L’analyse d’étude de cas en sécurisation foncière révèle des lacunes surprenantes dans les innovations des acteurs non étatiques au Sud-Kivu. Ces insuffisances, qui compromettent l’appropriation locale et l’harmonisation avec les services administratifs, soulèvent des questions cruciales pour la protection des droits des communautés rurales.
§1. Les forces ou avantages des innovations
Le titre foncier coutumier
Le processus de délivrance du titre foncier coutumier est participatif et inclusif. Le titre foncier coutumier permet au détenteur de faire valoir ses droits sur la terre. Il tire sa légitimité sur ce caractère participatif et inclusif, ainsi que son acceptation locale comme outil à faire valoir le droit de propriété sur le sol.
Le processus de l’obtention étant simple et moins coûteux, contrairement au certificat d’enregistrement prôné par l’État qui coûte d’abord cher aux paysans, puis se négocie dans les méandres de l’administration foncière locale. Le titre foncier coutumier, une fois la procédure de son obtention bien suivie, devient un gage de prévention des différentes tentatives malveillantes d’accaparement des terres, d’éventuels conflits fonciers liés à la contestation sur la parcelle tout en promouvant la paix sociale.
Ce titre peut aussi servir de gage pour contracter un crédit d’investissement dans la terre avec toute quiétude. En fin, il facilite la promotion des droits de la femme en générale et du droit foncier de la femme en particulier en ce sens que les femmes commencent à sécuriser, à leurs propres noms, les droits fonciers outre- fois considérés tabou par la coutume locale.
Elles peuvent, alors, hériter la terre et y investir sans contestation.
La cartographie participative
La cartographie participative est un outil efficace pour la représentation graphique des espaces communautaires. Elle peut contribuer, efficacement, à la reconnaissance des droits fonciers locaux, surtout dans des milieux avec prédominance de droits collectifs. En effet, l’absence de cartographie des terroirs coutumiers expose les communautés à des appétits fonciers extérieurs et à des conflits intercommunautaires pour les contrôles des ressources.
Cet outil peut également être utile pour l’allocation de terres à des opérateurs extérieurs à la communauté. Etant donné que les demandes des concessions se font sur des terres communautaires parfois juxtaposées, il n’est pas toujours évident de savoir avec quelle communauté négocier une portion de la concession. Ce problème se pose par exemple pour la délimitation des parcs et autres réserves naturelles.
La validation intercommunautaire peut également être utilisée comme un outil de résolution de conflits fonciers intercommunautaires, dans la mesure où elle documente un accord entre communautés voisines sur les limites de leurs terroirs respectifs.
L’administration locale utilise la cartographie participative pour une meilleure planification des espaces. En effet, les informations des cartes communautaires sur les limites de l’exercice des droits des différentes communautés, dans les villages cartographiés, peuvent constituer des outils précieux dans la planification locale de développement. Les cartes communautaires peuvent, enfin, faire ressortir les cas de superpositions d’usages ou de ressources sur un même espace (Revue du secteur foncier, op cit.).
les cadres de dialogue et de médiation, et groupes de réflexion sur les questions foncières
Ces structures, grâce aux nouvelles approches développées dans la gestion des conflits fonciers, ont fait qu’elles soient plus consultées, et obtiennent, sur le plan local, une certaine crédibilité. Elles demeurent, localement, des structures de référence dans la résolution des différends fonciers. Leur diligence dans l’appréciation de conflits fonciers aboutit à ce que plusieurs différends soient réglés et la paix sociale rétablie. Pascal Thinon, Alain Rochegude et Thea
Hilhorst (2011) illustrent avec un exemple que sur le 129 GRQF créé par IFDP à Kabare, 1504 cas des conflits ont été résolus et la paix sociale rétablie durant la période qu’encourait le projet de sécurisation foncière de cette organisation. A Lemera en particulier, et dans le territoire de Walungu en général, les structures de médiation mises en place par ASOP ont permis à faire comprendre aux hommes, grâce à des sensibilisations sur l’éducation foncière, la nécessité de sécuriser la terre aux noms de leurs
femmes et enfants. Alors que dans la coutume locale, les femmes ne peuvent, ni accéder à la terre, ni sécuriser celle-ci à leurs noms. Dans certains territoires (tels Walungu, Kabare et Kalehe), ces structures ont permis aux femmes de débattre aux côtés de leurs maris, les enfants aux côtés de leurs parents, sur les questions foncières, autrefois considérées par les coutumes locales comme « tabou ».
Leurs caractères non lucratifs, a fait qu’elles soient plus consultées au niveau local. Plusieurs cas des conflits fonciers y sont alors appréciés et résolus, même ceux qui restaient pendants, force aux protagonistes de manquer le moyen matériel à payer comme frais de médiations aux autorités coutumières locales, ou aux tribunaux des paix locaux.
Le registre foncier coutumier
Le Registre Foncier Coutumier ou encore Registre Foncier Communautaire, est venu répondre à un besoin imminent des communautés locales qui se sentaient moins sécurisées par certaines dispositions de la loi foncière actuelle. Sur le plan individuel, la sécurisation foncière est perçue comme une condition pour assurer la subsistance de la famille.
Elle permet aussi d’assurer la transmission des terres aux héritiers. Du point de vue de l’Etat, elle est surtout perçue comme une dimension essentielle des politiques de développement, qui facilite la croissance de la production agricole, la maitrise du développement urbain, et permet de garantir la paix sociale36. En plus, la mise en place du registre communautaire permet également d’améliorer les pratiques coutumières locales de gestion des terres.
Elle favorise, en plus, la sécurité de la tenure foncière des vulnérables au sein de la communauté, tant sur le plan institutionnel, légal et spatial37. Il [le registre foncier coutumier] facilite, somme toute, d’identifier les occupants fonciers, qui sont dans la zone, ainsi que les droits fonciers sur leurs terres, conclut Jean-Pierre Chauveau (2003).
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les avantages du titre foncier coutumier au Sud-Kivu ?
Le titre foncier coutumier permet au détenteur de faire valoir ses droits sur la terre grâce à un processus participatif et inclusif, et il est moins coûteux que le certificat d’enregistrement de l’État.
Comment la cartographie participative aide-t-elle à la sécurisation foncière ?
La cartographie participative contribue à la reconnaissance des droits fonciers locaux et aide à la planification des espaces, tout en documentant les accords entre communautés sur les limites de leurs terroirs.
Quel rôle jouent les cadres de dialogue et de médiation dans la gestion des conflits fonciers ?
Les cadres de dialogue et de médiation sont consultés pour résoudre les différends fonciers, et leur efficacité a permis de rétablir la paix sociale dans plusieurs cas, comme illustré par le projet de sécurisation foncière de l’IFDP.