Les applications pratiques de régénération révèlent des résultats surprenants sur la régénération naturelle des essences commerciales dans l’AAC 2012 de SEEF à Milolé. Cette étude met en lumière des préférences écologiques inattendues, avec des implications cruciales pour la gestion durable des forêts.
DISCUSSION
Caractéristiques des sites
Les résultats de cette étude montrent que la taille moyenne des trouées d‟abattage est de 177,3 m2 21,29 m2. Alors que Kouadio et Doucet (2009) ont trouvé que la superficie moyenne d’une trouée est de 265,8 m2 (σ = 175,4).
La taille moyenne de nos trouées, est conforme à celles recommandées en 2010, par les travaux de Billiand (2010) portant sur la prise en compte de la biodiversité dans les concessions forestières d‟Afrique centrale. En effet, ce document de travail sur la biodiversité forestière en Afrique centrale, indique que la surface des trouées d‟abattage au sol varie entre 150 et 350 m2.
D‟autres auteurs ont trouvé des résultats similaires, c‟est le cas notamment des travaux de Doucet et al (2002) au Gabon, qui indiquent une taille moyenne des trouées de 239 m2. En Centrafrique, De Chatelperron et al (1986) ont rapporté des surfaces des trouées d‟abattage plus élevées (360 et 400 m2).
Le test t de Student de la pente de régression a montré que la variation du diamètre des arbres abattus est positivement liée à la variation de la taille des trouées. Ce résultat est proche de celui trouvé par d‟autres auteurs, qui avaient déjà établi avec un r 0,364 et <0,001, une corrélation positive entre la taille de la trouée et le diamètre des souches (Kouadio et Doucet, 2008).
Nos données montrent également que la taille moyenne des parcs à bois est de 1364,2 m2 45,05 m2. Ce qui n‟est pas très loin de la superficie moyenne des parcs à bois du Code régional d‟exploitation forestière à faible impact dans les forêts denses tropicales humides d‟Afrique Centrale et de l‟Ouest (600 et 1200 m2) tel que décrit par la FAO (2003).
Densités et taux de régénération
Aucoumea klaineana est l‟espèce qui régénère le mieux (3,04 plantules/m2 dans les trouées et 2,22 plantules/m2 dans les parcs). En termes de densité relative, Aucoumea klaineana a les valeurs les plus élevées dans les trois sites (60, 74 et 76% des plantules). Cette forte densité des plantules est probablement liée au tempérament héliophile d‟Aucoumea klaineana.
La régénération de cette espèce semble favorisée par la présence des parcs à bois, des pistes et des trouées. La dominance d‟Aucoumea klaineana peut également s‟expliquer par la densité élevée des semenciers. En effet, 83% des trouées ont été engendrées par l‟abattage d’Aucoumea klaineana. Nos résultats se rapprochent de ceux obtenus par Kouadio et Doucet (2008) qui trouvent une densité relative de 69,4 % moyenne (σ = 23,6) dans les trouées.
Cependant, les densités observées paraissent moins importantes que celles relevées dans les plantations vivrières (où elles vont jusqu‟à atteindre des taux de régénération de 95%). En effet, Aucoumea klaineana est connu comme étant une espèce héliophile, grégaire et sociale (Moundounga, 2011), ce qui explique qu‟il s‟installe sur tous les terrains ouverts.
Il prolifère particulièrement dans les jachères forestières issues d‟anciennes plantations vivrières et à la lisière des savanes (Leroy Deval, 1976, Brunck et al., 1990). Dans les sites d‟exploitation du bois (Doucet, 2003), même la création de trouées plus grandes ne semble pas suffire ; car les héliophiles strictes ne peuvent survivre que très peu de temps dans le sous-bois à l‟état de plantules.
Doucet et al (2004) rapportent donc dans les concessions forestières, une faible régénération d‟Aucoumea klaineana (0,25 plantules/m2). La régénération serait ralentie par plusieurs facteurs dont : l‟irrégularité des fructifications abondantes, la courte longévité des graines, la nécessité pour celles-ci de tomber sur un sol découvert afin que les semis puissent se développer, le caractère héliophile extrême des jeunes plants, la concurrence exercée par les autres espèces (Leroy Deval, 1976, Brunck et al., 1990).
Par ailleurs, la très faible densité absolue cumulée de Canarium schweinfurthii, Distemonanthus benthamianus (héliophile), Paraberlinia bifoliolata (semi-héliophile) et de Tetraberlinia bifoliolata dans les Parcs (0,14 plantule/m2) et de Celtis tessmannii (sciaphiles) dans les trouées (0,01 plantule/m2), indique que la régénération de ces essences est difficile. Dans le même sens, Gobert (2002) a trouvé à Mayumba une très faible densité absolue de Tetraberlinia bifoliolata (0,005 plantule/m2).
Nos résultats montrent que dans les trouées d‟abattage, sa densité est faiblement significative dans les parcs (0,5 plantule/m2) pour une densité relative de 16, alors que l‟étude de Gobert (2002) rapporte pour la même espèce une densité absolue de 0,29 plantule/m2 pour une densité relative de 12,6%.
Affinités entre espèces et types de milieux
L‟exploitation forestière dans l‟AAC 2012 a porté sur 12 essences commerciales différentes parmi les 26 essences objectifs mentionnées dans le plan annuel d‟opération. Nous n‟avons observé dans la régénération que 4 des essences exploitées dans l‟AAC 2012 (Paraberlinia bifoliolata, Distemonanthus benthamianus, Aucoumea klaineana et Pterocarpus soyauxii) parmi celles qui ont été coupées.
Par contre, parmi les essences objectifs, 8 sont présentes dans la régénération (Aucoumea klaineana, Canarium schweinfurthii, Celtis tessmannii, Distemonanthus benthamianus, Paraberlinia bifoliolata, Pterocarpus soyauxii, Tetraberlinia bifoliolata et Tetraberlinia polyphilla).
L‟analyse canonique de correspondances montre qu‟Aucoumea klaineana est l‟espèce qui se régénère dans tous les sites, aussi bien dans les parcs, les trouées que les pistes. Aucoumea klaineana présente également les plus fortes abondances dans les trois sites. Ce fait semble lié à son tempérament héliophile et grégaire. La distribution des effectifs de plantules par classe de hauteur dans les parcs, pistes et trouées vient confirmer les résultats de l‟analyse canonique de correspondance (Annexes 3, 4 et 5).
Eléments d’amélioration de la régénération naturelle des essences commerciales
Les forêts tropicales sont caractérisées par un sous-bois clair et l’irrégularité des peuplements. La récolte sélective des arbres « mûrs » ou écrémage, nous pousse à opter pour le jardinage cultural comme méthode d‟amélioration de la régénération. Pour Schütz (1992), l‟une des propriétés déterminantes du jardinage cultural, est qu‟il a la faculté de favoriser la régénération des essences de lumière à l’ombre et de les maintenir en phase juvénile en demi-ombre sans perte de qualité.
D‟après Bell (1976), cette pratique imite les méthodes agricoles et les interventions consistant en des dégagements de semis en même temps qu‟en une coupe permettant la croissance des taches observées.
Toutefois, pour Catinot (1974), les meilleurs résultats observés sont en réalité « le fait de forêts naturellement riches en quelques espèces, principalement d‟espèces de lumière dont les jeunes plants tolèrent l‟ombre dans leur jeunesse ».
Aussi pour accroître directement la densité des semis d‟essences de valeur dans les zones de coupe, Synnot et Kemp (1976) recommandent aux exploitants forestiers de faire coïncider les opérations sylvicoles avec une chute abondante de semences d‟essences précieuses. Sauf que le problème de la fréquence des inventaires des semis préexistants reste posé. Dans ce cas, pourquoi ne pas faire des observations périodiques de la fructification dans ces forêts ? D‟autant plus que pour Burgess (1968), si le nombre de semis lors des années de fructification est important, peu d‟entre eux survivent jusqu‟à l‟année de fructification suivante, excepté dans les clairières.
Au vu de ce qui précède, nous proposons de procéder aux actions suivantes :
- mettre en place des pépinières dans les UFA qui au besoin serviront à la production des plantules en essences commerciales recherchées ;
- synchroniser l‟ouverture de l‟AAC avec la période de fructification des essences désirées. Ceci ; afin d‟optimiser les chances d‟obtenir un plus grand taux de régénération naturelle dans les trouées d‟abattage ;
- éviter de couper les arbres en forte pente et de créer de trop grandes trouées. Les grandes trouées, ôtent l’ombrage dont les recrues ont besoin et les fortes pentes favorisent l‟érosion et le lessivage des sols. Ainsi, les plantules seraient exposées à de trop de forte intensité lumineuses et par conséquent se dessécher (Lorentz, 1959).
- réaliser un inventaire de la régénération de l‟essence coupée dans les trouées d‟abattage un an après la coupe ;
Un an après l‟ouverture de l‟AAC et en fonction des résultats suivants :
- si le taux de régénération de l‟essence cible est ˃ à 80%, il y a lieu de laisser la nature faire son œuvre ;
- si par contre le taux de régénération est ≤ à 80%, il y a lieu de faire l‟enrichissement des trouées d‟abattage ;
- nettoyer la trouée en la débarrassant de tout débris et tout ligneux indésirable ;
- introduire des plants de l‟essence commerciale cible préalablement produits en pépinière pour amener le taux de régénération au-dessus de 80%.
CONCLUSION
Notre étude visait à évaluer la régénération naturelle des essences commerciales dans les parcs à bois, sur les pistes de débardage et dans les trouées d‟abattage de l‟AAC 2012 de SEEF à Milolé. Les résultats obtenus montrent que les trouées ont une surface moyenne de 177,3 m2 21,29 m2, la taille moyenne des parcs est de 1364,2 m2 45,05 m2.
Notre étude a également établi une régression linéaire entre la surface des trouées et le diamètre des arbres, avec un coefficient de détermination R2 ajusté de 0,2955.
En ce qui concerne la régénération proprement dite, sur 12 essences exploitées dans l‟assiette de coupe en 2012, 4 seulement sont présentes dans la régénération (Aucoumea klaineana, Distemonanthus benthamianus, Paraberlinia bifoliolata, Pterocarpus). En plus de ces 4 essences exploitées, 4 essences objectifs sont également présentes (Canarium schweinfurthii, Celtis tessmannii, Tetraberlinia bifoliolata et Tetraberlinia polyphilla).
Aucoumea klaineana est présente aussi bien dans les parcs à bois, sur les pistes de débardage que dans les trouées d‟abattage mais à des densités peu élevées (3,04 plantules/m2 dans les trouées et 2,22 plantules/m2 dans les parcs). Pterocarpus soyauxii et Tetraberlinia polyphilla ont des densités relativement faibles. Alors que Canarium schweinfurthii (0,03 plantule/m2 dans les parcs), Celtis tessmannii (0,01 plantule/m2 dans les trouées), Distemonanthus benthamianus (0,007 plantule/m2 dans les parcs), Paraberlinia bifoliolata et Tetraberlinia bifoliolata (0,007 pour les deux essences) ; ont des densités absolues très faibles dans les sites échantillonnés.
Parmi les 12 essences exploitées, 8 ne sont pas présentes dans la régénération, il s‟agit de Khaya ivorensis, Guarea cedrata, Piptadeniastrum africanum, Lovoa trichilioides, Afzelia bipindensis, Klainedoxa gabonensis, Guibourtia tessmannii et Cylicodiscus gabunensis.
Pour les essences commerciales exploitables ayant des difficultés à se régénérer ou n‟ayant pas été observées, nous conseillons vivement aux opérateurs forestiers de pratiquer le jardinage cultural pour améliorer leur régénération.
Questions Fréquemment Posées
Quelles espèces se régénèrent le mieux après l’exploitation forestière à Milolé?
Aucoumea klaineana est l’espèce qui régénère le mieux avec 3,04 plantules/m2 dans les trouées et 2,22 plantules/m2 dans les parcs.
Quel est l’impact de la taille des trouées sur la régénération des arbres?
La variation du diamètre des arbres abattus est positivement liée à la variation de la taille des trouées, montrant une corrélation positive.
Pourquoi Aucoumea klaineana prolifère-t-elle dans les jachères forestières?
Aucoumea klaineana est connu comme étant une espèce héliophile, grégaire et sociale, ce qui explique qu’il s’installe sur tous les terrains ouverts.