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Comment l’analyse de cas révèle l’impact de l’exploitation minière au Nord-Kivu ?

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🏫 Université de Gomadomaine des Sciences Juridiques, Politiques, Administratives, Management et Relations Internationales - Sciences juridiques
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022-2023
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L’analyse de cas sur l’exploitation minière révèle que le site de Bisie, l’un des plus grands gisements d’étain au monde, soulève des questions cruciales sur la protection des droits des communautés locales. Quelles solutions peuvent être mises en œuvre pour garantir leur sauvegarde face à l’industrialisation croissante ?


Le site minier d’exploitation industrielle (le Site de Bisie)

Située dans le territoire de Walikale dans la province du Nord-Kivu en RDC, à environ 180 km au nord-ouest de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, à 60 km de Walikale centre et à 32 km de la route nationale reliant Walikale à Kisangani, le site de Bisie est l’un des plus grands gisements d’étain au monde. Il est divisé à Mpama-Nord et Mpama-Sud, où les forages ont commencés en juillet 2002.63

Le site minier de Bisie a été découvert en 2002 par les habitants de cette contrée. Après cette découverte, ces derniers ont informé la Division provinciales des mines qui, par une lettre adressée au Chef de Bureau des Mines du territoire de Walikale a autorisé l’exploitation artisanale des minerais sur ce site.64 Les minerais en provenance de Bisie étaient directement vendu aux comptoirs d’achat à Goma parmi lesquels figurait le Mining Process Congo / MPC l’ancêtre d’ABM, qui était le plus grand acheteur de la cassitérite produit artisanalement à Bisie.65

Les communautés locales étaient regroupées au sein de l’Association Bangandula qui avait reçu l’autorisation de prélever les échantillons minéralogiques à Mpama-Bisie.66 Ces communautés furent officiellement installées à Mpama-Bisie par l’autorité administrative le

22 Avril 2005.67 Dans le souci de se conformer aux exigences légales, l’Association Bangandula s’était mué en « Groupe Minier des Bangandula / Société des Personnes à Responsabilité limitée (GMB-sprl)» et va demander68 et obtenir l’attestation de prospection.69 A côté du GMB-sprl, nous notons aussi l’existence des coopératives minières regroupant des creuseurs artisanaux dont une grande partie est issue des communautés locales.70

De son cote, le comptoir Mining Processing Congo/MPC obtient du Ministre national des mines, la même année, un permis de recherche 4246, 5266, 5267, 5279,10346 couvrant Bisie et ses environs.71 On constate l’établissement de deux actes différents au profit de deux différents acteurs sur un même fonds. Ce qui est même à la base des conflits jusqu’à nos jours. En février 2015, le MPC cède à Alphamin Bisie Mining son permis envi de faire une transition vers l’exploitation industrielle.

Le site de Bisie présente des enjeux économiques non seulement pour la RDC mais également pour tous les Etats du monde qui cherchent à développer une industrie technologique. En effet la colline de Bisie regorge un sous-sol riche en minerais de plusieurs substances dont les minerais stannifères (cassitérite et ses dérivés). Cette cassitérite d’une teneur incomparable attire l’attention de nombreux investisseurs.72 En 2007, quelque 18 000 personnes vivaient à

63 Alexis Muhima, et al. Alphamin Bisie Mining /SA : rupture dans la continuité. Le géant projet minier Bisie Tin Project face au dilemme du consentement libre et éclairé des populations de Walikale, rapport, Observatoire de la société civile pour les minerais de paix et Dynamique femme et mines, Goma, 20 mars 2017, p.20.

64 Lettre n°DIVIMINES-GEO/354/7.0/071/05 du 19 Avril 2005 qui recommande l’Association des Bangandula au Chef de Bureau des Mines de Walikale afin de prélever les échantillons minéralogiques à Bisie en groupement Wassa.

65 Muhima, supra note 63, p.16.

66 Lettre, Ibid.

67 Rapport d’activités de l’Administrateur du territoire de Walikale, 2005.

68 Lettre n° 008/GMB /DG/2006 du 08 mai 2006 portant demande en régularisation et mise en conformité du périmètre Bisie auprès du cadastre minier

<https://congomines.org/system/attachments/assets/000/001/858/original/Lettre_GMB_20060508_REregularisat ion_et_mise_en_conformit%C3%A9_perimetre_de_BISIYE_en_faveur_de_GMB.pdf?1587> 22 janvier 2024 .

69 Attestation de prospection n° CAMI /AP /617/2006 du Cadastre minier en faveur du Groupe minier des Bangandula /GMB, 2006.

70 Muhima, Ibid.

71 Arrêté ministériel 1660/CAB.MINES/01/2006 portant octroi du Permis de Recherche n°5266 à la Société MPC, JORDC, 48ème année, numéro special, 25 juin 2006.

72 Muhima, Ibid.

Bisie, travaillant sur le site avec des pioches et des pelles. Ils ont produit 14 000 tonnes d’étain y étaient extraits, soit peut-être 5% de la production mondiale.73

Alphamin dit que l’investissement est attrayant, même à un moment où les prix des matières premières sont faibles, parce que le minerai qu’il extrait est plus riche que celui que l’on trouve ailleurs dans le monde. Le minerai que contient Bisie est de 4,5% de grade. Cela signifie que pour chaque 100 tonnes de minerai extrait, l’entreprise sera en mesure de vendre 3,25 tonnes d’étain (pas tout, l’étain peut être extrait de la roche) alors que la plupart des autres mines se contentent de produire 0,7 tonnes.74 Cependant, selon Alexis Muhima,

Depuis le début de l’exploitation minière à Bisie par les artisanaux, en suite, son acquisition par MPC, puis ABM/SA, les conditions de vie des populations ne changent pas, voire, elles se détériorent. L’évolution du processus d’acquisition de Bisie nous a fait voir l’apparition des grandes puissances économiques au niveau mondial et régional (les Etats Unis d’Amérique et la République Sud-Africaine) soit comme partenaire direct ou partenaire diplomatique du projet et l’intérêt de ce projet pour ces pays partenaires est incontestable.

Aussi, l’intérêt de Bisie dans la stratégie de développement économique tant de la RDC, du Nord-Kivu que de Walikale est inestimable. En outre, le départ pris par ABM.SA et le géant projet minier Bisie Tin dans ses relations avec une partie considérable des membres de la communauté, associé d’une part à la passivité des pays qui financent ce projet et au déficit de gouvernance dans le secteur minier d’autres parts, rendent difficile son appropriation communautaire.

Tout compte fait, les investisseurs dans le projet Bisie atteindront des grands bénéfices, mais il serait prudent qu’ils puissent amener les communautés à adhérer et à s’approprier ce projet, en les persuadant que ce dernier est pour leur intérêt.75

Il faut noter que ce site minier de Bisie en Territoire de Walikale, connaît, depuis un certain temps, un conflit entre les communautés locales et/ou les exploitants artisanaux et ABM.

Selon Christophe Boltanski, la mine de Bisie dans le Nord-Kivu, produisait avant la transition vers l’exploitation industrielle, près de 80% du total de cassitérite de la province (8000 tonnes par an soit 50 millions d’euros) ; l’exploitation et le commerce de cet « or gris » génèrent la quasi-totalité des rentrées en devise du Nord-Kivu.76

Lors du basculement de l’exploitation artisanale vers celle industrielle, ABM s’était engagé à extraire 9 000 tonnes de concentrés d’étain par an sur une période de dix ans et demi du cycle de vie de la mine.77 Une telle production (au bout de cinq ans) générerait une valeur globale de vente de plus de 175.000.000 USD par an. Elle s’était en outre engager a créé de l’emploi notamment en faveur des creuseurs chassés sur le site de Bisie.78 Approximativement 700 personnes devraient être embauchées dans les 3 années de construction disait son directeur.

Durant la phase d’exploitation, la société comptais employer environ 450 personnes localement de manière permanente. De même, Le recours aux entreprises locales durant la construction et pour la fourniture de services durant l’exploitation, pourrait accroître les effets positifs sur l’emploi dans leur ensemble.79

73 Ibid.

74 Ibid.

75 Ibid.

76 Christophe Boltanski, Minerais de sang. Les esclaves du monde moderne, Gallimard/Folio actuel, Paris, 2012, p.42.

77 Initiative d’ITRI pour la chaîne d’approvisionnement de l’étain, Évaluation du processus d’évacuation des minerais à Bisie, rapport, Oxford, décembre 2015, p.33.

78 Ibid.

79 Ibid.

Qu’il s’agisse d’un site d’exploitation artisanale ou un site d’exploitation industrielle, les activités minières ne peuvent s’effectuer que sur les sites qui ont étés qualifiés et validés ‘verts’ par le ministre national de mine, c.à.d. prêts pour les activités minières. Les sites miniers congolais doivent être validés à travers un système dit de « feux tricolores » inspiré du mécanisme de certification régional de la CIRGL.80 Selon ce système, pour qu’une mine soit validée « verte », elle doit avoir été visitée et évaluée soit par

une mission conjointe composée d’agents de l’État congolais, de représentants d’organisations internationales et les représentants de la société civile ; soit par un inspecteur de l’État accompagné de divers fonctionnaires et de représentants de la société civile, ou encore par un auditeur indépendant.81

Le classement d’un site minier comme « site vert » suppose qu’il est exempte de la présence de groupes armés ou « éléments incontrôlés » des forces de sécurité congolaises, et ne pas héberger de travail d’enfants ou de femmes enceintes dans l’extraction ou la vente des minerais. 82 Par ailleurs, une mine « jaune » signifie que certaines irrégularités mineures ont été observées, alors qu’une mine « rouge » signale des défaillances majeures pointant la présence de forces armées ou le travail d’enfants ou de femmes enceintes.83

Le classement des sites est de la compétence du ministre national des mines. Les minerais peuvent être extraits et exportés des mines « vertes » après leur validation par arrêté ministériel, ainsi que des mines « jaunes » si des mesures correctives sont prises dans les six mois suivant l’inspection mais pas des mines « rouges ».84

Toutefois, un récent arrêté ministériel de novembre 2021 a introduit d’importants changements,85 suite à la révision du manuel du Mécanisme régional de Certification de la CIRGL de 2019.86 Il ressort de cet arrêté que les mines non validées sont classées « bleues » si aucun risque lié à la qualification « rouge » n’est détecté par l’exportateur.87 Les mines validées « vertes » qui n’ont pas été inspectées depuis plus d’un an sont également déclassées en mine « bleue ». 88 Les minerais des mines bleues peuvent être extraits et exportés, mais si ces mines ne font pas l’objet d’une inspection de suivi dans les trois ans, elles deviennent « rouges ».89

A Masisi, sur les 33 sites miniers identifiés dont les plus importants se situent autour de Rubaya pour le Coltan, autour de Ngungu et de Mahanga pour la Wolframite et la Cassitérite,

17 sites miniers ont été qualifiés et validés ‘vert’ dont 12 pour le Coltan, 1 pour la Coopérative des exploitants artisanaux miniers de Masisi (COOPERAMMA). En Territoire

80 Conférence internationale sur la Région des Grands lacs, Manuel du mécanisme régional de certification (MRC) de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), 2ème éd., 2019, pp. 11- 28<https://icglr.org/wp-content/uploads/2020/07/Manuel-du-Mecanisme-Regional-de-Certification-de-la- CIRGL-2e-Edition_Final.pdf> 21 janvier 2024.

81 Arrêté ministériel n°00677/CAB.MIN/MINES/ANSK/01/2021 du 12 novembre 2021 fixant les procédures de qualification et de validation des sites miniers des filières aurifère, stannifère, cupro-cobaltifère et des pierres de couleurs en RDC, articles 1, 3 et 9<https://mines.gouv.cd/fr/wp-content/uploads/simple-file- list/arret%C3%A9s/2021/Arrete-0067725-11-2021-175725.> 22 janvier 2024.

82 Ibid., article 9 et 10.

83 Ibid.

84 Ibid.

85 Ibid., article 5

86 Conférence internationale sur la Région des Grands lacs, Ibid, p.20.

87 Ibid.

88 Arrêté ministériel fixant les procédures de qualification et de validation des sites miniers des filières aurifère, stannifère, cupro-cobaltifère et des pierres de couleurs en RDC, article 5.

89 Ibid.

de Lubero, 6 sites miniers de Coltan, wolframite et cassitérite sont qualifiés et validés vert c.à.d. prêts pour les activités minières. Il s’agit des sites ci-après : Masingi, Mambilee, Kigali, Etaeto gauche, Malimbenze et Etaeto droite.90

Il convient de rappeler que la validation des sites est un processus de vérification systématique qui apporte de preuves tangibles du niveau de conformité d’un site minier par rapport à la situation sécuritaire et social. C’est en vue de son approbation par le ministre ide mines. Par ailleurs la qualification d’un site est un processus démontrant qu’un site minier est capable de répondre aux exigences spécifiées dans le manuel de certifications régional de la CIRGL.

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63 Alexis Muhima, et al. Alphamin Bisie Mining /SA : rupture dans la continuité. Le géant projet minier Bisie Tin Project face au dilemme du consentement libre et éclairé des populations de Walikale, rapport, Observatoire de la société civile pour les minerais de paix et Dynamique femme et mines, Goma, 20 mars 2017, p.20.

64 Lettre n°DIVIMINES-GEO/354/7.0/071/05 du 19 Avril 2005 qui recommande l’Association des Bangandula au Chef de Bureau des Mines de Walikale afin de prélever les échantillons minéralogiques à Bisie en groupement Wassa.

65 Muhima, supra note 63, p.16.

66 Lettre, Ibid.

67 Rapport d’activités de l’Administrateur du territoire de Walikale, 2005.

68 Lettre n° 008/GMB /DG/2006 du 08 mai 2006 portant demande en régularisation et mise en conformité du périmètre Bisie auprès du cadastre minier

69 Attestation de prospection n° CAMI /AP /617/2006 du Cadastre minier en faveur du Groupe minier des Bangandula /GMB, 2006.

70 Muhima, Ibid.

71 Arrêté ministériel 1660/CAB.MINES/01/2006 portant octroi du Permis de Recherche n°5266 à la Société MPC, JORDC, 48ème année, numéro special, 25 juin 2006.

72 Muhima, Ibid.

73 Ibid.

74 Ibid.

75 Ibid.

76 Christophe Boltanski, Minerais de sang. Les esclaves du monde moderne, Gallimard/Folio actuel, Paris, 2012, p.42.

77 Initiative d’ITRI pour la chaîne d’approvisionnement de l’étain, Évaluation du processus d’évacuation des minerais à Bisie, rapport, Oxford, décembre 2015, p.33.

78 Ibid.

79 Ibid.

80 Conférence internationale sur la Région des Grands lacs, Manuel du mécanisme régional de certification (MRC) de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), 2ème éd., 2019, pp. 11- 28<https://icglr.org/wp-content/uploads/2020/07/Manuel-du-Mecanisme-Regional-de-Certification-de-la- CIRGL-2e-Edition_Final.pdf> 21 janvier 2024.

81 Arrêté ministériel n°00677/CAB.MIN/MINES/ANSK/01/2021 du 12 novembre 2021 fixant les procédures de qualification et de validation des sites miniers des filières aurifère, stannifère, cupro-cobaltifère et des pierres de couleurs en RDC, articles 1, 3 et 9<https://mines.gouv.cd/fr/wp-content/uploads/simple-file- list/arret%C3%A9s/2021/Arrete-0067725-11-2021-175725.> 22 janvier 2024.

82 Ibid., article 9 et 10.

83 Ibid.

84 Ibid.

85 Ibid., article 5

86 Conférence internationale sur la Région des Grands lacs, Ibid, p.20.

87 Ibid.

88 Arrêté ministériel fixant les procédures de qualification et de validation des sites miniers des filières aurifère, stannifère, cupro-cobaltifère et des pierres de couleurs en RDC, article 5.

89 Ibid.

90 Ibid.


Questions Fréquemment Posées

Quel est le site minier d’exploitation industrielle au Nord-Kivu?

Le site minier d’exploitation industrielle au Nord-Kivu est le Site de Bisie, situé dans le territoire de Walikale.

Comment les communautés locales sont-elles impliquées dans l’exploitation minière à Bisie?

Les communautés locales étaient regroupées au sein de l’Association Bangandula, qui a obtenu l’autorisation de prélever des échantillons minéralogiques à Mpama-Bisie.

Quels sont les enjeux économiques du site de Bisie?

Le site de Bisie présente des enjeux économiques non seulement pour la RDC mais également pour tous les États du monde qui cherchent à développer une industrie technologique, en raison de sa richesse en minerais stannifères.

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