L’émigration des jeunes camerounais a atteint des niveaux alarmants, révélant une quête désespérée de meilleures conditions de vie. Cette étude met en lumière les conséquences sociales des ajustements structurels sur cette dynamique migratoire, avec des implications cruciales pour l’avenir du pays.
La flambée de l’émigration
Il faut rappeler que la dégradation des conditions sociales des années 1980 et 1990 entraîna l’augmentation des flux migratoires. La migration peut ainsi être de deux ordres l’émigration qui concerne le départ, et l’immigration qui concerne l’arrivée. Dans le cadre de ce travail, l’intérêt est beaucoup plus porté sur l’émigration des Camerounais.
De plus en plus, le déplacement des individus vers l’étranger, à la recherche de meilleures conditions de vie, est observé60. Il faut dire que plusieurs raisons ont poussé les Camerounais à émigrer. Ainsi, à chaque raison en rapport avec l’ajustement s’accroche une catégorie de migrants. Pour ce qui est des migrants estudiantins, les raisons de leur déplacement sont le désengagement de l’État de ses fonctions régaliennes d’éducation et de formation, la suppression des bourses universitaires et la mise sur pied dès le début des années
1990 d’une scolarité universitaire payante61. Dans ce contexte, beaucoup de jeunes diplômés prennent la route de l’émigration dans l’optique d’avoir une meilleure offre de formation académique et professionnelle voire un meilleur marché de l’emploi. L’on assiste dès lors à l’émergence et la sédentarisation d’un phénomène, la fuite des cerveaux. Cette fuite est orientée principalement vers les pays du Nord et présente un ensemble de conséquences dont les négatives sont les plus récurrentes.
Ainsi, le socle des conséquences de la fuite des cerveaux est la perte de la main- d’œuvre qualifiée, car elle entraîne plusieurs autres conséquences. Nkechi Mbanefoh fait noter que :
La nature hautement sélective des politiques migratoires indique que ceux qui émigrent sont parmi les plus intelligents et les meilleurs de nos enseignants, chercheurs, et agents médicaux en termes d’expérience, de connaissance du terrain, de compétences critiques, de capacités intellectuelles et de spécialisations. Leur perte est donc considérée comme une mise à mal de la capacité des institutions universitaires et grandes écoles à donner une formation de qualité à la nouvelle génération d’apprenants62.
59 Foundikou Mariatou, 52ans, commerçante, Yaoundé le 20/04/2020.
60 Éric Stève Tamo Mbouyou, « Transferts monétaires internationaux reçus par les ménages au Cameroun », mémoire de Master professionnel en Démographie, IFORD-Université de Yaoundé II, 2011, p.1.
61 Alice Rose Wado Kenne, « Émigration internationale féminine d’origine camerounaise. Recherche des facteurs explicatifs », mémoire de Master professionnel en Démographie, IFORD-Université de Yaoundé II, 2011, pp.5-6. 62 Nkechi Mbanefoh, « Fuite des cerveaux dans le secteur de la santé en Afrique : exemple du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) Ibadan-Nigéria », cité par Kamdam, « Le dynamisme migratoire… », p.91.
L’exode des cerveaux entraîne la perte des potentiels formateurs qualifiés hypothéquant la formation des générations à venir63. Il faut dès lors constater que l’État du Cameroun perd en termes de formation de certains cerveaux. Il les forme pour d’autres pays.
Pour ce qui est de la migration des chercheurs d’emploi, les raisons de leur déplacement sont dues à la dévaluation du Franc CFA, la baisse des salaires, la suppression des recrutements au sein d’État. Cette situation créa un environnement d’hostilité où le chômage et le manque d’emploi battent leur plein. L’émigration s’illustra alors comme une solution à ce problème dont les destinations sont les pays d’Europe et les États-Unis64. Il faut dire que dans les années 1990, l’Europe et les États-Unis vivaient leur « âge d’or », où l’emploi était en abondance65. Le tableau ci-après fait une représentation estimative du nombre de migrants camerounais à l’étranger.
Tableau 8 : Les migrants camerounais par pays de destination entre 1995 et 2005
Pays | Effectifs | Proportions (%) |
France | 38 530 | 22,62 |
Gabon | 30 216 | 17,74 |
Nigéria | 16 890 | 9,91 |
États-Unis | 12 835 | 7,53 |
Allemagne | 9 252 | 5,43 |
Tchad | 5 135 | 3,01 |
Centrafrique | 5 103 | 3,00 |
Congo | 4 312 | 2,53 |
Burkina Faso | 3 513 | 2,06 |
Royaume-Uni | 3 468 | 2,04 |
Autres | 41 109 | 24,13 |
Total | 170 363 | 100,00 |
Sources : Rapport du Centre sur la migration, la globalisation et la pauvreté, Université Sussex, 2017 Ntui Atom, « The contribution of… », p.62.
Tamo Mbouyou, » Transferts monétaires internationaux… », p.17
63 Ronsard Stéphane Kamdam, « Le dynamisme migratoire de l’intelligentsia camerounaise 1990-2005″, mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2010, p.90.
64 Victor Ntui Atom, « The contribution of the diaspora in the social and economic development of Manyu division in Cameroon 1961-2008 », mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2014, p.61.
65 Ntui Atom, « The contribution of… », p.61.
Graphique 7: Proportions des migrants camerounais par des destinations
[24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_8][24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_9][24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_10][24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_11][24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_12][24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_13][24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_14][24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_15][24_analyse-comparative-de-emigration-des-jeunes-camerounais_16]
France
24%
23%
2%
2%
2%
3%
3%
Gabon Nigéria États-Unis Allemagne Tchad
Centrafrique
18%
Congo
Burkina Faso
5%
Royaume-Uni
8%
10%
Autres
Source : Réalisation à partir des données du tableau 8
Le tableau et le graphique ci-dessus représentent le flux migratoire des Camerounais vers les autres pays. Il permet d’observer que de 1995 à 2005, les Camerounais se sont déplacés vers plusieurs continents à la fois. Qu’il s’agisse de l’Afrique même, de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie, aucun continent n’a échappé à la migration camerounaise.
L’on peut donc observer que les destinations les plus prisées par les Camerounais sont la France avec près de 23% de la migration totale en cette période, le Nigéria avec près de 18% et les États-Unis avec près de 10%. Ces proportions justifient de ce fait les raisons de migration pendant l’ajustement qui sont pour la plupart la recherche des meilleures offres de formation, des bourses d’études et des emplois.
Somme toute, l’ajustement structurel dans le domaine de la mobilité a favorisé la naissance du transport relai et a favorisé l’augmentation des flux migratoires. Il incombe à la suite de la présentation de l’effet des PAS sur la mobilité de montrer leur impact sur la santé et l’éducation.
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les principales raisons de l’émigration des jeunes camerounais?
Les raisons de l’émigration des jeunes camerounais incluent le désengagement de l’État de ses fonctions régaliennes d’éducation, la suppression des bourses universitaires et la mise en place d’une scolarité universitaire payante.
Comment l’ajustement structurel a-t-il affecté l’émigration au Cameroun?
La dégradation des conditions sociales due aux programmes d’ajustement structurel a entraîné une augmentation des flux migratoires, avec de nombreux jeunes cherchant de meilleures conditions de vie à l’étranger.
Quels sont les impacts de la fuite des cerveaux sur le Cameroun?
La fuite des cerveaux entraîne une perte de main-d’œuvre qualifiée, ce qui compromet la capacité des institutions universitaires à offrir une formation de qualité à la nouvelle génération d’apprenants.