Le principe du contradictoire garantissant un procès équitable
- Il a été démontré dans les précédentes analyses1 que les organes juridictionnels agissent suivant des formes et procédures qui leur sont propres.
Les procédures juridictionnelles ont un caractère spécial très différent des procédures administratives : leur caractère essentiel est d’être contradictoire2.
Le principe du contradictoire3 est une garantie fondamentale à travers lequel on reconnait toute institution juridictionnelle4 et dont le défaut amènera à conclure qu’on n’est pas en présence d’une véritable juridiction5.
Une juridiction serait donc cet organe qui instruit les affaires qui lui sont soumises de manière contradictoire6 et il n’y aurait juridiction « … que contradictoire dans sa procédure »7.
Il en est ainsi parce que la parole devant les juridictions est régie par la procédure et celle-ci « ne circule jamais au hasard au cours de l’audience »8 juridictionnelle.
La commission a été instituée pour rendre justice. Mais, pour parvenir à cet objectif, un certain équilibre doit être gardé tout au long du processus décisionnel.
C’est pourquoi ce principe a été institué dans la procédure devant se dérouler devant la commission à travers l’expression « les débats ont lieux » de l’alinéa 7 de l’article 237 du CPPC.
C’est donc le principe du contradictoire qui permet de mener à bien les débats devant la commission. Il s’intéresse aussi bien au juge (1) qu’aux parties (2).
Le principe de la contradiction applicable à la commission
- La commission, en tant que juge, est à la fois garant et débiteur du principe du contradictoire9 parce qu’avant qu’elle ne prenne une décision, un débat doit préalablement avoir lieux devant elle10.
Garant du contradictoire, le juge (la commission) dispose, à cet effet, d’un certain nombre de pouvoirs11 : pouvoir d’injonction assortie, le cas échéant d’une astreinte12, pouvoir d’écarter du débat les pièces qui n’auraient pas été communiquées en temps utile.
Concrètement, la commission ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, explications et documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
- Débiteur du contradictoire, la commission doit, en toutes circonstances faire observer et observer elle-même le principe.
Il est donc fait interdiction à la commission de fonder ses décisions sur la connaissance personnelle que ses membres auraient de l’affaire ou sur des moyens de droit qu’elle aurait relevé d’office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations.
Il incombe par conséquent à la commission d’informer les parties afin qu’un débat contradictoire soit instauré si elle entend relever un moyen d’office.
Il en est ainsi parce qu’il est interdit à tout juge de fonder sa décision sur la connaissance personnelle des faits du litige13.
Le principe du contradictoire s’impose donc à la commission tout comme elle est impérative à l’égard des parties devant elle.
Le principe de la contradiction applicable entre les parties
- Le principe du contradictoire s’adresse davantage aux parties au procès. Celles-ci sont tenues de se faire connaître mutuellement leurs moyens de défense car l’unilatéralisme en matière de preuve est formellement interdit.
En d’autres termes, tout moyen présenté par une partie qui n’aura pas été soumis au débat est immédiatement sanctionné par un rejet.
Ainsi, le principe du contradictoire est prévu et doit être respecté devant la commission dès la mise en état des dossiers jusqu’aux débats prévus à l’alinéa 7 de l’article 237 du code de procédure pénale.
- Entre les parties au procès devant la commission, le principe du contradictoire signifie d’abord que, dès le seuil du procès, toute personne doit être informée clairement de la demande en justice dirigée contre elle, de son objet et de ses raisons14.
Il signifie ensuite que, tout au long de l’instance, les parties doivent se faire connaître mutuellement les moyens, de fait et de droit, sur lesquelles elles fondent leurs prétentions respectives ainsi que les pièces de justification15.
Cette exigence du contradictoire est capitale devant toute juridiction qui est appelée à rendre un service public de la justice car, elle exclue toute forme de justice privée à côté de la justice publique.
C’est la manifestation la plus complète de l’adage « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même » qui s’intègre dans l’interdiction générale en vertu de laquelle nul n’a le droit de se faire justice à soi-même.
- Le double degré de juridiction, le contradictoire, tels les deux principes juridictionnels majeurs qui encadrent l’animation de l’instance devant la commission.
Il s’agit aussi des principes pouvant amener à penser que cette institution a une nature juridictionnelle. Pourrait-il en être autrement si l’on sait également que les décisions de la commission sont prises dans des formes juridictionnelles ?
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1 V. supra n° 19. ↑
2 BONNARD (R.), « La conception matérielle de la fonction juridictionnelle », op. cit., p. 8. V. aussi IMBERT-QUARETTA (M.), « La vie quotidienne des juges », Pouvoirs, n° 74, 1995, p. 90. Mais, il faut relever que le principe du contradictoire à lui seul ne peut suffire à définir une juridiction. Il en est ainsi parce que les procédures administratives peuvent parfois être contradictoires. Par exemple, la procédure applicable devant l’Administration des Domaines en matière de résolution des litiges fonciers doit être contradictoire. Cf. dans ce sens les art. 71 et s. du Code minier. L’art. 77 al. 4 dispose notamment : « avant l’intervention d’une décision, les parties sont contradictoirement entendues ». ↑
3 Il s’agit d’un principe respecté dans toutes les procédures contentieuses et devant toutes les juridictions civiles, pénales, administratives et disciplinaires. V. dans ce sens BERGEL (J.-L.), Théorie générale du droit, op.cit., p. 367 ; I.H.E.J., La prudence et l’autorité : l’office du juge au 21e siècle, rapport de mai 2013, p. 15 ; LINDON (R.), « Perfections et imperfections de la décision judiciaire », D. 1973, pp. 145. ↑
4 C’est aussi un critère permettant de bien juger. V. dans ce sens SAUVÉ (J.-M.), « Bien juger aujourd’hui, une mission impossible ? », Intervention lors de la cérémonie de remise des prix de thèse à l’Académie de législation de Toulouse, 13 décembre 2013, p. 2 ; V. également dans ce sens CARBONNIER (J.), Droit civil, Vol. 1, Introduction, les personnes, la famille, l’enfant, le couple, Paris, P.U.F., 1ère éd., 2004, coll. Quadrige, p. 362. ↑
5 V. PERROT (R.), Institutions judiciaires, op. cit., p. 242, n° 305. ↑
6 Par exemple, l’instruction contradictoire C.E. 20 juin 1913 Téry, Rec., p. 736 ; règles applicables « même en l’absence de texte », C.E. 7 fév. 1947, d’Aillières, R.D.P. 1947, p. 68 note WALINE et p. 81, concl. ODENT. La contradiction, en tant que principe général de procédure : C.E. 16 janv. 1976, Gate, Rec., p. 39. ↑
7 Olivier GOHIN cité par OSPINO GARZON (A. F.), L’activité contentieuse de l’administration en droit français et colombien, op. cit., p. 228, note 739. ↑
8 SALAS (D.), « Procès » in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (S/D), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 1240. ↑
9 LEVY (J. – Ph.), « Contradictoire » in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (S/D), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 680. ↑
10 V. l’art. 237 al. 7 C.P.P.C. ↑
11 V. LEVY (J. – Ph), ibid., p. 680. ↑
12 Par exemple, lorsque l’avocat constitué ou désigné n’aura pas respecté le délai de dépôt du mémoire ampliatif dans les 30 jours à compter du jour de l’enregistrement de la requête, l’article 55 de la loi de 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la cour suprême autorise la commission à condamner celui-ci à une amende civile de cinquante mille francs. ↑
13 V. LEVY (J.- Ph.), ibid. ↑
14 V. LEVY (J.- Ph.), ibid. ↑
15 V. LEVY (J.- Ph.), ibid. ↑