Les approches innovantes en théologie révèlent comment la crise écologique actuelle découle d’une rupture entre l’homme et la nature. En s’inspirant de Saint François d’Assise, cette recherche propose une transformation théologique essentielle pour rétablir l’harmonie entre le Créateur et sa création.
- La théologie du Process
Pour John Haught, la véritable alternative au matérialisme est cette branche de la théologie qui réinterprète la vision religieuse du dessin cosmique en termes de cosmologie de la « process thought »365. La théologie de processus se nourrit des concepts du philosophe Alfred North Whitehead et de ses disciples, notamment Charles Heatshorne et aide à comprendre le cosmos et sa signification. Comme toute science, « la théologie du process est encore inachevée et a besoin de beaucoup de développement366. Néanmoins,
« elle mérite une attention particulière puisqu’il s’agit de la tentative la plus systématique et la plus éclairée scientifiquement de la théologie récente pour ramener le cosmos dans une perspective théologique »367. L’auteur résume deux aspects importants de la vision théologique de la réalité qui soutiendrait davantage les préoccupations environnementales plus que d’autres formes de pensée religieuse.
- Théologie du process et l’évolution
L’auteur affirme que tant que la théologie ne prendra pas au sérieux la théorie l’évolution, l’écologie ne sera pas prise au sérieux non plus. « Une grande partie de la réticence théologique à approfondir la question environnementale découle de sa réticence antérieure à réfléchir sérieusement sur l’évolution et sur sa relation avec Dieu »368.
Pour sa part, la théologie du process est particulièrement favorable à la notion d’évolution. Elle conçoit toute la nature et pas seulement la vie en processus de devenir. Elle considère Dieu comme intimement impliqué dans le processus cosmique, tout en restant distinct de ce dernier. « Ainsi, Dieu est la source ultime d’ordre et de nouveauté dans le processus évolutif »369. Dieu est donc « la source même et le stimulus de l’évolution cosmique »370. Il attire à jamais le cosmos vers des nouveautés plus complexes.
365 Ici quelques ouvrages peuvent être bénéfiques pour approfondir la théologie de process, tels que ; John B. COBB and David GRIFFIN, Precess Theology : An Introductory Exposition, Philadelphia, The Westminster Press, 1976; En ce qui concerne les discussions sur les implications environnementales de la théologie du process, voir, Charles BIRCH and John B. COBB Jr. The liberation of life, Cambridge, Cambridge University Press, 1981.
366 L’auteur ne s’aligne pas avec certains aspects de la « théologie du process» tels que l’interprétation de la création divine et le rejet de Hartshorne de l’espérance religieuse pour l’immortalité subjective. Ce qu’il trouve plus intéressant avec la « théologie du process » c’est sa conception de la nature et sa vision d’un Dieu qui est véritablement en relation avec le monde.
367 J-F. HAUGHT, op.cit., p. 32
368 Ibidem.
369 J-F. HAUGHT, Responses to 101 on God and Evolution, New York, Paulist Press, 2001, p. 136.
370 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature. Ecology and Cosmic Purpose, p. 32,
Dans le processus évolutif, Dieu ne se contente donc jamais du statu quo, et c’est pourquoi il inspire une agitation persistante dans le cosmos. Il est donc la source non seulement de l’ordre, mais aussi de la fraîcheur et du contraste qui donnent de la beauté et donc de la valeur intrinsèque à toutes choses. Dieu est celui qui veut maximiser l’intensité esthétique dans le cosmos car sa volonté n’est pas seulement la création de beauté mais aussi et surtout son accroissement. « Le dynamisme divin qui favorise l’intensification de la beauté est la force la plus importante dans le cosmos. C’est cela même la source créatrice de notre univers émergent »371.
En ce qui concerne les humains, la volonté de Dieu dans cette vision cosmique et écologique est qu’ils puissent contribuer à l’accroissement la beauté de l’univers. « Même si l’homme n’est créateur de valeur, il peut intensifier sa présence dans le cosmos et sa préoccupation écologique est une contribution nécessaire à la beauté cosmique »372. Dieu permet à chaque niveau d’évolution cosmique une certaine indétermination qui, au niveau humain, prend la forme de la liberté.
« Chacun de nous est appelé à contribuer librement, à l’intensification de la beauté cosmique »373. Une telle vocation exige que nous veillions constamment au bien-être du cosmos sans lequel cette aventure de la maximisation de la beauté serait impossible. Cela se réaliser par le soin de la diversité biotique à laquelle nous sommes liés.
Dans cette vision cosmologique, le péché de l’homme serait; « celui de se contenter de la monotonie et de la laideur lorsqu’il est possible de préserver et d’améliorer la beauté cosmique »374. Au fond, la négligence écologique nous prive non seulement de la vie intérieure mais aussi d’une plus grande intensité esthétique.
La théologie des process affirme aussi que Dieu exerce sa puissance d’une manière persuasive. La persuasion divine a un impact beaucoup plus profond sur le monde et sur les humains, que ne le ferait tout exercice de force coercitif. « Un monde créé par la contrainte divine ne serait rien de plus qu’un appendice de l’être de Dieu, plutôt qu’un monde sur lui-même »375. Cette persuasion divine, en revanche, offre les possibilités pour que le monde émerge par lui-même. « Par sa persuasion, Dieu laisse le monde se façonner, même s’il reste la source créatrice de tous les chemins possibles que le monde pourrait emprunter »376.
371 Ibidem, p. 33.
372 Ibidem, p. 35.
373 Ibidem, p. 35.
374 J-F. HAUGHT, Responses to 101 on God and Evolution, p. 141.
375 Ibidem, p.138.
376 Ibidem.
Ainsi, Dieu permet au monde d’être en quelque sorte auto-créatif. Dieu ne pousse pas l’univers dans une trajectoire prédéterminée, mais l’attire avec compassion vers de nouvelles possibilités.
La vulnérabilité et l’adaptabilité de Dieu.
Le deuxième aspect de la théologie du process que souligne l’auteur est la conviction que « ce qui arrive à notre environnement naturel arrive aussi à Dieu »377. Contrairement à certaines théologies traditionnelles qui situent Dieu «là-haut» totalement à l’écart du monde, la théologie du process soutient que l’être de Dieu, sans pour autant compromettre la transcendance divine, inclut le monde.
Ainsi, Dieu n’est pas une réalité à laquelle nous n’atteignons qu’en quittant ce monde. Au contraire, Dieu est la réalité dans laquelle tous les événements de l’univers sont finalement synthétisés et préservés. « On peut donc dire que la conservation et la prolongation de la beauté de la nature contribuent réellement à l’intensité et à la beauté de la vie de Dieu »378.
Dieu est affecté intérieurement, en effet changé par ce qui se passe dans le processus cosmique. « Quand la nature souffre, Dieu souffre »379. La théologie des process nous fournit une bonne raison théologique pour préserver la beauté naturelle de notre monde.
Une des raisons pour lesquelles la théologie et les religions sont restées silencieuses pendant la montée de la conscience écologique peut être leur conviction que Dieu ne se soucie pas du monde. Le Dieu absolu du théisme traditionnel semble souvent sans aucun lien avec le monde, éloigné de son fonctionnement interne.
Dans la théologie de process, en revanche, Dieu est intimement lié à la temporalité du monde sans compromettre sa perfection et sa transcendance. Dieu est éternel, mais son éternité est inclusive plutôt que séparée de la temporalité cosmique. Selon les propres mots de Whitehead, « Dieu prend soin que rien ne soit perdu »380. Par conséquent, Dieu est l’archétype suprême des soins que nous sommes obligés d’étendre à notre environnement immédiat.
Cela constitue le vrai fondement de notre souci pour la protection de la nature.
377 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature. Ecology and Cosmic Purpose, p. 35.
378 Ibidem.
379 Ibidem, p. 35.
380 A-N, WHITEHEAD, Process and Reality, corrected edition, edited by David Ray GRAFFIN and Donald W. SHERBURNE: New York, The Free Press, 1978, p. 346, Cité par J-F. HAUGHT, The Promise of Nature. Ecology and Cosmic Purpose, p. 37
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365 Ici quelques ouvrages peuvent être bénéfiques pour approfondir la théologie de process, tels que ; John B. COBB and David GRIFFIN, Precess Theology : An Introductory Exposition, Philadelphia, The Westminster Press, 1976; En ce qui concerne les discussions sur les implications environnementales de la théologie du process, voir, Charles BIRCH and John B. COBB Jr. The liberation of life, Cambridge, Cambridge University Press, 1981. ↑
366 L’auteur ne s’aligne pas avec certains aspects de la « théologie du process» tels que l’interprétation de la création divine et le rejet de Hartshorne de l’espérance religieuse pour l’immortalité subjective. Ce qu’il trouve plus intéressant avec la « théologie du process » c’est sa conception de la nature et sa vision d’un Dieu qui est véritablement en relation avec le monde. ↑
367 J-F. HAUGHT, op.cit., p. 32 ↑
369 J-F. HAUGHT, Responses to 101 on God and Evolution, New York, Paulist Press, 2001, p. 136. ↑
370 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature. Ecology and Cosmic Purpose, p. 32, ↑
374 J-F. HAUGHT, Responses to 101 on God and Evolution, p. 141. ↑
377 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature. Ecology and Cosmic Purpose, p. 35. ↑
380 A-N, WHITEHEAD, Process and Reality, corrected edition, edited by David Ray GRAFFIN and Donald W. SHERBURNE: New York, The Free Press, 1978, p. 346, Cité par J-F. HAUGHT, The Promise of Nature. Ecology and Cosmic Purpose, p. 37 ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que la théologie du process ?
La théologie du process est une branche de la théologie qui réinterprète la vision religieuse du cosmos en termes de cosmologie de la ‘process thought’, se nourrissant des concepts d’Alfred North Whitehead et de ses disciples.
Comment la théologie du process aborde-t-elle l’évolution ?
La théologie du process est particulièrement favorable à la notion d’évolution, concevant toute la nature en processus de devenir et considérant Dieu comme intimement impliqué dans le processus cosmique.
Quel est le rôle de Dieu dans la vision cosmique de la théologie du process ?
Dans cette vision, Dieu est la source ultime d’ordre et de nouveauté dans le processus évolutif, inspirant une agitation persistante dans le cosmos et cherchant à maximiser l’intensité esthétique et la beauté de l’univers.