Les perspectives futures en agriculture révèlent comment les agriculteurs du Mayo Dallah s’adaptent à la variabilité pluviométrique. Découvrez les stratégies innovantes qu’ils mettent en œuvre pour surmonter les défis climatiques et améliorer leur résilience socio-économique. Quelles solutions durables émergent de cette analyse?
PRATIQUES CULTURALES DEMEUREES RUDIMENTAIRES
Solon les résultats des enquêtes, les agriculteurs du Mayo Dallah font usage de plusieurs pratiques culturales afin de faire face aux contraintes du milieu qui limitent parfois les productions agricoles.
Rotation et association des cultures
Elle fait référence à différentes cultures qui se suivent dans un certain ordre sur la même parcelle, la même succession de cultures se reproduisent dans le temps en cycles réguliers. Jadis, la pratique traditionnelle de la gestion de la fertilité des sols était fondée sur l’alternance culture/jachère. Mais aujourd’hui à cause de la pression démographique qui rend difficile la mise en jachère des parcelles, elle est de plus en plus très répandue dans la zone.
Elle permet aux agriculteurs de diversifier leurs revenus et d’améliorer la fertilité de leur sol. Ainsi, les types de rotations culturales qu’on rencontre dans cette zone sont : coton/sorgho, arachide/sorgho, maïs/arachide. La rotation annuelle présente beaucoup d’avantage et selon Bationo et al, (1997), dans certaines conditions les rendements des céréales peuvent quasiment doubler dans les systèmes de culture par rapport à la monoculture continue du mil.
L’association culturale : c’est l’association d’au moins deux espèces au sein d’une même parcelle (willey, 1979). Elle est connue pour avoir des effets intéressants en termes de productivité, en particulier en situations contraignantes d’un point de vue du niveau des ressources disponibles dans le milieu. Ainsi, elle est pratiquée dans tous les villages enquêtés et se présente comme suite : mil + arachide, niébé + arachide, mil + niébé, maïs + niébé.
Il ressort des travaux de Nuttens (2001), que dans la zone des savanes du Tchad, cette pratique concerne 65 à 85% des exploitations. Cette association de deux ou trois cultures sur la même parcelle et généralement les légumineuses avec les céréales revêt plusieurs intérêts qui sont entre autres : la fixation de l’azote atmosphérique par les légumineuses, la maitrise des adventices, l’amélioration de teneur du sol en matière organique et en éléments nutritifs (Michelle, 2010).
La planche 6 ci-dessous présente un exemple d’association de culture qu’on rencontre dans le Mayo Dallah.
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Source: URL
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Source: URL
Planche 6: les types d’association de culture
Crédit photographique : Brice Wayang, 2021
Cette planche montre l’association des cultures pratiquées dans le Mayo Dallah comme réponse à la variabilité pluviométrique. Cette pratique est de plus en plus répandue ces dernières décennies. L’image 1 nous montre l’association de l’arachide et du pénicillaire et l’image 2, le sorgho associé au gombo de deux mois de croissance.
Diversification des activités agricoles
Dans le Mayo Dallah, la diversification des systèmes de productions constitue une solution pour faire face à la crise notamment la crise qu’a connue la filière coton ces dernières décennies. Bien avant cette crise, la filière coton était le seul moyen pour les paysans d’assurer leurs revenus monétaires. Ainsi, l’attention des agriculteurs est portée notamment vers les cultures les mieux commercialisées telles que : soja, le haricot, sésame, riz…
RENDEMENTS INTERANNUELS DES CULTURES VIVRIERES
TRES FLUCTUANTS
Le climat dans le Mayo Dallah ne permet qu’une seule récolte par an avec une durée de saison pluvieuse plus longue permettant d’une part aux plantes d’achever leur cycle végétatif et d’autre part le choix d’une grande variété des cultures. Les contraintes pluviométriques (le retard des pluies, les arrêts précoces, et mauvaise répartition pluviométrique) de ces dernières décennies associées aux dégâts des ennemies des cultures ont perturbé les rendements agricoles, qui sont marqués par des grandes variations interannuelles. Ainsi, l’analyse des rendements agricoles (cf.
figure 5 ci-dessous) dans le Mayo Dallah pendant les dix dernières années (2012 à 2021), nous montre des évolutions interannuelles très significatives de la production des cultures vivrières avec une moyenne de 223.168 tonnes. Cette situation caractérise toute la zone soudanienne et selon Reoungal (2018), la production alimentaire en zone soudanienne de ces quinze dernières années est de manière globale inferieure aux besoins de la population et le taux de satisfaction des besoins est en moyenne de 83%.
1800
1600
1400
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800
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0
2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
sorgho
penicillaire
Maïs
archide
Figure 7: Evolution des productions vivrières annuelles de 2012 à 2021 dans le Mayo Dallah.
Source : ANADER, 2022
Il ressort de l’analyse de cette figure, que la production agricole pendant ces dernières années dans le Mayo Dallah connait des fluctuations sans précédente année après année. Cette situation contraint certains agriculteurs qui tentent d’accorder plus d’importances aux cultures commerciales. Les variations des rendements enregistrées déterminent aussi sur les prix des produits agricoles dans les différents marchés du Département. Le tableau ci-dessous présente les prix en kg des différentes spéculations dans les marchés locaux.
Tableau 9 : Prix des différents produits agricoles pour l’année 2021
Prix des différents produits agricoles pour l’année 2021 | |||||
---|---|---|---|---|---|
N° | Produits agricoles | Unité | Prix de détail | Unité | Prix moyen mensuel |
1 | Mil pénicillaire | 1,35kg | 275f | 100kg | 18.000f |
2 | Sorgho blanc | 1,37kg | 275f | 100kg | 17.000f |
3 | Sorgho rouge | 1,35kg | 250f | 100kg | 16.500f |
4 | Maïs | 1,3kg | 275f | 100kg | 18.500f |
5 | Arachide décortiquée | 1,2kg | 600f | 100kg | 40.000f |
6 | Arachide en coque | 1,17kg | 300f | 100kg | 12.000f |
7 | Bérebéré | 1.16kg | 250f | 100kg | 18.000f |
Source : Direction provinciale de la statistique agricole, 2021
UNE AGRICULTURE AUX ACTEURS MULTIPLES
Dans le Mayo Dallah, l’agriculture regroupe en son sein plusieurs acteurs allant de la production à la commercialisation des produits agricoles et les marchés (villageois, hebdomadaires) demeurent le principal mode de régulation. Ainsi, plusieurs acteurs interviennent dans de secteur agricole. La planche ci-dessous présente deux acteurs.
- Les agriculteurs constitués des petits et des grands producteurs qui vendent à la fin des récoltes les surplus de leurs productions soit dans les marchés rurales ou urbains pour subvenir à des besoins ponctuels. L’agriculture dans cette localité emploie 23,9% des femmes et 76.1% d’hommes.
- Les collecteurs : ils constituent le premier niveau de regroupement et servent de relais dans les marchés hebdomadaires. Ils parcourent les différents marchés hebdomadaires et villageois afin de construire des stocks qui sont soit destinés aux grossistes locaux ou venant des pays voisins (le Nigeria, le Cameroun), soit conservés et exportés vers les grands centres ruraux ou urbains du pays par les collecteurs eux-mêmes. Ces derniers sont constitués en grande partie par des femmes appelés les femmes « Mosso ».
- Les détaillants : elles sont uniquement des femmes qui assurent la distribution finale aux ménages dans tous les différents marchés pour la consommation.
- Les semi-grossistes : ils sont constitués des personnes ayant une situation financière stable, c’est-à-dire qui disposent des moyens financiers en tout temps pouvant faire face à tout le problème. Ce sont des grands producteurs ruraux, des boutiquiers et des projets qui interviennent dans la commercialisation des produits agricoles. Ils stockent une quantité importante du produit pendant la période d’abondance avant de revendre quand la
demande se fait sentir. D’après les enquêtes, les sources de financement de ces hommes proviennent beaucoup plus des établissements de micro finance (UCEC, FINADEV) au début de la campagne de commercialisation. Leur collecte se fait soit dans les villages ou aux marchés
- Les grossistes : Ce sont des commerçants localisés dans les grands centres urbains, qui ont une grande capacité financière de faire de grands stocks. Ils assurent le regroupement des produits qui ont été collectés sur les marchés ruraux. Ils sont constitués des grossistes locaux et des grossistes venus du Cameroun et du Nigeria pour l’exportation. Ces derniers sont approvisionnés par les collecteurs qui exportent les produits jusqu’à dans le Département de Lac de Léré qui est frontalier au Cameroun. Par contre, les grossistes locaux procèdent aussi à la collecte dans les marchés villageois, ensuite ils constituent des gros stocks dans le marché du chef-lieu du Département appelé marché « Samedi » qu’ils écoulent vers les centres urbains.
- L’Etat intervient à travers de ses institutions comme : ANADER, ITRAD, COTON- TCHAD, ONASA, pour la formation techniques des agriculteurs, la distribution des semences, la subvention des engrais, la distribution des denrées alimentaires en cas d’insécurité alimentaire sévère etc….
- Enfin, il existe des services non étatiques, surtout les ONG de développement qui encadrent aussi le monde rural en matière de techniques agricoles, l’accès facile aux intrants et semences améliorées, l’appui à la micro finance rurale et d’organisation associative pour la défense de leurs intérêts. Ce sont par exemple, l’instance locale d’Orientation et de Décision (ILOD), Centre Chrétien d’Appui au Développement (CECADEC), Organisation pour l’Appui aux communautés Rurales (OCRA), l’Union des Clubs d’Épargne, et de Crédit du Tchad (UCEC-Pala), Office National Pour la Promotion de l’Emploi (ONAPE), FINADEV etc….
Il est important de signaler que les marchés hebdomadaires dans le Mayo Dallah sont très animés ces dernières années, car les acteurs sont en perpétuels mouvement à la recherche des denrées alimentaires de première nécessité. Cette situation avait entrainé la hausse vertigineuse des prix de produits agricoles juste après les récoltes. Selon le rapport mensuel de la direction de la production et des statistiques du Département (2022), dès les premières récoltes, les céréales et les oléagineuses se font rare sur les marchés pour des raisons connus de tous, cela a comme corollaire la monté des prix influant négativement sur les consommateurs qui ne savent sur quel pieds danser.
Les marchés de collecte sont pris d’assaut par les commerçants grossistes et intermédiaires à la quête des différents produits agricoles. L’approvisionnement des marchés centraux devient de plus en plus faible car les stocks se font rares dans les villages puis exportés dans les autres villes du pays. Face à cette situation très délicate pour la population, le gouvernement ne peut donc rester indiffèrent.
C’est ainsi qu’une note était sortie en 2021 pour mettre fin à l’exportation des céréales et oléagineux à l’exception du sésame hors frontière. Cette décision avait suscité diverses réactions des acteurs du marché dans le milieu. Il faut noter aussi que même les produits maraichers se font rares sur les marchés locaux et si l’on en trouve son flux est d’ailleurs.
Il en est de même que le bétail.
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Planche 7: Les acteurs impliqués dans l’agriculture dans le Mayo Dallah
Crédit photo : Eloge, 2022
Cette planche nous montre les acteurs impliqués dans les activités agricoles. La photo 1, présente le marché de vente par sac de 100kg d’arachide et stocké pour l’expédition. La photo 2, présente la vente en détail par les femmes par tasse ou par ‘‘Coro’’ de 2,5kg.
CONCLUSION
L’objectif de ce chapitre, était de caractériser les pratiques agraires dans le Mayo Dallah. A la lumière de cette analyse, il est important de préciser que l’agriculture dans cette localité est essentiellement pluviale et dominées par les céréales, oléagineux et les tubercules, employant une d’œuvre locale essentiellement familiale. Les pratiques agraires sont caractérisées par un faible niveau d’intensification et reste très majoritairement manuelles avec la réduction des jachères.
Les rendements sont faibles et fluctuants d’une année à une autre. Ensuite, les apports organiques et minéraux sont faibles. Seul un petit nombre d’agricultures disposant de quelques têtes de bœufs apportent du fumier de parc sur les champs de sorgho et de maïs et les doses appliquées sont très faibles. Notons également que les itinéraires techniques pratiqués sont aussi à l’origine de la dégradation de la fertilité des sols, cette situation confirme les travaux d’Abdoulaye et al, (2006).
Ainsi, l’érosion et la minéralisation accélérée des matières organiques en sont les résultats.
Cette situation ajoutées aux contraintes pluviométriques exposent d’avantage les agricultures aux risques de mauvaise production, d’où une insuffisance des moyens d’adaptations. Le chapitre suivant analyse la tendance de cette variabilité pluviométrique dans le Mayo Dallah.
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les pratiques culturales utilisées par les agriculteurs de Mayo Dallah ?
Les agriculteurs de Mayo Dallah utilisent des pratiques telles que la rotation et l’association des cultures pour faire face aux contraintes du milieu.
Comment la variabilité pluviométrique affecte-t-elle les rendements agricoles à Mayo Dallah ?
La variabilité pluviométrique, avec des retards et des arrêts précoces des pluies, a perturbé les rendements agricoles, entraînant de grandes variations interannuelles.
Pourquoi la diversification des activités agricoles est-elle importante à Mayo Dallah ?
La diversification des activités agricoles est importante pour faire face à la crise, notamment celle de la filière coton, et pour se tourner vers des cultures mieux commercialisées comme le soja et le riz.