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Impact du climat sur le paludisme : Stratégies pratiques pour N’Djamena

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🏫 UNIVERSITE DE BANGUI - FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES - DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2021-2022
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Bichara About BRAHIM
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Perceptions individuel de l’impact du climat sur le paludisme

La météo sensibilité du paludisme

La question du temps et, par abstraction du climat, est souvent évoquée pour donner une explication de causalité aux maladies et notamment le paludisme. Et c’est depuis Hippocrate que l’idée s’est peu à peu imposée que la santé humaine est, à bien des égards tributaires du climat et des conditions météorologiques42.

Nous avons demandé dans le cadre cette enquête l’appréhension populaire et les sensations que le climat a, à travers la survenance des évènements météorologiques quotidiennes et saisonnières sur le paludisme auprès des sujets contaminés plus d’une fois par la maladie.

Nous avons eu 88,5% de nos enquêtés qui confirment la responsabilité du climat dans leurs cas de paludisme. Et cela suite à la question de savoir si la pluie, l’humidité ou la température ont un impact sur votre cas de paludisme ? Ces chiffres démontrent combien de fois le climat est perçu de manière empirique comme un facteur important, nocif et adjuvant, favorable et débilitant, dans l’existence du paludisme.

Cependant cette perception générale couvre des appréhensions différentes quant au niveau et au type de responsabilité que le climat exerce sur le paludisme chez les différents organismes. Et c’est évidemment cette différence humanitaire qui précise les différents niveaux de responsabilité du paludisme.

Fig 40: Genres d’impacts du climat sur le paludisme ressentie

Aggravant

28%

Autre

6%

Autre

12%

Déclenchant

60%

Allégeant

6%

Source : Brahim B. A, 2021

Nous avons comme présenté dans la fig.40 que 60% de la population qui

ressent, à la survenance d’une pluie, d’un air humide ou d’une baisse de

42 J-P BESANCENOT (2015), « Changement climatique et santé » (article). Environ Risque Santé ; 14 : 1-21. Vol. 14, n°5. p2

température, le déclenchement du paludisme. En d’autres termes, la survenance d’un ou d’une combinaison des phénomènes météorologiques cités ci-haut fait ressurgir les symptômes du paludisme chez les individus. Nous comprenons par-là que le paludisme est déjà une maladie endémique, cela suppose que, en zone endémique, tout le monde porte les germes du paludisme mais avec périodes de latence ou de déclenchement correspondant aux rythme climatiques.

Et 28% de la population ne ressent la variation des conditions climatiques que lorsqu’elle est déjà convalescente du paludisme. Et c’est un ressenti d’aggravation des symptômes qui est signalé : frissons qui se transforment en tremblote, des contractions abdominales plus fortes et douloureuses et vomissements plus fréquents. Ces complications se justifient par des sensibilités immunitaires propres à certains organismes face au climat en générale et aux variations de la température en particulier43.

Il y a également ceux pour qui, un temps humide et une température élevée provoque un allègement des symptômes notamment la nausée et les vomissements. Ils représentent 6%. Cet allègement se traduit par un soulagement qui affecte leur période de convalescence et aussi leur régime alimentaire pendant la maladie.

Les 6% restant présentent quant à eux ressentent des effets variables et complexes du climat su leur organisme en lien avec le paludisme. Pour un même organisme par exemple, une baisse de température peut provoquer des frissons et ces frissons déclenchent le paludisme. Ou encore un temps humide peut aggraver la maladie. Dans cette catégorie, le climat est à la fois déclenchant, aggravant et parfois soulageant le paludisme.

L’enquête de terrain auprès de la population et les observations ciblées ont constitué l’ensemble des informations contenues dans ce chapitre. L’analyse des conditions sociodémographiques et structurelles nous ont renseignées sur la phase sociale de la perception et des comportements pouvant expliquer en partie l’incidence du paludisme sans l’intervention du climat. Puis les facteurs environnementaux à travers la dynamique des gites larvaires sont responsables de la continuité de la morbidité palustre pendant une longue période ou le climat à peu ou pas d’influence direct. La combinaison de ces facteurs se complète aux rythmes climatiques pour expliquer à 100% l’existence et l’évolution du paludisme dans la ville de N’Djaména.

43 C. DEMARTA-GATSI & al (2016), « Paludisme : une réponse immunitaire efficace et durable grâce à un parasite muté » (article). Revue de la Médecine Expérimentale. Doi : 10.1084, pp6-17.

RESULTATS

L’objectif de ce travail était de déterminer premièrement si, dans la ville de N’Djamena, le climat (pluie, humidité et température) avait un impact sur les affections du paludisme. Deuxièmement, il s’agissait de déterminer la responsabilité de chacun de ses paramètres climatiques sur la survenue des affections de paludisme.

De cette analyse, on peut retenir :

  • Premièrement, le climat a effectivement une responsabilité sur le paludisme dans la ville de N’Djamena car les paramètres du climat notamment la pluie, l’humidité et la température sont intimement liés au paludisme. cette liaison est le résultat des corrélations positives entre pluie-incidence du paludisme et humidité-incidence du paludisme qui sont respectivement de 𝜌 = 0,46 et 𝜌 = 0,67. Et une corrélation négative entre la température et l’incidence du paludisme qui est de 𝜌 = −0,27.
  • Deuxièmement, au niveau du rythme saisonnier, les pulsations saisonnières de l’affection du paludisme ne sont pas systématiquement calquées sur le rythme pluviométrique, hygrométrique et thermique de la ville de N’Djamena.
    • L’analyse des différents graphiques de superposition montre que pour certaines années (2016, 2019 et 2020), le rythme d’affection de paludisme se superpose parfaitement au rythme pluviométrique. Cependant, le rythme des affections des années (2013, 2014, 2015 et 2017) ne se superpose qu’imparfaitement au rythme pluviométrique.
    • Les variations saisonnières des taux d’humidité se calquent aux pulsations de l’incidence du paludisme sur les années suivantes : 2013, 2015, 2016, 2018, 2019 et 2020. Cette forte liaison est déterminée par le fait que l’hygrométrie n’est jamais nulle et elle augmente avec l’incidence du paludisme pendant la saison de pluies.
    • Quant à la température, en dehors des années 2016 et 2020 qui présentent des évolutions nettement inverses avec l’incidence du paludisme, les autres années ne dégage aucun modèle de relation. L’augmentation des températures arrive en saison sèche pendant que l’incidence palustre est faible.

De manière globale, l’évolution saisonnière du paludisme par rapport aux rythmes des paramètres climatiques à N’Djaména est anarchique car elle ne présente aucun modèle de régression stable pour toutes les années.

  • Troisièmement, dans le rythme saisonnier de l’infection du paludisme, le climat n’explique que 52% de la variance cela signifie que dans l’affection du paludisme, le climat n’est pas un intervenant exclusif. C’est en combinaison avec d’autres facteurs sociétaux que le climat entre en jeu dans la mise en place des états pathologiques. La responsabilité du climat est donc difficile à isoler par rapport à d’autres paramètres environnementaux.

DISCUSSION

L’analyse des relations entre le climat et les affections du paludisme dans la ville de N’Djaména ont donné des résultats qui nous ont permis de mettre en évidences les divers controverses liés à la question. Ces controverses proviennent des divergences méthodologiques et des contextes locaux. Pour certains chercheurs, l’incidence du paludisme évolue en phase avec le rythme des paramètres climatiques.

Pour ce qui est de la pluie, R. GOUTAIN & al estime que : « Les infections paludéennes sont influencées par les précipitations avec une corrélation de 0,80 » dans une étude menée à Bongor au Tchad. Mais pour H. NZEYIMANA & al : « la grande saison des pluies est la période épidémiologiquement calme tandis que la saison sèche entraine une prévalence plasmodiale et des densités parasitaires plus élevées ».

Ces divergences sont aussi valables pour la température. Dans notre analyse, la température est négativement corrélée au paludisme. L’augmentation des températures arrive en saison sèche pendant que l’incidence palustre est faible. O. NDIAYE & al (2001, p28) et B. S DANSOU (2015, p131) ont également obtenu des corrélations négatives respectivement entre la température et la mortalité palustre au Sénégal et entre la température et la morbidité palustre au Bénin. Mais une étude similaire mené à Bongor à mois de 300km au sud de N’Djaména par GOUTAINE & al (2018, p151) obtient une faible corrélation positive entre température et l’émergence du paludisme.

Dans cette étude nous nous sommes focalisés sur les calculs de corrélation pour établir les liaisons et avancer les explications. Cependant cette méthode est largement quantitative et à cet effet les données utilisées sont déterminantes pour les résultats qu’on vient de présenter.

Les données cliniques sont collectées par des médecins et pour les services de santé. Et la collecte des données climatologiques est effectuée par des météorologues pour la sécurité des transports aériens. La mise en relation de ces données sans aucun lien pour la bioclimatologie peut révéler des

importantes insuffisances pouvant à un certain niveau affectées les résultats. D’abord au niveau de maillage la différence est assez grande. Est-ce que l’on peut expliquer une forte incidence du paludisme dans un quartier au sud de N’Djaména, par les conditions météorologiques enregistrées à Farcha? Ni les abats pluviométriques ni les températures ne sont homogènes pour l’ensemble de la ville.

Un maillage plus dense des stations s’impose pour avoir des informations réelles sur le temps à des échelles plus réduites. Et aussi les données hospitalières de l’incidence du paludisme ne sont jamais représentatives de la morbidité générale. Il y a nombre des malades qui se soignent eux-mêmes, et ceux qui se présentent dans les centres de santé, et qui sont enfin comptabiliser, le font après plusieurs tentatives d’automédication (J-C BOMBA & al, 2021). Ce qui fait qu’il y a un décalage entre la date de l’affection et celle de consultation qui est utilisée dans la corrélation comme début de la contamination.

Pour bien cerner l’effet du climat sur le paludisme et même plus généralement sur d’autres maladies, la mise en place des structures spécifiques pour la collecte de données pour ce but seront nécessaires.

L’un de nos résultats est que l’intensité de la dépendance entre le climat et l’incidence du paludisme n’est pas suffisamment grande pour être significative et placer le climat comme déterminant exclusif. C’est pourquoi l’analyse des éléments environnementaux notamment les gites larvaires démontre que le climat n’est qu’un facteur qui entretient indirectement le paludisme dans la ville de N’Djaména. Cette observation est aussi relevée par :

J-P BESANCENOT (2000) qui écrit: « Pendant longtemps, on a attribué au climat tous les méfaits des complexes pathogènes propres à une région. Ainsi, le paludisme fait figure de maladie zonale, donc sous la dépendance étroite du climat. Mais si ce dernier intervient, ce n’est guère qu’en favorisant, par une certaine gamme de conditions thermo- hygrométriques, l’existence, le développement, la reproduction ou encore la virulence de l’hématozoaire et de l’anophèle vecteur »

A cela s’ajoute aussi les facteurs socioéconomiques qui à travers les mobilités, l’inégale distribution des centres de santés ou la pauvreté qui ravivent le paludisme. Cette situation est mise en évidence par :

J-C BOMBA (1999): « Comme la plupart des pays où le paludisme sévit figurent déjà parmi les nations les plus pauvres de la planète, cette maladie maintient un cercle vicieux

de maladie et de pauvreté. Les populations deviennent malades parce qu’elles sont pauvres et

leur pauvreté augmente du fait de leur maladie »

Et également par :

A NOGUER44 (1979) : « Aujourd’hui le paludisme reste le triste compagnon de la misère, de la famine et du désespoir dans bon nombre des pays tropicaux qu’on appelle en voie de développement »

Et dans cette situation présentée dans ces deux cas de figure, l’on reconnait pleinement la place du Tchad et l’analyse des facteurs socioéconomiques mémé dans le chapitre 5 le confirme dans la ville de N’Djaména.

On peut retenir également de cette étude qu’il faut d’abord une bonne compréhension du climat, de sa dynamique ainsi que de celle de l’environnement climatique d’une localité avant de le mettre en relation de causalité avec une maladie. Et surtout la prise en compte des facteurs socioéconomiques et culturels ne doivent jamais être en retrait des analyses. L’importance de cette dimension est aussi relevée par :

K. LAIIDI45 : « […] on oubliera jamais qu’une dégradation de l’état de santé résulte toujours de la convergence d’un risque exogène (climatique) et d’une particulière vulnérabilité (socioéconomique) de la population exposée ».

44 Ex Chef de l’Unité de Programmation et Formation du Personnel du Programme d’Action Antipaludique de L’OMS.

45 K. LAAIDI (1997), « Les éléments du climat et leurs possibles implications sur la santé », Revue La Presse Thermale et Climatique. n°4, In : 134. pp213-223

CONCLUSION

Nous avons mené la présente étude pour établir la responsabilité du climat sur l’incidence du paludisme dans la ville de N’Djaména. Les analyses effectuées ont permis de confirmer l’existence de cette responsabilité à un degré de 52%. Ce qui sous-entendant que le climat n’est pas l’unique facteur causal du paludisme. L’environnement et la vulnérabilité socioéconomique de la population de la ville de N’Djaména rentrent également en jeux pour expliquer les raisons des pulsations saisonnières du paludisme, et au-delà sa persistance quasi permanente.

De cette étude découle des axes importants à développer pour mieux comprendre les relations climat-paludisme. Il s’agit notamment d’intégrer la prise en compte des conditions du temps dans la collecte des données cliniques du paludisme et de concilier les démarches méthodologiques au contexte de la zone d’étude.

La recherche sur le climat connait un tournant d’une envergure sans précédent. Sa mise en relation avec le paludisme qui est une maladie grave impose une objectivité de taille pour ne pas tomber dans le « rapporter tout au climat ». Aujourd’hui, tout effort visant à faire évoluer les connaissances pour mieux comprendre le climat et ses effets sur le paludisme et aussi sur les autres maladies météorosensibles est d’un intérêt social et scientifique capital. Pour ce faire, nous projetons participer à l’effort, à travers d’autres recherches sur la modélisation de l’évolution du paludisme et autres maladies météorosensibles en fonction des prévisions climatiques au Tchad et même dans le sahel au regard des changements climatiques.


Questions Fréquemment Posées

Quel est l’impact du climat sur le paludisme à N’Djamena?

Les résultats montrent que le climat n’explique que 52% de l’incidence du paludisme, les autres facteurs étant socio-économiques et environnementaux.

Comment le climat influence-t-il la perception du paludisme chez les habitants de N’Djamena?

88,5% des enquêtés confirment la responsabilité du climat dans leurs cas de paludisme, avec 60% ressentant un déclenchement des symptômes lors de la pluie ou d’une humidité accrue.

Quels sont les différents effets du climat sur les symptômes du paludisme?

28% de la population ressent une aggravation des symptômes avec les variations climatiques, tandis que 6% rapportent un allègement des symptômes en cas de temps humide et de température élevée.

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