Le cadre théorique de l’AFD révèle des dynamiques surprenantes dans les relations franco-africaines. En explorant son rôle historique et ses stratégies d’intervention, cette étude met en lumière des enjeux cruciaux pour le développement économique et social des territoires africains francophones.
DEUXIEME PARTIE : L’A.F.D., UN ACTEUR PIVOT AU COEUR DES RELATIONS FRANCO-AFRICAINES A LA CROISEE DES CHEMINS
CHAPITRE IV : LA STRATEGIE ET LES INSTRUMENTS D’INTERVENTION DE L’A.F.D.
Un double statut d’établissement public et de société de financement à la gouvernance interministérielle, l’Agence française de développement (AFD) est une société de financement, soumise à la réglementation bancaire. Elle est l’agence bilatérale de mise en œuvre du financement des projets et des programmes de développement dans les États étrangers dans le cadre des orientations définies par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).
Pour bien assurer son statut d’acteur pivot de la politique française de coopération l’A.F.D. développe des stratégies et possède une gamme d’instruments d’intervention lui servant de financer ses opérations.
Les objectifs stratégiques des interventions de l’AFD sont définis dans son Contrat d’objectifs et de moyens (C.O.M.) conclu avec l’État français. Le C.O.M. 2014-2016 déclinait les grandes orientations de la politique d’aide publique au développement de la France redéfinies par le CICID du 31 juillet 2013, en particulier la priorité renouvelée à l’Afrique, la Méditerranée et aux États fragiles, la logique de partenariat économique dans le reste du monde (mandat de « croissance verte et solidaire »), la promotion du développement durable, la contribution au rayonnement économique de la France ainsi que l’évaluation, la production de connaissances et la formation.
Ainsi ses outils d’intervention sont divers et variés selon les modalités. Ces outils comprend entre autre la gestion des dons qui inclut les contrats de désendettement et de développent et els aides budgétaires globales, et l’octroi de prêts qui englobe les prêt souverains et les prêts non-souverains.
La stratégie de l’A.F.D.
A l’origine présente essentiellement en Afrique subsaharienne, et s’engageant de façon prioritaire au côté des pays les moins avancés (P.M.A.) dans un but de lutte contre la pauvreté, l’A.F.D., a considérablement élargi ses zones d’actions, ses secteurs d’activités et ses partenaires, en élaborant une stratégie propre. Ainsi la vision envisageait l’APD comme un outil permettant de répondre aux défis posés par la mondialisation185, et tout particulièrement les effets néfastes causés par la libéralisation débridée des marchés, la déréglementation financière, les flux migratoires et le changement climatique, au sein de pays comptant parmi les plus pauvres, les plus peuplés et les plus vulnérables de la planète.
La priorité affichée demeurait l’Afrique où sont théoriquement privilégiés les projets liés aux O.M.D. L’Agence souhaitait dépasser l’objectif fixé par le C.I.C.I.D. d’y concentrer au moins 50% de ses ressources en subvention pour y atteindre 80%186, ce qui ne parait guère réaliste en l’état compte tenu de ses engagements dans les pays en crise ou en sortie de crise (Haïti, Afghanistan,…). Pour autant, le groupe A.F.D. couvre aussi les continents asiatique et américain, et intervient selon trois axes : non seulement le soutien aux secteurs « sociaux », mais aussi la promotion de la croissance économique et la préservation des biens publics mondiaux (au premier chef la lutte contre le réchauffement climatique), ces nouveaux objectifs tendant à devenir prédominants.
Ainsi l’Agence s’est progressivement dotée d’un « corps de doctrine » destiné à donner une base politique à ses innovations.
Le soutien à la croissance : si la concentration sectorielle des engagements de l’A.F.D. sur les infrastructures et le secteur productif est une conséquence des contraintes instrumentales, elle résulte aussi de la conviction de l’A.F.D. que la réduction de la pauvreté et le développement passent avant tout par la croissance économique qui doit être stimulée par tous les moyens.
L’Agence rattache donc son action à un pari sur la croissance, notamment sur la croissance démographique et urbaine. Selon elle, c’est ce qui permettra de financer les dépenses sociales. Il reste que, sur la période récente, si les pays pauvres, en particulier en Afrique subsaharienne, ont connu, une croissance forte ayant, par exemple « résisté à la crise de 2008 », cette croissance n’a pas permis de gain notable sur le plan de la lutte contre la pauvreté en raison d’une redistribution inéquitable de ses fruits et d’une démographie vivace.
L’A.F.D. estime cependant que le croît démographique induira par lui-même des tensions génératrices de croissance et de développement. La première conséquence en sera une extension considérable de l’espace urbain. Or, statistiquement, c’est dans les villes que se trouvent les plus importants gisements de croissance. L’A.F.D. privilégie ainsi des opérations visant à encourager des « cercles vertueux » :
développement, l’Agence française de développement des origines nos jours, sous la direction de François PACQUEMENT, Editions A.F.D., 2017, p.42.
186 Cour des comptes, La place et le rôle de l’Agence française de développement (AFD) dans l’aide publique au développement, Communication à la Commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, 1é aout 2001, p.46. Consulté sur http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/B2857-05A.pdf.
- projets de développement urbain pour permettre aux villes d’accueillir les populations nouvelles ;
- soutien au secteur financier et productif, y compris l’agriculture et l’agro-industrie, pour créer de la richesse ;
- projets d’infrastructures de transport pour désenclaver les zones de production et permettre l’accès aux marchés, et d’énergie indispensable aux activités économiques.
L’appui aux biens publics mondiaux : au début des années 2000, l’A.F.D. s’est trouvée confrontée au paradoxe d’avoir la possibilité financière de consentir davantage de prêts mais d’être dans l’impossibilité opérationnelle de le faire compte tenu du caractère alors limitatif de son portefeuille de clients. La question de son extension géographique s’est donc posée et l’Agence a été autorisée à s’engager dans des pays émergents pour la défense des « biens publics mondiaux ».
La question de savoir si cet objectif nouveau a été affiché, au moins initialement, d’abord pour justifier cette extension géographique ou s’il avait des justifications de substance est aujourd’hui dépassée. La promotion des BPM permet en effet à l’A.F.D. d’être présente dans des centres de la croissance mondiale.
Il n’en existe pas moins une disproportion entre l’ampleur des défis en la matière et la modestie des moyens de l’Agence, et les résultats directs à atteindre des actions qu’elle peut financer ou cofinancer. Aussi décrit-elle la finalité de sa démarche comme relevant surtout de l’influence et de l’exemplarité. En finançant tel ou tel projet d’énergie propre en Chine ou au Brésil, en démontrant son expertise dans les domaines du climat et de la biodiversité, elle affiche l’objectif de faciliter des partenariats avec eux. Il est prématuré de porter un jugement sur le degré de réussite de ces ambitions. En tout état de cause, cette orientation a permis à l’A.F.D. de trouver de nouveaux débouchés pour ses prêts.
La thématique de la « croissance verte et solidaire » : La notion de « croissance verte et solidaire » semble avoir été au départ une sorte de slogan utilisé par l’A.F.D. auprès de ses tutelles dans le dialogue relatif à une nouvelle extension géographique de l’Agence. Celle-ci ayant été retenue par le C.I.C.I.D. réuni en juin 2009187, il a été demandé à l’A.F.D. d’expliciter ce concept.
En substance, l’aide au développement y est replacée dans le contexte de la mondialisation, donc de l’interdépendance. Le soutien à la croissance dans les pays en développement conditionne la relance dans les pays développés. La croissance durable des uns est conditionnée par celle des autres et doit respecter les équilibres sociaux et environnementaux.
Pour être viable globalement, elle doit donc être « verte » pour ménager les ressources de la planète (énergies fossiles en voie d’épuisement) et « solidaire », c’est-à-dire accompagnée d’une réduction des inégalités. En effet, une meilleure répartition des richesses rend le monde globalement plus sûr et plus prospère (dans une logique gagnant/gagnant).
Toutefois, ces orientations de fond ont des incidences sur la conception des actions de l’A.F.D. L’Agence met l’accent sur « l’effet de levier », dont elle a étendu la notion au-delà de sa signification financière habituelle, en se référant à une sorte d’effet de levier « stratégique » : il s‘agit de peser plus que son poids dans ses relations avec les autres bailleurs ou d’influer les politiques publiques et les comportements des Etats aidés. D’où la déclinaison de ses opérations. Consciente de ne disposer que de ressources limitées, l’A.F.D. cherche à optimiser chacune de ses interventions. Elle cherche à mettre en œuvre des actions à « double effet », par exemple en s’efforçant à travers ses projets de contribuer à l’émergence d’acteurs non souverains qui pourront ensuite devenir des moteurs du développement et des clients de l’Agence (structuration de sociétés publiques ou de régies, …).
Les conséquences pour l’Etat de cette stratégie sont encore imprécises. Faute d’une connaissance analytique suffisamment précise et partagée entre l’Agence et ses tutelles, le coût budgétaire de ses interventions dans chaque zone géographique est mal connu. Le relevé de décisions issu de l’audit RGPP sur l’Agence a dressé ce constat et recommandé une meilleure mesure de ce coût.
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185 CUMMING Gordon D., La transformation de l’AFD et de l’aide française aux cours des années de Severino : une nouvelle compréhension des réformes de politique publique, Dans 75 ans au service du ↑
186 Cour des comptes, La place et le rôle de l’Agence française de développement (AFD) dans l’aide publique au développement, Communication à la Commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, 1é aout 2001, p.46. Consulté sur http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/B2857-05A.pdf ↑
187 Le C.I.C.I.D. (comité interministériel de la coopération internationale et du développement) du 5 juin 2009 avait décidé d’un ensemble de mesures propres à améliorer l’efficacité et le ciblage de l’aide française, dans un contexte marqué par la contagion des effets de la crise mondiale sur les pays en développement. Dans ce contexte marqué par la crise financière internationale, le C.I.C.I.D. du 5 juin 2009 avait ainsi rappelé l’engagement de la France, en faveur d’un développement visant à lutter contre la pauvreté, engager la croissance et assurer la gestion collective des B.P.M. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quel est le rôle de l’AFD dans les relations franco-africaines ?
L’AFD est un acteur pivot de la politique française de coopération, développant des stratégies et possédant une gamme d’instruments d’intervention pour financer ses opérations.
Quels sont les objectifs stratégiques de l’AFD ?
Les objectifs stratégiques des interventions de l’AFD sont définis dans son Contrat d’objectifs et de moyens (C.O.M.), incluant la priorité à l’Afrique, la promotion du développement durable et l’évaluation des projets.
Comment l’AFD adapte-t-elle ses interventions aux contextes coloniaux et postcoloniaux ?
L’AFD a élargi ses zones d’actions et ses secteurs d’activités, élaborant une stratégie qui répond aux défis de la mondialisation et se concentre sur la croissance économique et la lutte contre la pauvreté.