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Le recouvrement des créances en souffrance au Cameroun

PARAGRAPHE 2 :

LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES EN SOUFFRANCE PAR LES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES DE RECOUVREMENT ET LES VOIES D’EXÉCUTIONS

Au Cameroun, les procédures civiles d’exécution sont réglées par l’acte uniforme du 10 Avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécutions. Les procédures simplifiées de recouvrement (A), et les voies d’exécution (B), respectivement contenues dans les deux livres de l’acte uniforme sont très usitées par le banquier.

A – LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES EN SOUFFRANCE PAR LES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES DE RECOUVREMENT

Les procédures simplifiées de recouvrement sont au nombre de deux : l’injonction de paiement et la procédure simplifiée tendant à la délivrance ou à la restitution d’un bien meuble déterminé. L’injonction de restituer est une procédure qui par son essence, ne s’accommode que très rarement avec la pratique bancaire. Notamment dans les hypothèses où le banquier est acquéreur d’un meuble corporel, ou en cas de réalisation d’un gage 158.

Plusieurs années d’application ont laissé apparaître la certitude que, La procédure d’injonction de paiement est le principal instrument de recouvrement utilisé par les banques dans les Etats de l’OHADA159, raison pour laquelle nous lui accordons toute notre attention.

L’injonction de paiement est une procédure facultative, permettant d’obtenir du juge, saisi sur simple requête et en l’absence de débat contradictoire, une ordonnance portant condamnation du débiteur au paiement d’une certaine somme d’argent160.

L’injonction de paiement est exclusivement réservée à des créances certaines, liquides, et exigibles161. D’origine contractuelle ou résultante de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante162.

La requête d’injonction de payer est adressée au président du tribunal de première instance du lieu domicile où demeure effectivement le débiteur ou l’un d’entre eux en cas de pluralité des débiteurs, quand la créance n’excède pas 10 millions de FCFA. Et au président du tribunal de grande instance du même lieu lorsque la créance est supérieure à 10 millions de FCFA163, ou lorsque l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante164.

La procédure est déclenchée par le créancier à travers une requête écrite déposée aux greffes du tribunal compétent165. La requête doit contenir les informations requises à l’article 4 de l’AUPSRVE166. Elle est soumise au président qui peut signer l’ordonnance généralement placée en bas de la requête ou la rejeter totalement ou partiellement.

En cas d’acceptation de la requête, le juge rend l’ordonnance d’injonction de payer par laquelle il ordonne au débiteur de payer la somme réclamée par le créancier. L’ordonnance doit être signifiée aux débiteurs dans les 3 mois de sa signature, sous peine d’être considérée non avenue167.

Le débiteur, une fois informé, peut avoir trois attitudes: le paiement de la dette, l’inaction ou l’opposition 168. Chacun de ces comportements détermine les suites de la procédure, qui pourrait s’égrener de la façon suivante:

La première hypothèse où le débiteur paie volontairement ne mérite pas d’observations particulières puisqu’elle met fin à l’action en recouvrement et éteint la dette. En revanche, si, dans une deuxième posture, il ne se libère pas de son obligation et ne réagit pas non plus à l’injonction de paiement, le créancier est autorisé à requérir l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance présidentielle169.

Enfin, la troisième hypothèse, la plus redoutée, est celle dans laquelle le débiteur décide d’intervenir dans la procédure en formant opposition 170. La procédure, à l’origine unilatérale 171, se transforme en un contentieux ordinaire 172. La décision rendue suite à l’opposition se substitue à l’ordonnance d’injonction. Le recours contre elle est l’appel dans un délai de 30 jours à compter de la date de décision.

Dans le cas où la requête s’était heurtée à un rejet partiel, le créancier a deux options. Soit il signifie l’ordonnance et se contente d’un payement partiel et renonce à toute autre procédure, soit il refuse le paiement partiel. Dans ce dernier cas, il lui faudra alors assigner son débiteur par les voies de droit commun.

La procédure d’injonction de payer, conçue pour le recouvrement rapide de créance est façonnée pour rencontrer les besoins du banquier prêteur. À défaut d’exécution volontaire du débiteur, muni du titre exécutoire obtenu à l’issu de cette procédure, toutes les voies d’exécution lui sont ouvertes.

B – LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES EN SOUFFRANCE PAR LES VOIES D’EXÉCUTION

À défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits. Sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou privilégiée, l’exécution est poursuivie en premier lieu sur les meubles et en cas d’insuffisance de celle-ci sur les biens immeubles173. À l’exception des biens insaisissables, le créancier à le droit de saisir les biens de son débiteur.

La saisie mobilière est la saisie pratiquée sur un objet mobilier, sur une créance ou sur une valeur mobilière. Elle peut avoir un caractère conservatoire comme nous avons étudié plus haut, ou viser à la vente forcée des biens saisis174.

L’acte uniforme prévoit 5 saisies à fin d’attribution des biens meubles. Parmi lesquelles la saisie vente régie par les articles 91 à 152 de l’AUVE. Elle est la saisie par laquelle un créancier muni d’un titre exécutoire place sous-main de justice et fait vendre un ou plusieurs meubles corporels se trouvant dans le patrimoine de son débiteur et détenu soit par lui, soit par un tiers175. La possibilité est toutefois offerte au débiteur d’organiser une vente amiable des biens saisis en accord avec ses créanciers176.

La saisie vente est suivie de la saisie-attribution des créances dans l’AUPSRVE177, C’est elle qui remplace l’ancienne saisie arrêt. Moins formaliste, plus rapide et efficace que la précédente on gagne plus que la terminologie à l’échange. Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains des tiers les sommes d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations. Elle vaut attribution au profit du créancier du montant de sa créance et de ses accessoires qui sont entre les mains des tiers178.

Le recouvrement des créances en souffrance au Cameroun

La saisie-attribution des créances est proche de la saisie et cession des rémunérations. Ce n’est qu’après une tentative de conciliation, qu’un créancier muni de titre exécutoire, peut faire pratiquer une saisie des rémunérations entre les mains de l’employeur de son débiteur179. La tentative de conciliation obligatoire étant le point de distinction entre les 2 saisies. C’est la loi nationale de chaque état membre qui détermine les proportions saisissables ou susceptibles d’être cédées180.

À côté de cette saisie, Il y’a la saisie appréhension et la saisie revendication des biens meubles corporels. Qui est en quelque sorte un complément de la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer181. Cette saisie permet au créancier de se faire délivrer ou restituer effectivement le bien en cause.

La dernière saisie mobilière est celle des droits d’associés et des valeurs mobilières, elle porte sur des biens incorporels et réponds à une procédure particulière182. Elle est effectuée auprès de la société de conservation ou de gestion des titres.

La saisie immobilière peut se définir comme la procédure permettant à un créancier de faire vendre les immeubles de son débiteur et de se payer sur le prix183. La procédure de saisie immobilière est tout à fait familière aux banques à cause du grand recours à l’hypothèque comme garantie de crédit bancaire. Organisée par l’article 246 et suivant de l’AUPSRVE, Elle peut être poursuivie contre un tiers détenteur lorsque le créancier bénéficie d’une hypothèque ou d’un privilège. La juridiction compétente en droit Camerounais est celle du président du tribunal de 1ere instance du lieu de situation de l’immeuble. Conformément à l’article 13 de l’ordonnance N°72/4 du 26 Aout 1972, modifié et complété par l’article 15 de la loi N°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

La vente forcée de l’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. La poursuite peut néanmoins avoir lieu en vertu d’un titre exécutoire par provision, pour une créance en espèce non liquidée ; mais l’adjudication ne peut être effectuée que sur un titre définitivement exécutoire et après la liquidation 184.

Le créancier est contraint de se soumettre au strict respect des dispositions légales sans avoir la possibilité d’y déroger au moyen de clauses contractuelles185.

Les biens qui sont susceptibles de saisie immobilière ne sont pas expressément énumérés dans l’AUPSRVE. La doctrine OHADA186, en conclut qu’il s’agit selon l’article 2204 du code civil de tous les biens immeubles et de leurs accessoires réputés immeubles appartenant en propriété au débiteur. Et de l’usufruit appartenant au débiteur sur des biens de même nature. Cette disposition doit être complétée de l’article 517 qui précise que « les biens sont immeubles ou par leur nature, ou par leur destination ou par l’objet auquel ils s’appliquent».

En ce qui concerne la mise à prix le seuil minimal exigé pour les enchères est fixé au quart de la valeur vénale de l’immeuble. La possibilité de vente amiable qui expressément offerte au débiteur saisi en matière de saisie mobilière ne l’est pas dans la procédure de saisie immobilière. Cette option, que n’a peut-être pas souhaité transcrire clairement le législateur, pourrait être une meilleure solution de recouvrement aussi bien pour le débiteur que pour le créancier.

Le banquier n’est pas impuissant face aux créances en souffrance. Il a la possibilité d’évaluer souverainement les capacités de recouvrement du débiteur et l’opportunité d’une restructuration. Cette possibilité de recouvrement amiable n’est pas appropriée à tous les débiteurs, le banquier doit dans certains cas réaliser ses suretés. Ce n’est pas toujours possible lorsqu’il n’a pas été diligent dans leur constitution entrainant l’invalidité de la sureté, il ne lui reste plus qu’à se tourner vers la saisie conservatoire ou l’hypothèque forcée judiciaire. Elles lui donneront plus de chance de recouvrer sa créance respectivement par les voies d’exécution ou les modes alternatifs de réalisation des suretés. Suite à ces procédures, lorsque la créance du banquier est recouvrée, il peut reprendre les provisions liées à cette créance.

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156 NJEUFACK TEMGWA (R.), op.cit., p.113.

157 NJEUFACK TEMGWA (R.), op.cit., p.113.

157 Article 134 Alinéa 2 AUS.

158 GATSI (J.), op.cit., p. 129.

159 AMEVI (D.S.), la protection du créancier dans le droit uniforme de recouvrement des créances de l’OHADA, thèse pour l’obtention du diplôme de docteur en droit privé, université de Paris 1-PANTHEON SORBONNE,2016, p10.

160 ASSOGBAVI (K.), « La nouvelle procédure d’injonction de payer dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution », Penant n° 829, janv.- avril 1999, pp. 20- 25.

161 Article 1 AUPSRVE.

162 Article 2 AUPSRVE.

163 Article 3 AUPSRVE ; articles 15 et 18 de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, modifiée et complétée par la loi n° 2011/027 du 14 décembre 2011.

164 TWENGEMBO, « Injonctions de payer, de délivrer ou de restituer » in P-G. POUGOUE (Dir.), Encyclopédie du droit OHADA, éd. Lamy, Paris 2011, p. 1022.

165 Article 4 AUPSRVE.

166 Il s’agit des noms, prénoms, domicile et professions des parties s’agissant des personnes physiques. S’agissant des personnes morales, le nom, la dénomination et le siège social. En outre, elle doit également indiquer le montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci. La requête doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives de la créance en originaux ou en copie certifiées conformes.

167 Article 7alinéa 2 AUPSRVE.

168 TWENGEMBO, op.cit. p. 1023 ; AMEVI (D.S.), op.cit, P 168.

169 Article 16 de l’AUPSRVE.

170 Articles 9 et suivants AUPSRVE.

171 La procédure d’injonction de paiement est en principe organisée avec une extrême prudence de telle manière que le débiteur intervienne le moins possible dans la procédure ou n’intervienne pratiquement pas. Le législateur a voulu cette procédure rapide et moins agressive puisque les parties ne se rencontrent pas, du moins jusqu’à la signification de l’ordonnance d’injonction de paiement.

172 Le tribunal par l’opposition est saisi de l’ensemble du litige, l’auteur de la requête initiale occupe la place de demandeur et supporte la charge de la preuve (Article 13 AUPSRVE.).

173 Article 28 AUPSRVE.

174 BITSAMANA (H.A.), dictionnaire de Droit OHADA, p 190, www.ohada.com , ohadata D-05-33.

175 DONNIER (M.), DONNIER (J.B.), voies d’exécution et procédure de distribution, 6e édition , Litec, p710 ; TCHOU BAYO (J.P.), « saisie vente », in P-G. POUGOUE (Dir.), Encyclopédie du droit OHADA, éd. Lamy, Paris 2011, p. 1770.

176 Articles 115 à 119 AUPSRVE ; lire également à ce sujet ASSI ESSO (A.-M.), DIOUF (N.), recouvrement des créances, bruylant, 2002.

177 Article 153 AUPSRVE.

178 BITSAMANA (H.A.), op.cit.

179 Article 174 AUPSRVE.

180 Article 177 AUPSRVE; Au Cameroun cette quotité est fixée par le décret N° 94/197/PM du 09 Mai 1994 relatif aux retenues sur salaire Il Fixe le régime général dans son article 2 alinéa 1er comme suit. La quotité cessible est de (1/10) sur la fraction au plus égale à dix-huit mille sept cent cinquante francs par mois. (1/5) sur la fraction entre dix-huit mille sept cent cinquante francs par mois et trente-sept mille cinq cents francs par mois. (1/4) entre trente-sept mille cinq cents francs par mois et soixante-quinze milles francs par mois.(1/3) sur la fraction entre soixante-

181 Articles 219 à 235 AUPSRVE

182 Articles 236 à 245

183 TSETSA (G.S.), « le formalisme de la saisie immobilière en Droit OHADA », revue de l’ersuma, N° Janvier 2016, www.ohada.org consulté le 13/05/20.

184 BITSAMANA (H.A.), dictionnaire de Droit OHADA, p 190, www.ohada.com , ohadata D-05-33.

185 Articles 246 et suivants AUPSRVE.

186 POOUGOUE (P.G.), TEPPI KOLOKO (F.) « saisie immobilière » in P-G. POUGOUE (Dir.), Encyclopédie du droit OHADA, éd. Lamy, Paris 2011, p. 1642.

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