Quelles applications pratiques pour le maraîchage au Tchad ?

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🏫 Université de N’Djaména - Faculté des Sciences Humaines et Sociales - Département de Géographie/ Français
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2015-2016
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Les applications pratiques maraîchage Tchad révèlent comment les aménagements soutenus par le PAM transforment la résilience des communautés face aux défis climatiques. Découvrez comment ces infrastructures innovantes peuvent redéfinir la sécurité alimentaire dans le département du Guéra.


Périmètres selon les types d’ouvrages.

Selon les ouvrages, on retrouve des aménagements équipés à la fois de bassin de rétention (mare artificielle) et des puits, et ceux dotés uniquement des puits maraîchers.

        1. Bassins de rétention

On appelle bassin de rétention, une excavation artificielle à ciel ouvert, destinée à collecter les eaux de surfaces et à les utiliser en saison-sèche pour faire le maraîchage. Implanté sur des sols imperméables, le bassin de rétention est de 3 à 5 mètres de profondeur et de 70m2 à 100m2 de dimension.

Les berges sont disposées en talus parallèles et emboitées. Sont reliés au bassin des équipements accessoires tels que les puits, les micros bassins et les canalisations, qui permettent de distribuer l’eau dans les parcelles. L’érosion, qu’elle soit éolienne ou hydrique, est la cause d’envasement de bassins et de détérioration de leurs margelles qui ne sont ni maçonnées ni fixées de plantation.

Les principaux facteurs de tarissement sont l’infiltration et l’évaporation.

PHOTO N° 3 : BASSIN DE RÉTENTION

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Cliché Koutte Moussa, décembre 2017.

La capacité de bassin de retenir un grand volume d’eau, permet, à un grand nombre de ménages d’accéder à l’activité de maraîchage, et d’étendre l’exploitation sur toute la période de la saison sèche froide. Les sites équipés de bassins de rétention offrent de possibilité pour une co-exploitation entre les ménages de plusieurs villages voisins.

        1. Puits maraîchers

Ils existent de sites équipés uniquement de puits améliorés, busés avec de margelles consolidées en ciment ; ce qui leur permet de résister aux intempéries. L’Exhaure se fait, soit par utilisation de la motopompe, soit par puisage manuel avec de puisettes.

PLANCHE DE PHOTOS N°4 : PUITS BUSÉS

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Puits maraîcher à Rikhéwé Puits maraîcher à Almé Abiat Puits maraîcher à Baro

Clichés Koutte Moussa, décembre 2017

L’eau de puits se tarit sous l’usage et par évaporation. Son niveau atteint le seuil critique en mars, ce qui marque aussi la fin de la campagne d’exploitation.

PHOTO N°5 : CLÔTURE EN GRILLE MÉTALLIQUE

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Cliché Koutte Moussa, décembre 2017

Les périmètres maraîchers sont nécessairement clôturés pour éviter que les bêtes errantes ne pénètrent pour s’y paitre de cultures et de s’abreuver d’eau du bassin.

Périmètres maraîchers selon les modes d’organisation

        1. Organisation sur les périmètres irrigués publics

Le périmètre d’exploitation publique est placé sous la supervision de la chefferie du village. Les exploitants peuvent être composés de ressortissants de plusieurs villages rapprochés. Le comité de gestion est l’organe dirigeant. Il s’occupe du bon fonctionnement des activités ; il attribue des parcelles aux exploitants. La parcelle est attribuée aux exploitants à raison de 18m2 par ménages (soit 6 mètres de longueur et 3 mètres de largeur). Parmi les sites de notre étude, les périmètres irrigués publics sont :

TABLEAU N°6 : SITES ET OUVRAGES
SitesOuvrages principauxNombre de puitsVillages exploitantsONG de parrainage
MallahBassin, clôture en grille métallique04Mallah, MormoMoustagbal
AmdakourBassin, clôture, micro-bassins01Amdakour, Haraze, AbawiatMoustagbal
TchoffioBassin, clôture partielle02TchoffioAPSE
BaraBassin, clôture partielle01Bara, Mayam, SalaAPSE

L’implantation des périmètres maraîchers tient compte de sa proximité avec le village pour faciliter les déplacements des exploitants sur les sites ; de la co-exploitation, c’est-à-dire que sa réalisation doit permette à plusieurs ménages ou villages d’exploiter à la fois ; et du rivage ou de la topographie, favorable à la collecte et la conservation des eaux.

        1. Organisation sur les périmètres irrigués privés

Les périmètres irrigués privés sont les propriétés de groupements dont les membres sont majoritairement de femmes. C’est le bureau du groupement qui assure le fonctionnement des activités. Les membres bénéficient de quelques lopins d’espace qu’ils cultivent en propriété

individuelle. La plupart de ces groupements exploitent leurs périmètres en double campagne, dont les oléagineux en hivernage et les légumineux en saison sèche. On y retrouve également sur ces sites de culture pérenne constituée d’arboriculture fruitière. Les fruits de la production appartiennent à tous les membres du groupement. Les sites exploités en groupement sont :

Le site de Chawir, le périmètre maraîcher de ce site est appelé Jardin de vie du fait que la production sert à ravitailler la cantine scolaire. C’est une initiative de l’Association de Parents d’Élèves (APE), qui, à travers le maraîchage, produit de légumes qui alimentent la cantine scolaire du village. Le repas scolaire est une stratégie de réussite scolaire, car il permet d’endiguer l’abandon de classe par les écoliers. Le PAM, en partenariat avec Moustagbal, a appuyé cette initiative en octroyant la clôture complète du site, un puits busé avec canalisation, les semences et l’encadrement technique.

Le site d’Almé Abiat/Bardangal, c’est le site maraîcher du groupement Al Haya2. L’ouvrage hydraulique est le puits. Les exploitants se servent de la motopompe pour le pompage d’eau. Le périmètre est partiellement protégé par une clôture en haie morte (tiges de mil et de graminées.) Les exploitants sont spécialisés dans la production de l’ail et de l’oignon. Ils bénéficient de l’accompagnement de l’ONG Moustagbal.

Le site de Rikhéwé/Am Himédé, ce site est la propriété du groupement Adalah. Les appuis du PAM ont permis de réaliser des puits maraîchers. Le site est partiellement clôturé. Ils bénéficient de l’encadrement de l’ONG APSE.

Remarque : Les périmètres organisés en groupements sont d’une plus grande autonomie de gestion que les périmètres où l’exploitation est publique en parcelles individualisées. Car à part l’accompagnement technique, les groupements assument toutes les charges liées à l’exploitation : maintenance, entretien, semences, traitement, etc. Alors que les exploitations publiques sollicitent régulièrement les aides en semences et l’appui pour le surcreusement de leurs bassins de rétention.

Cas de disconvenances

        1. Problèmes d’évaluation du territoire aménagé

Le cas du bassin de rétention de Gamé : Gamé est une localité située à 15km à l’Est de Mongo. Les études de sondage de couches n’ont pas réussi. Le bassin est finalement taillé dans un sol poreux et donc de forte perméabilité. Il se vide d’eau au fur et à mesure que la saison des pluies s’écoule pour rester sec quand elle tire aussi à sa fin. Il est envisagé des travaux techniques de réaménagement afin de le rendre fonctionnel. Entre temps les habitants

s’impatientent de n’avoir l’eau de production. En plus, réalisé en amont des champs qui servent pour la culture de décrue (bérébéré), le bassin intercepte les eaux de ruissellement qui habituellement arrosent ces champs avant de les prédisposer à la culture de décrue. Il a fallu qu’intervienne la saison de pluies pour que les agriculteurs se rendent compte de cette situation. Ceci montre que les études préliminaires ne s’étaient pas renseignées de manière suffisante avant de déterminer ce site et son aménagement.

C’est aussi le cas d’Amdakour, où se pose le problème de ravitaillement du bassin. La canalisation ne permet pas de drainer le cours d’eau vers le bassin de rétention à cause de la pente qui est très marquée (le cours d’eau est plus bas que le bassin). Il a fallu faire d’autres canalisations pour mobiliser les eaux de ruissellement pour recharger le bassin.

PHOTO N°6 : BASSIN ASSÉCHÉ

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Cliché Koutte Moussa, décembre 2017

        1. Mauvaise application de considérations des bénéficiaires

A Baro, sur le site du groupement SINETOUE, 5 des 8 puits réalisés ne sont pas utilisés et ont fini par se dégradés. Les exploitants ont dit avoir exprimé le besoin de 3 puits et de la clôture de leur périmètre maraîcher. Cependant, le partenaire local a implanté jusqu’à 8 puits alors que 3 suffisaient pour alimenter le périmètre maraîcher. Les 5 puits excédentaires inutilisés ont fini par se dégrader sous le coup des intempéries et par manque d’entretien. Par ailleurs, les producteurs n’ont pas pu bénéficier de matériels pour clôturer leur périmètre maraîcher. Les exploitants accusent leur partenaire de n’avoir pas tenu compte de leur suggestion.

PHOTO N°7 : PUITS INUTILISÉ

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Cliché Koutte Moussa, décembre 2017

        1. Méfaits de relations d’affinité et erreurs de communication

L’association SINETOUE de Baro avait maintenu un désaveu vis-à-vis de son partenaire local. Le fondateur de l’ONG partenaire en question est un ressortissant de leur localité. Le nœud du problème est qu’au cours d’une mission des hautes autorités nationales dans la région pour la visite des infrastructures rurales, ledit fondateur avait eu l’honneur de les recevoir et de les conduire sur un des sites où son ONG accompagne les producteurs.

La localité qui abrite le site visité par les autorités est voisine à la localité qui est celle de ses confrères. Les leaders de cette association n’ont pas admis le fait que ‟leur frère » a conduit les autorités sur un autre site que le leur, ce qu’ils trouvent anormale. Dès lors, ils ont adressé une correspondance à l’ONG pour lui signifier leurs mécontentements, puis la rupture de tous les accords avec elle, et qu’ils ne veulent ni de son partenariat ni de son assistance.

Ils ont pensé que la visite ou la présence de ces autorités sur leur site leur serait bénéfique d’une certaine manière. Il est question de manque de communication qui, par la suite a brisé les liens existants entre les acteurs. Ceci montre comment de relations d’affinité constituent d’obstacles pour le bon entrain des actions de développement et pour leur appropriation.

        1. Usage d’ouvrage pour pallier d’autres problèmes que sa destination précise

Cas de Bara : Le site maraîcher de Bara est co-exploité par quatre villages. Au lieu de servir exclusivement aux activités de maraîchage, son rôle a pris une autre destination aussi plus importante que ce dernier. Le bassin sert de l’eau de boisson et de travaux domestiques pour

les villages environnants (Bara, Mayam, Sala, etc.) Les habitants préfèrent cette eau pour la boisson, et le bassin demeure la source d’eau la plus accessible. On a constaté que c’est plus tard en janvier que les maraîchers ont commencé les travaux de déblayage. Il apparait ainsi clairement que les paysans se sont convenus en opérant le choix de gérer l’eau du bassin pour la boisson que pour la production.

La présidente du CGA l’a bien dit : « le comité de Gestion avait décidé à un moment donné d’instaurer un prix sur chaque prélèvement destiné à la boisson et aux travaux domestiques. L’argent collectée avait servi à réparer le forage du village, mais qui est de nouveau tombé en panne.

Le bassin reste la principale source d’eau, et qu’il est impossible d’empêcher aux gens de prendre l’eau pour boire. »

C’est aussi le cas de Tchoffio où le bassin remplit les fonctions de production maraîchère, d’abreuvement du bétail et sert de l’eau de boisson pour les éleveurs qui sont campés tout autour. L’analyse de l’appropriation doit tenir compte de ces différents facteurs d’ordre fonctionnel (usages, pression), relationnels et naturels (liés à l’emplacement des ouvrages) qui interviennent dans la mise en œuvre ou la gestion des aménagements maraîchers.

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