Les perspectives d’avenir des aménagements maraîchers au Tchad révèlent comment les bénéficiaires s’approprient ces initiatives soutenues par le PAM. Découvrez les stratégies qui favorisent la durabilité et la résilience face aux défis climatiques : comment ces aménagements transforment-ils la vie des communautés locales ?
DEUXIÈME PARTIE : CADRE DE L’ÉTUDE ET CARACTÉRISATION DES AMÉNAGEMENTS
Chapitre 3 : CADRE DE L’ÉTUDE
Dans ce chapitre, il est question des cadres physique et stratégique dans lesquels se sont inscrits les aménagements de notre étude. Sont présentés, les phénomènes socio-économiques, démographiques et paysagers, qui sont, soit de potentialités, soit d’obstacles, pour le développement du département du Guéra ; et les motifs et stratégies d’intervention du PAM.
DEUXIÈME PARTIE : CADRE DE L’ÉTUDE ET CARACTÉRISATION DES AMÉNAGEMENTS
Chapitre 3 : CADRE DE L’ÉTUDE
Dans ce chapitre, il est question des cadres physique et stratégique dans lesquels se sont inscrits les aménagements de notre étude. Sont présentés, les phénomènes socio-économiques, démographiques et paysagers, qui sont, soit de potentialités, soit d’obstacles, pour le développement du département du Guéra ; et les motifs et stratégies d’intervention du PAM.
CADRE PHYSIQUE
3.3.1. Délimitation du département du Guéra
Le département du Guéra s’étend sur une superficie de 11000 km² dans la province qu’on appelle aussi Guéra, située au Centre-sud du Tchad entre le 10èmeet le 20èmedegré de latitude Nord et le 18èmeet 20èmedegré de longitude Est. Il est limité à l’Est par le département de Mangalmé ; à l’Ouest par le département d’Abtouyour, au Nord par la province du Batha ; et au Sud par le département de Barh Signaka et la province du Salamat. Nous avons mené l’observation sur les aménagements maraîchers des cantons Migami et Dadjo1.
CARTE N°2 : ZONE D’ÉTUDE
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Composition de la population dans les deux cantons
D’après le RGPH2 (INSEED, Rapport 2012, p.9), les cantons Migami et Dadjo1 renferment respectivement 48158 habitants et 73434 habitants, ce qui donne un total de 121592 habitants. Les femmes constituent la proportion la plus élevée avec 62241 femmes dans les 2 cantons. Les éleveurs occupent une tranche de plus de 1000 habitants dans cette population. Cependant l’agriculture est l’activité principale du département du Guéra, et ce sont les hommes qui détiennent de grandes proportions d’espaces cultivables.
Principales sources de revenus
La production agricole ne couvre rarement 10 mois de consommation dans l’année. La population se débrouille entre la cueillette, la chasse et l’exode pour avoir de compléments alimentaires. Par exemple, en 2016, le revenu monétaire des ménages équivalait entre 10 à 12 mois de consommation dans le canton Migami, alors que dans les ménages du canton Dadjo1, il est entre 7 à 9 mois.
Ce revenu est constitué de différentes activités de l’agriculture et de l’élevage, puis de la migration, du maraîchage et d’autres sources, (OXFAM & ONDR, 2016, pp.34, 39.) L’agriculture qui est la principale source de revenu, dépend des eaux de pluies. En se référant à la pluviométrie annuelle, on distingue les campagnes dites de bonnes et celles dites de mauvaises saisons.
Dans ces deux cantons, on a relevé que les campagnes agricoles de 2011-2012, 2012-2013 et 2015-2016 ont été qualifiées de mauvaises, alors que les campagnes 2013-2014 et 2014-2015 ont été dites bonnes, (OXFAM & ONDR, 2016, p.37). Cette situation est la cause de la précarité des moyens d’existence et de la vulnérabilité des populations.
GRAPHIQUE N°4 : PRINCIPALES ACTIVITÉS DU DÉPARTEMENT
avr mai jui juil aoû sept oct nov déc jan fév mar avr
Agriculture
Transhumance
Maraîchage
Migration saisonnière Autres activités non-agricoles
avr mai jui juil aoû sept oct nov déc jan fév mar avr
Koutte Moussa, 2017
Ce graphique montre que l’Agriculture prend en compte les phases de préparation des champs qui va d’avril à mai, des cultures qui s’étend de juin à août et des récoltes en novembre. Les activités de maraîchage sont intenses de novembre à février pour s’estomper avec le tarissement des puits et des bassins à partir de la fin de mois de février.
Novembre à mars est la période de départ vers les centres urbains pour la recherche d’emplois temporaires et rémunérateurs. Dans leur parcours nord-sud et sud-nord, les éleveurs qui du sud, remontent vers le nord marquent leur arrêt d’avril à juin dans le Guéra où le paysage est propice pour le bétail.
Les activités non-agricoles concernent la cueillette (fruits, gomme, ramassage de bois, etc.), petit élevage, fabrication de briques, etc.
- Agriculture hivernale
La population du Guéra, vit principalement des produits de l’agriculture mais aussi de l’élevage et de la cueillette. Chacun des deux cantons, Migami et Dadjo1, compte plus de 75% ménages utilisant les produits agricoles comme sources de revenu. Dans le département du Guéra, il s’y pratique une agriculture double avec les cultures hivernales et de décrue, mais les productions ne suffisent pas pour s’assurer la nourriture toute l’année.
La production moyenne par ménages en année dite normale (de bonne pluviométrie) varie entre 5 à 6 sacs (1 sac = 100kg) pour le bérébéré, 4 à 6 sacs pour le sorgho ; 3 sacs pour l’arachide, 2 pour le sésame et de 1 à 2 sacs pour le gombo, (OXFAM & ONDR, 2016, p.32).
La production dépend de conditions souvent défavorables que sont la non maîtrise des calendriers pluviaux, les difficultés à gérer les eaux de ruissellement, la dégradation des sols, etc.
- Élevage
L’élevage est constitué d’animaux de trait, de quelques têtes de petits ruminants et de la volaille. Entre 50 à 75% de ménages dans le canton Dadjo1 pratique la vente du bétail pour compléter leurs revenus contre 25 à 50% dans le canton Migami. Plus d’un ménage sur trois possèdent de 1 à 5 têtes de petits ruminants, (OXFAM & ONDR, 2016, p.32).
- Cueillette
La population fait aussi recourt à la cueillette pour sa survie et pour trouver de compléments alimentaires. Il s’agit de la cueillette de produits sauvages que sont la gomme arabique, le bois de chauffe, les jujubes, etc. La vente des produits provenant de la cueillette est pratiquée par une proportion de ménages comprise entre 10 à 25% dans chacun des deux cantons.
- Exode rural
La migration vers les villes, surtout vers N’Djaména, est une des options pour beaucoup d’habitants qui, une fois en ville, essaient de trouver un travail formel ou informel et en transfèrent une partie de leur rémunération à leur famille restée au village. Les destinations les plus évoquées sont N’Djamena, Abéché, Mongo ou encore la Lybie. 25 à 50% de ménages dans le canton Migami complètent leurs revenus par de ressources issues de la migration, cela représente 75% de ménages dans le canton Dadjo1.
- Maraîchage de contre-saison
Les superficies concernées par le maraîchage restent très modestes, du fait de la faible disponibilité de terres aménageables et des technologies rudimentaires utilisées pour puiser l’eau. Toutefois vu l’intérêt croissant pour diversifier et étaler dans le temps les productions agricoles, les superficies exploitées sous irrigation sont en augmentation, et dans le canton Dadjo1 comme dans le canton Migami, environs 25% de ménages pratiquent le maraichage de contre-saison (OXFAM et ONDR, 2013).
Pratiqué en mode traditionnel dans des bas-fonds, avec de l’équipement faible, le maraichage s’avère être une des voies pour faire face à l’insécurité alimentaire. Compte tenu de travaux champêtres, il n’est pratiqué pour la plupart qu’en hiver humide. Bien que productif, le risque est que la nappe redescende plus vite et que cela n’entraine l’assèchement précoce de puits et l’arrêt des activités.
TABLEAU N°2 : POURCENTAGE DE MÉNAGES PAR SOURCE DE REVENU
SOURCES DE REVENU | MÉNAGES PAR CANTONS | |
Migami | Dadjo1 | |
Migration | 10-25 | 25-50 |
Vente de bétail | 25-50 | 25-50 |
Culture de rente | 75-100 | 50-75 |
Maraîchage | 10-25 | 10-25 |
Vente de bois | 10-25 | 25-50 |
Artisanat | 5-10 | – |
Transfert | 10-25 | – |
Commerce | 5-10 | 10-25 |
Autres AGR | – | 50-75 |
Source : PASISAT, 2013
GRAPHIQUE N°5 : REVENU MONÉTAIRE MOYEN MENSUEL PAR ACTIVITÉS
Pas d’activités Aides/dons et transfert d’argent
Transport Salaire/Pension Travail journalier
Artisanat/Petits métiers Petit commerce (produits non alimentaires) Commerce (produits alimentaires /animaux) vente de produits de chasse et cueillette vente de produits de la pêche
vente d’animaux et de produits d’élevage vente de produits maraichers
vente de produits agricoles autoproduits
Année 2014
Année 2013
0
100000
200000
300000
Source : PAM/ENSA (2014)
Contraintes locales
La province du Guéra présente un score10 de vulnérabilité qualifié de très élevé (17,8) et des taux de malnutrition chronique au-dessus de 40%. Multiples contraintes aggravent cette situation. Sauf des aménagements appropriés, les alternatives plus élaborées et des appuis convenables pourraient aider les populations à se redresser face aux causes de l’insécurité alimentaire.
- Problèmes liés à la maîtrise des eaux
En effet, au Guéra, la pluviométrie varie entre 300 et 800 mm, cette quantité qui arrive au sol est suffisante pour toute activité de production si elle était maîtrisée au moyen de techniques et d’ouvrages appropriés. Il est de plus en plus difficile pour les agriculteurs de maîtriser le calendrier saisonnier compte tenu du dérèglement climatique. La saison des pluies qui s’étale de juin à septembre, est caractérisée par une mauvaise répartition spatio-temporelle (PARSAT-rapport, 2013. p.24.)11La saison peut être soit normal avec des pluies régulières et suffisantes, soit anomale avec de décalages, de déficits ou d’excès de pluie, engendrant de situations de stress et/ou d’inondations qui compromettent les activités culturales. Cette
10Ministère de la santé, PAM et UNICEF : Enquêtes SMART, 2012.
11 FIDA & République du Tchad : PARSAT, rapport, 2013.
situation plonge les agriculteurs dans l’incertitude et la vulnérabilité. Si des semences de variétés précoces sont octroyées aux agriculteurs, elles sont loin de palier à cette situation. Il arrive que les agriculteurs les perdent pendant la période d’ensemencement en l’absence de pluies régulières.
La région du Guéra est une des plus accidentée du pays, offrant une toposéquence fait de plateaux et des vallées encaissées. Les eaux de pluies qui tombent se perdent rapidement par encaissement, puis en aval dans de bas-fonds. La surface du sol est mise en détritus par l’érosion hydrique. L’eau qui ruisselle, décape au passage la partie superficielle du sol, ce qui est à l’origine des ravins et des excavations en surface. Ce qui constitue le facteur de rétrécissement de surfaces cultivables. Les actions paysannes de gestion et de conservation des eaux et des sols permettent aux paysans d’atténuer ces difficultés naturelles. Ces actions paysannes nécessitent d’être appuyées pour contribuer à la récupération des sols cultivables.
CARTE N°3 : DOMAINES CLIMATIQUES
[10_img_3]
[10_img_4]Isohyète
Cette carte montre que la province se partage entre deux domaines pluviométriques (avec les pluies qui varient entre les isohyètes 600mm à 800mm dans la zone sahélo-soudanienne ; et de plus 800mm dans sa zone soudanienne.) La quantité qui arrive au sol est suffisante pour les
activités culturales, mais les conditions physiques de sa maîtrise manquent aux paysans. Dans le département du Guéra, les populations sont régulièrement confrontées aux problèmes d’eau qui est le principal facteur limitant de productions locales.
- Manque de matériels et d’équipements agricoles adéquats
La production agricole est la principale source de revenu des ménages du Guéra. La main d’œuvre est abondante, mais elle manque de matériel mécanique et d’accompagnement technique appropriés et réguliers. L’agriculteur fait usage de la machination rudimentaire, telle que la houe, la machette, et plus mieux l’attelage. Des aménagements hydroagricoles exigent un apport technique et de moyens conséquents.
La majorité d’habitants est pauvre et ne possède pas de moyens pour s’acquérir la mécanique ou la technique agricole moderne. Ce fut toujours la mission de l’Etat de réaliser les équipements de développement, de mener la recherche et d’en proposer des alternatives ou des innovations, de nouer de partenariat et de coopérer pour l’appui au développement rural.
Cet interventionnisme de l’Etat n’a pas engendré un impact socio-économique significatif et durable dans la population. Ni l’emploi des tracteurs dans l’agriculture, ni les grands aménagements hydroagricoles n’ont réussi à régler de manière durable le problème de l’insécurité alimentaire. Ceci signifie que les moyens et les stratégies qu’emploient l’Etat depuis plusieurs décennies, sont soit largement insuffisants ou mal employés, soit qu’ils sont en déphasage avec les situations socio- économiques et environnementales actuelles.
- Dévastation des champs
La dévastation de cultures est un phénomène qui préoccupe dans le Guéra. Les ennemis de cultures surprennent et les dégâts qu’ils causent sont graves, entrainant de lourdes conséquences sur la population. Ce sont soit des criquets, des chenilles ou d’oiseaux qui s’attaquent aux cultures soit en détruisant les plantes soit en mangeant les grains. L’année 2017 a été marquée par l’apparition des chenilles qui ont détruits de centaines d’hectares de champs de bérébéré.
- Analphabétisme
Partout au Tchad, l’analphabétisme constitue un grand obstacle pour l’essor des populations. Dans la région du Guéra comme dans le sahel, le taux d’analphabétisme12 est le plus élevé, il est de 75% contre 54% à l’échelle nationale. Cela limite les producteurs pour l’accès à certaines informations concernant les savoirs et l’évolution des systèmes des productions face
12Ministère de la santé, PAM et UNICEF : Enquêtes SMART 2012.
aux aléas climatiques. Ces informations sont largement diffusées dans les presses (journaux, radios, télévision, …) spécialisées et internet mais les paysans n’y accèdent peu ou pas. Et ils communiquent de moins en moins sur leurs activités.
- Alternatives aux contraintes locales
Dans le département du Guéra, l’Etat, le PAM, les ONGs et les populations locales multiplient des efforts dans le domaine des pratiques paysannes de CES-DRS pour l’amélioration de la résilience des moyens de production. De cordons pierreux, de seuils d’épandages, les diguettes, etc. sont de techniques qui sont appliquées pour restaurer les sols, améliorer l’accès à l’eau de production et améliorer la rentabilité des productions.
- Vulgariser les périmètres Maraîchers
L’agriculture, produisant les céréales, en pluvial (mil, sorgho) et en décrue (sorgho, appelé localement bérébéré), qui représentent en superficie et en tonnage la spéculation agricole la plus importante. En saison sèche, la production agricole est limitée au maraîchage, pratiqué dans les bas-fonds autour de mares ou puisards aménagés ou en bordure des cours et plans d’eau.
La pratique du maraîchage est limitée par insuffisance et de la faible qualité d’équipements (puits, mares, etc.) Cela limite également l’exploitation qui ne concerne que peu de produits dont le haricot, l’oseille, le roquet et la laitue. Les cultures maraichères, pratiquées en contre-saison, procurent une occupation, des compléments alimentaires et des revenus aux ménages ruraux.
Elle freine la migration saisonnière vers les villes. Cependant, la superficie moyenne exploitée par ménage (environ 5 personnes) est estimée à 0,2 hectares de maraîchage de contre saison, contre 1,8 hectares de cultures pluviales et 0,4 hectares de cultures de décrue et (PARSAT-rapport, 2013, p.25.)
Le PAM et ses partenaires appuient la vulgarisation du maraîchage de contre-saison, compte tenu de ses qualités à améliorer la consommation alimentaire et le revenu des ménages.