Comment le cadre théorique aide-t-il à l’adaptation agricole au Tchad ?

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🏫 UNIVERSITÉ DE DSCHANG - ÉCOLE DOCTORALE - DSCHANG SCHOOL OF ARTS AND SOCIAL SCIENCES
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche - Juillet 2022
🎓 Auteur·trice·s
REOUNODJI ELOGE
REOUNODJI ELOGE

Le cadre théorique de l’agriculture dans le Département de Mayo Dallah révèle comment les agriculteurs s’adaptent à la variabilité pluviométrique. Découvrez les stratégies innovantes qu’ils mettent en œuvre pour surmonter les défis climatiques et les bénéfices socio-économiques qui en découlent.


DÉLIMITATION

Délimitation spatiale de la zone d’étude

Le Département de Mayo Dallah se localise selon les cordonnées 8°57’ à 10°15’ N et en longitude 15°05’ à 15°58’ Est. Elle se situe au Sud-Ouest du Tchad en plein milieu soudanien et couvre une superficie de 4.069 Km².

Délimitation temporelle du sujet

Pour le besoin d’une bonne analyse de la pluviométrie au pas de temps annuel, il nous faut une série assez longue, d’au moins de 30 ans selon les recommandations de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Ainsi, les données relatives à cette étude couvrent la période allant de 1990-2021 soit 32 ans. Ces relevés pluviométriques sont fournis par la Direction des Ressources en Eau et de la Météorologie (DREM) et par les archives pluviométriques du sous-secteur de l’ANADER de Pala.

Ensuite, les données des rendements des cultures vivrières sont fournies par la direction de l’ONDR/ANADER de l’antenne Sud- Ouest (Bongor) et s’étendent de 2005 à 2021 soit 17 ans.

REVUE DE LA LITTERATUR

Dans la revue de la littérature, il sera question d’analyser l’état de la connaissance sur la tendance de la variabilité pluviométrique en Afrique Sub-saharienne en générale et au Tchad en particulier, ensuite de présenter les effets de la variabilité pluviométrique sur les activités agricoles, ainsi que les stratégies ou les mesures d’adaptations paysannes. Pour réaliser cela, il est important de faire appels aux auteurs qui ont réalisé des études dans ce domaine.

Les tendances de la variabilité pluviométrique en Afrique subsaharienne et au Tchad

Dans les régions tropicales marquées par l’absence d’une saison thermique, la pluviométrie est un paramètre climatique majeur, comme l’a si bien souligné J. Riser (Frérot AM et al, 2004) : « la pluie est la principale composante du climat des régions tropicales », elle permet d’une part d’établir les nuances climatiques et d’autre part la pratique des activités agricoles sur lesquelles repose l’économie de la plupart des pays africains et singulièrement le Tchad.

C’est ainsi que malgré d’importants progrès réalisés dans les sciences agronomiques, les facteurs climatiques peuvent avoir un effet positif ou négatif sur les revenus des agriculteurs selon l’occurrence de leurs valeurs extrêmes aux différentes étapes de l’élaboration de la production. Dès lors, plusieurs études ont été conduites sur le sujet en Afrique et au Tchad.

En effet, la fin des années 60 marque le début de la sècheresse dans le Sahel. Elle se traduit par une baisse de la pluviométrie et une dégradation croissante des ressources naturelles qui conduisent à l’insécurité alimentaire des ménages (Ozer et Erpîcum, 2015 ; Paturel et al, 1998 ; Ouédraogo et al, 2005, Ozer et al, 2005).

Les travaux d’Aguilar et al, (2009), confirment également cette tendance à la baisse des précipitations (31mm/décennies, entre 1995 et 2006). Au Sahel, ce sont les sècheresses ou les déficits pluviométriques qui ont des effets les plus prononcés, car elles concernent très souvent des vastes zones géographiques et sont de plus en plus récurrents.

Cependant, d’autres phénomènes comme les inondations, les vents violents et la pollution d’insectes nuisibles sont des phénomènes liés au temps et au climat. Dans leur analyse de la variabilité climatique et de ses influences sur les régimes pluviométriques saisonniers en Afrique de l’ouest, Amani et al, (2004) ont montré que la variabilité climatique se manifeste par une dynamique spatio-temporelle régressive des pluies annuelles, une récession des fréquences de jours pluvieux en général et en particulier celles des hauteurs pluviométriques supérieures à 10mm et une diminution

de la durée des sisons pluvieuses.

Au Tchad, Mathey (1992), ressort de ses travaux que les secteurs agro-écologiques du Tchad connaissent un changement dans le comportement des précipitations. Mais c’est Baohoutou (2007), Gouataine (2018), Gouataine et al, (2016), qui ont montré l’existence d’une forte variabilité pluviométrique avec des conséquences désastreuses. Baohoutou (2007), ressort que la succession de deux décennies relativement sèches avec un seuil critique en 1984, la variabilité intra saisonnière de la pluviométrie marquée par des écarts importants dans les dates de démarrage et de fin de pluie et une concentration tant en fréquence qu’en hauteur de pluie

au cœur de la saison ont imprimé leurs marques particulières dans ce milieu. Selon les travaux de Gouataine (2018) et Gouataine Sengue et al, (2016), la variabilité pluviométrique dans la plaine du Mayo Kebbi est marquée par une baisse sensible des pluies pendant les décennies 70 et 80 avant de se stabiliser à partir de 1990 mais avec une profonde disparité. Bien que les résultats soient intéressants, ils ne peuvent pas être extrapolés à l’ensemble du Sud du Tchad à cause des singularités que présentent certaines zones.

Les impacts de la variabilité pluviométrique sur les activités agricoles

L’agriculture constitue l’une des principales activités économiques des populations rurales d’Afrique et est aussi reconnue comme une activité soumise à des risques (fluctuation du marché, politique gouvernementale, invasion des ravageurs) dont le plus parlant est le risque climatique qui fait l’unanimité à travers les écrits des dernières décennies (Fabrice Esse et al, 2020). L’impact des changements climatiques sur la production agricole devrait susciter des inquiétudes en raison du rôle primordial du secteur de l’agriculture dans le développement socio-économique des pays africains.

Selon le GIEC (2007), l’activité agricole dans la zone tropicale relève d’un véritable problème puisque le facteur déterminant « la pluviométrie » subit une réelle modification. Cette variabilité de la pluviométrie provoque la fréquence des décalages saisonniers (confusion sur le calendrier cultural), ce qui a pour corollaire une baisse régulière et effective de près de la moitié des productions ou de rendements de l’agriculture pluviale aussi qu’industrielles que vivrières (Gerald et al, 2009).

Tsalefac (1999) dans (variabilité climatique, crise économique des milieux agraires sur les hautes terres de l’ouest), s’est intéressé également aux quantités de pluies annuelles et interannuelles à travers lesquelles, il montre les impacts négatifs de la répartition irrégulière de la pluie sur les activités agricoles dans les hautes terres de l’Ouest Cameroun.

Pour sa part, Ogouwalé (2006) a montré que l’agriculture varie dans l’espace et dans le temps selon les hauteurs pluviométriques et qu’il est donc difficile de prévoir cette dernière, d’où la baisse des rendements des cultures vivrières au cours des dernières décennies qui a entrainé des pénuries alimentaires. Pour Afouda et al, (2014), la rareté des pluies prolongée, les poches de sècheresses, les excès d’eau font baisser le rendement des cultures.

Dans la même logique, pour Allé (2013), la perturbation qu’enregistre les systèmes culturaux s’explique par l’irrégularité pluviométrique, la mauvaise répartition spatio-temporelle des précipitations et surtout le bouleversement du calendrier agricole. Ainsi, selon Afouda (2010), le rythme des activités économiques et socio-culturelles des populations est calqué sur le rythme

des saisons. Le climat est à la fois comme un atout et une contrainte au déroulement des activités. Aussi, il ajoutera que face aux contraintes qu’impose le climat, la communauté paysanne développe des stratégies endogènes pour réduire leur vulnérabilité tant dans le calendrier agricoles que dans les techniques utilisées.

Au Tchad, l’analyse des documents de la Stratégie Nationale d’Adaptation (PANA, 2010) ainsi que les travaux de Baohoutou (2007) montre que les différentes années de sécheresse (1972-1973 et 1984), les inondations des années (1988, 1999, 2005, 2006, 2007, 2008, 2010 et 2012), ainsi que la récurrence des vents violents de ces 30 dernières années impactent sur les rendements agricoles et provoque les chutes de productions agricoles.

Selon une étude conjointe de PAM et FAO (2009), intitulé « République du Tchad : analyse globale de sécurité alimentaire et de vulnérabilité », les aléas climatiques sont la cause majeure de la baisse de la production céréalière enregistrée au cours de ces dernières années et affectent la disponibilité alimentaire en dépits d’énormes potentialités dont il dispose.

Et selon le rapport de FAO/Tchad, en 2012, 255.000 et 161.522 ha emblavées ont été inondés, 100.000 ménages agricoles affectés et 161.000 hectares de cultures détruites. Le déficit céréalier étant estimé à

45.000 tonnes, soit 30% des besoins nationaux. Gouataine (2018), ressort de ses travaux que la longueur de la saison pluvieuse en tant que telle n’influence pas le cycle cultural mais l’incertitude dans le démarrage de la saison pluvieuse, les séquences sèches et les arrêts précoces ne permettent pas aux variétés longues de boucler leur cycle végétatif, d’où les jours pluvieux influencent aussi la production et le rendement des cultures dans la plaine du Mayo kebbi.

Par contre, Sossa (2001), Noufé (2011), Septime (2008) pensent que la variabilité pluviométrique n’étant pas le seul facteur déterminant le rendement agricole. Les autres déterminants du rendement notamment : le choix variétal, l’utilisation des engrais, la fertilité du sol, la qualité des semences, les traitements des maladies et ravageurs etc….participent aussi fortement à cette baisse de rendement.

Bertrand (2014), ressort également dans ses travaux que la résistance des systèmes d’exploitations agricoles aux changements climatiques et à la variabilité dépend de la fertilité des sols, mais malheureusement, beaucoup d’agriculteurs ne disposent pas de moyens financiers, de technologies, de batail et de temps nécessaire pour entretenir leurs terres comme ils le souhaitent, or les sols infertiles produisent peu, ce qui aggrave encore la pauvreté.

Toute fois la garantie d’une bonne production est aussi tributaire des conditions liées à une bonne articulation des opérations culturales (Noufé et al, 2015).

Les stratégies paysannes d’adaptations aux effets de la variabilité pluviométrique.

Face à la variabilité pluviométrique, les paysans tentent de s’adapter. Les mesures d’adaptation sont développées le plus souvent sur des savoirs indigènes (Sar et al, 2007) et aux moyens alternatives offertes par les progrès techniques. Ces mesures d’adaptation sont variées et visent à mitiger voire à surmonter les risques à travers des comportements résilients en vue de sauvegarder les activités agricoles, de contribuer à l’autosuffisance alimentaire et d’accroitre les revenus.

Mais dans certains cas, ces mesures endogènes ont montré leurs limites comme la témoigne la persistante de la situation de crise alimentaire que les pays sahéliens et subtropicaux ont connu au cours de ces dernières années.

Les travaux de Gouataine (2018) relèvent deux types d’adaptations : l’adaptation directe en laquelle les agriculteurs ont développé des stratégies particulières qui se résument en la réadaptation du calendrier, la dispersion des dates de semis, l’adoption d’autres cultures, l’augmentation des emblavures et le recours à la pratique des pépinières pour limiter les dégâts de la montée des eaux qui détruisent les jeunes plantes.

Ainsi, le repiquage avec hauteur de 10 à 15cm permet au riz de mieux se développer et de supporter l’engorgement d’eau. Quant à l’adaptation indirecte, les paysans font recourent à la diversification des activités qui génèrent les revenus et l’épargne de précaution.

Pour sa part, Angossou (2008), présente dans son étude que le recours aux crédits pour les dépenses de production accroit davantage la vulnérabilité des paysans ainsi ces derniers optent pour la pratique de rotation toute en priorisant la rotation entre les cultures

vivrières (mais-niébé, mais-arachide) au détriment de la rotation entre culture vivrières et commerciales (mais-soja). Bertrand (2014) montre que l’orientation des actions vers la restauration de la capacité de production de la terre (régénération naturelle assistée) permet également de réduire les effets de la pluviométrie et est à la portée de tous les producteurs.

Pour sa part, Rodrigue (2008) ressort de son étude que l’intensification de l’utilisation des intrants constitue une forme de stratégie qui permet d’améliorer la production et/ou limiter les efforts consentis pour les activités agricoles mais force est de constater que cette pratique a des répercussions sur l’environnement à moyen et long terme.

Pour Madjigoto, (1994), l’une des formes d’adaptation des paysans est l’ouverture d’autres champs, donc l’augmentation des surfaces agricoles. Et pour Baohoutou et al, (2014), la recherche des cultivars les mieux adaptés au contexte climatique est aussi une forme d’adaptation aux variabilités pluviométriques car celles-ci ont imprimé leurs marques sur le paysage.

Comme adaptation à la variabilité climatique, les recherches de Djohy et al, (2015) ; Dugue (1999) ; Brou et al, (2005), retiennent la modification des dates de semis, la concentration des activités agricoles au cours de la saison pluvieuse particulièrement là ou l’agriculture est pluviale, l’abandon des cultures à cycle longue au profit des variétés précoces, l’option pour les cultures peu exigeantes et l’association des cultures en zones tropicales comme en soudano-sahélien, l’augmentation des emblavures la ou les terres sont rares.

Malgré la prise de conscience des impacts liés aux changements climatiques, l’insuffisance caractérisée des moyens d’adaptation à ceux-ci est une réalité (Brown et al, 2010). Des nombreux facteurs le mettent en évidence. D’abord, l’absence de données climatiques et leur analyse, l’insuffisance des données sur les solutions d’adaptation, la méconnaissance de l’adaptation parmi les parties prenantes (autorités en charge des politiques d’adaptation et la population), la faiblesse des capacités du personnel dans les domaines de la planification, du suivi et de l’évaluation, l’absence de mécanismes de communication et de gestion des informations entre secteurs, l’inadaptation des capacités des institutions (Tieguhong et Ndoye, 2007; Tieguhong et Betti, 2008).


Questions Fréquemment Posées

Comment la variabilité pluviométrique affecte-t-elle l’agriculture au Tchad?

La variabilité pluviométrique a des effets négatifs sur les rendements agricoles, exacerbés par des conditions climatiques défavorables, ce qui conduit à l’insécurité alimentaire des ménages.

Quelles sont les stratégies d’adaptation des agriculteurs face à la variabilité pluviométrique?

Les agriculteurs ont développé diverses stratégies d’adaptation, notamment la diversification des sources de revenus et la modification du calendrier agricole.

Quelle est la période d’étude de la pluviométrie au Tchad mentionnée dans l’article?

Les données relatives à cette étude couvrent la période allant de 1990 à 2021, soit 32 ans.

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