L’écologie sacrée et théologie révèle une approche novatrice face à la crise environnementale actuelle. En s’inspirant de la vision de Saint François d’Assise, cette recherche propose une transformation théologique essentielle pour rétablir l’harmonie entre l’homme, la nature et le Créateur.
La théologie de la terre comme mère chez Evariste Kabemba Nzengu
Dans sa thèse défendue dans cette école théologique, l’auteur soutient que la voie de sortie de la crise environnementale actuelle serait le recours judicieux à la conception religieuse du monde ; la sacralité holistique et la bendeité438. Précisément, cela veut dire
« la reconnaissance à chaque être de la création sa valeur intrinsèque son artérite comme d’autrui de Dieu »439. A travers le concept de terre mère articulant la théologie de la création et l’écologie l’auteur jette le pont entre ces deux savoirs.
Les expériences essentielles de la spiritualité négro-africaine
L’auteur indique quelques expériences essentielles et fondamentales caractérisant la relation de l’homme avec Dieu en symbiose avec la nature. Pour lui, ce sont ces expériences existentielles fondamentales qui ouvre à la compréhension cosmo-théandrique des africain. Il s’agit des expériences ci-après :
La brièveté et la précarité de la vie.
L’expérience de la brièveté et précarité de vie « constituent l’épreuve existentielle de la fugacité où le muntu fait l’expérience de la fragilité de son existence ». La brièveté et la précarité de l’existence de l’homme le poussent à désirer une existence authentique auprès de Dieu pilier de l’univers. Bimwenyi Kweshi prolonge la pensée d’une manière poétique ; « tard-venu sur le soleil, il ne peut […] prolonger ici-bas son séjour au-delà
436 E. MVENG, op.cit. p.11.
437 Cf. Ibidem, Voir également, A. NGINDU Mushete, Les thèmes majeurs de la théologie africaine, Paris Harmatan, 1989, L. SANTEDI Kinkupu, Mondialisation, marginalisation et défis multiples en Afrique. Quel Avenir pour le discours théologique africain ? dans Religions africaines et mondialisation : Enjeux identitaires et transculturalité. Actes du VIIème Colloque international du CERA, Kinshasa, FCK 2004, p. 87-109 ; J. MBITI, Religions et Philosophies africaines, Yaoundé, Clé, 1972, p. 102.
438 Cf. E. KABEMBA NZENGU, Création et écologie : Pour une théologie de la terre comme mère, Mauritius, Presses Académiques Francophones, 2017, p. 255. Bendeité veut dire la reconnaissance à chaque être de son altérité comme chose d’autrui de Dieu. C’est l’idée fondamentale selon laquelle toute la création appartient à Dieu comme l’unique propriétaire.
439 Ibidem, p.14.
d’une certain limite qu’il n’a point tracée, dont il ignore non seulement de quel côté elle passe, mais encore qui la franchira le premier […] ».440 Les Religions traditionnelles africaines trouvent donc leur sommet en Dieu qui est source de vie et créateur de tout ce qui existe.
L’expérience inassouvie de vie
Pèlerin sur terre, le muntu désire une autre vie : la vie auprès de Dieu. Un proverbe luba en atteste cette pertinence, « Tudi mitu midingisha, kua Maweja ki ku nzubu » qui veut dire ; « Nous sommes ici-bas, des têtes de masque : C’est auprès de Dieu qu’est la maison ».441 Cette expérience d’une quête d’une vie inassouvie dans la maison de Dieu marque l’achèvement ontologique et axiologique de l’humain.
Dévoré par la morsure de la fragilité, le mortel s’éprouve « comme un grain en train de devenir baobab, comme un grain de l’univers, puissance de vie et promesse d’avenir ».442 Dans ce perpétuel combat, le désir du mortel de vivre est vitalisé par un dynamisme de s’assurer un destin de vie pleine dans la « cour balayée de l’Eternel ‘kaala kakombe ka maweja’ »443 Pour y avoir part, le mortel doit avoir un cœur droit.
Ainsi pour le juste, la vie sur la terre devient un pèlerinage vers la plénitude de vie auprès de Dieu.
Pour tout dire, ces expériences existentielles fondamentales en dépit de la solitude qu’elles peuvent provoquer chez le muntu, aiguisent le devoir de transmettre aux futures générations une vie éthique exemplaire dans la gestion de la nature.
La « Bèndéité » ou exclusive appartenance de toutes choses à Dieu.
Le concept opératoire de cette interaction éco-anthropo-théocentrique mis en relief par Evariste Kabemba est celui de la « Bendéité ». Le professeur Tshiamalenga affirme que le muntu ne s’appartient pas, il ne relève pas de soi-même. Il appartient immédiatement à Bende (Autrui) tout comme ce Bende appartient à Dieu. « Le muntu professe donc une anthropologie altruiste et théocentrique ».444 Adoptant le concept de Bendéité, c’est toute une éthique altruiste qui se dessine. Celle-ci se veut respectueuse de l’autre (animal,
440 O. BIMWENYI KWESHI, Discours théologique négro-africain. Problème de fondement, Paris, Présence Africaine, 1981, p. 587.
441 TSHIAMALENGA NTUMBA, La vision Ntu de l’homme. Essai de Philosophie linguistique et anthropologique dans Cahier des Recherches Africaines, n° 7/14, (1973), p.186.
442 O. BIMWENYI KWESHI, op.cit. p. 276.
443 E. KABEMBA NZENGU, op.cit., p.251.
444 TSHIAMALENGA NTUMBA, art.cit., p. 187 -188.
homme, monde) qui se met en place. « Il y a là une anthropologie utile à une théologie de la création où cosmo-théandricité prend l’importance, car il n’existe rien qui ne soit chose – d’autrui-de-Dieu ».445 Toute chose d’autrui est à prendre avec crainte et avec soin.
L’auteur découvre dans sa démarche que la cosmologie et l’anthropologie bantu restent centrées sur Dieu. L’homme et les autres êtres cosmiques appartiennent à Dieu et il existe une interaction continue entre Dieu, l’homme et le monde, restant sauve la transcendance du Créateur de toutes choses. « Il s’agit d’une anthropologie à la fois théocentrique et « allocentrique »446 où chaque partenaire sort de lui-même pour entre dans le jeu de l’autre ».447
Quelques enjeux théologiques et écologiques
L’apport capital de l’auteur est l’affirmation du « bendeisme ». L’auteur veut aussi écarter tout acosmisme qui semble domine certaine théologie. Comme alternative il faudra mettre en exergue l’idée de la sacramentalité de la nature. Il affirme ainsi :
« de la même manière qu’on parle du sacrement du frère, on peut légitiment parler de sacrement du monde comme signe qui nous ouvre à l’altérité, qui nous embrasse dans son extériorité, signe qui nous indique la trace de la beauté, qui donne le premier rythme sous les pas chancelants d’un enfant, qui nous fait pousser le premier cri, et plus tard, dans l’expiration d’un vieillard, dévoile un ailleurs par- delà le monde : la trace divine … ».448
L’auteur affirme que le bendesime et la sacramentalité de la terre recherchent la cohérence avec « une vision globale du réel et fournissent, par conséquent, des repères valables à une théologie de la terre comme mère ».449 Il invite à valorisation des civilisations anciennes qui ont exprimé la relation de dépendance de l’humanité à l’endroit
445 E. KABEMBA NZENGU, op.cit., p.255.
446 L’allocentrisme est un comportement ou une forme de pensée – attitude – tendant à privilégier autrui dans ses actions. Ce mot est formé à partir de deux termes grec et latin, à savoir ; allos : autre, dissemblable, et centrum : relatif au centre. L’allocentrisme est donc le contraire de l’égocentrisme qui tend à concentrer sur soi ses propres pensées et activités. Le sujet allocentrique s’intéresse davantage aux autres qu’à lui-même. Une personne allocentriste (ou allocentrique) pense et agit en privilégiant les intérêts d’un groupe par rapport à ses propres objectifs. Ainsi, la civilisation et la culture chinoises seraient plus allocentristes que la civilisation et la culture occidentales. Consulté sur https://fr.wikipedia.org/wiki le 28 avril 2019.
447 E. KABEMBA NZENGU, op.cit., p. 252.
448 Ibidem, p. 255.
449 Ibidem, p. 256.
de la terre en termes de terre-mère. Ainsi, il prône l’émergence de l’homo ecologicus450 imprégné du sens religieux de l’homo bendeus451. Cela constituera l’avènement de l’homme nouveau à inventer pour une société fraternitaire. C’est alors que « des attitudes de précaution, de justice, de sauvegarde préservatrice, de respect de compassion, d’amour maternel envers la nature environnante s’imprimeront comme ethos, mode de vie, comme seconde nature »452.
Pour lui le nœud de la crise actuelle se trouve dans la « démesure de l’homme qui a conduit à la dénaturation de l’homme et à la déshumanisation de la nature »453. Or, la nature n’est pas seulement quantité à exploiter mais aussi culture à respecter ; elle n’est pas un agrégat condamné à être découpé et analysé mais un tout à comprendre dans son unité.
« Tant qu’elle n’est pas prise comme une culture et comme une vie, la nature se révolte, fait grève et résiste à la tyrannie de l’homme »454.
On le voit, la conscience écologiste est bien présente dans la Religion traditionnelle de bantu et elle y tient à des raisons profondes. En effet tout individu se trouve marqué par la relation entretenue avec la nature ; soit à travers une initiation, un interdit, un totem et tous autres éléments mettant en valeur le caractère vital du milieu qui l’entoure. La population rurale est particulièrement marquée de ce rapport étroit avec la nature et ses ressources ; notamment, la chasse, l’agriculture, la pêche, la cueillette, le ramassage etc. Ces éléments peuvent favoriser une approche religieuse et spirituelle de la crise écologique qui peut s’ouvrir sur une vision globale des problèmes du monde contemporain.
Lecture chrétienne de la théologie écologique africaine.
Il s’agit ici de faire appel aux sources des traditions religieuses chrétiennes qui offrent le fondement à l’élaboration de la théologie africaine de la création. Cette inspiration de la tradition chrétienne se trouve surtout dans les Ecritures saintes et dans les réflexions patristiques. Nous présentons ici la réflexion des théologiens africaines qui s’inspirer de sources chrétienne dans l’élaboration de théologie de la création.
450 Homo ecologicus veut dire l’homme écologique, l’homme qui s’intéresse à la survie et la protection de la nature dans sa globalité.
451Homo bendeus est un homme qui considère toute chose comme chose d’autrui de Dieu.
452 E. KABEMBA NZENGU, op.cit. p.10.
453 Ibidem, p. 7.
454 Cf. G. SIEGWALT, Dogmatique pour la catholicité évangélique, système mystagogique de la foi chrétienne III. L’affirmation de la foi I. Cosmologie théologique : Science et philosophie de la nature, Genève – Paris, Labor et Fides – Cerf, 1996, p. 59-61.
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437 Cf. Ibidem, Voir également, A. NGINDU Mushete, Les thèmes majeurs de la théologie africaine, Paris Harmatan, 1989, L. SANTEDI Kinkupu, Mondialisation, marginalisation et défis multiples en Afrique. Quel Avenir pour le discours théologique africain ? dans Religions africaines et mondialisation : Enjeux identitaires et transculturalité. Actes du VIIème Colloque international du CERA, Kinshasa, FCK 2004, p. 87-109 ; J. MBITI, Religions et Philosophies africaines, Yaoundé, Clé, 1972, p. 102. ↑
438 Cf. E. KABEMBA NZENGU, Création et écologie : Pour une théologie de la terre comme mère, Mauritius, Presses Académiques Francophones, 2017, p. 255. Bendeité veut dire la reconnaissance à chaque être de son altérité comme chose d’autrui de Dieu. C’est l’idée fondamentale selon laquelle toute la création appartient à Dieu comme l’unique propriétaire. ↑
440 O. BIMWENYI KWESHI, Discours théologique négro-africain. Problème de fondement, Paris, Présence Africaine, 1981, p. 587. ↑
441 TSHIAMALENGA NTUMBA, La vision Ntu de l’homme. Essai de Philosophie linguistique et anthropologique dans Cahier des Recherches Africaines, n° 7/14, (1973), p.186. ↑
442 O. BIMWENYI KWESHI, op.cit. p. 276. ↑
443 E. KABEMBA NZENGU, op.cit., p.251. ↑
444 TSHIAMALENGA NTUMBA, art.cit., p. 187 -188. ↑
445 E. KABEMBA NZENGU, op.cit., p.255. ↑
446 L’allocentrisme est un comportement ou une forme de pensée – attitude – tendant à privilégier autrui dans ses actions. Ce mot est formé à partir de deux termes grec et latin, à savoir ; allos : autre, dissemblable, et centrum : relatif au centre. L’allocentrisme est donc le contraire de l’égocentrisme qui tend à concentrer sur soi ses propres pensées et activités. Le sujet allocentrique s’intéresse davantage aux autres qu’à lui-même. Une personne allocentriste (ou allocentrique) pense et agit en privilégiant les intérêts d’un groupe par rapport à ses propres objectifs. Ainsi, la civilisation et la culture chinoises seraient plus allocentristes que la civilisation et la culture occidentales. Consulté sur https://fr.wikipedia.org/wiki le 28 avril 2019. ↑
447 E. KABEMBA NZENGU, op.cit., p. 252. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que la théologie de la terre comme mère selon Evariste Kabemba Nzengu?
Evariste Kabemba Nzengu soutient que la voie de sortie de la crise environnementale actuelle serait le recours judicieux à la conception religieuse du monde, en reconnaissant à chaque être de la création sa valeur intrinsèque.
Comment les expériences de la spiritualité négro-africaine influencent-elles la relation entre l’homme et la nature?
Les expériences essentielles de la spiritualité négro-africaine, comme la brièveté et la précarité de la vie, ouvrent à une compréhension cosmo-théandrique qui renforce la symbiose entre l’homme et la nature.
Quelle est la signification de la ‘Bèndéité’ dans le contexte de la théologie de la création?
La ‘Bèndéité’ désigne l’exclusive appartenance de toutes choses à Dieu, soulignant que toute la création appartient à Dieu comme l’unique propriétaire.