L’impact des ajustements structurels au Cameroun entre 1987 et 2017 révèle des transformations sociales inattendues, affectant profondément l’emploi, la santé et l’éducation. Cette étude met en lumière les conséquences durables de ces politiques, essentielles pour comprendre les dynamiques sociétales actuelles.
Les déséquilibres sociaux
Concernant les déséquilibres sociaux engendrés par la crise, il faut observer que ces derniers sont intimement liés aux effets économiques. Ceci étant, la baisse considérable du PIB et la récession des investissements influencèrent fortement la consommation des ménages. Les perturbations macroéconomiques eurent une influence forte sur la consommation locale dans la mesure où, la baisse des investissements de l’État par exemple engendra une baisse de la production.
Cette baisse de la production conduisit une inflation des produits importés sur le marché et par conséquent le panier de la ménagère se retrouve en condition de déséquilibre dû à la baisse du pouvoir d’achat. La consommation des ménages baissa donc en volume de 7 % sous l’effet de la crise86.
Les besoins essentiels de la population depuis 1986-1987, ont entrainé une baisse considérable du taux de croissance économique et la régression des progrès déjà accomplis. On note donc une baisse en termes réels de 2,8 % en 1986-1987 et de 8,6 % en 1987-198887.
Le taux de salarisation a considérablement baissé. Étant nettement au-dessus des 65 % en 1983, baissa de 2 % en 1987 et atteignit les 63 %88. Dû à la réduction des salaires, les populations pour la majeure partie se détournèrent des principes fondamentaux de la morale citoyenne. Ce qui fait pensez que les populations se plongèrent dans un libertinage à outrance, poussant les uns et les autres à trouver des mécanismes de compensation des salaires réduits au travers des pots de vin, de la surfacturation et des livraisons fictives ; et aussi à esquiver toutes les opérations fiscales et le
85 Nyom, La crise économique…, pp.7-8.
86 Abdou Aziz Njoya, « Dynamiques de privatisation de l’espace public urbain à Yaoundé », Mémoire de Master en Sociologie, Université de Yaoundé I, 2011, p.42.
87 AMINEPAT, 4C1, Ajustement Structurel : Négociation 1988-1989, Déclaration de Stratégie de Développement et de Relance Économique, 14 mars 1989.
88 Abena Etoundi, « La planification économique… », p. 402.
paiement de certaines allocations publiques telles que l’eau, l’électricité, le téléphone. Cette situation entraina donc une difficulté d’accès aux richesses à tout le monde. Ainsi donnant lieu à une aggravation des inégalités sociales, dont le fossé s’affirma considérablement entre le niveau de vie des classes dirigeantes camerounaises et celui des masses. On note donc une forte explosion du chômage, avec une emphase sur celui d’insertion professionnelle de la couche la plus vulnérable, c’est-à-dire celle jeune. À partir 1987, l’on observe plus de 40 % du taux de chômage chez les jeunes de 20-24 ans89.
Le planteur camerounais se trouva aussi en position de faiblesse face à la crise. Elle entraina la baisse les prix des produits agricoles. Ainsi, le prix officiel de vente du café robusta par exemple passa de 440 F CFA d’avant la crise à 175 F CFA entre 1988 et 200090. Pendant cette période de crise, les prix des entrants agricoles augmentèrent aussi.
De ce fait, le sac d’engrais qui, dans les années 1970 coûtait 850 F CFA, coûtait 2750 F CFA en 1989-199091. On note aussi le vieillissement des exploitantes agricoles suite au phénomène d’exode rural et de l’accroissement rapide de la population urbaine92. Cette situation entraina donc la baisse des revenus du planteur camerounais et par ricochet la baisse de son pouvoir d’achat.
Tableau 5 : Les dépenses publiques du Cameroun de 1980 à 1991 (en pourcentage)
Santé et éducation | Affaires sociales et condition féminine | Défense et justice | Dépense totale | |
1980-1981 | 1,81 | 0,62 | 1,19 | 24,7 |
1981-1982 | 1,8 | 0,59 | 1,17 | 22,75 |
1982-1983 | 2,07 | 0,7 | 1,18 | 23,15 |
1983-1984 | 2,15 | 0,69 | 1,21 | 22,55 |
1984-1985 | 2,01 | 0,71 | 1,29 | 20,88 |
1985-1986 | 2,5 | 0,44 | 1,3 | 21,2 |
1986-1987 | 2,88 | 0,48 | 1,45 | 21,63 |
1987-1988 | 2,89 | 0,36 | 1,53 | 18,92 |
1988-1989 | 3,06 | 0,42 | 1,58 | 16,95 |
1989-1990 | 3,48 | 0,52 | 1,75 | 15,96 |
1990-1991 | 3,63 | 0,35 | 1,79 | 15,85 |
Source : PNUD, Rapport sur le développement humain au Cameroun, 1995. Abena Etoundi, « La planification économique au Cameroun », p. 490.
89 Abena Etoundi, « La planification économique… », p.400.
90 William Joël Dongmo, « La prolifération des petits métiers de rue dans les villes du Cameroun : Le cas de Dschang (1970-2010) », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2017, p.59.
91 Gladisse Tchouamoun Monthe, « Production et commercialisation du café dans le département des hauts-plateaux de l’ouest Cameroun (1960-2000) : Étude historique », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2014, p.99.
92 Médard Tsala Buni, « L’aide internationale au développement du secteur agricole au Cameroun de 1978 à 2013 : Le cas du FIDA et de la FAO », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2015, p.50.
Graphique 5: Dépenses publiques du Cameroun entre 1980 et 1991
[10_impact-des-ajustements-structurels-au-cameroun_2][10_impact-des-ajustements-structurels-au-cameroun_3]
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5
0
Source : Réalisation à partir des données du Tableau 5
La crise économique entraina une réduction des dépenses publiques concernant le social. Il apparait à partir du Tableau 5 et du Graphique 5 que les dépenses totales concernant le social diminuèrent petit à petit chaque année depuis 1980. Ceci étant, l’avènement de la crise réduisit le taux de dépenses publiques. Il fallut une tentative de résolution de cette crise pour voir augmenter avec beaucoup de légèreté le taux de dépenses publiques ; qui connut une fois de plus une récession à partir de 1987-1988 et
s’accéléra avec la mise sur pied des politiques d’austérité du « Consensus de Washington ». Cette situation vint décimer le social camerounais. Les citoyens s’appauvrirent donc à un rythme régulier. La déclaration du Gouvernement dont relève Abena Etoundi, démontre cela :
La situation sociale s’est fortement dégradée au cours des dix années de crise économique qu’a connue le Cameroun. L’offre publique des services sociaux de base a été particulièrement affectée par des difficultés financières auxquelles l’État a dû faire face. L’infrastructure routière s’est dégradée également, faute d’entretien. Les constructions des routes nouvelles sont arrêtées. Les programmes d’hydraulique et d’électrification, notamment en milieu rural ont connu un net ralentissement93.
Le Cameroun, ainsi plongé dans la crise économique chercha des mécanismes et des stratégies pouvant lui permettre de résorber cette dernière. Le Cameroun adopta pour un début, un
93 Abena Etoundi, « La planification économique… », p. 405.
ensemble de mesures internes, nationales, dit ajustement structurel national ; qu’en est-il de ce programme ?
Questions Fréquemment Posées
Quel a été l’impact des ajustements structurels sur la consommation au Cameroun ?
La consommation des ménages baissa donc en volume de 7 % sous l’effet de la crise, influencée par la baisse du PIB et la récession des investissements.
Comment les ajustements structurels ont-ils affecté le taux de chômage au Cameroun ?
On note donc une forte explosion du chômage, avec une emphase sur celui d’insertion professionnelle de la couche la plus vulnérable, c’est-à-dire celle jeune, atteignant plus de 40 % du taux de chômage chez les jeunes de 20-24 ans.
Quelles ont été les conséquences des ajustements structurels sur les agriculteurs camerounais ?
Le planteur camerounais se trouva en position de faiblesse face à la crise, entraînant une baisse des prix des produits agricoles et une augmentation des coûts des entrants agricoles.