Comment l’analyse des discours d’Aristide révèle des enjeux cruciaux ?

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🏫 Université de Yaoundé I - Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines - Département des Sciences du Langage
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022
🎓 Auteur·trice·s
Daniel LAMOUR
Daniel LAMOUR

L’analyse des discours d’Aristide révèle des stratégies discursives inattendues, mettant en lumière les tensions socio-politiques d’Haïti entre 1991 et 2004. Cette étude critique offre des perspectives nouvelles sur la crise politique contemporaine, essentielle pour comprendre les dynamiques de la démocratisation en Haïti.


Autours des élections du 21 mai 2000

Des élections sont organisées en 1995, le président élu René Garcia Préval prend son investiture le 7 février 1996 avec un héritage très lourd : le conflit entre l’ancien président Aristide et l’OPL, le dossier des réformes économiques exigées par la communauté internationale (les conditions du retour de son prédécesseur), la décomposition des institutions de l’État104.

Le processus électoral du 21 mai 2000 se déroule dans un climat de violence globale. Malgré les mises en garde de certains membres du corps diplomatique, et non des moindres, le président Préval a choisi six des neuf membres de l’institution électorale. Comme s’il voulait montrer son emprise sur le processus électoral, il se permit de convoquer tous les techniciens du Conseil électoral provisoire au Palais national pour leur passer des instructions.

Pour avoir jugé incorrect cet acte posé par le président, la responsable de l’International Foundation for Electoral Systems (IFES), l’institution chargée de la formation des cadres de la machine électorale, Mme Michèle Béjin, fut déclarée persona non grata. Le président prit tout seul la décision de différer en trois occasions les dates prévues par le Conseil électoral provisoire pour la tenue des élections, sans se soucier des partis politiques de l’opposition et de l’électorat105.

Malgré ces décisions défavorables pour le processus, la présence d’observateurs internationaux était massive. La journée électorale commence dans le calme, dans l’après-midi les choses commencent à mal tourner pour les partis de l’opposition : le vol des urnes par la police, l’exclusion des mandataires n’appartenant pas au parti au pouvoir, l’absence de procès-verbal, rien qu’à Port-au-Prince, sous les yeux des journalistes et des observateurs.

Dans le Plateau central, la police s’empare des urnes pour les transporter dans les commissariats de police transformés en centres de comptage, violant ainsi le décret-loi électoral que le gouvernement lui-même avait promulgué. La presse nationale et internationale diffuse les images des bulletins de vote et des procès-verbaux jonchant les rues de Port-au-Prince106.

Le pouvoir, quant à lui, par la voix du premier ministre de facto, Jacques Édouard Alexis, s’empressa de crier victoire.

104 L’énigme haïtienne – Chapitre 8. La crise de 1991-1994 ou l’effondrement de l’État haïtien – Presses de l’Université de Montréal, https://books.openedition.org/pum/15189?lang=fr , p.27, consulté le 1 juillet 2022.

105 HURBON, Laënnec, Pour une sociologie d’Haïti au XXI siècle. La démocratie introuvable, p.186.

106 La grande presse internationale était unanime à reconnaître le caractère scandaleux de ces élections. Radio Canada titrait son reportage en date du 22 mai : « En Haïti, la démocratie se ramasse à la pelle » ; James R. Morrell écrit : « Snatching Defeat from Jaws of Victory », International Policy Report, août 2000 ; et le Miami Herald : « Serious Error is Discovered in Haiti’s Election ». Voir le Miami Herald du 3 juin 2000.

et de qualifier les partis politiques de l’opposition, victimes de ce coup d’État par les urnes, de

« mauvais perdants107 ».

Face au durcissement de la position de l’opposition et aux avertissements de la communauté internationale, le pouvoir lança ses partisans dans les rues pour exiger la publication des résultats que le président Préval présenta pour promulgation au président du CEP, Me Léon Manus. Celui-ci refusa de les signer, parce que contraires aux siens.

Le lendemain, une violente émeute à Port-au-Prince provoque la démission de deux membres du Conseil électoral provisoire, et son président, à la suite des menaces de mort proférées à son endroit, il prend le chemin de l’exil108. La victoire d’Aristide est contestée par l’opposition. Sous le leadership de l’OEA des négociations sont engagées entre le pouvoir et l’opposition en vue de trouver un compromis avant le 7 février 2001, date de l’investiture d’Aristide.

La convergence démocratique refuse les propositions du pouvoir et convoque les états généraux de l’opposition en vue de la formation d’un gouvernement provisoire. Le 7 février 2001, le pays se réveilla avec deux présidents : le professeur Gérard Gourgues recevant l’investiture à titre de président provisoire dans les locaux de la Convergence démocratique, et Jean-Bertrand Aristide prêtant serment au Parlement de facto109.

Enfin, l’opposition renonce et Aristide est de nouveau président. Mais, le contexte socio-politique reste très fragile.

Tableau II – Résultat des élections du 21 mai 2000

Résultat des élections du 21 mai 2000
Paramètre/CritèreDescription/Valeur
Élections21 mai 2000
Président éluJean-Bertrand Aristide
ContexteViolence et contestation

Source : CEPHaiti.gov.ht

107 HURBON, Laënnec, op. cit, p. 191

108 MOÏSE, Claude, La croix et la bannière. La difficile normalisation démocratique en Haïti, op. cit., p. 80-81

109 Ibid.

Aggravation de la crise

Le 17 novembre 2002, au Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays, l’Initiative Citoyenne (IC), une organisation de la société civile, organise une manifestation, et rassemble une foule estimée à plus de 50 000 personnes, provoque la résurrection de la société civile. À la base de la dynamisation de la société civile, se retrouvait le Groupe des 184.

Ce regroupement d’associations, englobant tous les secteurs organisés de la société non liés au pouvoir, émergea à la fin de 2002 et parvint, au fil du temps, à réunir plus de 400 entités. En faisant la promotion d’un « contrat social » favorisant l’inclusion de tous les Haïtiens et Haïtiennes de l’intérieur et de l’extérieur du pays dans le cadre d’un État démocratique de droit, elle détruisit les fondements du discours démagogique du pouvoir Lavalas et permit de redéfinir la ligne d’action politique.

Pris au dépourvu, ne disposant ni d’idéologues ni de cadres bien formés, le gouvernement Lavalas lança ses groupes armés aux trousses des dirigeants du Groupe des 184110. Le 14 novembre 2003, en vue de présenter une proposition pour la résolution de la crise politique qui secouait le pays depuis les élections contestées de 2000.

Pris de panique une fois de plus, le pouvoir réagit violemment et la police sert d’auxiliaire pour les bandes armées du régime qui se déchaînent contre les manifestants111.

L’assassinat d’Amiot Métayer112 au mois de septembre 2003 soulève la colère de ses partisans qui accusent le pouvoir Lavalas d’en être responsable. L’insurrection de l’armée cannibale, transformée entre-temps en Front de Résistance de l’Artibonite (FRA), et les échecs répétés de plusieurs opérations lancées par le pouvoir par air, par terre et par mer, pour mater la rébellion, font de nombreuses victimes au sein de la population.

Mécontents, les habitants de la ville se soulèvent. L’impossibilité pour le gouvernement de reprendre le contrôle de la ville des Gonaïves comporte une charge symbolique encore plus importante : le 1er janvier 2004 marque le bicentenaire de l’indépendance du pays et Jean-Bertrand Aristide qui essaye de se rendre sur la Place d’Armes des Gonaïves, là où est proclamée l’indépendance, pour prononcer le discours de circonstance, sous une pluie de balles.

Le compte à rebours commence.

Le Groupe des 184 s’essouffle à son tour, comme l’opposition politique auparavant. Très vite un mouvement estudiantin se dresse et se radicalise, exigeant le départ sans condition du

110 MOÏSE, Claude, La croix et la bannière. La difficile normalisation démocratique en Haïti, p. 96-97.

111 Ibid.

112 Chef de bande armé dans la ville des Gonaïves (l’armée cannibale) qui dit avoir été armé et utilisé par le pouvoir Lavalas.

Président Aristide. En guise de réaction, le 5 décembre 2004, les bandes armées du pouvoir, sous la protection de la police, encerclent la Faculté des Sciences humaines et l’Institut National de Gestion et des Hautes Études Internationales et violent de force l’espace universitaire. Le Recteur de l’Université d’État, Pierre Marie Pachiot et des dizaines d’étudiants sont sévèrement tabassés.

En contrôlant totalement la ville des Gonaïves, la rébellion armée coupe les départements du Nord-Ouest, du Nord et du Nord-Est de la capitale. Le 15 février, Guy Philippe, ancien commissaire de police réfugié en République dominicaine en 2000, après avoir été accusé par le régime Lavalas d’implication dans une tentative de coup d’État, et Louis Jodel Chamblain, ancien numéro 2 du Front pour l’Avancement et le Progrès d’Haïti (FRAPH), organisation paramilitaire responsable de nombreux cas de violations des droits de l’homme durant le coup d’État

de 1991-1994, traversent la frontière pour se joindre au soulèvement armé aux Gonaïves. En quelques jours, le mouvement insurrectionnel parvient à contrôler plus de la moitié du territoire national. En prenant la tête du mouvement des Gonaïves, Guy Philippe permit aux États-Unis d’Amérique d’organiser le départ d’Aristide, de concert avec la France et le Canada, sans trop d’effusion de sang, à l’aube du 29 février 2004113.

113 International Crisis Group (ICG), A New Chance for Haïti ? p.10-11.


Questions Fréquemment Posées

Quels événements ont marqué les élections du 21 mai 2000 en Haïti ?

Les élections du 21 mai 2000 se sont déroulées dans un climat de violence, avec des actes tels que le vol des urnes par la police et l’exclusion des mandataires de l’opposition.

Comment le président Préval a-t-il influencé le processus électoral en 2000 ?

Le président Préval a choisi six des neuf membres de l’institution électorale et a convoqué les techniciens du Conseil électoral provisoire au Palais national pour leur donner des instructions.

Quelle a été la réaction de la communauté internationale face aux élections de 2000 ?

La grande presse internationale a reconnu le caractère scandaleux des élections, qualifiant la situation de ‘la démocratie se ramasse à la pelle’.

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