L’analyse de cas en autofiction révèle comment La Répudiation de Rachid Boudjedra redéfinit la mémoire et l’identité à travers des récits intimes. En explorant la dualité du plaisir et du déplaisir, cette étude offre des perspectives inédites sur les relations familiales et le statut des femmes dans le récit.
Rachid et la dualité du plaisir / déplaisir dans le récit :
La répudiation de Rachid Boudjedra est un récit qui relate les aventures de Rachid qui raconte à sa campagne Céline son enfance et aussi ses aventures et ses rencontres avec les femmes. C’est des moments intimes qu’il raconte sans complaisance et à travers lesquelles on découvre le véritable caractère de ce personnage révolté et haineux envers son père, sa mère et ceux qui forment la communauté tribale dans laquelle il vit. Les faits qu’il relate sont porteurs selon Rachid d’une volonté d’expliquer ses écarts de conduite et offrent une vision de son monde particulier où la morale est absente.
Toutes les actions de notre personnage se20
basent sur son désir d’assouvir ses besoins primaires et d’arriver à une jouissance qui va lui permettre d’être en équilibre avec soi-même. Néanmoins, les événements qu’il narre Rachid colportent également une douleur et un manque qu’il porte en lui.
Selon Sigmund Freud, le plaisir et le déplaisir sont deux moments importants dans l’existence de l’être humain. Il nous explique ainsi que le plaisir peut se transformer en déplaisir et c’est également possible que le déplaisir devienne une source de plaisir. C’est aussi selon le psychiatre autrichien, des impulsions refoulées qui développent chez l’individu une affirmation sans détours de ses envies les plus intimes. Et c’est en réussissant à assouvir ses désirs que l’individu trouve l’équilibre psychique.
« À la faveur du refoulement, ces tendances se trouvent éliminées de l’ensemble, ne sont pas admises à participer à la synthèse, sont maintenues à des niveaux inférieurs de l’évolution psychique, se voient tout d’abord refuser toute possibilité de satisfaction. Mais elles réussissent quelquefois (et c’est le plus souvent le cas des impulsions sexuelles refoulées) à obtenir malgré tout une satisfaction, soit directe, soit substitutive : il arrive alors que cette éventualité qui, dans d’autres circonstances, serait une source de plaisir, devient pour l’organisme une
source de déplaisirs. A la suite de l’ancien conflit qui avait abouti au refoulement, le principe du plaisir cherche à s’affirmer de nouveau par des voies détournées, pendant que certaines impulsions s’efforcent précisément à le faire triompher à leur profit, en attirant vers elles la plus grande somme de plaisir possible.
» .
Rachid est un personnage qui raconte les événements qui ont marqué son enfance et son âge adulte. Il nous explique de manière directe et sans détours, les circonstances qui ont conduit un enfant réservé et timide à devenir un personnage immoral et sans retenue. Il dit à Céline comment il a développé un penchant libidinal qui semble au centre de ses intérêts et sa conduite est dictée par l’envie d’assouvir ses désirs.
C’est pourquoi il commence par lui dire que son désir d’avoir des rapports avec les autres femmes est tellement obsédant que ça devient pour lui impossible de s’en soustraire. Rachid est comme condamné à toujours à suivre ses pulsions que le conduisent inlassablement vers les autres femmes au sein de son entourage.
Le mot plaisir est une motivation chez Rachid. C’est à travers cette action qu’il parvient à développer ses envies et ses besoins physiques et psychiques. Chaque action est une tentative d’aller au-delà d’un mal qui le ronge toujours aussi intensément. C’est un cheminement qui va conduire notre personnage à donner un sens à son existence en faisant de ses conquêtes une forme de réconciliation avec le monde dont il se sent étranger.
Il faudrait dire également que le plaisir est un concept philosophique que les épicuriens ont fait transmettre depuis l’antiquité afin de dire que la finalité de l’existence humaine réside dans la recherche du plaisir. C’est une force vitale qui conduit ainsi Rachid vers l’accomplissement de ce qu’il veut obtenir sans aucune considération éthique par rapport aux concepts de bien et de mal.
C’est à travers sa relation avec Céline qu’on perçoit son avidité et son besoin d’avoir encore plus de jouissance. Une situation qui contraste parfois avec le caractère froid mais espiègle de l’étrangère qui semble apprécier les folies de Rachid et ses envies. « Céline m’exaspérait par sa roideur , qui finissait par devenir mirobolante à la fin de la nuit et avant d’autant plus glacial qu’il l’arrivée du petit matin annonçait les grosses chaleurs d’été ; en fait , elle était fascinée par mon attitude
et ma mimique , et non pas Céline m’exaspérait par sa roideur , qui finissait par devenir mirobolante à la fin de la nuit et avant d’autant plus glacial qu’il l’arrivée du petit matin annonçait les grosses chaleurs d’été ; en fait , elle était fascinée par mon attitude et ma mimique , et non pas tellement par la dénonciation , que j’exagérais parce que je la voulais la plus acerbe .
Elle ne voyait dans ma gesticulation effrénée et mes yeux exorbités que l’approche d’une crise de folie qui me séparerait à nouveau d’elle. »
Dans La répudiation nous constatons que le plaisir est en relation avec les affects, les émotions et les sentiments. Le concept de plaisir renvoie aussi à des besoins et à des motivations qui vont se développer à travers l’expérience. C’est une appétence qui va permettre à un individu de chercher toujours à avoir plus de plaisir et à transformer son manque en un état de suffisance où il peut trouver le bonheur.
Rachid Boudjedra nous représente à travers son roman des indices et des souvenirs de son existence passée durant ses années de jeunesse. Il nous semble qu’il existe une relation intrinsèque entre l’esthétique du récit et le contexte social dans lequel vivait Rachid sachant qu’il est né en 1941 et était un jeune homme lors de l’indépendance de l’Algérie.
Le récit nous expose une réalité familiale
qui consiste en la répudiation de la mère de Rachid que notre écrivain a vécu réellement et qui donne une charge encore plus émotionnelle au récit.
Nous assistons dans la répudiation à une jonction et un parallèle entre le fait historique et l’émotion individuelle. Les notions de plaisir et de déplaisir sont le reflet de la réalité vécu de l’écrivain à travers une littéralité où l’imaginaire vient accentuer la narration. Il s’agit également pour Boudjedra de décrire une réalité historique qu’il a vécue à travers la représentation d’une société où se transposent les mécanismes d’une multitude d’éléments autobiographique où la fiction côtoie la réalité.
La répudiation qui va paraître aux éditions Denoël en 1969 est surtout les divagations hallucinées d’un jeune algérien Rachid, qui va dire à son amante qui n’est pas du pays ses désirs les plus dépravés suite à la répudiation de sa mère. Ce sont les privations et les tabous accumulés dans une société hypocrites de faux dévots qui va conduire notre héros à transgresser toutes les lois et devenir celui qui ne cherche qu’à assouvir ses désirs sexuels.
Cependant, Rachid est conscient du malaise dans lequel se trouvent ceux qui sont comme lui victimes d’une société tribale où le chef est seul à assouvir ouvertement et sans crainte ses désirs. Le plaisir de Rachid est concomitant d’une volonté de braver constamment les interdits. C’est dans la défiance et dans l’immoralité que se construit une réaction en chaîne qui conduit Rachid vers l jouissance.
Le déplaisir pour lui c’est l’absence d’action et l’impossibilité d’arriver à concrétiser ses desseins. C’est ainsi qu’il va se focaliser sur la jeune femme de son père. Il va devenir comme obnubiler par ses attraits physiques et va épier ses moindres gestes. Une obsession qui va se développer à travers l’imagination de Rachid et cela malgré l’attitude négligée de la belle mère qui semble l’ignorait.
« ZouBida, la nouvelle femme de mon père, faisait la fine bouche ; mais déjà, je la regardais à travers mes cils, la trouvais splendide et me préparais à en tomber amoureux. Je lorgnais ses formes chaque fois que j’étais dans son sillage, mais elle restait de marbre. Nous nous défiions.
Salaud, mon père … tant de candeur escamotée … Il ne me parlait plus, d’ailleurs, et je trouvais exagérée cette pudeur avec ses enfants après ce qu’il venait de faire ! Moignons. Face de rat. Faces de bébés morts – nés. Merde … Il grignotait un bout de sein, un bout de chair de la marâtre – enfant et assiégeait les lieux d’aisance.
Rancœur ! Les cousines m’exaspéraient et, dès qu’elles venaient rôder autour de ma divagation, je les giflais sans
retenue ; elles ne comprenaient plus rien. Je n’étais plus porté sur la chose, moi qui leur avais donné de si mauvaises habitudes. En vérité, je laissais à mon père le temps de jouir, pour mieux le remplacer le moment venu. » .
L’écriture de Rachid Boudjedra est une tentative de transcrire des émotions enfouies au fond de lui. C’est des représentations de plusieurs événements du passé qui demeurent vivaces au moment où il raconte ses récits à Céline. Le plaisir et le déplaisir sont des pulsions essentielles qui vont permettre à l’étrangère de mieux saisir l’état dans lequel se trouve Rachid.
Son passage à l’asile des fous est une conséquence des différents moments de douleur qu’il a vécue durant son enfance. Le déplaisir est finalement une réaction à cette amertume suite à l’abandon de sa mère par son père Si Zoubir. Rachid n’avait d’autres alternatives qu’entamer une quête effrénée du plaisir à travers des relations charnelles avec toutes les femmes qu’il rencontre.
Des expériences intimes qui témoignent également de la modalité de la création littéraire chez Rachid Boudjedra. C’est une jonction entre deux extrêmes. Une filiation entre le malheur et le bonheur dans l’esprit d’un personnage qui reflète la réalité d’une jeunesse qui se cherche après l’indépendance de l’Algérie.
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Questions Fréquemment Posées
Comment Rachid Boudjedra utilise-t-il l’autofiction dans ‘La Répudiation’?
Rachid Boudjedra utilise l’autofiction pour relater les aventures de Rachid, qui raconte son enfance et ses rencontres avec les femmes, offrant une vision de son monde où la morale est absente.
Quel est le rôle du plaisir et du déplaisir dans le récit de ‘La Répudiation’?
Le récit explore la dualité du plaisir et du déplaisir, où Rachid cherche à assouvir ses besoins primaires tout en portant une douleur et un manque en lui, influençant son comportement.
Comment la relation de Rachid avec Céline illustre-t-elle ses désirs?
La relation de Rachid avec Céline révèle son obsession pour les rapports avec d’autres femmes, le conduisant à suivre inlassablement ses pulsions, ce qui est central à son caractère.