La crise économique au Cameroun a révélé des transformations sociales inattendues, affectant profondément l’emploi et l’éducation. Cette étude met en lumière des résultats surprenants qui redéfinissent notre compréhension des ajustements structurels et leurs répercussions sur la vie quotidienne des Camerounais.
LE CAMEROUN FACE À LA CRISE ÉCONOMIQUE
Cette partie se donne pour objectif de mettre en évidence la crise économique du Cameroun qui a été le basculement de l’économie camerounaise qui connaissait un essor. Elle s’attèle donc de présenter les origines de la crise et ses manifestations.
Les origines de la crise économique
La crise économique qui touche le Cameroun est due à une combinaison de facteurs à la fois internes et externes. Il est donc à noter comme le rappelle Biloa Ayissi que « Le Cameroun n’entre pas en crise comme par un coup de baguette magique, ou de manière subite ou inattendue. La crise du Cameroun a été savamment préparée »48. Il est cependant capital de faire une étude des causes exogènes et endogènes de la crise économique du Cameroun.
Les causes exogènes : les chocs pétroliers, la dévaluation du dollar et la chute des cours des matières premières
Le Cameroun, après la découverte de son gisement de pétrole dans les années 1970, orienta ses préoccupations économiques vers le secteur pétrolier. Ce qui entraîna l’augmentation du chiffre de la dette et la réduction de la production des autres secteurs de l’économie. En 1978, il représentait alors 60 % des recettes d’exportations du pays49. Lorsque le Cameroun se retrouva de plain-pied dans l’économie pétrolière, l’on assista au deuxième choc pétrolier qui dura un an soit de 1979 à 1980. Ceci entraina, une fragilité dans le secteur pétrole qui se concrétisa en 1987. Ceci étant, le secteur qui absorbait plus d’investissement étant fragilisé, l’économie devait aussi être fragilisée.
La dépréciation du dollar US tire ses origines de l’année 1981, lorsque le Président des États-Unis, Donald Reagan, voulait donner une nouvelle valeur à la monnaie américaine. Elle subit à cet effet, une augmentation du taux de change. Comparé au F CFA, ce taux passa de 235,3 à 374
47 Ebalé, « Vingt ans d’ajustement… », p.373.
48 Biloa Ayissi, 78ans, Commissaire de police à la retraite, Yaoundé, le 02/03/2018.
49 Julienne Carine Elemba Binde, « L’économie camerounaise face au problème de l’arrimage de la nouvelle dynamique libérale planétaire (1960-2012) « , Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2016, p.26.
respectivement en 1981 et 198650. Cette hausse entraina une augmentation des prix des produits américains, la conséquence étant la surproduction et la baisse de la commercialisation. Ainsi, pour remédier à cela, les États-Unis étaient dans l’obligation de dévaluer la monnaie. Cette dépréciation fut de 40 % en 198751. À cet effet le dollar US était évalué à 300 F CFA à la date de dévaluation c’est-à-dire en 1987. Cette dépréciation entraina une chute vertigineuse des cours du pétrole camerounais52.
À la suite de la dépréciation du dollar américain, la chute des cours des principaux produits d’exportation apparait. C’est en fait la baisse drastique des prix des produits de matières premières au marché international. À titre de rappel, le Cameroun a depuis les indépendances adopté la logique de l’économie de marché. Il exportait principalement le cacao, le café, le coton, la banane et le pétrole. La baisse de ces prix avait donc une influence directe et néfaste sur l’économie camerounaise. Ainsi, en 1987/89 le prix du kilogramme de café a baissé de 24 %, celui du cacao de 11 % et le baril de pétrole de 65 %53. Ceci entraina donc une forte baisse de la valeur d’exportation.
En somme, les causes exogènes de la crise économique se résument en des évènements certes lointains, mais qui ont été des catalyseurs de la scène internationale en matière d’économie. Il s’agit donc des chocs pétroliers, de la dépréciation du dollar américain et surtout la chute des cours des matières premières. À ces évènements, il faut donc ajouter les facteurs endogènes de la crise économique du Cameroun.
Les causes endogènes : les mauvaises performances des entreprises, le problème managérial et la mal-gouvernance
La crise fut amplifiée au Cameroun par le fait des acteurs nationaux. Ceci dit la présence des industries sur le territoire camerounais ne garantissait pas la prospérité, en ce sens que la politique économique mise en place ne promouvait pas une réelle stabilisation au niveau du fonctionnement de ces établissements industriels. La majeure partie de ces derniers le rappelle
50 Elemba Binde, « L’économie camerounaise… », p.29.
51 Sylvain Koh, « Établissements de crédit et financement de L’économie camerounaise 1962-1999 », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2007, p.32.
52 Sylvaine Wandja, « Pétrole et croissance économique au Cameroun de 1978 à 2002. Approche historique », mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé I, 2006, p.50.
53 Koh, « Établissements de crédit… », p. 32.
Biloa Ayissi, fonctionnaient grâce à des subventions ; « Il est clair que ces entreprises ne pouvaient pas durer. Il ne faut pas être économiste pour voir ça »54. Les entreprises publiques et parapubliques enregistraient de mauvaises performances avec une gestion déficitaire55. Elles souffraient d’un manque de compétitivité, dû au surprotectionnisme et au surdimensionnisme qui ne garantissaient pas une meilleure rentabilité et des débouchés56. En effet, le secteur public camerounais comptait plus de 170 organismes qui embauchaient environ 100 000 personnes, soit ¾ des effectifs de la fonction publique57.
Malgré des dispositions prises pour prévenir la crise qui sévissait déjà en Afrique, les dirigeants camerounais ont été conduits par leurs égoïsmes, leur recherche effrénée du profit personnel. Certains agents du secteur public avaient alors choisi de se servir et non de servir l’État58. La dérive s’en est suivie et le résultat était la montée en puissance de la corruption et des détournements des fonds publics. Les projets étaient donc financés, mais pas réalisés ; le financement manquant, il fallait chercher des financements extérieurs. À cet égard, il faut dire que :
Lorsqu’il y’a un projet au Cameroun par exemple, le financement est débloqué. Mais, à chaque niveau de la réalisation de ce projet, chacun coupe sa part du budget et à la fin les ressources financières allouées à cet exercice sont insuffisantes. Il faut donc chercher à combler ce vide. D’où la recherche des financements extérieurs par conséquent l’augmentation de la dette de l’État59.
Le Cameroun souffrait donc d’une mal-gouvernance de la part de ses dirigeants, qui apparait comme la résultante de la théorie du « complot contre l’économie »60. Il est rapporté par Biloa Ayissi qu’en 1987, lors d’une réunion avec les opérateurs économiques au Cameroun, ces derniers disaient au gouvernement camerounais que la dette intérieure était trop élevée et par conséquent ne pouvait pas faciliter les investissements, il fallait donc l’alléger. Les proches collaborateurs de la présidence rassurèrent que le Cameroun pût supporter les charges de la dette intérieure. Mais des mauvaises manœuvres ont été orchestrées au niveau de la gestion de cette dette qui a été d’ailleurs
54 Biloa Ayissi, 78ans, Commissaire de police à la retraite, Yaoundé, le 02/03/2018.
55 AMINEPAT, 3C25, Économie : Relance, 1983-2007, Document de stratégie et de relance de L’économie camerounaise en buté à la crise économique, Matrice de Mise en œuvre du DSRP, p.1.
56 Ebalé, « Vingt ans d’ajustement… », p.378.
57 Guy Armand Kenmogne, « Production et commercialisation du maïs dans la région de Bandjoun : Étude historique (1961-2010) », Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, 2002, p.113.
58 Abena Etoundi, « La planification économique… », p. 392.
59 Anonyme, 36ans, Cadre au Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, Yaoundé, le 06/10/2017.
60 Biloa Ayissi, 78ans, Commissaire de police à la retraite, Yaoundé, le 02/03/2018.
surenchérie61. Ceci conduisit le Cameroun dans la crise économique qui devint quelque temps après la crise de l’endettement.
L’économie dépendait fortement de l’extérieur et ne saurait alors être le gage d’une véritable ascension, surtout quand elle est à presque 90% agricole62. Dans le jeu de la mondialisation de l’économie, le Cameroun vendait les matières premières au marché international, dominé par les Puissances économiques qui fixent les prix des matières premières, régulent les flux commerciaux et dictent le comportement des économies.
Ce sont elles qui disent sous le prétexte des indicateurs de développement, si l’économie de tel ou tel pays se porte bien ou pas63. Le Cameroun souffrait alors d’une étroitesse de son assiette fiscale, d’une forte dépendance à l’évolution des cours des matières premières et d’une anarchie structurelle tant au niveau de l’évolution des entreprises publiques et parapubliques que de leur gestion64.
Au total, la crise économique du Cameroun a été la conjugaison des facteurs à la fois exogènes et endogènes. Il faut donc observer comment cette crise s’est manifestée sur le territoire camerounais.
61 Il faut noter ici que cette logique des faits nous a été rapporté par Biloa Ayissi, qui nous rassure d’avoir été en contact direct avec des membres du gouvernement dont il a préféré taire les noms, qui lui ont fait grâce de cette information. Nous avons accordé du crédit à cette information car le fait de l’augmentation des dettes intérieure et extérieure du Cameroun en cette période justifie cela.
Aussi, Abena Etoundi le démontre dans sa thèse de Doctorat/Phd, lorsqu’il parle de l’accélération de la corruption comme moyen de résorber la crise. Voir aussi Javier Herrera, « La nature de la crise financière camerounaise et les mesures prises pour la combattre : faut-il ajuster le programme d’ajustement structurel ? », in Georges Courade (sd), Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Karthala, 1994.
62 AMINEPAT, 3C21, Économie : Relance, 1984-1993…, p.1.
63 Biloa Ayissi, 78ans, Commissaire de police à la retraite, Yaoundé, le 09/03/2018.
64 Javier Herrera, « La nature de la crise financière camerounaise et les mesures prises pour la combattre : faut-il ajuster le programme d’ajustement structurel ? », in Georges Courade (sd), Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Karthala, 1994, p.49.
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les origines de la crise économique au Cameroun ?
La crise économique au Cameroun est due à une combinaison de facteurs internes et externes, notamment les chocs pétroliers, la dévaluation du dollar et la chute des cours des matières premières.
Comment la dévaluation du dollar a-t-elle affecté l’économie camerounaise ?
La dévaluation du dollar américain a entraîné une augmentation des prix des produits américains et une chute vertigineuse des cours du pétrole camerounais, ce qui a eu un impact négatif sur l’économie.
Quels sont les facteurs endogènes de la crise économique au Cameroun ?
Les facteurs endogènes de la crise économique au Cameroun incluent les mauvaises performances des entreprises, le problème managérial et la mal-gouvernance.