Analyse comparative des choix thérapeutiques pour les enfants à Bomborokuy

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🏫 UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU - UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES (UFR/SH) - DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de MAITRISE - 2008-2009
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TRAORE Symphorien
TRAORE Symphorien

L’analyse comparative des soins enfants révèle comment les itinéraires thérapeutiques des enfants de moins de 15 ans à Bomborokuy sont influencés par la médecine moderne, traditionnelle et l’automédication. Découvrez les facteurs clés qui orientent les choix des parents en matière de traitement.


1.2. Cadre conceptuel de l’étude

1.2.1. Schéma conceptuel

La demande de soins est motivée par plusieurs facteurs à des degrés aussi variés que divers. Ces facteurs interagissent et orientent le choix du recours dont la succession trace l’itinéraire thérapeutique du patient.

Plusieurs auteurs ont élaboré des modèles d’analyse de la demande de soins parmi lesquels on peut citer KROEGER (1983). Son modèle est adapté à la demande de soins de pays en développement comme le Burkina Faso. Cependant, une redéfinition de certaines variables s’est avérée nécessaire pour l’adapter au contexte de notre étude. Du modèle adapté de KROEGER, nous retenons que les facteurs influençant le recours thérapeutique sont de trois ordres :

Les facteurs prédisposants liés aux caractéristiques démographiques et socioculturelles du ménage. L’âge de la mère ou le sexe du chef de famille est déterminant quant au rôle que joue celui-ci au sein du ménage et dans son pouvoir de décision. La scolarisation d’une mère ou d’un père pourrait augmenter la propension du ménage à recourir très tôt à un service de santé moderne.

Les facteurs liés aux caractéristiques de la maladie qui traduisent l’état de la maladie telle que perçue par le patient ou sa famille. La gravité de la maladie ou sa nature est susceptible d’orienter le recours thérapeutique. Une maladie perçue comme  » surnaturelle  » sera orientée vers les tradipraticiens qui sont jugés efficaces pour ce type de maladie.

Les facteurs liés aux caractéristiques du service de soin qui sont déterminées en terme d’accessibilité aussi bien financière que géographique et de qualité de soins administrés. Pour cela, la profession du chef de ménage et la taille de son ménage peuvent être des indicateurs quant à la charge et les difficultés auxquelles le ménage pourrait faire face en cas de maladie d’un enfant.

CADRE CONCEPTUEL POUR ANALYSER LA DEMANDE DE SOINS DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT

VARIABLES EXPLICATIVES

FACTEURS PREDISPOSANT

Age, sexe,

Rôle dans le ménage Taille du ménage Niveau d’instruction Profession

PERCEPTION DES CARACTERISTIQUES DE LA MALADIE

Chronique ou aiguë

Grave ou bénigne Modèle étiologique

Psychosomatique ou somatique

Perception des avantages du traitement

Itinéraire thérapeutique

Médecine / Pharmacopée traditionnelle

Médecine moderne

Automédication

PERCEPTION DES CARACTERISTIQUES DU SERVICE DE SANTE

Accessibilité

Attrait (opinion, attitudes à l’égard de la médecine moderne, des tradipraticiens)

Qualité Communication,

coûts

Perception des obstacles à l’utilisation des soins

Aucun recours

Source : Modèle adapté de KROEGER cité par HOUINATO 1993 (ATTANASSO et al. 1996)

1.2.2. Hypothèses de recherche

L’hypothèse principale de notre étude est la suivante :

Les caractéristiques socio-économiques des ménages influencent les itinéraires thérapeutiques des enfants de 0-14 ans. De cette hypothèse principale découlent les hypothèses secondaires suivantes :

  • L’absence de moyens financiers6 dans les ménages favorise le traitement des enfants par automédication;
  • le recours à un système de soin ne se fait qu’avec la gravité de la maladie de l’enfant.
  • La décision du recours thérapeutique est une prérogative masculine.

Définition des concepts

Afin de marquer assez clairement les contours de notre champ d’investigation, la définition de certains concepts et variables s’impose.

Ménage

Selon l’INSD (RGPH, 1996) c’est « l’unité socio-économique de base au sein de laquelle, les différents membres apparentés ou non, vivent dans la même maison ou concession, mettent en commun leurs ressources et satisfont en commun à l’essentiel de leurs besoins alimentaires et autres besoins vitaux, sous l’autorité d’une seule et même personne appelée « chef de ménage ».

Concession

Au Burkina Faso, le concept de concession désigne selon l’INSD (RGPH, 1996)

«l’unité d’habitation formée par un ensemble de constructions entourées ou non par une clôture, où habitent un ou plusieurs ménages. En milieu rural, la concession peut comporter un ensemble de constructions clôturées autour duquel existent une ou plusieurs maisons d’habitation dont les occupants déclarent appartenir à l’ensemble clôturé ».

Médecine moderne

Dans sa définition théorique elle se présente comme une discipline dont l’objectif est la recherche de la santé par l’emploi des moyens et méthodes modernes.

6 La situation socio-économique du ménage est souvent définie comme un facteur qui mesure le style de vie du ménage. Les indicateurs les plus souvent utilisés sont le revenu du ménage,la qualité de l’habitat, le niveau d’instruction, le type d’occupation du chef de ménage, la possession de biens(vélo, voiture, radio, télévision, frigo, bœufs…)

Médecine traditionnelle

Elle peut être définie comme un ensemble de connaissances, de techniques de préparations et d’utilisations de substances et pratiques explicables ou non, basées sur les fondements socioculturels et religieux des collectivités, qui s’appuient sur les expériences vécues et les observations transmises de générations en générations et qui servent à diagnostiquer, à prévenir et / ou éliminer un déséquilibre physique, mental ou social (DPSN, 2000).

Pharmacopée traditionnelle

C’est un ensemble de savoirs, de connaissances, de pratiques, de techniques de préparations et d’utilisations des substances végétales, animales et / ou minérales et qui servent à diagnostiquer, à prévenir et/ou éliminer un déséquilibre physique, mental ou social.

Automédication

Le concept d’automédication caractérise toute attitude de prise en charge par une personne quelconque de ses problèmes de santé à travers l’utilisation d’agents thérapeutiques sans consultation du praticien spécialisé.

Recours thérapeutiques

Ce sont les différentes sources potentielles de recherche individuelle de la santé. Ces sources sont : les consultations chez les médecins ou chez les tradipraticiens, la pratique de l’automédication englobant l’emploi des recettes à base de plantes médicinales et le recours aux  » pharmacies ambulantes « .

Itinéraires thérapeutiques

Selon le PETIT ROBERT ce sont « l’ensemble des principales voies suivies pour soigner, traiter les sujets souffrant d’une maladie ». Ils indiquent l’ordre habituel des premières attitudes et dispositions que prennent les chefs de ménages par rapport aux recours thérapeutiques en cas de problèmes de santé interne au ménage : automédication, consultation (médecins, tradipraticiens).

Tradipraticien de santé

Personne reconnue par la communauté dans laquelle elle vit, comme compétente pour diagnostiquer les maladies et invalidités qui y prévalent et dispenser des soins de santé grâce à des traitements spirituels, des techniques manuelles et exercices et/ou l’emploi de substances d’origine végétale, animale et/ou minérale.

Représentations sociales d’une maladie

Ce sont les idées, les opinions et les images que l’on a ou que l’on se fait de cette maladie.

Cadre opératoire

Pour mettre en exergue les choix des mères ou des ménages en matière de soins de santé des enfants de moins de 15 ans, certaines variables ont été employées.

Types de variables

  • Variables indépendantes: ce sont les facteurs prédisposant au choix du recours thérapeutique tels que les caractéristiques économiques, démographiques, socioculturelles du ménage. Ces facteurs ont une influence significative sur les itinéraires thérapeutiques
  • Variables intermédiaires: Ce sont des variables qui interagissent avec les variables indépendantes et sont constituées des caractéristiques de l’enfant et de sa maladie.
  • Variables dépendantes correspondent aux alternatives ou choix de soins auxquels le patient fait face en cas d’épisode morbide dont la séquence ou la succession constitue les itinéraires thérapeutiques suivis par chaque malade. L’itinéraire débute soit par l’automédication (moderne ou traditionnelle), soit par une consultation chez un praticien moderne ou traditionnel.

Relation entre les variables

Du fait de l’interdépendance des concepts, des variables, des indicateurs, l’élaboration d’un tableau à cet effet s’est avérée nécessaire.

Tableau 2. 1 : Relations entre les différents concepts et variables

Tableau 2. 1 : Relations entre les différents concepts et variables
TYPE DE VARIABLESCONCEPTSVARIABLESMODALITES
INDEPENDANTESFACTEURS INSTITUTIONNELSAccessibilité géographique du centre de soinsEloignement Proximité
Niveau d’instructionAucun, Primaire, Secondaire et plus
Activité De la mèreAgricultrice, Ménagère, Eleveur, Fonctionnaire, Commerçante, Artisane
CARACTERISTIQUES DES PARENTSActivité Du pèreAgriculteur, Eleveur, Fonctionnaire, Commerçant, Artisan
SexeMasculin, Féminin
Age0-1 an, 1-4 ans, 5-14 ans
CARACTERISTIQUES DE L’ENFANTLien de parentéEnfant biologique Enfant confié
Perception des systèmes de soinsEfficacité Coût Accueil
GravitéBénin, Grave, Très grave
CARACTERISTIQUES DE LA MALADIEType de maladiePaludisme, Diarrhée, Infections respiratoires,aiguës
Prise de décisionPère, Mère, Grand-mère, Grand-père, Autres
DEPENDANTESITINERAIRES THERAPEUTIQUESTypes de recoursMédecine moderne
Médecine/Pharmacopée traditionnelle
Automédication
Aucun recours

2. METHODOLOGIE

2. 1. Echantillonnage

Dans le cadre de ce mémoire nous menons une étude transversale à visée descriptive. Ainsi à défaut de prendre l’ensemble des villages (08) de l’aire sanitaire du CSPS de Bomborokuy, nous nous sommes contentés de 4 villages. Notre base de sondage est scindée en deux parties, correspondant chacune à une strate, selon la position par rapport au rayon moyen d’action qui est d’environ 6,5 km. Nous déduisons alors :

  • la strate des villages proches (0-6,5 km)
  • la strate des villages éloignés (au delà de 6,5 km)

Ensuite par tirage aléatoire de deux villages par strate, nous avons déterminé les villages cibles de l’étude.

L’effectif des enfants par village est proportionnel à la taille de sa population et un échantillon total de 150 enfants a été retenu pour l’étude.

Soit P la population totale des quatre villages, soit P1, P2, P3, P4 les populations respectives des villages 1, 2, 3, 4 et N1, N2, N3, N4 le nombre respectif d’enfants par village. On a : N1 = P1x150/ P

Par exemple, la population totale de Bomborokuy est de 3837 habitants et la population totale des quatre villages cible de l’étude est de 5229 (MATD ,2004). Le nombre d‘enfants (N1) est calculé comme suit : N1= (3837×150)/5229 on a N1=110 donc les enfants de Bomborokuy sont au nombre de 110. Toutefois, au risque de ne pas avoir des effectifs de moins de 15 enfants (10%) dans certains villages, un réajustement de l’échantillon a permis d’avoir la distribution des enfants par village (cf. tableau ci-dessous).

Tableau 2. 2 : Répartition de l’échantillon par village

VillageEffectifPourcentage
Bomborokuy7952,7
Gombélé2617,3
Sacko1610,7
Niankouini2919,3
Total150100,0

Source : Enquête de terrain 2008

2. 2. Identification des enfants

Une enquête préliminaire a permis de repérer toutes les concessions habitées par des enfants malades durant la période de référence. Une liste des concessions a été dressée par village, et à travers un tirage aléatoire 150 concessions ont été choisies. Le nombre de concessions est choisi de sorte qu’il y’ait 5 concessions de rechange par village.

Un enfant ayant déclaré une maladie au cours de la période de référence est enquêté par ménage et par concession. Pour limiter les biais de mémorisation, et pour avoir le maximum de cas d’affection morbide, la période de référence est de trois mois. Lorsqu’un ménage présentait un enfant avec plusieurs cas de maladie durant la période de référence, la priorité est accordée à l’épisode morbide le plus récent.

La prise en compte du dernier épisode morbide présente l’avantage de limiter les risques d’omission puisqu’on se réfère à un évènement proche dans le temps. Elle permet également de prendre en compte n’importe quel évènement morbide y compris ceux dont la fréquence est faible.

2. 3. Collecte des données

Les outils de collecte de données sont essentiellement constitués d’un questionnaire ménage et d’un guide d’entretien. Le questionnaire ménage permet de recueillir directement les informations auprès des ménages. Il pouvait être auto -administré si nous étions en face d’une population ayant un niveau d’instruction élevé, ce qui n’est pas le cas de notre échantillon. Quant au guide d’entretien, il est utilisé dans la collecte d’informations qualitatives auprès des personnes ressources qui serviront à corroborer les données issues des ménages.

L’appréhension des itinéraires thérapeutiques par le biais des enquêtes suppose une démarche à la fois quantitative et qualitative. L’approche quantitative a consisté à adresser un questionnaire ménage à la mère et non au chef de ménage car c’est elle qui prend soins généralement des enfants. Le questionnaire ménage est constitué de trois sections à savoir les caractéristiques du ménage, les caractéristiques de l’enfant et de sa maladie et l’option thérapeutique.

L’enquête qualitative est orientée vers des personnes ressources que sont les praticiens de santé constitués essentiellement des agents de santé, des tradipraticiens à travers le guide d’entretien.

La période de collecte de données se situe entre le 1er Décembre 2007 et le 15 Janvier 2008 soit environ 45 jours. Cette période était propice car elle coïncidait avec la fin des récoltes.

La collecte des données s’est effectuée suivant deux phases qui sont l’enquête domiciliaire et les entretiens.

Lors de l’enquête, nous avons été assisté par deux amis, l’un de niveau DEUG, l’autre de niveau terminal. Nous avons pris le soin de leur expliquer le contenu de notre questionnaire. De même, le questionnaire a été traduit en langue locale (Bwamu et Dioula) afin d’avoir une interprétation exacte des termes clés en langue locale. L’enquête a couvert les quatre villages cibles de l’étude et un total de 150 enfants ont été enquêtés.

Les entretiens ont impliqué les thérapeutes tels que les tradipraticiens et les infirmiers qui sont les prescripteurs ou prestataires des services de soins. Pour certains, l’entretien a été réalisé à domicile, d’autres ont été interviewés au service. Nous avons touché au total 14 tradithérapeutes et 02 infirmiers sur le niveau de fréquentation de leur service de soins, leur ancienneté dans la prescription des soins, les maladies couramment traitées, leur perception des autres systèmes de soins. Cela nous a permis de faire connaissance avec l’offre de soins de santé disponible.

2. 4. Traitement et analyse des données

Les données recueillies par l’enquête ont été d’abord dépouillées et codifiées manuellement. Les informations après corrections ont été saisies à l’aide du logiciel informatique EXCEL sous forme de base de donnée. Ensuite la base de donnée a été transférée sur le logiciel d’analyse de données statistiques et sociologiques SPSS 10. Des traitements et transformations adéquats ont été réalisés (variable à recoder, à calculer, à changer…).

Des tableaux statistiques et des graphiques ont été élaborés pour avoir les distributions des variables à partir desquels les analyses et interprétations ont été faites. Les données obtenues ont été saisies sous forme texte à l’aide du logiciel WORD tandis que le logiciel ARCVIEW 3.2a a servi pour la réalisation des cartes avec comme bases de données la Basse Nationale de Données Topographiques, (2002) et la Basse de Données sur l’Occupation des Terres, (2000).

2. 5. Difficultés rencontrées

L’enquête ne s’est pas déroulée sans difficultés mais des solutions furent rapidement trouvées à ces problèmes.

L’identification des enfants fut très difficile. Il est arrivé que dans certains villages (Gombélé, Sacko) l’échantillon ne soit pas atteint. Tous les concessions et ménages ont été sillonnés sans pour autant avoir le nombre d’enfant escompté. Cela s’explique par le fait qu’il fallait répondre au double critère d’avoir moins de 15 ans et être tombé malade les trois derniers mois. Cependant l’échantillon du village de Bomborokuy a été majoré de sorte à atteindre 150 enfants.

A cela il faut ajouter la réticence de certaines mères à répondre au questionnaire en l’absence de leur mari toute chose qui occasionnait des va et vient et retardait l’enquête.

Certains tradipraticiens étaient difficilement trouvables du fait de leur mobilité de village en village, en fonction des marchés. C’est ce qui explique leur faible nombre dans l’échantillon. La faiblesse des effectifs de l’échantillon notamment la répartition selon les recours a été une contrainte majeure dans l’analyse. Il aurait fallu avoir un très grand échantillon afin de dégager les itinéraires thérapeutiques avec beaucoup de recours. Cela nécessite néanmoins une étude de grande envergure qui n’est pas à notre portée au vu des difficultés financières auxquelles nous sommes confronté.

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