La variabilité climatique à N’Djamena révèle des fluctuations pluviométriques pouvant atteindre 147 mm, impactant directement l’incidence du paludisme. Cette étude met en lumière des relations complexes entre climat et santé, soulignant l’importance d’une approche multidimensionnelle pour comprendre cette dynamique.
Variation pluviométrique interannuelle
La ville de N’Djaména est caractérisée par un régime pluviométrique annuel de type uni modale caractérisée par une longue saison sèche d’environ 8 – 9 mois. La saison pluvieuse est, quant à elle assez hétérogène en termes de répartition temporelle des pluies. Le rythme pluviométrique interannuel est assez contrasté. Les écarts interannuels des pluies peuvent atteindre plus de 147mm. Les variations interannuelles sont aussi importantes que les variations saisonnières.
La variation interannuelle des pluies, comme présentée dans la fig. 17 est d’une sinuosité témoignant une irrégularité pluviométrique assez contrastée. La variabilité interannuelle est une confirmation à une échelle macro des variations saisonnières marquée que nous avons vues au paragraphe II.1.
Fig 17: Evolution pluviométrique interannuelle dans la ville de
N’Djaména
1400
1200
1000
800
600
400
200
0
Pluviométrie
Linéaire (Pluviométrie)
Pluie en mm
Source : Brahim B. A, 2021
Les écarts entre les totaux pluviométriques interannuels de la période de 1991 à 2020 révèlent une particularité exceptionnelle. L’année 2020 est la plus humide avec 1217mm et l997 est l’année déficitaire avec 422mm. L’écart de la quantité pluviométrique entre ces deux années est de 795mm (=1217-422) ce qui est énorme car largement supérieur à l’écart moyen de notre période d’observation qui est de 147mm et dépassant également moyenne
pluviométrique qu’est de 600mm. Ponctuellement, un cumul annuel n’a pas encore atteint 795mm en dehors de l’année 2020 qui constitue un phénomène exceptionnel. Tout cela renforce le fait que la variabilité interannuelle du climat est un fait à souligner dans toute nos analyses des phénomènes climatique pour la ville de N’Djaména.
Le constat de la fig. 17 ne nous communique pas seulement des informations sur la variation interannuelle des pluies mais aussi sur la tendance pluviométrique. L’observation de la droite de régression linéaire nous présente une tendance à la hausse, ce qui signifie que la quantité des pluies augmente durant ces trente (30) dernières années. Mais cette tendance s’explique largement par la quantité exceptionnelle du cumul pluviométrique de l’année 2020 (1217,8mm).
Le phénomène de la variabilité interannuelle est observé aussi dans la fréquence des jours de pluies. D’une année à une autre on constate que le nombre de jours de pluvieux est disproportionnellement variables par rapport à la quantité totale annuelle des pluies. La figure 18 nous montre cette instabilité qui pourrait avoir un impact important sur la vie et le développement des larves et des moustiques véhiculant le paludisme dans la ville de N’Djaména.
Linéaire (Jours de pluie)
Jours de pluie
28
37
36
33
32
36
35
43 40 41
40 41
37
53
47 49
47 48
45
46 44 44
46 46
44
49
56
55
51
64
Fig. 18: Evolution du nombre des jours des pluies
Source : Brahim B. A, 2021
En tenant une observation générale de la fig. 18, nous remarquons à travers la tendance de la droite de régression linéaire que le nombre des jours pluvieux est globalement croissant. Cette croissance est conforme à celle des quantités des pluies (voir Fig. 17). Cette conformité est logique du fait que l’augmentation de la quantité de pluies se répercute aussi sur la fréquence
de sa distribution temporelle, mais elle peut ne pas valable quand on se fie aux détails.
Cependant, une observation méticuleuse peut nous révéler par exemple qu’en 2016, il y a eu 64 jours pluvieux pour un total pluviométrique de 658mm, pourtant en 2008, il y a eu seulement 28 jours de survenance pluviométrique mais pour un total pluviométrique (655mm) quasiment égale à celui de 2008. La comparaison de ces deux années dont le nombre de jours pluvieux est le plus élevé pour l’un (2016 = 64j) et le plus bas pour l’autre (2008= 28) nous montre qu’un écart de 36 jours de survenance pluviométrique ne s’est traduit que par 3mm de pluies. Cette analyse remet en cause la liaison entre le nombre de jours pluvieux et la quantité des pluies dans une année.
Anomalies centrées réduites
Fig. 19 : Anomalies pluviométriques standardisées de 1991 à 2020 à
N’Djaména
y = 0,0328x – 65,756 R² = 0,0833
La figure 19 met en évidence les anomalies pluviométriques et nous permet de distinguer les années déficitaires des années excédentaires en termes de pluviométrie. Nous avons en Bleus les années excédentaires, en marron les années déficitaires et en noir, les années qui présentent une variabilité anormale31. C’est autour de ces éléments que seront axées nos analyses.
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Nous avons d’une manière générale, une parité entre les années excédentaires et les années déficitaires, soit 15/15 pour les 30ans. Ce qui marque la différence c’est leur intensité. Cette situation témoigne d’abord de l’instabilité pluviométrique interannuelle dans la ville de N’Djaména, ce qui ne nous permettra pas d’avoir des groupes d’années sur des longues périodes pour dégager des tendances.
31 La variabilité pluviométrique naturelle se situe entre -1 et 1 écart-type.
De 1991 à 1997, on remarque un déficit pluviométrique important. On a seulement deux années (1991 et 1994) qui présentent un faible excédent pluviométrique (0,17 et 0,16), et deux années (1995 et 1997) qui se singularisent par des déficits en deca de -1 qui est le seuil de la variabilité naturelle du climat.
Puis de 1998 à 2004, on remarque un passage brutal entre l’année déficitaire record (1997 = -1,23) et une année de pluviométrie excédentaire record dans la distribution (1998 = 1,17). Cette démarcation perturbe l’analyse des tendances et confirme la survenance des années sèches suivies des pluies irrégulières et importantes qui sont probablement liées aux effets des changements climatiques.
Ces conditions impactent aussi directement la prolifération des moustiques et donc du paludisme dont l’incidence monte une année et s’apaise une autre : ce qui fait perdre l’immunité paludique et entraine des formes graves de la maladie (J. DELMONT, 182, p 73). Et nous avons ensuite une continuation des années excédentaires sur quatre ans jusqu’en 2008 intercalée de trois années de déficit pluviométrique.
De 2009 à 2015, c’est une période de pluviométrie déficitaire sans rupture dont quatre années présentent des écarts ≥ −50. Puis s’en suit de 2015 à 2020 une instabilité présentant deux années déficitaires proches de − 1 (−0,77 𝑒𝑡 0,83) et deux années excédentaires (2018 et 2020) de variation additionnelle, dépassant le seuil de la variation naturelle (1,27 𝑒𝑡 4,17).
Malgré l’instabilité pluviométrique une tendance vers l’humidité se dégage. Cette tendance est forcée selon les rapports de proportion par la pluviométrie exceptionnelle de 2020.
La pluviométrie de l’année 2020
Dans l’analyse interannuelle des pluies, on observe de plus en plus de faibles totaux pluviométriques d’une année à une autre, mais la tendance est plutôt orientée vers l’humidité. La même situation est présentée aussi par la courbe de tendance des anomalies pluviométriques.
La tendance se ne calcule pas sur la base des distributions annuelles des pluies, mais plutôt sur la quantité pluviométrique enregistrée, même isolée. Et c’est le cas avec l’année 2020 où l’on a enregistré 1217mm. Ce cumul pluviométrique exceptionnel n’a jamais été enregistré durant les trente dernières années, ce qui a semé le doute et nous avons vérifié et confirmé la fiabilité de cette donnée. Son écart à la moyenne est supérieur à la moyenne (1217 − 603 = 614). C’est cette large différence qui a « forcé » la tendance à la hausse : ce qui ne garantit pas une humidité certaine, car avec
les manifestations des changements climatiques, la variabilité est intense dans les deux sens (humidité et sécheresse).
Questions Fréquemment Posées
Comment la variabilité climatique influence-t-elle le paludisme à N’Djamena ?
Les résultats montrent que le climat n’explique que 52% de l’incidence du paludisme, les autres facteurs étant socio-économiques et environnementaux.
Quelle est la tendance pluviométrique à N’Djamena au cours des dernières années ?
L’observation de la droite de régression linéaire nous présente une tendance à la hausse, ce qui signifie que la quantité des pluies augmente durant ces trente dernières années.
Quelles sont les variations interannuelles des pluies à N’Djamena ?
Les écarts interannuels des pluies peuvent atteindre plus de 147mm, et la variabilité interannuelle est une confirmation à une échelle macro des variations saisonnières.