Les applications pratiques des droits communautaires au Nord-Kivu révèlent des enjeux cruciaux liés à l’exploitation minière. En explorant la protection des droits des communautés locales, cette étude met en lumière des mécanismes essentiels pour garantir leur sauvegarde face aux activités extractives.
CHAPITRE I. LES DROITS DE COMMUNAUTES LOCALES DANS LE PAYSAGE DES ACTIVITÉS MINIERES AU NORD-KIVU
La province du Nord-Kivu est l’une de province de la RDC qui contient d’énormes ressources minières.41 L’exploitation de ces ressources minières est soumise aux règles. Dans ce chapitre nous examinerons la géographie minière du Nord-Kivu et ses enjeux (section 1ère) avant d’analyser le droit applicable à la matière (section 2ème).
SECTION I.
LA GEOGRAPHIE MINIERE DU NORD-KIVU ET SES PRINCIPAUX ENJEUX
Au Nord-Kivu, les activités minières s’effectuent généralement dans les zones d’exploitation artisanale ainsi que dans les sites couverts par de permis d’exploitation ou alors de permis de recherche. Elles entrainent une situation de conflit devenu malheureusement chronique. Dans cette section, nous allons donner la présentation économique de la province du Nord-Kivu (§1) avant d’aborder les conflits autour de ressources minières que regorge la province (§2).
§1. La présentation économique du Nord-Kivu
Issue du démembrement de 1988, la province du Nord-Kivu a une superficie de 59.483 Km et une population estimée à 5.416.000 habitants. La province comprend trois villes: Goma comme chef-lieu de la province, Beni et Butembo. Elle a 6 Territoires: Masisi, Beni, Lubero, Rutshuru, Walikale et Nyiragongo.42 A côté des activités agricoles, la pêche, l’élevage et le négoce, les activités minières occupent une place considérable dans l’économie du Nord-Kivu. Ces activités s’effectuent sur des sites miniers éparpillés sur presque toute l’étendue de la province et ces sites contiennent divers minerais dont les 3T et l’or.
Les sites miniers du Nord-Kivu et leur importance économique
Le Règlement minier définit le Site minier comme « tout gisement couvert par un titre minier conféré à un particulier ou toute zone ouverte à l’exploitation minière artisanale ».43 Un gisement est tout gîte artificiel exploitable de manière rentable dans les conditions économiques du moment ; par ailleurs le gîte artificiel est toute concentration artificielle des substances minérales à la surface provenant de l’exploitation des mines et/ou des rejets découlant des traitements minéralurgique et métallurgique.44 Il ressort de la définition sus indiquée que le site peut être couvert de permis de recherche ou d’exploitation ou alors être un site d’exploitation artisanale.
Les sites d’exploitation artisanale du Nord-Kivu
La Province du Nord-Kivu contient plusieurs sites ayant le statut des Zones d’exploitation artisanale. Elles sont situées dans tous les territoires sauf à Nyiragongo. A Masisi nous avons le site de Biabatama, Mataba, Gakombe, Luwowo, Koyi, Budjali Bishasha, Rubaya,41 Nyamukubi, Kamarale Birambo…etc.;45 à Walikale nous avons les sites de Abambuwa, Alumu, Baashambo, Bongobongo, Bussang, Kaitolea, Kambubi, Mabele riche, Mili, Mindubi, Misoke, Mabalaka, Mpafu, Mululuto, Nyamutalala, Sangungu, sous-sol, Usungu, Zalanambangu…etc ;46 à Lubero nous avons le site de Manguredjipa, Bunyatenge et Kasugho…etc ; à Beni nous avons les sites de Cantine, Mabalako, etc47 Le plus importants sont les sites miniers de Walikale et Rubaya à Masisi.
Dans tous ces sites, l’exploitation minière est effectuée d’une manière artisanale. En territoire de Masisi par ailleurs, l’exploitation est aussi semi-industrielle avec la société « SMB ». On y exploite du Coltan.48 Et à Walikale, l’exploitation est aussi industrielle notamment avec la société Alphamin Bisie Mining qui y exploite la cassitérite.
Le Code minier énonce que l’exploitation artisanale se réalise dans les Zones d’exploitation artisanale (ZEA) définies et déterminées par le Ministre des Mines après avis de l’Organisme spécialisé de recherches, du Gouverneur de province, du Chef de Division provinciale des Mines, de l’autorité de l’Entité territoriale décentralisée et du Cadastre minier.49 Le périmètre faisant l’objet d’une telle mesure doit être exempt de tout titre minier ou une quelconque autorisation d’exploitation de carrières.50
L’institution d’une ZEA est notifiée par le Secrétaire général aux mines au SAEMAPE pour l’encadrement et l’assistance des exploitants artisanaux affiliés à une Coopérative minière agréée et au Cadastre minier qui la porte sur la carte de retombes minières. Tant qu’une ZEA existe, aucun titre minier ou de carrières ne peut y être octroyé.51 La ZEA peut être fermée par le ministre de mine, lorsque les facteurs qui ont justifié son institution ont cessé d’exister ou qu’un nouveau gisement ne relevant pas de l’exploitation artisanale vient à être découvert, les avis de l’organisme spécialisé de recherches, du SAEMAPE et du Gouverneur de la Province concernée, sont à tenir compte lors de la fermeture comme c’est le cas lors de l’institution.52
La fermeture d’une ZEA est notifiée par le Secrétaire général aux mines à la Division provinciale des mines, au CAMI et au SAEMAPE. Ce dernier en informe les Coopératives minières ou des produits de carrières agréées, selon le cas et se charge éventuellement de la relocalisation des exploitants artisanaux dans une autre ZEA légalement instituée dans les soixante jours à compter de la notification de la décision de fermeture, délais dans lequel les exploitants artisanaux doivent quitter la ZEA.
45 Arrêté ministériel n°0188/CAB.MIN/MINES/01/2012 du 23 mars 2012 portant qualification et validation de 15 sites miniers dans le territoire de Masisi en province du Nord-Kivu (annexe), JORDC, première partie-n°9, 1er mai 2012.
46 Arrêté ministériel n°0505/CAB.MIN/MINES/01/2019 du 15 juin 2019 portant qualification et validation de 15 sites miniers dans le territoire de Walikale en province du Nord-Kivu (annexe) < https://congomines.org/system/attachments/assets/000/001/614/original/Arr%C3%AAt%C3%A9_Min Qualification_et_validation_15_sites_miniers_Terr_Walikale_province_Nord_Kivu.pdf?156412663 2> 22 janvier 2024.
47 Réseau pour la conservation et la réhabilitation des écosystèmes forestiers, supra note 19.
48 Ibid.
49 Code minier, article 109.
50 Ibid.
51 Ibid.
52 Ibid., article 110.
La coopérative minière ou de produits de carrières agréée dispose d’un droit de préemption pour solliciter un Permis en vue d’une exploitation à petite échelle.53 Elle dispose d’un délai de cent quatre-vingts jours, à compter de la notification de fermeture par le Secrétaire général aux mines, pour faire connaître si elle entend faire jouer son droit de préemption.54 Il apparaît que les articles 109 et 110 ne précisent pas clairement les autorités ayant l’initiative de solliciter l’institution ou la fermeture d’une ZEA.
L’article 109 se limite à indiquer que le SAEMAPE « peut requérir l’institution » d’une ZEA sous certaines conditions.55 Toutefois, dans la pratique, l’institution ou la fermeture est sollicitée soit par le SAEMAPE, soit par le Gouverneur de Province ou encore par les Coopératives minières, au travers d’une requête motivée, adressée au Ministre national des mines qui apprécie.56
Au Nord-Kivu, l’exploitation artisanale s’effectue par les exploitants artisanaux regroupés dans des coopératives dont.57 Ces coopératives minières exploitent soit la cassitérite, soit le Coltan, soit l’or, soit alors la tourmaline, ou le wolframite.58 Elles vendent leurs matières premières aux exportateurs (SAKIMA, SMB, ABM,…etc.) ou aux négociants qui doivent les soumettre, à leur tours, dans le cadre de règles de diligence rationnelle de l’OCDE,59 au mécanismes de certification auprès du Service de l’Assistance et d’Encadrement de l’Exploitation minière artisanale et à Petite échelle (SAEMAPE), un
organisme public rattaché au ministère des Mines, chargé de sceller les sacs de minerais au niveau des carrières avec des étiquettes « mine » et d’enregistrer les données correspondantes dans un registre ;60 et du Centre d’Expertise, d’Évaluation et de Certification des Substances minérales précieuses et Semi-précieuses, (CEEC en sigle).61
Les négociants peuvent ouvrir les sacs pour effectuer un traitement initial des minerais, suite à quoi la division des Mines, l’entité technique du ministère des Mines, les marque avec une étiquette « négociant » avant de les acheminer vers la société exportatrice, puis vers la fonderie.62
53 Ibid.
54 Ibid.
55 Mupande, supra note 10, pp.157-158.
56 Ibid.
57 Save Act Mine, supra note 20, p.23.
58 Ibid.
59 Organisation pour la coopération et développement économique, Alignement Assessment of Industry Programmes with the OECD Minerals Guidance, rapport, octobre 2018, p.14
<https://mneguidelines.oecd.org/Highlights-Alignment-Assessment-of-industry-programmes-with-the-OECD-minerals-guidance.pdf > 22 janvier 2024.
60 Décret n°17/009 du 04 avril 2017 portant création et statuts d’un Service public dénommé service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à Petite échelle, « SAEMAPE », en sigle, JORDC, première partie, 58ème année, numéro spécial, 29 avril 2017, article 2.
61 Décret n° 036/2003 du 24 mars 2003 portant création et statuts d’une entreprise publique dénommée Centre d’Evaluation, d’Expertise et de Certification des substances minérales précieuses et semi-précieuses, en sigle « C.E.E.C. », JORDC, première partie, 44ème année, n° 8, 15 avril 2003, articles 1 et 2.
62 Ibid.
________________________
41 Save Act Mine, supra note 20, p.7. ↑
42 Programme des Nations unies pour le développement, Profil résumé : pauvreté et conditions de vie des ménages dans la province du Nord-Kivu, étude, Kinshasa, 2009, p.3 <https://www.undp.org/sites/g/files/zskgke326/files/migration/cd/UNDP-CD-Profil-PROVINCE-Nord-Kivu.pdf> 21 janvier 2024. ↑
43 Règlement minier, article 2. ↑
45 Arrêté ministériel n°0188/CAB.MIN/MINES/01/2012 du 23 mars 2012 portant qualification et validation de 15 sites miniers dans le territoire de Masisi en province du Nord-Kivu (annexe), JORDC, première partie-n°9, 1er mai 2012. ↑
46 Arrêté ministériel n°0505/CAB.MIN/MINES/01/2019 du 15 juin 2019 portant qualification et validation de 15 sites miniers dans le territoire de Walikale en province du Nord-Kivu (annexe) < https://congomines.org/system/attachments/assets/000/001/614/original/Arr%C3%AAt%C3%A9_Min Qualification_et_validation_15_sites_miniers_Terr_Walikale_province_Nord_Kivu.pdf?156412663 2> 22 janvier 2024. ↑
47 Réseau pour la conservation et la réhabilitation des écosystèmes forestiers, supra note 19. ↑
49 Code minier, article 109. ↑
55 Mupande, supra note 10, pp.157-158. ↑
57 Save Act Mine, supra note 20, p.23. ↑
59 Organisation pour la coopération et développement économique, Alignement Assessment of Industry Programmes with the OECD Minerals Guidance, rapport, octobre 2018, p.14 <https://mneguidelines.oecd.org/Highlights-Alignment-Assessment-of-industry-programmes-with-the-OECD-minerals-guidance.pdf > 22 janvier 2024. ↑
60 Décret n°17/009 du 04 avril 2017 portant création et statuts d’un Service public dénommé service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à Petite échelle, « SAEMAPE », en sigle, JORDC, première partie, 58ème année, numéro spécial, 29 avril 2017, article 2. ↑
61 Décret n° 036/2003 du 24 mars 2003 portant création et statuts d’une entreprise publique dénommée Centre d’Evaluation, d’Expertise et de Certification des substances minérales précieuses et semi-précieuses, en sigle « C.E.E.C. », JORDC, première partie, 44ème année, n° 8, 15 avril 2003, articles 1 et 2. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principaux enjeux de l’exploitation minière au Nord-Kivu ?
Les activités minières au Nord-Kivu entraînent une situation de conflit devenu malheureusement chronique, avec des enjeux économiques liés à l’exploitation des ressources minières.
Quelles sont les zones d’exploitation artisanale au Nord-Kivu ?
La province du Nord-Kivu contient plusieurs sites ayant le statut de Zones d’exploitation artisanale, situées dans presque tous les territoires sauf à Nyiragongo.
Comment le Code minier définit-il l’exploitation artisanale ?
Le Code minier énonce que l’exploitation artisanale se réalise dans les Zones d’exploitation artisanale (ZEA) définies par le Ministre des Mines après avis des autorités compétentes.