L’impact de l’humidité sur le paludisme à N’Djamena révèle une corrélation surprenante : l’humidité relative explique seulement 52% de l’incidence de la maladie. Cette étude met en lumière des facteurs socio-économiques et environnementaux cruciaux, transformant notre compréhension des dynamiques épidémiologiques.
Corrélation hygrométrie et incidence du paludisme
Nous avons déterminé les coefficients de corrélation linéaire entre l’humidité relative moyenne de l’air et le nombre des affections du paludisme entre 2013 et 2020.
Tableau 6 : Récapitulatif des indices de corrélations entre l’hygrométrie et les
affections du paludisme.
2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | |
ρ= | 0,6968 | 0,5284 | 0,7903 | 0,7961 | 0,5702 | 0,6244 | 0,7258 | 0,701 |
P- value | 0,00193 | 0,031987 | 0,00038 | 0,00101 | 0,00822 | 0,00575 | 0,00018 | 0,00042 |
Source : Brahim B. A, 2021
Nous avons pour ce qui concerne l’hygrométrie, des corrélations linéaires positives et significatives (P-value= 0,00623463) sur l’ensemble de la période. Cette liaison peut s’expliquer par le fait que la survie et l’activité de moustiques adultes est déterminée, en partie, par l’humidité de l’air. L’optimum se place aux alentours de 70 à 90%35, ces valeurs sont approximativement atteintes dans la ville de N’Djaména entre les mois de juillet et septembre (fig.
27 et 28). Pendant ces mois, les conditions hygrométriques et la disponibilité des eaux de surface favorisent la ponte, l’éclosion des larves, la prolifération des anophèles adultes et l’infection de l’homme sain. Pendant la saison sèche, la réduction d’humidité liée à l’harmattan entraîne une mortalité considérable des anophèles femelles adultes. Ils réduisent fortement leur activité et peuvent entrer en hibernation36.
Théoriquement, si l’humidité relative est en déca de 60%, la transmission du paludisme est nulle. Pour la ville de N’Djaména, l’humidité est maximale pendant la saison des pluies et diminue à partir du mois d’octobre jusqu’en en mai de l’année suivante où elle ne dépasse pas mensuellement le taux de 60%.
Nous observons également des concordances entres les valeurs de corrélation au paludisme de l’humidité et de la pluviométrie sur certaines années comme 2016 et 2020 et des approximations sur les restes des années. Et cela, parce que l’humidité évolue en phase avec la pluviométrie.
35 A. NOGUER (1979), « Les facteurs influençant la distribution géographique du paludisme dans le monde » (article). In : Le Globe. Revue genevoise de géographie, tome 119, pp15-25
36 J-C BOMBA & al (2021), « Impact de la variation des paramètres du climat sur la prévalence du paludisme dans la ville de Bangui (République centrafricaine) », Revue Espaces, Territoires, Sociétés et Santé. Vol. 4, n°7. pp9-24
Source : Brahim B. A, 2021
Fig 27: Evolution mensuelle de cas de paludisme par rapport à
l’humidité relative en 2014
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
Humidité r. moy.
Cas de palu
HR moy. en %
Nombre de cas de palu
Pour une observation détaillée et une comparaison avec les indices de corrélations linéaires nous avons choisi d’illustrer par graphiques les liaisons entre l’humidité relative mensuelles et l’incidence palustre. Seront présentés les rapports entre l’humidité et l’incidence du paludisme pour les années 2014 et 2016. Ces deux années représentent les deux extrêmes de valeur de corrélation comme on peut le remarquer sur le tableau 6 : c’est la raison de leur choix pour l’illustration et l’analyse.
En 2014, la fig. 27 nous montre que de janvier à mai les deux courbes suivent une même allure avant que celle de l’incidence palustre ne fléchisse à l’entrée de la saison pluvieuse et que celle de l’hygrométrie bondisse ; c’est à ce point que la corrélation a chuté (ρ=0,5284). Dans l’ensemble des données cliniques analysée ici, on constate que le nombre de cas de paludisme prend une évolution exponentielle à partir du mois de juin pour atteindre le pic en octobre.
Cette tranche d’évolution met un écart dans les calculs de corrélation entre la pluviométrie et l’hygrométrie. Ce qui nous permet de dire que la corrélation visible entre les valeurs hygrométriques des mois de juillet, août et septembre avec l’incidence palustre de septembre, octobre et novembre est d’une extrême importance. Elle met en exergue le fait que l’humidité active les activités de transmissions.
Source : Brahim B. A, 2021
Fig 28: Evolution mensuelle de cas de paludisme par rapport à
l’humidité relative en 2016
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
Humidité r. moy.
Cas de palu
HR moy. en %
Nombre de cas de palu
La plus grande valeur de corrélation entre l’hygrométrie et le paludisme est calculée en 2016 (ρ=0,7961). Pendant cette année, comme on l’observe sur la fig. 28 que l’allure générale des deux courbes se ressemble. Il y a deux points de mêmes valeurs entre l’humidité et l’incidence du paludisme : c’est en mai et en septembre. Chose très rare dans l’ensemble des calculs que nous avons effectués pour les corrélations et c’est la raison de cette valeur élevée.
Pour le reste des années dont les courbes n’ont pas été présentées, les observations sont presque similaires à ces deux graphiques. L’écart entre les valeurs de corrélation n’est pas assez important pour l’hygrométrie et le paludisme.
Nous allons donc passer à l’impact de la dernière variable climatique sur
l’incidence du paludisme dans cette étude.
Corrélation température et incidence du paludisme
Au-delà de 35°C, la digestion du sang est affectée et la production d’œufs est presque arrêtée, et en deçà de 18°C le développement sporogonique de plasmodium falciparium est stoppé. A 20, 24 et 30° C le développement sporogonique est respectivement de 20, 11 et 9 jours37. A partir de 18°C, plus la température augmente, plus le potentiel épidémique du paludisme augmente jusqu’à 30°C ou le potentiel décroit pour s’annuler à près de 40°C (fig. 29). Ces informations justifient le fait que la température est déterminante dans la phase originelle du paludisme. Et elle est donc en conséquence responsable de la géographie du paludisme dans le monde (voir fig. 2)
37 O. NDIAYE & al (2001), « Variations climatiques et mortalité attribuée au paludisme dans la zone de Niakhar, Sénégal, de 1984 à 1996 » (article). Cahier Santé, In : 11, pp25-33
Fig. 29 : Potentiel épidémique du paludisme en fonction de la température
[13_impact-de-humidite-sur-le-paludisme-a-djamena_20]
Source : J-P BESANCENOT, 2000
Il convient donc d’établir les relations température-paludisme pour situer la responsabilité de ce paramètre climatique sur la maladie dans la ville de N’Djaména. Nous avons calculé pour les huit années (2013 à 2020) les corrélations linéaires mensuelles entre les valeurs de la température moyenne et le nombre de cas de paludisme du même moment.
Tableau 7 : Récapitulatif des indices de corrélations entre la température et les cas du paludisme.
2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | |
ρ= | -0.1746 | 0.0227 | 0.1178 | -0.7165 | -0.292 | -0.2177 | -0.2101 | -0.6663 |
P- value | 0,04732 | 0,019381 | 0,019380 | 0,074310 | 0,02208 | 0,00946 | 0,00982 | 0,00180 |
Source : Brahim B. A, 2021
En dehors de 2014 et 2015 qui ont une corrélation positive mais très faible, les autres années ont des corrélations négatives. Une corrélation linéaire négative entre la température et les affections du paludisme signifie que les deux variables évoluent significativement (P-value 0,02544388) dans le sens inverse. Plus la température augmente, moins le paludisme fait de ravage. Ou encore, plus la température baisse, plus l’incidence du paludisme augmente.
Comme le rythme d’évolution inverse se limite à 35°C maximale et 18° C minimale, le calcul de corrélation linéaire ne suit plus cette logique. C’est pourquoi les valeurs de corrélation sont faibles en générale. Mais ce qui nous importe pour l’analyse c’est d’abord le fait que la température soit négativement corrélée avec l’incidence du paludisme. Les années 2016 et 2020 sont exceptionnelles, elles se caractérisent par des très fortes corrélations
négatives. Et nous allons illustrer nos analyses à travers la représentation de leurs courbes.
Cas de palu
Température Moy.
Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
0
10
2000
15
4000
20
10000
30
8000
25
6000
12000
35
14000
40
Fig 30: Evolution mensuelle de cas de paludisme par rapport à
température moyenne en 2016
Température moy. en °C
Nombre de cas de palu
Source : Brahim B. A, 2021
Dans le graphique de la fig. 30 nous remarquons que les deux courbes suivent des allures inverses l’une de l’autre. Là où la courbe de température est convexe, c’est-à-dire de janvier en juin, celle de cas de paludisme est complétement concave : c’est le sens de la corrélation négative maximale. Dans la suite nous observons la courbe de température qui fléchie pour atteindre 26°C en août avant de rebondir.
Dans la même période, le nombre de cas de paludisme augmente pour atteindre son pic en août (pour la première fois). Et c’est seulement de novembre en décembre que les deux courbes suivent une même allure et partent en baisse. Cette situation est la justification du fait que pendant ces mois, les températures ponctuelles descendent en dessous de 18°C, et à cette température, la transmission du paludisme est nulle.
La fraicheur inhibe l’activité des moustiques.
15
2000
10
0
Janvier Février Mars
Avril
Mai
Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
Température Moy.
Cas de palu
4000
20
6000
25
8000
30
10000
35
12000
40
Fig 31: Evolution mensuelle de cas de paludisme par rapport à
température moyenne en 2020
Température en °C
Nombre de cas de palu
Source : Brahim B. A, 2021
Pour la fig. 31, les allures sur les six premiers mois de l’année sont identiques à ceux 2016 et également pour les autres années. Mais dans le second semestre de l’année, le pic de la prévalence palustre est atteint en septembre, chose fréquente. La température varie peu de juillet en décembre. Les courbes de température et du paludisme forment deux de situations inverses en subdivisant l’année en deux à partir de juillet. Ces inversions sont les raisons de la très forte corrélation négative observée entre la température et la morbidité du paludisme en 2020.
On peut retenir en tout que plus la température augmente, l’incidence du paludisme diminue et inversement. La température est le seul paramètre du climat négativement corrélé au paludisme.
D’une manière générale, la mise en relation entre les paramètres climatiques et l’incidence du paludisme nous a donné des résultats importants pour cette étude. Les corrélations sont positives, mais faibles entre les variations pluviométriques mensuelles et la prévalence du paludisme dans la ville de N’Djaména. Quant à l’humidité relative, elle est très fortement corrélée avec la prévalence palustre. Ce qui montre qu’il y a une dépendance plus grande du paludisme avec l’humidité que la pluviométrie. En revanche, la corrélation est négative entre le paludisme et la température.
Tableau 8 : Récapitulatif des coefficients de détermination entre des paramètres climatiques et le paludisme.
Pluviométrie | Hygrométrie | Température | |
ρ2= | 0,56790 | 0,67912 | 0,31680 |
Source : Brahim B. A, 2021
Le coefficient de détermination pour la pluviométrie, l’hygrométrie et la température dans leur corrélation avec le paludisme est ρ2= 0,5212. Ce qui signifie que les trois paramètres du climat réunis expliquent à 52,12% l’évolution de l’incidence palustre. Cette valeur non significative montre que les paramètres climatiques analysés ne peuvent expliquer pas à, eux seuls, tous les cas de paludisme présents dans la ville de N’Djaména. A ce niveau de la réflexion, on peut déjà retenir que le climat a une responsabilité dans les affections du paludisme. Par contre, le climat n’est pas un intervenant exclusif. Il est alors utile de penser que d’autres facteurs interviennent dans la chaine de l’endémicité palustre. Il s’agit des facteurs environnementaux et sociaux.
Questions Fréquemment Posées
Quel est l’impact de l’humidité sur l’incidence du paludisme à N’Djamena?
L’humidité a une corrélation positive et significative avec l’incidence du paludisme, expliquant 52% de cette incidence.
Comment l’humidité affecte-t-elle la survie des moustiques à N’Djamena?
La survie et l’activité des moustiques adultes sont déterminées en partie par l’humidité de l’air, avec un optimum entre 70 et 90%.
Quand l’humidité est-elle maximale à N’Djamena et comment cela influence-t-il le paludisme?
L’humidité est maximale pendant la saison des pluies, entre juillet et septembre, favorisant la ponte et l’éclosion des larves, ce qui augmente les cas de paludisme.