Les applications pratiques des innovations foncières révèlent des lacunes surprenantes dans la sécurisation des droits au Sud-Kivu. Cette recherche met en lumière des incohérences majeures avec les services locaux, soulevant des questions cruciales sur l’efficacité des interventions non étatiques.
Méthodologie et éthique de l’étude
Ce travail a adopté une méthodologie qualitative. L’approche était empirique. La récolte des données a été faite sur base d’entretiens semi-directifs ainsi que des groupes de discussions. Dans le cadre des entretiens semi-directifs, facilité par un guide d’entretien (cfr annexe 1), nous nous sommes entretenus avec les responsables d’ONGs qui interviennent dans l’arène foncière au Sud-Kivu.
Ces derniers nous ont, par cette occasion, expliqué les approches qu’ils mettent en place dans la sécurisation foncière. Nous avions, également, rencontré les bénéficiaires paysans desdites approches, pour comprendre leurs perceptions sur les innovations promues par les acteurs non-étatiques. Au préalable, grâce au rapport “qui fait quoi” de 2019 de la coordination des actions humanitaires au Sud-Kivu (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, OCHA), nous avons identifié les organisations exerçant dans le secteur foncier, avec leurs zones d’interventions ainsi que leurs localisations.
Les interlocuteurs ont consenti librement à prendre part à nos entretiens et l’anonymat leur a été assuré. Le déroulement de nos entretiens était conditionné par rassurer d’abord à l’interviewer, l’objectif pour lequel ces propos seront utilisés, tout en se conformant à d’autres normes éthiques (telles l’anonymat et la confidentialité). Cette contrainte éthique nous permettait de rassurer nos interviewés que nous sommes étudiants, pour ne pas nous considérer comme un éventuel espion, afin de créer un climat de détente facilitant ainsi la libre expression.
Les questions de nos entretiens avec les responsables d’ONGs, tournaient essentiellement autour de la pertinence du choix des approches, du contexte de mise en œuvre, des outils mis en place, de l’efficacité et pertinence de ces outils. Nous avions, en outre, axé d’autres questions autour –
des contraintes auxquelles leurs approches pouvaient être confortées dans la mise en place, et la manière dont ils ont surmonté ces contraintes. A la population locale, nos questions tournaient essentiellement autour de l’efficacité des approches des acteurs non-étatiques dans l’amélioration de la gouvernance foncière locale. Leurs perceptions, ainsi que leurs points de vue nous étaient très capitales pour comprendre la diversité et les enjeux de cette problématique.
Les visites de terrain ont été facilitées par notre structure de stage, Action Sociale et d’Organisation Paysanne. Cette dernière, qui nous a permis d’entrer en contact avec plusieurs autres ONGs, internationales comme nationales, agences onusiennes et quelques organisations locales avec lesquelles elle intervient en consortium dans les projets de sécurisation foncière au Sud-Kivu.
Nos entretiens ne se structuraient pas essentiellement autour des thèmes inscrits sur notre guide d’entretien. Nous avions laissé une certaine récursivité à l’entretien afin que nos interviewés ne se sentent pas limités. C’est dans ce contexte que plusieurs questions, qui n’étaient au préalable établi, étaient reformulées à partir des réponses des enquêtés.
A d’autres questions cependant, les enquêtés nous référaient à d’autres personnes utiles, soit pour compléter l’une ou l’autre question à laquelle elles estimaient avoir donné des réponses moins satisfaisantes, soit pour avoir des réponses aux questions auxquelles elles n’avaient pas de réponses.
Nos entretiens étaient enregistrés. Après entretient, chaque enregistrement, était réécouté, afin de nous permettre de produire une fiche écrite d’entretien. De toutes les différentes fiches compilées, nous avions rédigé notre rapport de terrain.
Dans l’ensemble, nous avions réalisés 19 entretiens individuels et 7 groupes de discussion. Les entretiens individuels ont été réalisés avec les responsables d’ONG consultées, les animateurs des projets fonciers de ces ONGs, ou des staffs qui interviennent dans le secteur. D’autres entretiens ont été organisés avec les bénéficiaires des interventions, les autorités traditionnelles, les agents des instances locales de gestion foncière, les autorités politico-administratives ayant le foncier dans leurs attributions, et deux juges des tribunaux des paix des territoires de Walungu et de Kabare.
Les entretiens en groupe réunissaient, également, les autorités administratives locales ; certains responsables des organisations féminines locales, des jeunes, et les membres des comités locaux de développement (CLD) appuyés par certaines ONGs dans les projets de sécurisation foncière locale. Les groupes de discussion contenaient entre 8 et 10 participants sélectionnés selon leurs connaissances dans la gestion foncière et dans la maîtrise de ce secteur.
Nous signalons, au passage, que 4 entretiens individuels se sont transformés en groupes de discussion, partant du fait que plusieurs personnes s’ajoutaient, l’une après l’autre, sur l’entretien considéré au préalable comme individuel. Cette contrainte a fait que les mêmes questions posées individuellement soient reposées à ceux qui s’ajoutaient, afin de rester dans la logique d’un groupe de discussion. La complémentarité dans les réponses de nos interviewés a été pour nous capitale, dans le sens où, chaque interviewé se sentait, non seulement libre de se prononcer sur la question de la sécurisation foncière en milieu rural, mais aussi et surtout parce que l’un voulait compléter la réponse donnée par l’autre.
Tous ces entretiens se sont déroulés dans les territoires de Walungu, de Kabare, de Kalehe, d’Uvira et dans la ville de Bukavu. Dans ces territoires, ils ont été tenus avec les organisations paysannes, les autorités coutumières ainsi que les paysans selon leur connaissance de la question
foncière. A Bukavu, nous les avons tenus avec les coordonnateurs des différentes organisations qui interviennent dans la sécurisation foncière, les agents de l’administration foncière et ceux des organisations intervenant dans le secteur foncier. Le choix de ces sites se justifie par les faites qu’au Sud-Kivu, c’est dans ces territoires susmentionnés qu’interviennent la plupart des acteurs non-étatiques dans sécurisation foncière. La cartographie des innovations dressée en annexe III, tente de présenter les acteurs, les approches, et les lieux d’intervention.
A part, ces entretiens et groupes de discussion, cette étude a également recouru à l’observation. A Walungue et à Kabare, nos observations portées sur la conduite de médiations dans les Groupes de réflexions sur les questions foncières ainsi que le processus de reconnaissance des droits fonciers par enquête de terrain. Ces observations ont été facilitées par nos recherches précédentes sur la gouvernance foncière locale.
En plus, la revue de la littérature réalisée dans le cadre de notre travail de spécialité semestre 09/(S09)6, au sujet de “l’accaparement et la thésaurisation des terres rurales par les élites au Sud-Kivu, RDC”, a complété nos observations et nous a permis d’avoir une base théorique, en mobilisant une documentation sur la problématique foncière en milieu rural, tant au niveau de l’Afrique Sub-saharienne, de la région des Grands Lacs Africains qu’au niveau de la RDC.
La particularité de ce travail de spécialité ne nous avait pas permis seulement de valider ce module. Elle nous a, aussi, ouvert l’esprit sur les enjeux fonciers contemporains, l’émergence du débat autour de la sécurisation foncière en milieu rural, et a constitué une base sur laquelle nous avions tourné notre attention.
Cependant, bien que cette revue de la littérature ait été complétée avec quelques rapports des différentes ONGs consultées et d’autres documentations nécessaires retrouvées, elle nous a également facilité la compréhension des certains concepts sur le foncier et inspirée la conception de notre guide d’entretien.
La recherche de terrain n’a pas été épargnée des difficultés. Nous n’avions pas été épargnés des digressions, du refus de participer à certains entretiens par des personnes pourtant préalablement consultées. En effet, par rapport aux digressions, certains interlocuteurs répondaient de manière éparse sur certaines questions, nous obligeant à procéder à des reformulations. Les questions considérées comme non répondues, ont été reposées en dernier lieu, avant le terme de l’entretien. Au regard des mesures de restrictions actuelles, les contraintes sanitaires liées ont fait que certains de nos entretiens prévus n’ont pas eu lieu. Certains responsables d’ONGs ne nous ont pas ouvert la porte de leurs bureaux pour cette raison.
Le développement qui suit, donne un aperçu sur les modèles de sécurisation foncière en Afrique Sub-saharienne. Il tente de présenter les pratiques actuellement en cours et les réflexions qui émergent autour de la sécurisation foncière et la protection des droits fonciers en milieu rural. Il tente en suite de présenter la problématique foncière en RDC en général et au Sud-Kivu en particulier. Il va également présenter les innovations des acteurs non-étatiques et les analyser, à travers l’approche des Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces (FFOM ou SWOT7).
6L’Université Senghor prévoit, au semestre 09, un travail de spécialité qui consiste à une rédaction d’un article
scientifique selon un modèle proposé.
7 En Anglais, l’acronyme SWOT signifie : Stengths, Weaknesses, Opportunities and Threat.
________________________
2 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
3 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles méthodes ont été utilisées pour l’étude sur les innovations foncières au Sud-Kivu ?
Ce travail a adopté une méthodologie qualitative, basée sur des entretiens semi-directifs et des groupes de discussions.
Quels types d’interlocuteurs ont été rencontrés lors de l’étude ?
Nous nous sommes entretenus avec les responsables d’ONGs intervenant dans l’arène foncière au Sud-Kivu et les bénéficiaires paysans des approches mises en place.
Quels sont les principaux résultats de l’étude sur les innovations foncières ?
Les résultats révèlent des insuffisances dans ces innovations, notamment leurs incohérences avec les services administratifs locaux et le manque d’appropriation locale.