Le cadre théorique des amnisties révèle une dynamique complexe entre clémence et justice. En remettant en question les normes traditionnelles, cette étude met en lumière les implications juridiques cruciales pour les victimes et les auteurs présumés de violations des droits humains, transformant ainsi notre compréhension des droits internationaux.
C- DEFINITION DES CONCEPTS
La bonne compréhension de notre sujet passe obligatoirement par la définition des concepts. Définir revient à formuler un discours qui donne la signification d’un mot, un concept ou une expression.
Il est donc important de définir les concepts pour savoir de quoi on parle. C’est dans ce sens qu’Emile DURKHEIM va dire que « le savant doit d’abord définir ce dont il parle afin que l’on sache et qu’il sache de quoi il parle »6.
Aussi, sera-t-il question de donner un sens aux concepts «amnisties » et « prescriptions pénales».
Amnisties
L’expression « amnisties » tire son origine du mot grecque « amnesta » qui signifie « oubli »7. Utilisée en droit pénal, l’amnistie est généralement définie comme une mesure exceptionnelle prise dans le cadre d’une loi, dans le but d’annuler les poursuites ou les peines prononcées.
Cette mesure est définie en droit camerounais par l’article 73 (1) du Code pénal, comme une mesure qui « efface la condamnation et met fin à toute peine principale et accessoire et a toute mesure de sureté, à l’exception de l’internement dans une maison de santé et de la fermeture de l’établissement »8.
Pietro VERRI, en définissant l’amnistie met l’accent sur les conflits armés et pense que c’est une « mesure de clémence que les autorités au pouvoir sont invitées, par le droit des conflits armés, à accorder de la manière la plus large possible, à la cessation des hostilités d’un conflit
armé non international aux personnes qui auront pris part au conflit ou qui auront été détenues ou internées pour des motifs en relation avec le conflit armé. »9.
Emprunté au droit pénal, l’amnistie n’a pas une définition juridique au niveau international. Toutefois, il importe d’affirmer que cet ordre juridique, en parlant de l’amnistie, ajoute quelques éléments.
« Mais elle désigne généralement un acte officiel relevant du pouvoir législatif ou exécutif qui empêche, pour l’avenir ou de manière rétroactive, d’enquêter sur une personne, un groupe ou une catégorie de personnes pour certaines infractions ou d’engager des poursuites pénales contre elles, et qui annule toutes les sanctions prises à leur encontre »10.
Des définitions qui précèdent, il convient de dire que les amnisties sont des mesures qui mettent fin à des poursuites pénales et, qui annulent également les condamnations déjà prononcées, sans effet rétroactif. Qu’en est-il des prescriptions pénales ?
Prescriptions pénales
Comme les amnisties, la notion de prescriptions pénales tire également son fondement du droit pénal, dans la mesure où avant son apparition au niveau international ce concept était déjà appliqué par des législations nationales.
En effet, du Latin « Preaescriptio », la prescription est un moyen d’extinction d’un droit ou des possibilités de poursuite qui ne sont plus recevable, à cause de l’expiration d’un temps11 bien précis.
Quant à la prescription pénale, elle est définie par M. DELMAS-MARTY comme « le mode d’extinction de l’action en justice et/ou de l’exécution d’une condamnation pénale à la suite de l’écoulement d’un certain délai fixé par la loi », il « est perçue, avant tout, comme une mesure d’intérêt social – dans un souci d’apaisement de la société et de garantie de la
sécurité juridique12 – et non comme un droit individuel »13. « Après l’écoulement d’un certain temps, l’action ou l’exécution de la peine cesserait d’être utile »14.
La loi pénale camerounaise de 2016, traitant des prescriptions pénales, en son article 67 indique que « La peine principale non subit, ainsi que les peines accessoires et les mesures de sureté qui l’accompagnent, ne peuvent plus être exécutées après l’expiration des délais (…)
déterminés à compter du jugement ou de l’arrêt définitif ». Ceci indique que passé les délais prévus par la loi, l’action publique doit prendre fin.
Au regard de ce qui précède, nous pouvons dire que les amnisties et les prescriptions pénales sont deux institutions de droit pénal utilisé par le droit international des droits de l’homme pour protéger les individus auteurs de graves crimes, dans le but d’apporter une paix, sans compromettre les droits des victimes.
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6 E.DURKHEIM, « Règles de la méthode sociologique », Paris, PUF, 1894 ↑
7 A.O’SHEA, « amnesty for crime in international law and practice », The Hague ,London : Kluwer Law International, P.5,2002; ↑
8 Loi n2016/007 du 12 Juillet 2016, portant code pénal du Cameroun. ↑
9 P. VERRI, « dictionnaire du droit international des conflits armés », Genève, CICR Comité Internationale de la Croix –Rouge, 2009. ↑
10 Voir CICR, Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, 1987, par. 4617 ; Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Les instruments de l’État de droit dans les sociétés sortant d’un conflit – Amnisties, 2009 ; Anne-Marie La Rosa et Carolin Wuerzner, « Groupes armés, sanctions et mise en œuvre du droit international humanitaire », Revue internationale de la Croix- Rouge, vol. 90, Sélection française 2008, p. 179-194 ; Laura M. Olson, « Réveiller le dragon qui dort ? Question de justice transitionnelle : répression pénale ou amnistie ? », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 88, Sélection française 2006, p. 125-146 ; Simon M. Meisenberg, « Legality of amnesties in international humanitarian law: The Lomé Amnesty Decision of the Special Court for Sierra Leone » (Légalité des amnisties en droit international humanitaire. La décision du Tribunal spécial pour la Sierra Leone sur les amnisties de Lomé), International Review of the Red Cross, vol. 86, n° 856, décembre 2004, p. 837-851 ; et Yasmin Naqvi, « Amnesty for war crimes: Defining the limits of international recognition » (Amnistie des crimes de guerre : définir les limites de la reconnaissance internationale), International Review of the Red Cross, vol. 85, n° 851, septembre 2003, p. 583-625. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que l’amnistie en droit pénal?
L’amnistie est généralement définie comme une mesure exceptionnelle prise dans le cadre d’une loi, dans le but d’annuler les poursuites ou les peines prononcées.
Comment les prescriptions pénales fonctionnent-elles?
La prescription pénale est définie comme le mode d’extinction de l’action en justice et/ou de l’exécution d’une condamnation pénale à la suite de l’écoulement d’un certain délai fixé par la loi.
Quelle est la différence entre amnisties et prescriptions pénales?
Les amnisties mettent fin à des poursuites pénales et annulent les condamnations déjà prononcées, tandis que les prescriptions pénales éteignent le droit de poursuivre en raison de l’expiration d’un délai.