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Quels défis l’autofiction pose-t-elle? Solutions innovantes en 2024

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🏫 Université Batna 2 - Faculté des Lettres et des Langues Étrangères - Département de Langue et Littérature Françaises
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2016-2017
🎓 Auteur·trice·s
Mebarki Houssem Eddine
Mebarki Houssem Eddine

Les défis de l’autofiction littéraire révèlent une tension fascinante entre autobiographie et fiction. Cette étude sur ‘Les désorientés’ d’Amin Maalouf met en lumière comment l’auteur redéfinit ce genre, suscitant des débats cruciaux sur son authenticité et sa légitimité dans la littérature contemporaine.


2-4. « L’autofiction » selon Jacques Lecarme :

En 1984, dans fiction romanesque et autobiographie, Jacques Lecarme déclare que l’autofiction n’est pas un concept nouveau puisque plusieurs écrivains, tels Céline, Malraux, Mondiani, Barthes, Gary ou Sollers l’ont pratiqué. Ainsi pour Lecarme, la définition de l’autofiction englobe : « tous les écrivains qui exercent une forme d’écriture située, à divers degrés, entre l’autobiographie déclarée et la fiction. »125

122 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, thèse inédite, dirigée par Gérard Genette, EHESS, 1989.

123 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit, p.315.

124 JUTRAS Jessica, Mémoire de maitrise, SOIGNE TA CHUTE DE FLORA BALZANO UNE ŒUVRE AUTOFICTIVE ? SUIVI DE RACINOGRAPHIE, université du QUÉBEC A TROIS-RIVIÈRES soutenu et présenté mars 2009. p.36

125 LECARME Jacques. « fiction romanesque et autobiographique », Universalia, Paris, 1987, p. 417-418.

Ensuite, en 1991, Gérard Genette répond directement aux études sur l’autofiction de Lejeune (1975) et de Doubrovsky (1977), surtout parce qu’il dirige la thèse de Vincent Colonna (1989), qui travaille sur ce sujet. Colonna considère que le néologisme

« autofiction », tel que le conçoit Doubrovsky, n’atteint pas sa pleine signification et n’est qu’une pâle copie de la définition du roman autobiographique.

Pour Colonna, l’autofiction ne doit pas laisser entendre qu’elle est une confession, elle doit être l’antithèse du roman personnel. Cela écarterait donc tous les textes ayant des références autobiographiques.

Genette reprend la définition de son étudiant qui est plus dure que celle de son étudiant. Il explique que l’auteur doit raconter une histoire dont il est le héros et qu’il n’a jamais vécue :

« je parle ici des vraies autofictions dont le contenu narratif est, si j’ose dire, authentiquement fictionnel, comme (je suppose) celui de la Divine comédie – et non des fausses autofictions, qui ne sont fiction que pour la douane autrement dit : autobiographies honteuses »126

Alors que certains reprochent à l’autofiction, telle que pratiquée par Doubrovsky, d’être trop fictive, Genette prend la position inverse, déclarant qu’elle n’est pas assez fictive. Il traite de « menteurs » les auteurs qui appliquent le terme d’autofiction à des textes possédant des éléments autobiographiques :

« comme il est pratique aujourd’hui, le « genre » de l’autofiction répond presque fidèlement, sinon dignement, à la définition large, et délibérément déconcertante, qu’en donnait Serge Doubrovsky, inventeur du terme et pratiquant de la chose telle du moins que définie par lui (…) les définitions sont libres et l’usage est roi, mais il me semble toujours que cette définition large, désormais reçue, est trop floue pour ne pas s’appliquer aussi bien à toute autobiographie, récit de soi toujours plus ou moins teinté, voire nourri, volontairement ou non, de fiction de soi »127

126 GENETTE Gérard, Fiction et diction, op. cit, p. 87.

127 Ibid. P.136.

En 1993, dans « l’autofiction, un mauvais genre ? », Jacques Lecarme revient sur le sujet en résumant très bien la position de Genette. Pour ce dernier, la seule autofiction tolérable correspond à « l’un des plus anciens procédés de la fiction, qui consiste, par une métalepse très coutumière, à feindre l’entrée de l’auteur dans sa fiction. Il y figure nominalement sans qu’elle cesse pour autant d’être fictive »128

Selon J. Lecarme, la principale caractéristique de l’autofiction est que « auteur, narrateur et protagoniste partagent la même identité nominale et dont l’intitule générique indique qu’il s’agit d’un roman. »129

Mais il avance également qu’il pourrait y avoir des versions d’autofiction où le nom propre est masqué par l’usage d’un pseudonyme.

Pour Vincent Colonna, parler d’une homonymie par substitution »130 ou l’écrivain pose un troisième terme qui établira une équivalence entre les deux. Cette équivalence sera indirecte et obligera le lecteur à un décodage plus important. Mais elle n’en sera pas moins effective, naturellement, ce troisième terme commun à l’auteur et au personnage ne peut être un trait biographique ou chronologique. Un tel trait n’établirait qu’un rapport d’analogie entre les deux, ce qui nous ramènerait à la notion de ressemblance.

Dans cette seconde forme d’homonymie, il ne peut s’agir que d’une « correspondance structurale » d’une « allusion proportionnelle », bref « d’une homologie entre l’auteur éponyme et son personnage, pas d’une analogie. »131

2-5. L’autofiction selon Marie Darrieussecq :

Pour Darrieussecq, l’autofiction se distingue de l’autobiographie parce qu’elle affiche son caractère fictionnel. Il y aurait deux raisons qui pousseraient un auteur à faire ce « choix » :

128 LECARME Jacques, « autofiction un mauvais genre ? », p.230.

129 L’Autofiction : un mauvais genre », Autofictions & Cie, Serge Doubrovsky, Jacques Lecarme et PHILIPPE LEJEUNE, 1993, p.227, in www.fabula.org/forum/colloque99/208.php

130 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit, p.56.

131 BARTHES Roland, Fragments d’un discours amoureux, seuil, Paris 1975. p.56.

D’abord, pour tenter de dissimuler le caractère autobiographique du texte, par mesure de protection personnelle, mais aussi pour assurer au livre une place sur le marché littéraire, marché monopolisé par le roman.

Ensuite, l’écrivain peut se tourner vers l’autofiction parce qu’il accepte le fait que la mémoire n’est pas toujours transparente. Il assume donc sa part de responsabilité en face des lecteurs qui s’attendent à la vérité ; oui, il y aura une part d’oubli, de brouillage, de déformations, etc.

Darrieussecq insiste également sur le fait que l’autofiction n’est pas toujours une stratégie de marketing ou une sorte de roman destiné à passer de la vraie vie en catimini. Il s’agit plutôt d’une entreprise, parfois destructrice ou risquée, qui renverse le geste autobiographique en perturbant à la fois l’identité de l’auteur et sa réalité. Elle s’explique en affinant sa définition de l’autofiction :

« je dirai que l’autofiction est un récit à la première personne se donnant pour fictif (souvent, on trouvera la mention roman sur la couverture), mais où l’auteur apparaît homodiégétiquement sous son propre nom, et où la vraisemblance est un enjeu maintenu par de multiples « effets de vie » – contrairement à l’autofiction telle que l’entend Colonna »132

Darrieussecq reproche à Colonna, et par le fait même à Genette, de privilégier des effets d’invraisemblances qui visent à faire comprendre que la vie de l’écrivain ainsi écrite est fictive, elle propose le contraire, en expliquant que les « effets de vie » dont elle parle sont des « effets de réel » qui tendent à faire croire au lecteur que c’est bien le récit de la vie de l’auteur qu’il est en train de lire.

Pas tout à fait persuadé de la spécificité du genre de l’autofiction, Genette déclare que le mot, suivant la définition de Doubrovsky, pourrait être appelé à désigner n’importe quel texte à la première personne dont la référentialité pourrait être mise en doute, que ce soit par l’auteur lui-même ou par le lecteur.

Dans son article « l’Autofiction, un genre pas sérieux », publié en 1996 dans la revue poétique, Marie Darrieussecq répond à Genette, car elle n’est pas d’accord avec la poétique d’exclusion qu’il défend :

132 MARIE Darrieussecq, « l’autofiction, un genre pas sérieux », p.369-370.

« le choix de la fiction n’est pas gratuit : pour faire sa place « à coup sûr » dans le champ littéraire, en toute rigueur générique aristotélicienne, l’autobiographie n’a pour solution que l’autofiction puisque l’autobiographie est trop sujette à caution et à condition, et puisque l’autofiction est littéraire faisons entrer l’autobiographie dans le champ de la fiction : coup de force « ontologie » qui assure par essence une place à mon livre dans la littérature. Aristoteles dixit »133

Elle explique ainsi qu’il n’y a pas d’écriture « honteuse » de la part des auteurs d’autofictions, mais bien des écritures déguisées, clandestines et résistantes. Pour faire entrer une autobiographie dans le champ littéraire, il n’y a pas d’autres choix que de feindre la fiction. Mais pour Darrieussecq, la spécificité de l’autofiction ne s’arrête pas à cette stratégie de faux-semblant.

Au contraire, l’autofiction se distingue de l’autobiographie en assumant son « impossible sincérité ou objectivité » et en intégrant « une part de brouillage et de fiction due, en particulier, à l’inconscient »134

Par conséquent, dans ce débat qui, de l’extérieur, peut sembler puéril ou mesquin, la définition de l’autofiction de Darrieussecq nous paraît la plus nuancée :

« l’autofiction met en cause la pratique « naïve » de l’autobiographie, en avertissant que l’écriture factuelle à la première personne ne saurait se garder de la fiction, ne saurait se garder de ce fameux roman que convoque le paratexte. L’autofiction, en se situant entre deux pratiques d’écriture à la fois pragmatiquement contraires et syntaxiquement indiscernables, met en cause toute une pratique de la lecture, repose la question de la présence de l’auteur dans le livre, réinvente les protocoles nominal et modal, et se situe en ce sens au carrefour des écritures et des approches littéraires »135

133 MARIE Darrieussecq, « l’autofiction, un genre pas sérieux », op. cit, p.372-373.

134 Ibid. p. 377.

135 Ibid. p.376.


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que l’autofiction selon Jacques Lecarme?

Jacques Lecarme déclare que l’autofiction n’est pas un concept nouveau et englobe tous les écrivains qui exercent une forme d’écriture située entre l’autobiographie déclarée et la fiction.

Quelle est la définition de l’autofiction selon Gérard Genette?

Gérard Genette explique que l’auteur doit raconter une histoire dont il est le héros et qu’il n’a jamais vécue, considérant que l’autofiction doit être authentiquement fictionnelle.

Quels sont les défis de l’autofiction selon Vincent Colonna?

Vincent Colonna considère que l’autofiction ne doit pas être perçue comme une confession et doit être l’antithèse du roman personnel, écartant ainsi les textes ayant des références autobiographiques.

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