Comment l’analyse comparative révèle l’appropriation des aménagements maraîchers au Tchad ?

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🏫 Université de N’Djaména - Faculté des Sciences Humaines et Sociales - Département de Géographie/ Français
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2015-2016
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L’analyse comparative des aménagements maraîchers révèle comment les bénéficiaires du Programme Alimentaire Mondial au Tchad s’approprient ces infrastructures. Découvrez les clés de leur durabilité et résilience face aux défis climatiques et socio-économiques : qu’est-ce qui fait la différence ?


CHAPITRE 2 : THÉORIES ET MÉTHODOLOGIE

Dans ce chapitre, nous avons présenté les travaux antérieurs ayant abordé le sujet d’appropriation, avant de définir les principaux concepts et la méthodologie de l’étude.

CHAPITRE 2 : THÉORIES ET MÉTHODOLOGIE (Suite)

Dans ce chapitre, nous avons présenté les travaux antérieurs ayant abordé le sujet d’appropriation, avant de définir les principaux concepts et la méthodologie de l’étude.

REVUE DE LITTÉRATURE

Une revue de la littérature sur la thématique d’appropriation des projets de développement par les acteurs locaux et les bénéficiaires finaux nous a permis d’appréhender comment d’autres chercheurs et acteurs de développement, avant nous, l’ont abordé, suivant les objectifs de leurs travaux respectifs. ROY (2006, p.114) affirme que les concepts d’appropriation et de participation sont sujets de débats et peuvent se rapporter à des réalités bien différentes selon la définition qu’on leur donne. Ils sont pour la plupart des cas, des analyses concomitantes de l’approche méthodologique, de facteurs cognitifs et organisationnels, et de pratiques.

Évaluation de la coordination interne

Les projets d’hydraulique dans le monde rural ont servi de terrain pour l’expérimentation et l’évaluation des démarches d’appropriation par les communautés bénéficiaires. Dans le cadre des travaux de thèse sur la gestion des ressources renouvelables, BARRETEAU (1998) a porté son attention sur les aménagements hydroagricoles dans la vallée du Fleuve Sénégal.

D’après l’auteur, l’appropriation d’un bien en propriété commune, comme un Aménagement Hydroagricole, se comprend à partir d’interactions qu’entretiennent les acteurs à différents niveaux pour en assurer sa viabilité. Il affirme que, pour comprendre l’appropriation, il s’agit de poser la question de la viabilité de la gestion d’un bien en propriété commune tel qu’un périmètre irrigué en termes de modes d’appropriation de ce bien, c’est-à-dire en fonction d’un ensemble de relations entre les individus dans un groupe et leur environnement, ou, […], entre les acteurs du

système irrigué et le périmètre. L’objectif pour lui est de tester la pertinence d’une telle démarche pour explorer les liens entre modes de coordination et viabilité des systèmes irrigués. Son travail lui a valu la construction du modèle d’appropriation basé sur la coordination entre les paysans pour l’accès à l’eau et au crédit et sur les processus d’apprentissage.

L’auteur constate que l’appropriation de ces aménagements avait souffert du manque d’une réelle coordination entre les structures dirigeantes et les usagers à cause de charge d’exploitation que ne pouvait assumer les exploitants.

Pour avoir travaillé sur l’appropriation des projets d’hydraulique rurale, OUEDRAOGO (1992, p.40) affirme qu’: «au niveau des populations-cibles, l’appropriation doit être à la fois un état d’esprit et un comportement. Elle est donc une affaire d’idées, de représentations autant que d’actions. » Il ajoute que l’appropriation s’observe à travers : le développement organisationnel, la maîtrise des actions et de techniques, la maîtrise de la gestion des ressources humaines, financières et matérielles, l’auto-responsabilisation et la diffusion des acquis. L’objectif principal de sa recherche est d’évaluer l’intensité de l’appropriation plus ou moins marquée de projets de développement ainsi que les changements que la réalisation de ces projets a engendrés dans les domaines socio-économiques et socioculturels.

À travers les deux auteurs, nous voyons que l’appropriation est identifiée comme facteur de durabilité de système irrigué. Elle se rapporte à l’organisation des producteurs et aux moyens qu’ils investissent pour assumer la viabilité de leur exploitation, en étant beaucoup plus indépendant des acteurs extérieurs. Ils créent de structures de gestion et établissent de règles qui régissent l’accès et l’exploitation de leurs périmètres maraîchers.

Détermination de l ‘autosuffisance et de l ‘autonomie de gestion

De nombreux travaux portant sur l’appropriation de projets par les bénéficiaires se sont basés sur l’observation de l’autosuffisance et de l’autonomie de gestion pour tirer leurs conclusions.

Sur la base de ses travaux sur la « Gestion de périmètres maraîchers et stratégies de commercialisation des produits du maraîchage », ABOU KARIM (1995), a cherché à déterminer l’autonomie de gestion ou l’appropriation du système de production par les producteurs. Pour lui, la culture maraîchère tire son importance du fait qu’elle procure un revenu additionnel aux paysans et peut être à la base de la création d’une association de producteurs.

Les associations de producteurs peuvent être utilisées comme un centre de transfert de savoir en matière d’organisation et de promotion. L’auteur s’est intéressé à l’organisation des groupements maraîchers et aux stratégies de mises en valeur de leurs productions, afin de déterminer leur autonomie de gestion. Dans l’ensemble, il a conclu que le niveau d’organisation, le niveau technique, le circuit de distribution et le rendement sont tous faibles.

C’est pourquoi, en termes de conclusion, il a proposé à l’ensemble des acteurs d’identifier des facteurs essentiels permettant la mise en œuvre de stratégies capables d’amener les producteurs vers une autonomie de gestion viable.

Abordant la question d’appropriation des aménagements hydroagricoles, BERTOCIN et PASE (2012)6, affirment que l’insertion de la production dans le contexte économique à l’échelle locale ou régionale, voire nationale montre par ce fait même l’appropriation des systèmes irrigués par les destinateurs. Les producteurs doivent inscrire leur production dans le contexte socio-économique. Elles entendent par là le fait que les producteurs doivent disposer d’abord de capacité technique et institutionnelle, puis ils doivent savoir intégrer leur activité et les produits issus de cette activité dans le contexte économique

et le flux commercial à l’échelle locale et/ou régionale. Comme objets de leur étude, ces chercheuses ont cité les cas des aménagements rizicoles du bassin tchadien, notamment les Casiers A et B de Bongor au Tchad, puis le South Chad Irrigation Project (SCIP) et du Baga Polder Project au Nigeria qui sont les quelques exemples d’échecs.

N’étant pas à la maîtrise des acteurs locaux et nationaux, les productions n’ont jamais réussi à résoudre le problème d’insécurité alimentaire et à satisfaire le marché, c’est-à-dire la demande au plan régional comme national. D’après elles l’échec ou la désappropriation de ces aménagements est la conséquence de modèles de développement importées, nécessitant de gros investissements, ne répondant pas au contexte socio-économique des bénéficiaires.

Les auteurs écrivent qu’« il n’existe pas de solution standard exportable d’un territoire à l’autre. » Il ne suffit pas d’implanter de gigantesques aménagements hydroagricoles pour susciter le développement. L’appropriation et la viabilité d’un tel système dépendront également de facteurs extrinsèques dont la capacité des bénéficiaires à assumer les charges liées aux ouvrages de fonctionnement.

Ces auteurs montrent que les projets ne parviennent pas à produire des effets socio- économiques significatifs qu’on estime obtenir. Les bénéficiaires ne disposant pas de revenus essentiels et de capacités pour assurer la durabilité des investissements.

Étude de la Perception de l’appropriation

L’appropriation n’est pas seulement analysée du point de vue de l’action ou de preuves factuelles, mais elle a aussi fait l’objet d’études de représentations intellectuelles subjectives.

BARREAU (2004-2005) a utilisé le terme « appropriation » dans le sens d’un processus d’apprentissage et d’ancrage permettant au projet réalisé d’intégrer le paysage préexistant et d’y être durablement stabilisé. Pour elle, le projet qu’elle a étudié a concentré les activités sur l’implication du groupe à toutes les étapes des réalisations : identification, montage,

6 Marina BERTONCIN et Andrea PASE : (2012), chercheurs italiens, leurs travaux sur les aménagements hydro agricoles du bassin tchadien en Afrique subsaharienne a fait l’objet d’un compte rendu publié par Géraud MAGRIN en 2013.

validation, mise en œuvre, etc. L’objectif théorique était de s’assurer de l’engagement des porteurs de projet, de leur motivation afin de minimiser les comportements opportunistes intéressés uniquement par la captation d’un financement.

Dans ses travaux de thèse, NGIRUMPATSE (2014) a porté son attention sur la perception que les acteurs sociaux nationaux dans les pays en développement (cas du Rwanda) ont de l’« Appropriation » des processus de développement. En se penchant spécifiquement sur le principe de l’« appropriation » et en le posant comme un enjeu, elle a cherché à explorer empiriquement la conception qu’en ont les acteurs sociaux au Rwanda en termes de représentations, interprétations, stratégies.

Elle a utilisé les récits sur la façon dont les acteurs considèrent s’être appropriés les processus de développement. Elle a émis l’hypothèse que les acteurs sociaux sont « compétents » et « capables », pourvus d’actions. En ce sens, ces acteurs sont donc « capables de formuler des décisions, d’agir sur elles, et d’innover ou d’expérimenter.» Il y a « internalisation » des nouveaux éléments externes dans l' »univers de vie » des acteurs sociaux et interprétation par ceux-ci de ces dits éléments.

Si l’on considère l’« appropriation » comme un de ces éléments externes, il devient nécessaire de saisir son interprétation par les acteurs sociaux qui en sont les destinataires.

S’appuyant sur le concept d’appropriation et partant des méthodes qualitatives, BOUSSOU (2017) a exploré les facteurs d’appropriation des résultats de projet par les communautés cibles. Après un tournant sur le caractère transdisciplinaire et polysémique du principe et de la notion d’appropriation, il a abouti à une synthèse d’un ensemble de dix (10) facteurs 7 pouvant, entre autres, favoriser la durabilité des résultats des projets et programmes de développement au niveau des bénéficiaires finaux.

Propositions de l’approche de développement territorial

Les travaux de recherche sur l’appropriation de projets ne se cantonnent pas seulement à l’évaluation des méthodes et de gestion des activités par les différents acteurs. En partant de nombreux échecs et des effets du changement climatique, certains travaux ont porté leurs objectifs sur la proposition de nouvelles méthodes basées sur la responsabilisation des

7Ces 10 (dix) facteurs /conditions d’appropriation qu’il a répertorié sont : Le positionnement géographique de l’extrant du projet ; la contribution au développement communautaire et à l’épanouissement des bénéficiaires ; l’autonomie financière ; soutien de la haute direction et existence de politiques favorables ; l’implication, la responsabilisation et l’autonomisation des bénéficiaires ; le plan de communication et sensibilisation des bénéficiaires déployé ; la qualité des premiers acteurs impliqués et le dévouement de leurs successeurs ; Le montage institutionnel du projet, les caractéristiques de la structure/organe mis en place et la conformité aux normes ; et enfin l’accompagnement soutenu et durable des bénéficiaires. (cf. Louis BOSSOU, p.109).

populations face à la dégradation des écosystèmes et sur l’appropriation de la valorisation et protection de territoires par des communautés locales.

CLAVREUL (2005) a constitué une sorte de plaidoirie à l’endroit des organisations et des acteurs qui œuvrent pour le développement de l’Afrique. Après des exposés sur des projets de développement réalisés en Afrique, l’auteur constate que ces actions n’ont pas réussi à introduire un réel progrès dans les sociétés africaines. Pour lui, l’appropriation par les populations des questions de leur développement est la meilleure façon pour affronter et faire baisser la famine, la pauvreté et minimiser les effets de la sécheresse en Afrique subsaharienne.

À cet effet, il préconise, dans un premier temps, une approche participative incluant les populations locales à toutes les étapes des projets de développement en vue de leur habilitation et de leur responsabilisation. Dans un second temps, il propose un ensemble de pratiques intelligentes et soucieuses de l’environnement permettant de consolider l’équilibre socio-économique et paysager.

C’est une vision d’appropriation, qui, à notre avis est la plus large, où les aspects cognitifs ne tiennent pas seulement au fonctionnement et à la dynamique du groupe, et l’objectif ne ciblant pas essentiellement le rendement économique et la transformation sociale. En plus de ces impératifs socio-économiques, l’appréhension de l’appropriation que propose CLAVREUL privilégie la protection de l’environnement à partir de la redynamisation des terroirs villageois par l’application de diverses techniques appropriées et la mobilisation des populations locales autour de cette nouvelle donne.

Nous considérons, pour notre part, l’appropriation par les bénéficiaires, comme étant la capacité des acteurs locaux à pouvoir perpétuer l’action de développement entreprise sur leur territoire pour assurer l’amélioration de leurs conditions de vie. Dans le cadre de cette étude, nous avons tenu compte des aspects, à la fois, techniques et stratégiques de fonctionnement des activités d’exploitation, et la prise en compte de considérations d’ordre environnemental de gestion des territoires par les exploitants pour l’évaluation de l’appropriation des aménagements maraîchers réalisés dans le département du Guéra.

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