Les applications pratiques de l’écologie révèlent des solutions innovantes face à la crise écologique actuelle. En revisitant la théologie de la création à travers le prisme de Saint François d’Assise, cet article propose une transformation nécessaire des relations entre l’homme, la nature et le divin.
Une approche des concepts de base
L’écologie
Le mot écologie54 est un néologisme forgé en 1866 par le biologiste allemand Ernest Haeckel à partir de deux mots grecs oikos et logos qui signifient respectivement habitat et science. « L’écologie est donc comprise, au départ, comme la science des relations de l’organisme avec son environnement »55.
Cependant, en 1868, inspiré par le naturaliste suédois, Carl Von Linné, Haeckel introduit l’idée d’économie de la nature. Ainsi, l’écologie est comprise aujourd’hui « comme l’étude des milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants ainsi que les rapports de ces êtres avec leur milieu »56.
Patrick Blandin quant à lui, est parti de l’origine historique pour affirmer que l’écologie, telle que la pratiquent de milliers de chercheurs, se comprend comme « l’étude des êtres vivants dans leurs relations avec leur milieu, qui est à la fois physique, chimique et biologique, car tout être vivant est en interaction avec de multiples autres organismes de diverses espèces »57.
C’est dans ce sens que depuis plusieurs décennies les écologistes préconisent le développement d’une science nouvelle qui prend en compte l’environnement dans sa globalité : « une science de la biosphère58 c’est-à-dire du système planétaire en tant qu’il permet et inclut la vie »59.
Signalons que selon Luc Ferry « on peut distinguer trois courants de l’écologie, à savoir ; « l’écologie anthropocentrique, l’écologie utilitariste ou environnementaliste et l’écologie profonde ou éco-centrique ou même bio-centrique, »60. Et que recouvre chacun de ces courants ? Tel est l’objet de lignes qui suivent.
L’écologie anthropocentrique
Pour beaucoup, ce courant a des allures superficielles dans le sens où il subordonne la défense et la protection de la nature à l’idéologie de la préséance de l’homme dans l’univers. Luc Ferry affirme que « l’anthropocentrisme repose sur l’idée qu’à travers les efforts déployés pour défendre et protéger la nature, est sous-jacent le principe sacro-saint qui vise toujours et avant tout la défense et la protection de l’homme par rapport aux autres êtres »61.
Il pose toujours la satisfaction des besoins humains comme finalité, tout en attribuant au reste du vivant qu’un statut de ‘ressource’ à disposer et à exploiter. Dans cette perspective, l’épanouissement et le bien-être de l’homme sont favorisés au détriment56.
57 R. COSTE, Dieu et l’écologie : Environnement, Théologie, Spiritualité, Paris, Les Ateliers, 1994, p.8
58 La biosphère : C’est un thème introduit par le géologue autrichien Eduard Suess (1831-1914) en (1875) dans le dernier chapitre d’un ouvrage sur la formation des Alpes, pour désigner l’ensemble des êtres vivants de notre planète. Il y fait à nouveau allusion dans une œuvre monumentale, La face de la terre (1885-1909), qui représente le premier exposé de géologie générale du globe.
Ensuite la biosphère sera conceptualisée par le géologue Wladimir Ivanovitch Vernadsky (1863-1945) dans un ouvrage publié en russe en 1926 et en français en 1929. Elle désigne aujourd’hui, au sens strict, la portion du globe terrestre constituée de l’écorce et de la basse atmosphère, qui renferme les êtres vivants dans leurs écosystèmes.
C’est l’endroit où la vie est possible en permanence. Dans le cadre d’une analyse systémique, elle est un des quatre « réservoirs » avec l’hydrosphère (les océans), la lithosphère (l’écorce terrestre) et l’atmosphère (enveloppe gazeuse de la terre). L’ensemble formé de la biosphère au sens strict avec les trois autres « réservoirs » plus la photosphère (représentée par le soleil), forme pour certains écologues l’écosphère.
Cf. P. MATAGNE, art.cit. p. 33-34
59 R. COSTE, op.cit., p. 9.
60 L. FERRY, Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Grasset, 1992, cité par I. MVUEZOLO MIKEMBI, art.cit., p. 25.
61 Ibidem.
des autres composantes du cosmos. Ce courant serait donc à la base des angoisses écologiques qui traversent le monde actuel.
L’écologie utilitariste
Comme l’écologie anthropocentrique, ce courant vise la préséance à l’homme. Cependant, il se distancie du premier courant « en s’accordant une certaine justification morale, en prônant la libération de certains êtres non humains tels que des animaux, même si cela repose sur un intérêt »62.
Il y a donc non seulement la recherche de l’intérêt propre des hommes mais aussi la volonté de diminuer au minimum la souffrance dans le monde et de favoriser autant que possible le bien-être. Par conséquent, « tous les êtres susceptibles de plaisir et de peine doivent être tenus pour des sujets de droit et traités comme tels »63.
L’écologie profonde.
Ce courant est aussi connu sous le nom d’écologie bio-centrique ou d’écologie éco-centrique. C’est un courant au visage fondamentaliste dont les plus éminents représentants sont Aldo Léopold aux Etats Unis, Hans Jonas en Allemagne ainsi que Michel Serres et Luc Ferry en France. « Il revendique les droits de la nature dans sa totalité, sans négliger aucune forme de vie »64.
Le concept ‘écologie profonde en anglais deep ecology’ a été inventé par un philosophe norvégien Arne NÆSS pour désigner un courant écologique rompant totalement avec une vision anthropocentrique, et qui contraste avec l’écologie superficielle (shallow ecology). Il affirme que « le droit de toute forme de vie à vivre est un droit universel qui ne peut pas être quantifié.
Aucune espèce vivante n’a plus de ce droit particulier de vivre et de s’étendre qu’une autre espèce »65. On le voit, à l’encontre des deux précédents, ce courant cherche davantage la défense de la valeur inhérente des tous les êtres indépendamment de leur utilité pour l’homme.
La crise écologique
La crise écologique actuelle est généralement comprise comme un phénomène décisif qui découle de la domination de l’homme sur la nature. Comme l’affirme Gérard Siegwalt, « la crise écologique n’est pas seulement une crise de la relation de l’homme
62 Ibidem.
63 I.MVUEZOLO MIKEMBI, art.cit., p. 26.
64 Ibidem.
65 Cf. A. NÆSS, The Shallow and the Deep Long Range Ecology Movement , Traduit en français par H.-S. AFEISSA (éd.), Éthique de l’environnement. Nature, valeur, respect, Paris, Vrin, 2007.
avec la nature, elle est une crise de la civilisation, de ses fondations, et, plus profondément, de l’homme lui-même »66.
Bref, il s’agit d’une « crise des fondements »67. Pour Jürgen Moltmann, l’expression crise écologique ne désigne la situation que d’une façon « faible et inexacte »68.
A ses yeux, il s’agit en réalité « d’une crise de tout le système vital du monde industriel moderne dans lequel des hommes et leur milieu naturel se sont engagés eux-mêmes et ne cessent de s’enfoncer »69.
Il renchérit en affirmant que ce qu’on appelle aujourd’hui « la crise de l’environnement » n’est pas seulement une crise de l’environnement naturel mais la crise de l’homme lui-même avec des impacts universels.
« Ce n’est pas une crise passagère, mais selon toutes les prévisions, le commencement de la lutte pour la vie et la mort de la création sur cette terre »70.
C’est une crise qu’on peut qualifier de mortelle non seulement pour les hommes mais aussi pour les autres êtres vivant et pour tout l’environnement naturel.
Dans le même registre, la critique de René Dumont sur l’ampleur de la crise est assez pathétique ; « l’humanité affronte une série de dangers qui n’ont jamais été aussi menaçants, car ils mettent en jeu, pour la première fois dans son histoire sa survie même »71.
Il est vrai donc que l’humanité traverse une situation de crise écologique grave due à l’épuisement de la nature par l’homme. Si les tendances actuelles continuent, le monde deviendra de plus en plus vulnérable et la survie des générations à venir se trouvera hypothéquée.
« Des sérieux problèmes démographiques, environnementaux et ceux liés aux ressources naturelles sont donc à craindre dans les jours à venir »72.
On le voit, il s’agit bien dans cette crise de la perturbation de manière presque irréparable du lien vital entre la société humaine et l’environnement naturel surtout par l’activité anthropique. « Il faudra ainsi parler de la crise du système dans son ensemble, avec tous les systèmes partiels, du dépérissement des forets jusqu’à la propagation des
66 L. VAILLANCOURT, op.cit. p. 314
67 Cf. G.SIEGWALT, Dogmatique pour la catholicité évangélique. Système mystagogique de la foi chrétienne. III. L’affirmation de la foi. 1. Cosmologie théologique: Sciences et philosophie de la nature, Genève-Paris, Labor et Fides, 1996, p. 164.
68 J. MOLTMANN, op.cit., p. 37.
69 Cf. COUNCIL OF ENVIRONMENTAL QUALITY, The global report to the president, Washington, 1980, cité par J. MOLTMANN, op.cit. p.37.
70 J.MOLTMAN, op.cit., p. 8.
71 R. DUMONT, Préface de LESTER R. BROWN (dir.), L’Etat de la planète1989, Paris, 1989, p. xiii.
72 Ibidem.
névroses, de la pollution de l’eau jusqu’au sentiment nihiliste de la vie73, qui donne lieu au déséquilibre de l’écosystème74.
73 J. MOLTMANN, op.cit. p. 39
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54 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
55 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
57 R. COSTE, Dieu et l’écologie : Environnement, Théologie, Spiritualité, Paris, Les Ateliers, 1994, p.8 ↑
58 La biosphère : C’est un thème introduit par le géologue autrichien Eduard Suess (1831-1914) en (1875) dans le dernier chapitre d’un ouvrage sur la formation des Alpes, pour désigner l’ensemble des êtres vivants de notre planète. Il y fait à nouveau allusion dans une œuvre monumentale, La face de la terre (1885-1909), qui représente le premier exposé de géologie générale du globe. ↑
60 L. FERRY, Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Grasset, 1992, cité par I. MVUEZOLO MIKEMBI, art.cit., p. 25. ↑
63 I.MVUEZOLO MIKEMBI, art.cit., p. 26. ↑
65 Cf. A. NÆSS, The Shallow and the Deep Long Range Ecology Movement , Traduit en français par H.-S. AFEISSA (éd.), Éthique de l’environnement. Nature, valeur, respect, Paris, Vrin, 2007. ↑
66 L. VAILLANCOURT, op.cit. p. 314 ↑
67 Cf. G.SIEGWALT, Dogmatique pour la catholicité évangélique. Système mystagogique de la foi chrétienne. III. L’affirmation de la foi. 1. Cosmologie théologique: Sciences et philosophie de la nature, Genève-Paris, Labor et Fides, 1996, p. 164. ↑
68 J. MOLTMANN, op.cit., p. 37. ↑
69 Cf. COUNCIL OF ENVIRONMENTAL QUALITY, The global report to the president, Washington, 1980, cité par J. MOLTMANN, op.cit. p.37. ↑
70 J.MOLTMAN, op.cit., p. 8. ↑
71 R. DUMONT, Préface de LESTER R. BROWN (dir.), L’Etat de la planète1989, Paris, 1989, p. xiii. ↑
73 J. MOLTMANN, op.cit. p. 39 ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que l’écologie selon Ernest Haeckel?
L’écologie est comprise, au départ, comme la science des relations de l’organisme avec son environnement.
Quels sont les courants de l’écologie mentionnés dans l’article?
On peut distinguer trois courants de l’écologie : l’écologie anthropocentrique, l’écologie utilitariste ou environnementaliste, et l’écologie profonde ou éco-centrique.
Comment l’écologie anthropocentrique est-elle définie?
L’écologie anthropocentrique subordonne la défense et la protection de la nature à l’idéologie de la préséance de l’homme dans l’univers.