Comment l’analyse de cas révèle les violations des droits au Nord-Kivu ?

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🏫 Université de Gomadomaine des Sciences Juridiques, Politiques, Administratives, Management et Relations Internationales - Sciences juridiques
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022-2023
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Les droits des communautés au Nord-Kivu sont souvent bafoués malgré l’abondance des ressources naturelles. Cette étude révèle comment l’exploitation minière, tant industrielle qu’artisanale, menace la protection de ces droits, soulevant des questions cruciales pour l’avenir des populations locales.


CHAPITRE II: LE RESPECT DES DROITS DES COMMUNAUTES LOCALES DANS LES ACTIVITÉS MINIERE AU NORD-KIVU: DEFIS ET PERSPECTIVES

D’entrée de jeu, rappelons que compte tenu de l’abondance et l’importance des minerais que regorge le Nord-Kivu, ces minerais constitueraient une véritable opportunité de développement du pays et particulièrement du Nord-Kivu, notamment des communautés locales des endroits où se réalisent les projets miniers. Malheureusement, sur le terrain la réalité est toute autre. 315 Il existe une contradiction criante sur terrain entre l’exploitation des minerais et le niveau de vie des populations.

Les acteurs du secteur minier, plus spécifiquement les sociétés minières se comportent en véritables prédateurs en territoire conquis et elles sont irrespectueuses des droits de communautés locales et des institutions de l’Etat. 316 Ces violations de droits de communautés locales ont malheureusement impactées négativement la vie socio-économique de communautés locales dans la province.

Section I:

LES ATTEINTES AUX DROITS DES COMMUNAUTÉS LOCALES

Plusieurs cas d’atteintes aux droits de communautés locales sont vécus dans les sites d’exploitation minière du Nord Kivu. Ici nous allons aborder juste quelques-uns avant d’analyser leur impact sur la vie socio-économique des populations.

§1. Les cas d’atteintes aux droits des communautés locales

Le cas d’atteinte le plus patent est celui des conflits entre communautés locales de walikale et la société Alphamin sur le site de Bisie. Il n’est pas le seul, plusieurs autres cas de violations des droits de communautés locales se sont observés à masisi.

Les cas des violations des droits des communautés locales à Masisi

A Masisi les droits de communautés locales sont violés à deux niveaux. Les violations résultent très souvent de litiges miniers. En effet, divers acteurs du secteur minier peuvent avoir des différends entre eux, au point que ceux-ci affectent sérieusement les communautés locales. Dans ce cas, les communautés locales ne sont pas partie au litige, mais sont seulement victimes d’un conflit entre deux autres acteurs.

Les violations résultent aussi du non-respect des engagements sociétaux des compagnies minières vis-à-vis des communautés locales.

Les atteintes aux droits des communautés locales dans le conflit entre SMB Et COOPERAMA

Un proverbe ivoirien dit : « quand deux éléphants se battent, ce sont les herbes qui souffrent ». Le différend entre la Société minière de Bisunzu (SMB) et la Coopérative des Exploitants artisanaux miniers de Masisi (COOPERAMMA) avait sérieusement occasionnés les violations de droits de communautés locales.

En effet, la SMB, propriété de Eduard Mwangachuchu, 317 de la communauté tutsi et gérée par son frère Benjamin Mwangachuchu est propriétaire d’un périmètre d’exploitation des 3T dans

315 Groupe de Réflexion sur l’Avenir du Congo, Réflexion sur les abus des sociétés minières étrangères en RDC et de la souveraineté de l’Etat congolais, analyse, Kinshasa, avril 2022, p.1.

316 Ibid.

317 Ivan Kasongo, Mwangachuchu avait représenté la SMB dans le conflit minier avec COOPERAMA, une coopérative des creuseurs artisanaux (commissaire divisionnaire Awashango), (7 juin 2023)

la zone de Bisunzu où il y a de nombreux carrés miniers au milieu de la concession appartenant à la Société aurifère du Kivu et du Maniema (SAKIMA). 318

L’origine de l’obtention de son périmètre d’exploitation remonterait à la rébellion du CNDP, l’ancêtre de la rébellion du M23, dont Eduard Mwangachuchu est devenu président après sa transformation en parti politique à la suite de l’Accord de paix du 23 mars 2009. La COOPERAMMA réunit, quant à elle, des creuseurs artisanaux membres des communautés locales de Masisi, sous la direction du député provincial Robert Seninga, de la communauté hutu. 319

Les membres de la COOPERAMMA ont été autorisés, par le protocole d’accord du 28 novembre 2013, à exploiter les mines de la SMB, à condition de ne vendre les minerais extraits qu’à celle-ci. La COOPERAMA s’est souvent plaint de l’application des prix imposés par son partenaire la SMB, sans négociation, lors de la vente des produits miniers et de leur non-paiement ou des paiements tardifs, ce qui cause la faillite des membres de la COOPERAMMA après les exportations de la SMB. 320 Ensuite, elle reproché à

son partenaire d’entretenir un climat de terreur par les menaces de déguerpissement de ses membres de zones sur lequel ils effectuent les activités. 321 Elle invoque l’exploitation de force, les saisies illégales des produits miniers et des cas d’arrestations arbitraires. 322

De son côté, la SMB a accusé la COOPERAMMA d’être impliquée dans la fraude minière en vendant illicitement les minerais extraits de ses mines à des concurrents, dont la Coopérative des artisanaux miniers du Congo (CDMC). 323 A ceci s’ajoute le travail des mineurs illégaux soupçonnés d’être membres de la milice locale Nyatura, essentiellement composée des hutus. 324

C’est à la suite de tous ce qui précède que la SMB avait résilié, le 2 mai 2018, le protocole d’accord qui la lie à la COOPERAMMA. 325 Cette mesure a provoqué des troubles, dont la barricade des routes à Mushaki sur le chemin vers la ville Goma, la répression des manifestants par la police et l’attaque sur le périmètre d’exploitation de la SMB causant des blessés et des pertes en vies humaines dans les communautés locales. Le Ministre national des

<https://actualite.cd/index.php/2023/06/07/mwangachuchu-avait-represente-la-smb-dans-le-conflit-minier-avec-cooperama-une> 25 septembre 2023.

318 Kahombo, supra note 17, pp.217-219.

319 Ibid.

320 Alex Gigori, Secteur minier de Masisi : La COOPERAMMA évoque un climat délétère, (29 août 2018) http://www.nresources.cd/secteur-minier-de-masisi-la-cooperamma-evoque-un-climat -deletere/ 25 septembre 2023.

321 Richard Mashauri Nkalirwa, Masisi: conflit autour d’un carré minier à Rubaya, (15 mai 2018),

<https://www.mediacongo.net/publireportage-reportage- 38410_masisi_conflit_autour_d_un_carre_minier_a_rubaya.html> 25 septembre 2023.

322 Ibid.

323 Rédaction 7sur7.cd, CDMC, une coopérative minière fantôme sème la terreur à Masisi, (8 février 2019)

<https://www.smb-sarl.com/fr/7sur7-cd-cdmc-une-cooperative-miniere-fantome-semela-terreur-a-masisi/> 25

septembre 2023.

324 Ibid.

325 Esther Nsapu, Masisi : Grogne des creuseurs suite à la fermeture d’une mine de coltan, (10 mai 2018)

<https://afrique.lalibre.be/18942/masisi-grogne-des-creuseurs-suite-a-la-fermeture-dune-mi ne-de-coltan/> 25

septembre 2023.

mines est intervenu pour réconcilier les deux parties, leur conflit s’étant mué en une véritable tension interethnique faisant craindre des massacres. 326

Un nouvel accord fut conclu le 12 juin 2018. 327 Il prévoit « la relocalisation des creuseurs artisanaux vers des Zones d’exploitation artisanale (ZEA), l’acceptation pour une durée d’une année par SMB, d’exploitants miniers artisanaux, membres de la COOPERAMMA, préalablement identifiés », 328 qui devront lui vendre la totalité de leurs produits en tenant compte du prix au marché local. 329

Une réunion extraordinaire portant sur l’évaluation du niveau d’exécution du protocole du 12 juin 2018 entre les deux protagonistes s’était tenue sous la présidence du ministre provincial de mine et la commission de suivi des activités minières en province du Nord-Kivu s’était tenue le 10 septembre 2019. 330 Il ressort de ces assises ce qui suit : la SMB accepte pour une durée de 15 mois que les exploitants miniers artisanaux de la COOPERAMMA continuent à travailler dans le respect des dispositions légales sur le site

minier de D2 Mataba, D3 Bibatama, D4 Gakombe, Luwowo, Koyi et Budjali. Ensuite, les parties ont conclu que la Commission de Suivi des activités minières (CSAM) effectue une descente d’évaluation à Bisunzu pour un état de lieu actualisé de la situation sur terrain. Enfin, il faudrait envisager dans un bref délai une réunion stratégique entre les leaders de la SMB et COOPERAMA.

Et ce, sous la houlette du gouverneur du Nord Kivu. 331

Ce conflit n’implique pas directement la communauté locale. Toute fois les membres de la COOPERAMA sont généralement issus de communautés locales de masisi. L’accès à l’exploitation artisanale aux seules personnes physiques de nationalité congolaise est une consécration pure et simple du droit au développement. Contraindre d’une manière ou d’une autre les exploitants artisanaux à ne pas faire leur activité (seule source de revenu), constitue une atteinte au droit au développement de communautés locales dans lesquelles sortent ces exploitants.

Comme nous l’avons indiqué, le conflit entre SMB et COOPERAMA a été à la base de faillites de plusieurs exploitants artisanaux ; ce qui entraîne forcément une péripétie dans leurs familles, mais également entraîne la difficulté pour ces exploitants artisanaux de contribuer au fonds de réhabilitation institué en vue de financer la réalisation des mesures d’atténuation et de réhabilitation des zones d’exploitation artisanale. 332 Ce qui viole l’article 417 du règlement minier, entraînant ainsi une atteinte au droit à un environnement sain reconnu aux communautés locales par l’article 53 de la constitution.

326 Noé Wembo, Masisi : le site minier de Rubaya, vers un complot grave qui risque de provoquer un génocide dû au conflit minier, (décembre 2018) <http://www.emergenceplus-rdc.com/masisiles-sites-miniers-de-rubaya- vers-un-complot-grave-qui-risque-de-provoquer-un-genocide-due-au-c onflit-minier/?fbclid=IwAR3g- uREcsuTKvwoEMb5MPrTn_UluJE_GrFHLngZ_nrM7zVQDSuls0 W5HVY> 25 septembre 2023.

327 Valéry Mukosasenge, Masisi : la COOPERAMMA et la SMB fument le calumet de la paix pour la reprise de l’exploitation minière à Rubaya, (7 juin 2018), <https://larepublique.net/masisi-coope rama-smb-fument- calumet-de-paix-reprise-de-lexploitation-miniere-a-rubaya/> 25 septembre 2023.

328 Patrick Maki, RDC : Kabwelulu accorde 30 jours à la SMB Sarl et aux creuseurs artisanaux de Masisi pour signer un nouveau protocole, (6 juin 2018), < https://deskeco.com/rdc-kabwelulu-acco rde-30-jours-a-la-smb- sarl-et-aux-creuseurs-artisanaux-de-masisi-pour-signer-un-nouveau-protoco le/> 25 septembre 2023.

329 Ibid.

330 Congo Mines, Communique final, (septembre 2019), <https://congomines.org/reports/1722-evaluation-du- niveau-d-execution-du-protocole-d-accord-liant-la-smb-a-la-cooperama> 25 septembre 2023.

331 Nadine Fula, RDC : des mesures prises pour une bonne cohabitation entre SMB et COOPERAMA, (11 septembre 2019), <https://zoom-eco.net/a-la-une/rdc-des-mesures-prises-pour-une-bonne-cohabitation-entre-

smb-et-cooperama/> 25 septembre 2023.

332 Règlement minier, article 417.

Ainsi donc, les atteintes aux droits de communautés locales ont été commises dans le conflit entre SMB et COOPERAMA, pas de manière directe mais indirectement. Ces violations ont impliqué la SMB, la COOPERAMA et des groupes armés parmi lesquels nous avons les Nyatura qui, à travers leurs atrocités ayant entraîné les déplacements de populations et les barricades de routes, le droit à la paix de communautés locales a été violé.

Les atteintes aux droits de communautés locales ne sont pas seulement observées dans les situations de conflits. Elles s’aperçoivent aussi dans d’autres situations notamment le cas du non-respect de la loi par les acteurs du secteur minier.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les atteintes aux droits des communautés locales au Nord-Kivu?

Plusieurs cas d’atteintes aux droits de communautés locales sont vécus dans les sites d’exploitation minière du Nord Kivu, notamment des conflits entre communautés locales et sociétés minières.

Comment les conflits miniers affectent-ils les communautés locales à Masisi?

À Masisi, les droits de communautés locales sont violés à deux niveaux, souvent à cause de litiges miniers entre divers acteurs du secteur minier, affectant sérieusement les communautés locales.

Quels mécanismes de protection sont nécessaires pour les communautés locales au Nord-Kivu?

L’article aborde la nécessité de mécanismes de protection pour sauvegarder les droits des communautés locales face aux violations résultant des activités extractives.

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