Les défis et solutions pour les communautés locales au Nord-Kivu révèlent une réalité alarmante : l’exploitation minière menace leurs droits fondamentaux. Cette recherche met en lumière des mécanismes de protection essentiels, transformant notre compréhension des enjeux liés aux ressources naturelles et à la justice sociale dans la région.
La nécessite de revoir la fonction du pouvoir central pour la valorisation des droits de communautés locales
La puissance politique, militaire et économique d’un pays repose sur la masse monétaire dont il dispose.424 Ainsi, le rôle de l’administration ne s’arrête pas à la production réglementaire, au contrôle et à la sanction. L’administration inclut aussi une large part d’action incitative et de soutien envers les fabricants et les marchands, allant jusqu’à exercer des missions plus techniques d’encouragement à l’utilisation et à l’importation de nouveaux procédés. L’État est appelé à protéger le bon fonctionnement du marché, (…).425 Il a aussi la charge de protéger
421 Tseki, supra note 8, pp.100-101.
422 Ibid.
423 Ibid.
424 Philippe Ménard, La fortune du Colbertisme. Etat et industrie dans la France des Lumières, Fayard, Paris, 1998.
425 Ibid.
les communautés locales.426 Cela n’a pas été suffisant eu égard aux réalités qui sévit au Nord- Kivu.
Comptes tenu de nouvelles réalités liées au besoin de développement, l’investissement public en soutien de l’initiative privée paraît nécessaire voir même palliative aux problèmes qui gangrènent les communautés locales, car « En laissant la totalité des charges d’investissements miniers aux opérateurs privés, l’État congolais s’est privé de l’essentiel des ressources de ce secteur primordial pour le développement du pays»,427 mais aussi l’Etat laisse les communautés locales à la merci des exploitants miniers généralement capitalistes cupide de l’enrichissement et sans scrupule aux droits des communautés
locales. De ce fait, l’Etat est appelé à dépasser la figure de l’État régulateur de l’économie428 pour devenir un État entrepreneur. Ceci paraît crucial pour la RDC car le libéralisme économique nous a démontré ses limites.
Le libéralisme économique a certes, des vertus parce qu’il crée des richesses, multiplie les échanges, suscite l’innovation.429 Il a aussi des limites : il peut conduire à des positions dominantes, s’accommoder des pauvretés et des inégalités. Le débat majeur consiste à trouver le mode de régulation adéquat pour éviter le tout marché ou le tout interventionnisme.430
Dans un article, Balingene démontre comment le libéralisme marié aux défaillances de l’Etat congolais dans ses missions régaliennes, sont des facteurs de violations de droit humains au Kivu.431
Pour une meilleur valorisation des droits de communautés locales, l’Etat congolais ne doit pas faire abstraction vis-à-vis du système économique a adopté, mais également et surtout, il doit s’assurer d’avoir la manette des affaires en devenant acteurs économique principal dans le domaine extractif.
Ainsi, quel est le système économique qui existe en RDC ? Et surtout lequel serait le mieux adéquat pour une valorisation des droits de communautés locales ?
Jadis l’Etat était tellement puissant (le Léviathan) selon Thomas Hobbes, au point qu’il pouvait écraser les citoyens faible qu’ils sont. Pour assurer quelques prérogatives aux citoyens, on les a d’abord reconnu le droit à l’initiative privée.432 Une manière de faire détenir aux privés les moyens de production.
Le libéralisme économique ou encore capitalisme est une doctrine économique qui promeut la liberté d’entreprendre et la promotion de l’initiative privée. Il est opposé au communisme qui ne reconnaît pas l’initiative privé et qui promeut l’interventionnisme étatique. Ici les moyens de production sont détenus entre les mains de l’Etat. Les tenants de ces deux philosophies opposées ont tous des arguments sur lesquels ils assoient leurs points de vue. Selon Karl Marx et Friedrich Engels, l’autorégulation du marché n’a pas que des vertus. Elle est donc douteuse, raison pour laquelle l’Etat doit intervenir pour lutter contre les inégalités, les pauvretés, la
426 Constitution de la RDC, article 50.
427 Tseki, supra note 8, p.138.
428 Ibid., p.136.
429 Jean-Claude Vérez, « Le libéralisme économique : atouts et limites », L’Europe en Formation, n° 381, 2016, pp.33-42.
430 Ibid.
431 Kahombo, supra note 17, p.221.
432 Constitution de la RDC, article 35.
spéculation, les atteintes aux droits des communautés locales, le pouvoir des grandes entreprises…etc.433
En réalité ce ne sont pas les philosophies qui opposent les tenants, c’est par contre leurs finalités. La question c’est donc celle de savoir si les mécanismes du marché autonomes, sans contraintes, sont en mesure ou non de créer des richesses, d’élever le bienêtre, de permettre de vivre ensemble dans une situation de développement durable. Autrement dit, es ce que le libéralisme permet la valorisation des droits de communautés locales ? En effet, « la norme de l’économie capitaliste est la recherche individuelle du profit et c’est là sa raison d’être. La liberté d’entreprendre ne doit souffrir d’aucun obstacle, d’aucune rigidité. »434
Pourtant le libéralisme connaît des limites. L’une des limites du libéralisme tient au simple fait que les entreprises ne se suffisent pas à elles-mêmes : elles ont besoin de main-d’œuvre pour produire des biens et services enfin d’atteindre un niveau de richesses considérable.435 En effets, bien qu’on soit libre d’entreprendre dans tous les secteurs de la vie économique, les meilleures conditions de travail constituent une obligation pour tout entrepreneurs, ors la recherche de richesse entraine parfois des abus en ce qui concerne le traitement de travailleurs. On a d’ailleurs tendance à croire sans ambages que le libéralisme est contre un travail décent.
A cette limite qui est relative à la main d’œuvre au service des entreprises capitaliste, nous pouvons désormais ajouter la limite liée aux violations de droits de communautés locales. En effet les activités économiques surtout celles minières, tiennent généralement au développement socio-économique des états ou des entités ou elles sont effectuées. Or, la durabilité de ce développement suppose que les aspects sociaux et environnementaux puissent marcher de pair avec l’aspect « accumulation de lucres ».
Déjà à son époque, Marx considérait que le capitalisme était intrinsèquement associé aux inégalités et à la pauvreté et que celles-ci allaient le conduire à sa destruction. Au Ve siècle avant J.-C., Platon prévenait le législateur athénien de la menace que représentait l’inégalité extrême : « Il ne faut pas que certains citoyens souffrent de la pauvreté, tandis que d’autres sont riches, parce que ces deux états sont causes de dissensions ». 436 En RDC et plus spécifiquement au Nord-Kivu ces inégalités sont une réalité incontournable.
En effet, le Nord- Kivu est l’une de ces provinces de la RDC où les activités minières sont très intenses et profiteuses pour les uns, généralement les sociétés minières capitalistes mais maléfiques pour les autres, (communautés locales et autres parties prenantes).
C’est au fait grâce au libéralisme économique tant promus dans le secteur minier par le code minier de 2002, que nous avons observé a une profusion des sociétés généralement multinationales et capitaliste sans scrupule pour les communautés locales, auxquelles l’ouverture a été motivée par le souci de croitre l’économie nationale en évitant l’exploitation illicite facilitée par les groupes armés dans la période allant de 1996 à 2002. Cependant
433 Vérez, supra note 429, p.3.
434 Ibid.
435 Ibid.
436 Programme des Nations unies pour le développement, Rapport mondial sur le développement humain 2005, 2005, p. 55 <https://hdr.undp.org/system/files/documents/rapport-sur-le-developpement-humain-2005-francais.rapport-sur-le-developpement-humain-2005-francais> 23 janvier 2024.
l’avènement de ces sociétés n’a pas pu rencontrer les ententes de l’Etat qui aurait motivées la mise en place de ce cadre juridique.437
Ainsi donc, les activités minières vont se réaliser dans l’irrespect total de textes juridique plus particulièrement les dispositions consacrant des droits aux communautés locales. Certains auteurs ont même qualifiés cela de « l’économie agressive ». Ces limites du libéralisme et tant d’autres ont fait que John Keynes soutiennent, dans les années 1940, l’idée selon laquelle l’Etat peut intervenir pour pallier aux méfaits du système libéral capitaliste, en stimulant l’investissement susceptible d’élever le niveau de l’emploi, la production et le revenu438; en le régulant ou
en intervenant par des actions ponctuelles en cas de crise ; y compris reprendre certaines unités économiques cruciales entre ses mains pour répondre aux besoins sociaux de la population.439 C’est le libéralisme contrôlé mise en place par la législation de 1967 qui a instaurée deux régimes miniers.
D’abord, le régime de droit commun par lequel l’Etat pouvait accorder des droits miniers (recherche, prospection, exploitation et concession) à toute personne physique offrant toutes les garantie de moralité. Ensuite, le régime conventionnel, par lequel l’Etat accordait, par convention, des droits miniers aux mêmes catégories de personnes morales, à condition de justifier de moyens financiers suffisants pour effectuer les recherches ou pour procéder à l’exploitation minières.440
Tous ces régimes ont été maintenus par la législation de 1981.441 Comme on peut le constater, le libéralisme contrôlé suppose l’intervention de l’Etat. Ors l’intervention de l’Etat bien que limitée, est toujours, totalement en contradiction avec le libéralisme d’autant plus qu’il risque de mettre en péril les initiatives privées et la stabilité économique, non seulement à l’échelle nationale, mais aussi au niveau mondial.442
D’où le retour aux théories classiques du libéralisme, associé au concept nouveau de la mondialisation.443 La tendance est désormais celle d’éliminer les barrières tarifaires et non- tarifaires partout, au profit des investisseurs privés, généralement étrangers.444 C’est ce type de libéralisme qu’on appelle le néolibéralisme.445
Pour cette doctrine, l’Etat doit se cantonner à créer et à préserver un cadre institutionnel et juridique propice à l’entreprenariat individuel, à la propriété privée et au libre commerce.446
« Cette politique a été imposée aux Etats du Sud, dont les pays africains, à travers la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. »447
437 Code minier, exposé de motif.
438 Paul Senzira Nahayo, Eléments d’économie politique destinés aux étudiants de G1 droit, UNIGOM, 2016- 2017, p.30, inédit.
439 Manfred Stegen et Ravi Roy, Neoliberalism, « A very short introduction », Oxford, Oxford University Press, 2010, pp. 2-3.
440 Code minier, article 41.
441 Ordonnance-loi n°81-013 du 02 avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures, telle que modifiée et complétée par l’Ordonnance-Loi n° 82-039 du 5 novembre 1982 et par la loi n°86-008 du 27 décembre 1986, JORZ, 23ème année, n°22, numéro spécial, 15 novembre 1982, articles 5-17.
442 Kahombo, supra note 17, p.210.
443 Ibid.
444 Manfred et Ravi, supra note 439, pp. 9-10.
445 Noam Chomsky, Profit over people: neoliberalism and global order, New York/Toronto/London, Seven Stories Press, 1999, p. 7.
446 David Harvey, A brief history of neoliberalism, Oxford, Oxford University Press, 2005, p.2.
447 Kahombo, Supra note 17, p.211.
A un stade encore plus avancé, marqué par la dérégulation publique et la privatisation progressive des services publics de l’Etat, Balingene Kahombo le qualifie « d’ultra- libéralisme. »448 Pour lui, cette philosophie n’est pas faite, à titre principal, pour les populations locales.449
C’est cette nouvelle approche du libéralisme « le néolibéralisme économique » qui caractérise le code minier congolais de 2002.450 Dans ce texte aussi attractif des investissements qu’il soit, les germes du néolibéralisme économique se constate à deux niveau :« D’une part, le rôle de l’Etat a été essentiellement limité à l’octroi des droits miniers et/ou de carrières, de réguler les activités minières et de percevoir des revenus issus de diverses taxes et redevances au profit du trésor public. Même l’obligation faite aux exploitants artisanaux de vendre leurs produits aux sociétés et organismes créés à cet effet par l’Etat a été supprimée. »451
D’autre part, l’octroi des droits miniers et/ou des carrières a été ouvert aux personnes physiques et morales étrangères, à la seule simple condition d’élire domicile auprès d’un mandataire en mines et carrières établi en RDC et d’agir par son intermédiaire.452 Ce texte a entraîné l’avènement de plusieurs investisseurs étrangers dans le secteur minier, avec espoir que l’exploitation illicite des minerais va connaître une baisse et que l’économie tant nationale que locale va connaître une croissance.
Cependant ces objectifs de l’Etat n’ont pas été atteint, l’exploitation illicite de minerais en RDC et plus spécifiquement au Nord-Kivu, a persisté, elle a même connue une croissance et la croissance économique si attendue n’a été qu’une utopie.
On a par ailleurs assisté à une exploitation agressive de ressources naturelles, sans scrupule aux droits de communautés locales. Une exploitation qui enrichies les opérateurs économique généralement étrangers, et une certaine classe politique au détriment de bas peuples (les communautés locales).
Voilà pourquoi il a fallu un retour au libéralisme plus contrôlé à travers la révision du Code minier en mars 2018. Ce texte vient pallier les défaillances caractérisant celui de 2002. Il a introduit des innombrables innovations dont certaines concerne dans une certaine mesure les communautés locales notamment : l’exigence de la détention par les congolais (personnes physiques) d’au moins 10% du capital social de toute société minière ou de 25% quand il s’agit des comptoirs d’achat agréés, l’exigence de disposer des capacités financières et
techniques pour obtenir un permis de recherche, l’augmentation du taux de la redevance minière –qui est de 10% pour les substances que l’Etat qualifie de stratégiques –et de l’impôt sur les bénéfices et les profits réalisés, qui est de 30%.453 Le super profit, c’est-à-dire « les bénéfices réalisés lorsque les cours des matières ou des commodités connaissent un accroissement exceptionnel »,454 est, quant à lui, imposé au taux de 50%.455
De même, l’obligation des sociétés minières de rapatrier en RDC les recettes d’exportation est passée à 60% de celles-ci et assortie d’une peine d’amende contre tout contrevenant.456 Ce
448 Ibid.
449 Ibid.
450 Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, articles 20 et suivants.
451 Ibid., article 23.
452 Ibid., article 26.
453 Ibid., articles 71 bis, 126 (2) (e), 143(1), 241 et 247.
454 Ibid., article 251 bis (1).
455 Ibid., article 251 bis.
456 Ibid., article 309 bis.
code a été joyeusement bien accueillie par les organisations de la société civile car ayant un caractère révolutionnaire.
Cependant, le secteur minier de la RDC reste toujours le secteur où la violence de la loi bas records. La réalité dans les milieux ruraux de la province du Nord-Kivu ou les activités minières sont effectuées laisse croire sans nulle doutes que même le libéralisme contrôlé n’est pas en lui seul en mesure d’assurer la promotion et protection de droits de communautés locales.
L’Etat doit donc revoir son rôle dans le secteur minier. L’initiative publique serait favorable pour la valorisation des droits de communautés locales surtout qu’aucune règle, aucun principe de droit n’interdit à l’Etat congolais d’investir dans les activités de recherches et d’exploitation minières.
A plus de 10% de parts sociales reconnues légalement a l’Etat, l’Etat congolais doit acheter plus d’action dans les sociétés minières pour lui permettre non seulement de contrôler effectivement, en sa qualité d’associé parfois majoritaire, les activités des sociétés minières notamment vis-à-vis de communautés locales mais également générer d’importantes bénéfice en termes de dividendes, pouvant lui permettre de bien réaliser ses missions régaliennes bénéfiques pour le développement communautaire.
Pour devenir encore plus efficace et pallier définitivement aux problèmes dans lesquels croupissent les communautés locales, l’Etat doit se faire accompagner effectivement par les provinces et les entités territoriales décentralisées qui maitrisent parfaitement les failles auxquels ils font fasse, mais aussi et surtout laisser au pouvoir judiciaire jouer effectivement son rôle sans interférences politiciennes. Il faudrait aussi qu’on abandonne le système de rétrocession au profit de la retenu à la source. Dans tous les cas il faudrait revoir le code minier de nature à reconnaître la personnalité juridique aux communautés locales et leurs garantir une protection qui tient compte de sa position de partie faible.
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424 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
425 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les défis des communautés locales au Nord-Kivu?
Les défis des communautés locales au Nord-Kivu incluent la protection de leurs droits face aux exploitants miniers, souvent motivés par le profit, et le manque d’intervention de l’État pour soutenir ces communautés.
Comment l’État congolais peut-il valoriser les droits des communautés locales?
L’État congolais doit dépasser son rôle d’État régulateur pour devenir un acteur économique principal dans le domaine extractif, afin de mieux protéger les droits des communautés locales.
Quelle est la relation entre le libéralisme économique et les droits des communautés au Kivu?
Le libéralisme économique, bien qu’il crée des richesses, présente des limites qui peuvent conduire à des violations des droits humains, en raison des défaillances de l’État dans ses missions régaliennes.