Comment l’analyse de cas révèle l’appropriation des aménagements maraîchers au Tchad ?

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🏫 Université de N’Djaména - Faculté des Sciences Humaines et Sociales - Département de Géographie/ Français
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2015-2016
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L’analyse de cas d’aménagements maraîchers révèle comment les bénéficiaires du Programme Alimentaire Mondial au Tchad s’approprient ces infrastructures face aux défis climatiques. Découvrez les enjeux de durabilité et de résilience qui pourraient transformer votre compréhension de l’implication locale dans les projets d’aide.


Participation prédéfinie par les organismes d’aide.

Bien que les organismes d’aide au développement prônent l’implication des acteurs locaux et des bénéficiaires dans leurs interventions, il ressort que cette implication reste souvent prédéfinie et réglée par les donateurs. Les bénéficiaires ne sont pas assez bien représentés dans les phases de décisions. À ce sujet, GRAIZON (2017, p.7) affirme que « De nombreux témoignages soulignent que la décision revient toujours aux dirigeants.

[…] La co- élaboration, voire la codécision, sont tenues à distance par les acteurs dominants qui maintiennent ainsi leur capacité et leur légitimité à définir les besoins et les solutions à apporter. […]. La portée uniquement symbolique d’une telle démarche porte en elle le risque de délégitimer le projet aux yeux des usagers-participants.

» MAGRIN (2013, p.2) remarque que : « les relations entre les projets et les bénéficiaires sont partout problématiques, […]. Les projets procèdent d’une logique technocratique exogène : jamais on ne se demande ce que veulent les paysans. Les projets instaurent des relations très asymétriques, d’où des résistances multiformes des paysans, des contournements des contraintes, des bricolages.

» BERTONCIN et PASE (citées par G. MAGRIN, p.3) constatent à partir de plusieurs exemples, que « les changements dans les modes du développement à partir des années 1990, en réponse aux problèmes identifiés (approches participatives, influence du développement durable), ne changent pas fondamentalement les données du problème : on n’observe nulle part de véritable transfert du pouvoir malgré les raffinements de l’ingénierie de la pseudo- participation.

»

Réduction du rôle des bénéficiaires par le dispositif de financement

D’après BARREAU (2004-2005, p.89), la désappropriation peut être liée aux incohérences du dispositif de financement. Selon elle, le partenariat étant structuré autour du dispositif de financement « fonds d’investissement », une fois le projet financé et réalisé, une fois le flux financier achevé, les organisations partenaires n’ont pas forcément de raison ni d’intérêt à prolonger le processus de renforcement des capacités initié pour réaliser le projet.

Ainsi, le risque est que le travail de structuration du groupe tout comme celui d’échanges avec les autres acteurs impliqués ne peuvent se poursuivre. L’auteur ajoute que : « l’appui aux initiatives locales ne peut être que ponctuel dans le temps. Cette démarche n’est donc pas envisagée dans une perspective de pérennité et de durabilité alors même que certains des objectifs visés, notamment la responsabilisation des acteurs et par là même la structuration des groupes, le renforcement des capacités des acteurs locaux, la création et

ou consolidation d’institutions, d’apprentissages sont pertinents dans une approche ‟durable”. » Il est difficile en effet de pouvoir considérer ces objectifs cohérents et réalistes sur une période aussi courte.

Il ajoute que l’« appropriation du projet par le groupe porteur est souvent considérée comme une condition nécessaire à la réussite de celui-ci jusqu’au-delà de l’existence du fonds de développement et de l’appui de la composante. » C’est ce qui se fait dans le cadre des interventions du PAM dans le département du Guéra. Pour le PAM, une fois les équipements réalisés, il se retire, laissant les activités de structuration des groupes et d’apprentissage à la charge des acteurs locaux qui, sont limités par les moyens et ne pouvant mener soigneusement le travail d’accompagnement, ce qui explique les lacunes dans les pratiques des exploitants.

Inadaptation des projets aux systèmes de production

Pour REOUNODJI (2003, p. 382) un projet est viable quand il est au pouvoir des destinataires et répond à leurs aspirations. Il souligne que, la désappropriation ou la résistance des paysans, le fait qu’ils abandonnent souvent les ouvrages et les techniques qu’on leur a demandés (ou imposés) de construire ne peut se justifier par un manque de maturité de leur part, comme prétendent certains.

Il affirme que l’innovation est intégrée lorsqu’elle correspond à un besoin ressenti et est spatialement, économiquement, techniquement et socialement acceptable et maîtrisable. Pour lui, « les paysans ont vécu certaines interventions extérieures comme injustifiées ou inadaptées, désorganisant leurs propres pratiques de gestion et leur propre organisation de l’espace, leurs calendriers agricoles, avec, souvent de conséquences calamiteuses ».

Ainsi un projet qui n’est pas une expression des besoins des bénéficiaires et qui ne correspond pas aux contextes socioéconomique et environnemental local, réunit par là même les conditions de son échec, parce qu’il ne peut avoir une réelle adhésion des acteurs locaux et des bénéficiaires. PROULX et BRIÈRE (2014, p.10) affirment que plusieurs projets de développement international ont échoué parce que les bailleurs de fonds ont exclu les savoirs locaux.

Ces bailleurs ont souvent cherché à reproduire un modèle extérieur (« prêt-à- porter ») qui ne prend pas suffisamment en compte la diversité du milieu. BARRETEAU (1998, p.51) dira que la viabilité du système irrigué est liée à l’insertion de son mode de gestion dans son environnement socio-économique qui garantit l’accès à ces différentes sources de revenu, c’est-à-dire à la cohérence de celui-ci avec les différentes activités des paysans.

Manque d’éthique et de capacité des acteurs locaux

Les pratiques de corruption, de favoritisme, et le manque d’innovation et de professionnalisme font partie des causes de manque de viabilité d’actions de développement. Selon PROULX et BRIÈRE (2014, p.9), « Les échecs des projets sont dus au manque de capacité interne et à la difficulté pour les bénéficiaires du projet de gérer la rapidité des

changements insufflés par les projets, dont les principes ne sont pas toujours en adéquation avec la culture et les traditions locales. Les projets seraient ainsi confrontés à des problèmes structurels et contractuels occasionnés notamment par la corruption, le manque de soutien politique, les coûts récurrents, l’absence de capacité, … » A cela est rattaché l’argument selon lequel les problèmes sociaux des populations sont nombreux et profonds ; ce qui fait qu’il est difficile d’éradiquer un problème ciblé par un projet tant que persistent les autres.

BARRETEAU (1998, p.51) a expliqué les échecs des nouveaux aménagements par l’augmentation du niveau de dépendance qu’ils induisent : à la dépendance antérieure pas toujours résolue s’ajoute dans certains cas une dépendance à une technique ou à des intrants.

Il est ainsi admis que les projets n’ont pas introduit l’amélioration des conditions de vie et de développement de manière significative comme souhaité, et que, leurs échecs sont dus soit au manque de stratégies adéquates d’opérationnalisation, soit à la mauvaise application de procédés pour leur appropriation par les acteurs locaux. Selon BOSSOU (2017, p.17), « les projets de développement devraient préparer les populations rurales à perpétuer les bonnes pratiques déployées au cours et au terme desdits projets.

Les projets de développement devraient habiliter les populations bénéficiaires à être elles-mêmes les premiers acteurs de la lutte contre la pauvreté et donc, de leur propre développement à travers l’appropriation des « technologies » ou changements introduits dans la communauté. » Un tel propos replace l’homme, c’est-à-dire les parties prenantes comme un des facteurs de la réussite d’un projet en général et des projets de développement en particulier.

Or, après plusieurs décennies d’interventions par les projets dans les territoires africains, les populations sont marquées par la pauvreté. Et, on ne voit pas s’émerger véritablement au sein des communautés l’entreprenariat local et l’ingénierie créatrice. En conséquence, les situations socio- économiques des habitants continuent d’être précaires, alors que les moyens d’existences et les écosystèmes continuent de se dégrader sous l’effet des aléas climatiques et devant l’inaction ou le manque d’actions idoines et efficaces de la part des acteurs locaux.

    1. QUESTIONS DE RECHERCHE

Le PAM reconnait sa responsabilité dans l’accompagnement des populations à combattre la faim. Il accorde une grande attention à la manière de mettre en œuvre les programmes dédiés à ces populations. Le PAM doit faire participer de manière systématique et significative les bénéficiaires à toutes les étapes de projet, et s’assurer qu’ils aient voix dans les décisions qui concernent leur existence. (PAM : Consultation informelle, p.30).

L’option prise de conduire la recherche sur l’appropriation des projets d’aménagements maraîchers par des communautés est motivée par le désir de comprendre les méthodes utilisées par le PAM pour faire participer les bénéficiaires aux projets, et pour identifier le maraîchage comme une activité répondant aux besoins de la population. La participation et l’adhésion aux projets d’aménagement, puis la mobilisation et l’organisation des communautés pour l’exploitation de périmètres maraîchers seraient-elles des facteurs d’appropriation et de durabilité des actifs créés et des activités de maraîchage ?

La recherche est conduite autour de la principale question qui est celle de savoir :

Quels sont les facteurs d’appropriation d’aménagements maraîchers appuyés par le PAM dans le département du Guéra ?

Et plus spécifiquement :

L’approche participative et la stratégie d’accompagnement ont-elles favorisé l’appropriation d’aménagements maraîchers par les populations bénéficiaires ?

Les producteurs sont-ils autonomes et autosuffisants dans la gestion et le fonctionnement d’activités d’exploitation d’aménagements maraîchers ?

Les modes de gestion et les systèmes de cultures combinent-ils optimisation de rendement et protection des terroirs locaux qui permettraient d’améliorer de manière durable la sécurité alimentaire et les conditions de vie des ménages-exploitants ?

    1. HYPOTHÈSES DE L’ÉTUDE

On suppose que :

L’appui du PAM dans le cadre des projets de renforcement de résilience suscite et renforce le développement local durable dans le département du Guéra, à travers notamment de l’appropriation des aménagements maraîchers par les communautés bénéficiaires.

Et de manière spécifique :

La combinaison des mécanismes de participation et d’accompagnement ont permis l’habilitation des bénéficiaires, favorable à l’exploitation durable des aménagements maraîchers.

L’autonomie de gestion, traduit la volonté des communautés à pérenniser l’exploitation des périmètres maraîchers, bien qu’elles soient encore de moindre autosuffisance technique et financière.

Le rendement du maraîchage est un facteur qui motive les populations pour l’exploitation des périmètres maraîchers, cependant il reste proportionnel aux niveaux techniques encore très limités.

    1. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

L’objectif principal de notre étude est de :

Examiner l’appropriation des aménagements maraîchers appuyés par le PAM dans le département du Guéra.

Et plus particulièrement, il s’agit de :

Explorer l’approche participative et le mécanisme d’accompagnement mises en œuvre par le PAM et ses partenaires pour l’appropriation des aménagements par les communautés.

Décrire les modes d’organisation des producteurs et leur capacité à faire fonctionner les activités d’exploitation de périmètres maraîchers.

Évaluer les retombées, d’abord de maraîchage en terme de consommation et de revenu des ménages ; et de ses différentes techniques et activités sur le milieu, en terme également de dividende et/ou d’impact écologique sur le terroir d’implantation.

Dans le cadre de cette recherche, il s’agit de saisir comment l’approche participative, les modes d’organisation et les systèmes d’exploitation traduisent le niveau d’appropriation des usagers. Il est vrai que l’ensemble des actions soit orienté pour satisfaire de manière immédiate les besoins alimentaires, cependant, il ne serait une appropriation consciente, si ne sont considérées de façon la plus sérieuse et concrète les pratiques et les tendances soucieuses de la protection du terroir et de l’environnement. La durabilité d’un système d’exploitation, utilisant le territoire comme facteur de production doit harmoniser accroissement de la production économique, bien-être social et protection de l’écosystème.

Gouvernements et partenaires de développement s’attèlent à la lutte contre la pauvreté en Afrique et dans le sahel de manière particulière. Ces interventions et leurs résultats ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche et d’évaluation. Les conclusions montrent que la durabilité de ces actions souffre de manque d’appropriation réelle par les bénéficiaires. Ainsi, les aménagements maraîchers réalisés dans le département du Guéra offrent un cadre propice à l’observation de ce principe d’ « appropriation par les bénéficiaires. »

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