L’impact du maraîchage au Tchad révèle comment les aménagements soutenus par le PAM transforment l’économie des ménages dans le département du Guéra. Découvrez comment cette dynamique renforce la durabilité et la résilience face aux défis climatiques et socio-économiques.
La contribution du maraîchage dans l’économie des ménages est une principale raison de motivation pour l’exploitation des périmètres maraîchers.
Économie d’appoint
Cultivées en contre-saison, les produits maraîchers sont constitués en grande partie de légumes et de tubercules. Ce sont de variétés de cycle court que les exploitants cultivent 2 à 3 fois de suite au cours d’une même campagne sur les mêmes parcelles. Les produits sont bénéfiques non seulement pour les producteurs, mais ils entrent également dans le circuit marchand de la région.
Des vendeurs détaillants et grossistes qui ne sont pas forcément des exploitants en bénéficient en revendant les produits maraîchers. Les producteurs vendent leur produit soit aux habitants de leurs villages ou aux collecteurs en quête de produits pour les marchés lointains, soit elles les amènent eux-mêmes pour vendre dans les marchés hebdomadaires.
Ces collecteurs les revendent à d’autres collecteurs grossistes qui les acheminent vers les grands centres. Les principaux débouchés d’écoulement de produits maraîchers sont les chefs-lieux de département et les marchés hebdomadaires.
TABLEAU N°22 : QUELQUES MARCHES LOCAUX D’ÉCOULEMENT DE PRODUITS MARAICHERS.
Localités de production | Marchés hebdomadaires locaux | Débouchés urbains dans la région |
Mallah | Baro, Sissi | Mongo |
Baro | Baro | Mongo |
Chawir | Chawir | Eref, Mongo |
Amdakour | Délèp | Ati, Mongo |
Almé Abiat | Bardangal | Bitkine, Mongo |
Tchoffio | Mongo, Banda | Mongo |
Rikhéwé | Mongo | Mongo |
Bara | Mayam | Melfi, Bitkine |
Source : Données collectées sur le terrain, 2017
Les marchés hebdomadaires ne sont pas trop distants des localités productrices. Ce qui permet aux producteurs d’achever leurs produits sur les marchés, à pied ou avec les principaux moyens de transport que sont la moto et les bêtes de selle.
CARTE N°5 : MARCHÉS HEBDOMADAIRES ET LOCALITÉS PRODUCTRICES
Outre les marchés hebdomadaires locaux, les produits collectés par de revendeurs, entrent dans le circuit commercial de la sous-région. Ils sont acheminés sur les marchés de la sous- région par l’entremise des revendeurs. Ainsi de localités productrices, les produits maraîchers parviennent sur les marchés des villes des provinces de Salamat (Aboudeia), de Batha (Ati, Oum Hadjer), de Ouaddaï (Am Dam), …, et bien évidemment du Guéra (Bitkine, Mangalmé, Mongo). Les revendeurs, parcourant les marchés locaux et les sites de production, collectent les produits maraîchers qu’ils acheminent vers les marchés des villes où ils les livrent, soit aux autres clients grossistes, soit aux restaurants de la place.
On peut alors retenir que, bien que les récoltes soient souvent médiocre, les producteurs prélèvent une partie pour vendre afin de subvenir aux ‘autres besoins du ménage. L’argent obtenu de la vente de produits maraîchers, permet aux ménages de s’acheter de vivres et investir également dans le petit élevage. Les exploitantes (de Tchoffio et de Malla) ont expliqué que l’argent obtenu des activités de maraîchage leurs ont permis de s’acheter de petit ruminants et de volailles qu’elles élèvent, et que cette activité leur permet d’éviter le surendettement.
Sur les marchés, les vendeurs expliquent qu’ils rencontrent de difficultés pour la conservation. La plupart de ces produits est consommable à crue, le reste qui est invendu et qui entame l’assèchement, est souvent jeté ou donné comme foin pour le bétail. Mongo, chef-lieu de la région est le premier débouché pour ces produits. Les produits étalés sur le marché de Mongo proviennent de différents sites de maraîchage de la région du Guéra.
PLANCHE DE PHOTOS N°16 : PRODUITS EXPOSÉS SUR LE MARCHÉ
Cliché Koutte Moussa, décembre 2017
Les produits se vendent, soit par unité de produit ou soit aux grossistes par sac de 100kg.
TABLEAU N°23 : PRIX DES PRODUITS MARAICHERS SUR LE MARCHE DE MONGO
Produits | Unité | Prix de détail/CFA | Prix en gros |
Gombo | 5 à 8 fruits | 100 F | |
Oseille | tas | 100 F | |
Corète | tas | 100 F | |
Laitue | 1 sac de 100kg | 6.500 F à 10.000 F | |
Tomate | 1 carton de 25 kg | 4.000 F | |
Navet | 1 sac de 100 kg | 2.000 F | |
Corète | 1 sac de 100 kg | 6.000 F |
Source : Données collectées sur le terrain
A ces prix les ménages moyens comme défavorisés peuvent accéder aux produits maraîchers pour leur consommation.
Diversification de sources alimentaires
Par les aménagements maraîchers, le PAM et ses partenaires entendent diminuer les problèmes inhérents à l’insécurité alimentaire que sont la sous-alimentation et la malnutrition. Les aménagements maraîchers permettent d’accroitre la production de légumes locales (gombo, oseille, corète, haricot, tomate, etc.), et ils permettent aussi de vulgariser la production et la consommation de légumes nouvellement introduites (laitue, betterave, carottes, roquette, moringa etc.) Les producteurs témoignent leur goût pour ces aliments qu’ils peuvent manger sous diverse états (sauce, salade, crue, cuit, …) et qui ne manquent pas le repas quotidien.
Pour les producteurs organisés en groupement, la production cible d’abord le marché local. Pour cela, elle est plus une spécialisation d’une à deux légumes principales. À Rikhéwé (situé à 5 km de Mongo) par exemple on a une dominance de gombo, puisqu’il occupe plus de ¾ de la superficie cultivée. Les produits sont vendus directement sur le marché de Mongo. À Almé Abiat, comme le sol est propice aux liliacées, il est exploité en contre-saison pour la production d’oignon et d’ail qui dominent le reste de produits, et, en hivernage pour la production de la tomate.
Constitution de stock de sécurité pour la période de soudure
La constitution de stock de sécurité grâce aux revenus obtenus de la vente des produits maraîchers aide les ménages à survivre en période de soudure ou à limiter les effets de la pratique de l’usure. Les rendements agricoles ne couvrent guère 12 mois de consommation, et la période de mai à juillet est celle qui marque l’épuisement prononcé de toutes les provisions.
Les pratiques telles que la réduction de la consommation journalière, la cueillette, la vente de la main d’œuvre, … sont autant de recours qu’adoptent les ménages pour leur adaptation à cette période. De nos jours, la vente de produits maraîchers permet d’acheter de céréales que les producteurs maraîchers stockent en prévention de la soudure.
Quand la période de soudure arrive, ils se le revendent à des prix abordables ou se le redistribuent. Au fait, l’usure est une pratique auquel les habitants font recours, mais qui les ruinent. Pour subvenir à leurs besoins, les agriculteurs étaient contraints d’emprunter sur leurs prochaines récoltes pour de remboursements aux gros intérêts à leurs créanciers.
Ce qui leur fait perdre une bonne partie de leur production aussitôt après la récolte. Cette pratique contribue au maintien des paysans dans la précarité. Les produits du maraîchage contribuent ces derniers temps à réduire l’effet de cette pratique sur la population. Ce sont des légumineux issus du maraîchage qui sont de
plus en plus vendus et l’argent obtenu permet aux productrices de se procurer directement ce dont ils ont besoins. En exemple, les exploitantes de Tchoffio ont affirmé avoir payé 08 sacs de céréales avec de l’argent issu de la vente de leurs produits de la campagne 2016.
Ravitaillement de cantines scolaires par les produits maraîchers
Le maraîchage rejoint les stratégies employées pour lutter contre la desserte scolaire (cas de Jardin de Vie de Chawir.) Les élèves fuient les classes ou rentrent pendant les récréations et ne reviennent pas, ou bien, ils s’absentent parce que ne pouvant supporter les heures de leçons étant affamés. Les Parents d’élèves s’étant constitués, ont eu l’idée de faire un aménagement maraîcher dont la production contribue au ravitaillement de la cantine scolaire.
Le PAM a appuyé ces aménagements en réalisant de puits modernes, des canalisations, de la clôture, et ses partenaires accompagnent les producteurs en leur apportant de semences et d’apprentissages. Pour les responsables de l’école, le Jardin de vie est une réussite, sinon il reste seulement à appuyer les parents, car ce qu’ils font, permet d’améliorer les résultats scolaires.
De même, les parents expliquent être très heureux de Jardin vie, car il leur permet de livrer de légumes et d’assurer la prise en charge du repas scolaire. La stratégie de Jardin de Vie est en train de se répandre dans les localités du Guéra.
Renforcement de liens intercommunautaires
Les aménagements maraîchers contribuent à la structuration communautaire. De groupements d’exploitants et de comités de gestion constitués de ressortissants d’un ou de plusieurs villages sont formés pour conduire l’exploitation d’aménagements maraîchers. Ils participent ensemble aux activités de production et se partagent les fruits de leur travail. Les réunions et les séances de programmation communautaire, sont au niveau local, de cadres de dialogue et d’examen de problèmes de la communauté.
Les outils, tels que l’épargne et les stocks de vivres favorisent la cohésion interne. En exemple, le groupement Al Adalah de Rikhéwé, affirme qu’à la fin de la production de 2016, il avait mis de côté une somme de 450000 FCFA28 suite à la vente de ses produits. De même, le groupement Al Haya2 d’Almé Abiat, a affirmé qu’à la fin de la production de 2016, il avait également obtenu 405000 FCFA de la vente de ses produits maraîchers.
Réduction de risques et avantages socio-environnementaux
Dans le Guéra, après 5 mois d’intenses activités agricoles, les agriculteurs se livrent à la recherche d’autres sources de revenu complémentaire pendant les 7 autres mois. Les hommes
281 euro = 655F.CFA
s’en vont en ville pour travailler. Les femmes restent au village (la majorité, s’occupant de la garde des enfants). Ces dernières s’occupent surtout de ramassage de fagot ou de la coupe de bois, qu’elles vendent pour s’acheter de vivres. Pratiqué en contre saison, le maraîchage occupe de plus en plus les femmes de matin comme de soir.
Le fait que les femmes se tournent vers le maraîchage est d’une grande utilité pour la sauvegarde de la flore. Cela contribue à réduire la destruction du couvert végétal. L’activité évite également aux femmes l’oisiveté, elles sont présentes le matin puis dans l’après-midi sur les aménagements maraîchers pour entretenir et arroser leurs parcelles.
Aussi, par le développement de l’activité de maraîchage, les producteurs avouent qu’ils ont cessés de s’aventurier en villes et ils restent au village aux côtés de leurs enfants. Et ensemble ils pratiquent le maraîchage pour survivre.
On observe dans les pratiques qu’ils existent de comportements et d’insuffisances, pas favorables au bon fonctionnement des activités.
Attentisme des exploitants
Afin de favoriser la durabilité des ouvrages réalisés, le PAM a décidé d’aider les exploitants pour le surcreusement de bassin de rétention. Il s’agit d’augmentation de la profondeur, de désensablement et de curage de boue de décantation. Cette intervention se réalise par la mise à la disposition des producteurs d’outils rémunérateurs que sont les Transferts d’Argent et l’octroi de Vivres pour la Création d’Actifs.
Dès lors que le PAM a ainsi formulé son engagement, les exploitants n’en font pas de l’entretien de puits et de bassins de rétention leur affaire. C’est ainsi que, l’érosion sur les bassins et le remplissage de puits par de débris, qui requièrent d’actions immédiates pour éviter leur dégradation, ne préoccupent pas les exploitants.
Leur inaction se justifie par le fait qu’ils attendent l’intervention du PAM, qu’ils considèrent comme l’occasion pour gagner d’argent et de vivres. De même, il y a des exploitants qui attendent que les partenaires d’accompagnement leurs offrent de semences avant de commencer les activités. Cette manière d’agir, est d’une part, de nature à précipiter la détérioration des ouvrages ; et d’autre part, elle retarde leurs travaux.
PLANCHE DE PHOTOS N°17 : DÉGRADATION DES OUVRAGES D’EXPLOITATION
Érosion sur les margelles de bassins
Puits non curés
Cliché Koutte Moussa, décembre 2017
Manque de professionnalisme des organes dirigeants.
L’absence de formations et de suivi réguliers, et le manque de matériels adéquats pour le travail, font que les exploitants agissent comme bon leur semble, en ignorant ou en bricolant les techniques de travail. Les superviseurs qui travaillent dans le compte des ONGs locales ne sont pas permanemment sur les sites d’exploitation pour suivre régulièrement les exploitants. Les producteurs ne disposent pas de comptes d’exploitation écrits. Il est difficile d’évaluer
quantitativement la production, d’établir de rapport entre la charge de fonctionnement et le revenu net, entre la consommation et la vente, etc. Alors que les exploitants ne manquent d’évoquer de cas de malversations financières de la part de leurs dirigeants.
Mauvaise gestion de l’eau par les exploitants.
L’eau est le principal facteur limitant, son usage est en inadéquation, d’abord pour son exhaure et ensuite pour les normes requises pour l’arrosage de cultures. En fait, pour garantir l’équilibre des ouvrages et la bonne croissance des plantes il va falloir tenir compte du volume d’eau qu’on exore, des conditions écologiques et du type de la plante à arroser selon son besoin en eau (cf.
annexe, la dose d’irrigation, p.xx.) Les exploitants ne tiennent pas compte de ces mesures techniques. D’une part, le pompage excessif par motopompe est source d’éboulement et de tarissement précoce de puits et de bassins de rétention. D’autres parts, l’eau est drainée par de canalisations qui sont pour la plupart de cas non maçonnées.
Cela entraîne de grosses pertes d’eau par infiltration. Les puisettes servent à la fois pour le puisage et le transport. Les puisettes et arrosoirs sont pour la plupart de cas de fabrication locale à base de vieux bidons et récipients. Ces matériels font perdre de l’eau qu’on observe ruisseler aux abords des puits et dans les allées qui conduisent sur les planchées.
PLANCHE DE PHOTOS N°18 : EXHAURE ET PERTE D’EAU
Perte d’eau autour de puits pendant le puisage et par infiltration par le drain non maçonné
Cliché Koutte Moussa, décembre 2017
Dépendance d’eaux de pluies
La durée d’une campagne dépend du volume d’eau contenu dans le bassin de rétention ou les puits. Ces ouvrages, se ravitaillent pendant la saison de pluies. Plus la pluviométrie est bonne, plus les ouvrages se remplissent et plus la campagne s’étale sur une période assez longue.
L’évaporation intervient également comme facteur de tarissement d’eau. Dès le mois de février, l’on entame la fin des exploitations dans le Guéra à cause du tarissement d’eau.
En bref, on doit retenir de cette partie qu’en tant que facteurs d’appropriation, l’approche participative et l’empowerment ont favorisée l’incitation des populations et le développement local. L’engagement des exploitants a été conforté par la pertinence de l’activité de maraîchage et de ses rendements. En plus d’avoir participé activement à la mise en œuvre de projets d’aménagement, les bénéficiaires se sont ensuite organisés pour l’autogestion de leurs exploitations. Ils ont fait valoir leurs savoir-faire pour avoir d’équipements et de matériels accessoires de travail. En outre, l’exploitation d’aménagements maraîchers est à l’origine d’outils de gestion et d’épargne qui consolident l’autopromotion communautaire, bien que l’auto-investissement reste encore faible.