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Comment la débrouillardise façonne l’avenir des jeunes au Cameroun ?

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🏫 UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ - CENTRE DE RECHERCHE ET FORMATION DOCTORALE EN SCIENCES HUMAINES, SOCIALES ET ÉDUCATIVES - DÉPARTEMENT D’HISTOIRE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Mars 2023
🎓 Auteur·trice·s
Abdougani YOUMENI
Abdougani YOUMENI

La débrouillardise au Cameroun, révélée par une étude de l’Université de Yaoundé, illustre comment les jeunes naviguent dans un environnement socio-économique difficile. Cette recherche met en lumière des stratégies innovantes de survie, essentielles pour comprendre les transformations sociales entre 1987 et 2017.


Le phénomène de « débrouillardise »

La situation socio-économique née de l’ajustement est un environnement où l’on a cessé de vivre pour survivre. Dans ce contexte particulier, les plus défavorisés sont pour la grande majorité les jeunes, car le vieux apparaît comme celui qui a déjà roulé sa bosse et n’attend plus que le jour de sa mort. Il faut donc dire qu’être jeune c’est « se chercher »43. Se chercher ne veut rien dire d’autre que créer, se battre pour sa survie, se débrouiller.

La « débrouillardise » est ce phénomène qui prend de l’ampleur dans un environnement post-ajustement et regroupe une pluralité d’activités précaires et labiles. Elle est considérée comme le « ce que je vois, je fais, ce que je ne vois pas, je ne fais pas44 », ou encore le « on se bat45 » c’est en réalité l’ensemble des activités dont la qualification n’est pas requise.

Ces activités constituées entre autres de : la vente à la sauvette, vendeur ambulant, la pharmacie de rue, la quincaillerie ambulante, bayam-sallam46, call-box, pousseur, mototaxi, buvettes, sont qualifiées aussi de petits métiers de rue47 (Voir photo 6). Elles sont prises d’assaut par des hommes, des femmes (ex employés des structures étatiques ou non) et des jeunes parfois diplômés de l’enseignement secondaire et du supérieur.

Photo 6 : Des jeunes débrouillards à la poste centrale de Yaoundé

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Source : Clichés Abdougani Youmeni, Yaoundé, 11/03/2023.

43 Jean-François Trani, « Les jeunes et le travail à Douala : La galère de la deuxième génération après l’indépendance », in Georges Courade (sd), Le désarroi camerounais. L’épreuve de l’économie-monde, Yaoundé, Ifrikiya, 2011, p.156.

44 Xavier Durang, « Sortir du salariat et réapprendre à vivre « petit » », in Georges Courade (sd), Le désarroi camerounais. L’épreuve de l’économie-monde, Yaoundé, Ifrikiya, 2011, p.135.

45 Courade, Le désarroi camerounais…, p.28.

46 Concept issu du langage commun dans les villes du Cameroun qui désigne les commerçants des vivres de toutes sortes qui inondent les marchés. Il vient de l’anglais buy (acheter) et sell (vendre).

47 William Joël Dongmo, « La prolifération des petits métiers de rue dans les villes du Cameroun : Le cas de Dschang (1970-2010) », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2017, p.31.

Malgré les initiatives gouvernementales de résolution de l’épineux problème de chômage dans la société camerounaise, le changement n’est pas très visible. La mise sur pied sous fonds PPTE du Programme d’Appui aux Acteurs du Secteur Informel (PIAASI) dont la phase expérimentale est entamée en 2005 et du Programme d’Appui à la Jeunesse Rurale et Urbaine (PAJER-U) en 200748, était dans ce sens une solution à ce problème.

Mais, parallèlement à ces initiatives, la débrouillardise continua à gagner du terrain. Il faut observer que le domaine des petits métiers jouit d’une certaine organisation qui lui est propre. D’une part il y a des activités qui sont contrôlées par le self-government, une tierce a son capital et le gère seule sans aide de personne ou alors, elle le confie à une autre personne qui travaille et lui reverse les bénéfices.

Ce type d’organisation est observable dans les activités telles que la mototaxi, le poussepousse, la sauvette, le salon de coiffure, le secrétariat-bureautique, le call- box pour ne citer que celles-ci. D’autre part il y a les gens qui sont munis d’une certaine maîtrise des savoir et savoir-faire d’un métier et exercent comme employés dans des structures.

Ces derniers sont souvent soumis à un système de paye ou de salaire dont le montant dépend de l’employeur et qui est soit quotidien, hebdomadaire, mensuel, dépendant des ventes ou des prestations de l’employé49. Dans ce dernier cas de figure, il faut observer que les employés ne s’y plaisent pas vraiment, car ils ont souvent l’impression d’être des esclaves, des larbins de leur patron.

L’on serait donc tenté de dire que la société camerounaise post-ajustement est un environnement où les jeunes sont destinés à cette situation qui devient une réalité vivante, car ne disposant pas pour la grande majorité d’une formation professionnelle aussi minime qu’elle soit, et de capital pour créer et s’auto employer.

Ces activités qui sont généralement exemptes de fiscalité et rencontrent dans la plupart des cas des embuches qui freinent leur évolution. Il faut dire que beaucoup de chefs de famille se mêlent à cette masse de débrouillards en y trouvant un moyen de subvenir aux besoins de la famille. Dans ce sens, le capital réservé à l’activité est parfois absorbé par la scolarité des enfants, les soins de membres de la famille en cas de maladie, ou bien par les deuils dont l’organisation nécessite des

finances50. L’activité génératrice de revenus peut parfois sembler être un investissement à risque. La débrouillardise peut aussi s’apparenter à la notion de risque et d’aventure où l’on n’est pas toujours sûr de ce que l’investissement soit fructueux. Mais dans

48 Audrey Prisca Ze, ″ Crise économique et gestion étatique de l’insertion professionnelle des jeunes au Cameroun

: le cas de la région du Centre (1987-2016) ″, mémoire de master en histoire, université de Yaoundé I, 2020, pp.73- 74.

49 Dongmo, « La prolifération des petits métiers… », p.49.

50 Durang, « Sortir du salariat… », p.135.

la logique du « créer ou mourir », le risque est privilégié par rapport à la décadence. Aussi, certaines de ces activités exercées au bord des rues dans les centres urbains de Yaoundé et Douala sont souvent confrontées à la police et la municipalité ce qui rend l’activité encore plus complexe51.

Au total, la société camerounaise post-ajustement est cet environnement où règnent les disparités dans l’accès aux richesses. D’une part il y a une classe bourgeoise qui se taille la part du lion en faisant usage de beaucoup de facilités dans le gain et usant les méthodes mafieuses détournement de derniers publics, fonctionnaires fictifs, réseaucratie. D’autre part, il y a une classe moyenne qui a des difficultés de s’affirmer étant souvent confrontée à des situations où la formation n’a rien à voir avec l’emploi et est le siège des activités débrouillardes. Face à ceci, quelles mesures peuvent être prises par l’État pour réglementer et réguler cette sphère ?


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que la débrouillardise au Cameroun?

La débrouillardise est un phénomène qui prend de l’ampleur dans un environnement post-ajustement et regroupe une pluralité d’activités précaires et labiles.

Comment la débrouillardise affecte-t-elle les jeunes au Cameroun?

Dans le contexte socio-économique né de l’ajustement, les jeunes se battent pour leur survie et se débrouillent à travers diverses activités informelles.

Quelles sont les activités typiques de débrouillardise au Cameroun?

Les activités de débrouillardise incluent la vente à la sauvette, le vendeur ambulant, la pharmacie de rue, et d’autres petits métiers de rue.

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