L’exploitation minière au Nord-Kivu révèle des enjeux cruciaux pour les droits des communautés locales. Comment les activités extractives, souvent perçues comme bénéfiques, menacent-elles réellement ces droits fondamentaux ? Cette analyse met en lumière des mécanismes de protection indispensables pour garantir leur sauvegarde.
L’organisation internationale Global Witness
Global Witness est une ONG internationale fondée en 1993 et spécialisée dans la lutte contre le pillage de ressources naturelles des pays en développement et la corruption qui l’accompagne. Cette ONG effectue des travaux qui sont susceptibles de valoriser les droits des communautés locales.
Dans un récent rapport intitulé « la laverie ITSCI :Enquête sur un programme de diligence raisonnable apparemment impliqué dans le blanchiment de minerais de conflit », l’ONG démontre comment l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI) qui, en principe a pour objectif de fournir une chaîne de traçabilité fiable des minerais, garantissant que leur extraction ne contribue pas au travail des enfants ou à l’influence de groupes armés et de l’armée, pourrait en fait faciliter le blanchiment de minerais en provenance de mines contrôlées par des milices, ou produits grâce au travail d’enfants.
Ce mécanisme, auquel de nombreuses sociétés internationales font confiance pour s’approvisionner de façon responsable, serait également utilisé pour blanchir des minerais de contrebande ou faisant l’objet de trafics.481Cet état des choses ne fait qu’aggraver la situation de communautés locales dans la mesure où les minerais ainsi blanchis facilitent le financement de la guerre et la prolifération des groupes armés qui occasionnent les violations des droits de communautés locales.
Ce rapport démontre en outre comment les ressources minières de la RDC sont pillés et blanchis systématiquement par le Rwanda qui introduit ces minerais issu des conflits dans le circuit internationale de minerais surtout le 3T.
Un acteur clé du lancement du programme ITSCI au Rwanda estime que pendant des années, seuls 10 % des minerais exportés par le pays avaient réellement été extraits sur son territoire, les 90 % restants ayant été introduit illégalement à partir de la RDC.482 Ainsi les minerais qui devrait contribuer à la croissance économique au sein de communautés locales sont exploités et exportés illégalement vers les Rwanda.
Un autre rapport de Global Witness intitulé « l’heure de creuser plus profondément : Les firmes qui exportent et commercialisent des minerais provenant de la région des Grands Lacs africains ont opéré quelques progrès en matière d’approvisionnement responsable mais elles doivent aller plus loin », démontre comment « plus de la moitié des entreprises analysées (36 sur 65) n’ont pas publié de rapport sur leur devoir de diligence en 2015.
Sur les 29 firmes qui ont publié un rapport, 28 opèrent dans les secteurs de l’étain, du tantale ou du tungstène (« 3T »). Seule une des 18 firmes opérant officiellement dans le secteur aurifère a publié un rapport. La qualité des rapports varie considérablement. (…) l’ONG relevé que seules sept des
29 firmes ayant publié un rapport ont décrit un risque spécifique rencontré au cours de la période concernée par le rapport. Seules deux compagnies ont décrit en détail plus de deux risques rencontrés et les mesures prises pour y remédier. En général, la plupart des entreprises ont exposé ce qu’elles promettent de faire à l’avenir, mais ont donné peu d’informations sur ce qu’elles ont réellement fait. »483
Par exercice du « devoir de diligence appliqué à la chaîne d’approvisionnement » il faut entendre le « processus continu par lequel les entreprises peuvent identifier s’il existe un risque que les minerais qu’elles achètent ou traitent soient liés à des violations des droits de l’homme, à un conflit ou à la corruption, et par lequel elles mettent en œuvre des stratégies d’atténuation des risques là où ils ont été identifiés.
Ce concept repose sur le principe selon lequel les entreprises ont la responsabilité de veiller à ce qu’elles ne réalisent pas de profits susceptibles d’être liés à de graves préjudices à des individus, des sociétés ou l’environnement. Concrètement, il s’agit des mesures que les entreprises doivent prendre pour identifier et gérer les risques afférents, et inévitables, à leur chaîne d’approvisionnement.
»484
Il ressort de ce qui précède que le secteur minier bien qu’il connaît déjà certaines avancées en matière de traçabilité, connais encore une certaine opacité. Les violations des droits de communautés locales par les firmes minières est une réalité incontestable en RDC plus particulièrement au Nord-Kivu une région qui a été longuement meurtri.
Toujours selon cette ONG, « Depuis près de quinze ans, des groupes armés et des membres de l’armée nationale congolaise utilisent les profits générés par le contrôle du commerce de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) pour se financer et financer leurs opérations. »485
Enfin, Dans le souci de réagir contre les atteintes plus ou moins graves portées contre les droits de communautés locales du Nord-Kivu, les organisations de la société civile se sont mobilisées pour apporter leurs contributions à la résolution de ces problèmes.
Dans le nouveau paradigme du développement, la bonne gouvernance occupe une place privilégiée et fait partie des nouvelles conditionnalités de l’aide au développement.486 En réalité, « la bonne gouvernance apparaît comme une opérationnalisation des théories néo institutionnelles dans le champ du développement. (…)Les aspects opérationnels de ce nouveau concept intègrent plusieurs éléments dont l’implication de la société civile à toutes les étapes du processus de développement».487
En ce sens, les Organisations de la Société civile joue un rôle capital dans la gestion des ressources naturelles du Nord-Kivu. Cependant, leurs actions restent encore mitigées d’ autant plus que nous n’en vivons pas les réalités au Nord-Kivu. En dépit des multiples interventions de la société civile dans les problèmes qui gangrènent les communautés locales du Nord-Kivu les conditions de ces dernières ne changent pas, par contre elles se détériorent.
Ainsi, les actions des organisations de la société civile, surtout celles locales, connaissent deux types d’entrave : celles interne et celles externes. Les entraves interne qui frappent les OSC locale sont généralement liées aux moyens d’action qui revêt l’insuffisance des mains d’ouvres expérimentés, la difficulté d’accès aux ressources financières et les difficultés relatives aux actions des Organisations de la société civile causées notamment par une coopération insuffisante entre elle et du fait d’une mauvaise définition de leurs objectifs.
Ce qui nécessite la réunification de leurs moyens bien qu’ils soient encore insuffisants, enfin de donner de l’impact à leurs actions.
En outre, les actions des OSC sont entravées par des causes liées au contexte socioéconomique et politique hostile dans lequel elles évoluent. Ces entraves extrinsèques sont des facteurs externes aux OSC, qui les empêchent d’agir et /ou limitent la portée de leurs actions. Le potentiel des OSC n’est pas toujours suffisamment exploité, dans la mesure où elles sont traitées de façon inégalitaire, mais aussi le contexte socio-politique et économique ne prête pas à une bonne réceptivité de leur entreprise.488
Face à ces défis auxquels font face les OSC locale les ONG internationale comme Global Witness ne devraient pas chaque fois se limiter à publier des rapports ou elles ne font que dénoncée. Elles doivent désormais commencer à agir notamment en exigeant des sanctions à l’égard des entreprises minières irrespectueuses de droits de communautés locales comme cela a été le cas avec la société SOCO qui voulait exploiter du pétrole dans le parc national de Virunga.
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481 Global Witness, supra note 126, pp.1-9. ↑
483 Global Witness, supra note 126, p.3. ↑
485 Global Witness, La lumière au bout du tunnel : un approvisionnement responsable en minerais provenant de la RDC, rapport, Londres, avril 2014, p.1. ↑
486 Eléazar Michel Nkoué, « L’action des Organisations de la société civile dans la protection de l’environnement en Afrique central », Revue africaine de droit public, vol.ix, n°19, juillet-décembre 2020, p3. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment l’exploitation minière au Nord-Kivu affecte-t-elle les droits des communautés locales ?
L’exploitation minière au Nord-Kivu aggrave la situation des communautés locales, car les minerais blanchis facilitent le financement de la guerre et la prolifération des groupes armés, entraînant des violations des droits de ces populations.
Quel est le rôle de l’ONG Global Witness dans la protection des droits des communautés locales au Nord-Kivu ?
Global Witness est une ONG internationale qui lutte contre le pillage des ressources naturelles et la corruption, et qui valorise les droits des communautés locales à travers ses rapports et enquêtes.
Qu’est-ce que le devoir de diligence appliqué à la chaîne d’approvisionnement dans le secteur minier ?
Le devoir de diligence appliqué à la chaîne d’approvisionnement est un processus continu par lequel les entreprises identifient les risques que les minerais qu’elles achètent soient liés à des violations des droits de l’homme, à un conflit ou à la corruption, et mettent en œuvre des stratégies d’atténuation des risques.