Comment les droits des victimes transforment le procès pénal ?

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🏫 Université Catholique d'Afrique Centrale - Faculté de sciences sociales et de gestion - Académie de la Paix et des droits de l'homme en Afrique centrale
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2020-2021
🎓 Auteur·trice·s
OUMBA BAZOLA Seth Jireh
OUMBA BAZOLA Seth Jireh

Les droits des victimes en procès pénal sont souvent négligés, mais une récente étude révèle une transformation législative majeure. Cette recherche met en lumière l’importance croissante de la victime, redéfinissant ainsi son rôle crucial dans le système judiciaire moderne.


B- Le contentieux devant le juge pénal

En parlant du contentieux devant le juge pénal, nous parlerons exclusivement de la place de la victime dans le procès pénal. En effet, La victime a été durant de longues décennies la grande absente du procès pénal, au profit d’un duel « Parquet-délinquant » et ce depuis que l’Etat s’est arrogé le monopole de la poursuite publique, aux alentours du XIVe siècle107.

Toutefois, depuis une vingtaine d’années, on assiste à une véritable révolution législative pour reconnaitre effectivement les droits des victimes dans le procès pénal. Aujourd’hui la victime intervient dans le procès pénal comme une troisième partie, aux côtés du ministère public et de la partie défenderesse. Elle peut ainsi par exemple faire des demandes d’actes au stade de l’instruction et même avant cela dispose de la faculté de mettre en mouvement l’action publique.

En conséquence, elle exerce un véritable poids face au Ministère Public, puisqu’elle peut aller à l’encontre de la volonté de ce dernier. On peut s’interroger ainsi sur la vraie place qu’occupe la victime dans le procès pénal. De cette interrogation, deux courants s’opposent. En effet, une partie de la doctrine et des praticiens est favorable à une place restreinte de la victime dans le procès, alors qu’à l’inverse une autre partie dénonce des avancées jugées « timides » ou encore « insuffisantes » en la matière.

« Parmi, les « opposants » à un rôle actif de la victime dans le procès pénal, certains auteurs vont jusqu’à affirmer que la victime ne doit pas intervenir du tout dans ce procès, et qu’elle doit en être purement et simplement exclue. Selon eux, une immixtion de la victime dans la sphère pénale correspond ni plus ni moins à un retour à la vengeance privée, à « un archaïsme néfaste » pour notre système judiciaire, la victime s’apparentant alors à « un acteur sauvage » »selon les termes de Daniel Soulez-Larivière.

Pour Jean Granier dénonçais la montée de la présence de la victime depuis 1958 lorsqu’il affirmait « la constitution de partie civile [déshumaniserait] la victime pour en faire un animal juridique »108. De façon un peu plus nuancée, Xavier PIN estime que cette privatisation du procès pénal conduit à un « brouillage des [ses] finalités du procès pénal et au recul du caractère impératif de ses règles »109. Toujours dans le même sens, si le préjudice subi par la victime n’est évidemment pas remis en cause, on estime que ce dernier peut être et même doit être réparé par le biais d’une action en réparation engagée devant les tribunaux civils.

A cet égard, Marie-Laure RASSAT, dans un Rapport relatif à la présomption d’innocence remis au Garde des Sceaux en 1996, justifiait cette exclusion par le manque d’objectivité de la victime. Selon elle, l’indemnisation allouée à cette dernière dépendant de la culpabilité de l’auteur présumé, elle a nécessairement « intérêt à charger, en mentant au besoin, la personne poursuivie ».

Cependant, d’autres auteurs pensent le contraire, c’est le cas de Robert Cario qui soutient au contraire que la place conférée aujourd’hui à la victime reste encore insuffisante, alors que l’Etat paraît dépassé par la quantité de procédures engagées110. En outre, selon lui, « les victimes ne recherchent pas seulement, dans l’œuvre de justice, la sanction de l’infracteur, ni l’indemnisation pécuniaire du préjudice subi. Elles réclament surtout que la vérité soit affirmée dans sa complexité et, davantage encore, que leurs droits à la reconnaissance, à l’accompagnement et à la réparation globale des traumatismes subis soient effectivement garantis »111.

Et il apparaît en effet a priori en tous cas, difficile d’exclure totalement la victime du procès pénal. S’il appartient effectivement aux représentants de l’Etat, à savoir le Ministère Public de poursuivre le trouble causé par l’infraction, la victime n’a-t-elle pas une légitimité à intervenir dans ce procès alors qu’elle a, elle aussi, subi le trouble causé, et ce autrement que par le seul biais d’une indemnisation purement financière ?

Les professionnels de l’aide aux victimes expliquent à cet égard l’importance du procès pénal pour la victime, dans son processus de reconstruction et de « réinsertion » dans la société, suite au traumatisme subi par l’infraction. Dans le même sens, le procès est jugé nécessaire dans la mesure où il va permettre de trouver sa place transitoire de victime.

En effet, il rétablit les individus comme sujet de la loi, alors que l’infraction avait placé l’agresseur et l’agressé hors la loi.112

Ces mêmes professionnels vont encore plus loin, puisqu’ils insistent en outre sur la nécessité d’un procès où la victime serait bien traitée, afin d’éviter ce qu’ils appellent une « sur victimisation » ou une « victimisation secondaire »113. Ainsi, comme le souligne Liliane DALIGAND dans son Rapport sur la bientraitance des victimes, « la reconnaissance de leur statut au cours des procédures, en particulier pénales, (…) concourt à leur apaisement et à leur reconstruction psychique par la réparation symbolique ».

Enfin, d’autres auteurs (Robert CARIO, Denis SALAS…) mettent aussi en lumière les avantages de ce qu’ils appellent la justice restauratrice.

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107 Jean Pierre ALLINNE, les victimes des oubliées de l’Histoire du Droit ? In Œuvre de justice et Victimes (volume 1), extrait des sessions de formation du site de l’ENM.

108 J GRANIER, la partie civile au procès pénal, in RSC 1958, p. 11.

109 Xavier PIN, la privatisation du procès pénal, in RSC et de droit pénal comparé 2002, n°2, p. 245-261.

110 Robert CARIO, « victimes d’infractions », article précité »

111 Robert CARIO, in Œuvre de justice et Victimes (volume 1), introduction, extrait des sessions de formation du site de l’ENM.

112 Liliane DALIGAND, extrait de la deuxième concertation interrégionale menée par le Secrétariat d’Etat aux droits des victimes, CA Versailles, 4 avril 2005, la victime et le procès pénal ; JAC n°54.

113 La bientraitance des victimes, Liliane DALIGAND, Rapport remis au Garde des Sceaux en mars 2002, p.6


Questions Fréquemment Posées

Quel est le rôle de la victime dans le procès pénal aujourd’hui?

Aujourd’hui, la victime intervient dans le procès pénal comme une troisième partie, aux côtés du ministère public et de la partie défenderesse.

Pourquoi certains auteurs s’opposent-ils à un rôle actif de la victime dans le procès pénal?

Certains auteurs affirment que la victime ne doit pas intervenir dans le procès pénal, considérant que son immixtion correspond à un retour à la vengeance privée et à un archaïsme néfaste pour le système judiciaire.

Quels sont les arguments en faveur d’une plus grande reconnaissance des droits des victimes?

Des auteurs comme Robert Cario soutiennent que la place conférée aujourd’hui à la victime reste insuffisante, car elles recherchent non seulement la sanction de l’infracteur, mais aussi la reconnaissance, l’accompagnement et la réparation globale des traumatismes subis.

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