’arrêt de paiement de tous les avantages dus aux agents publics.

Quel a été l’impact des ajustements structurels sur l’âge de départ à la retraite des fonctionnaires au Cameroun ?

L’âge de départ à la retraite a été révisé, passant de 60 ans à 55 ans pour certaines catégories, et de 55 ans à 50 ans pour d’autres, soit une réduction globale de 5 ans.

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