PREMIERE PARTIE : DES CRÉANCES NON PERDUES
Le traitement des créances en souffrance implique la maitrise de leur nature. Certes elles ne sont pas des créances perdues, encore moins des créances saines. Il ne suffit pas de connaitre ce que les créances en souffrance ne sont pas, il faut encore connaitre ce qu’elles sont.
On s’intéresse dès lors à ce qui permet de les reconnaitre et de les distinguer. À ce qui les différencie non seulement des créances perdues, mais également des autres types de créances bancaires comme les créances saines et sensibles.
Il s’agit donc pour nous de parcourir les critères des créances en souffrance (chapitre 1), en fonction desquels on peut mener un effort de recouvrement (chapitre 2).
CHAPITRE 1 :
DES CRÉANCES SOUMISES À DES RÈGLES PARTICULIÈRES
Les règles qui gouvernent les créances en souffrance sont relatives à leur organisation, elle n’est pas laissée à la discrétion du banquier. Par organisation on fait référence aux critères d’identification et aux règles de provisionnement des créances en souffrances.
Le règlement R 2018/01 qui traite de la classification des créances n’a pas établi stricto sensu des critères d’identification des créances en souffrance. Mais à partir de la classification qui est faite des créances en souffrance, on peut déduire leurs critères d’identification (section 1). Le législateur a par contre pris soin de préciser méticuleusement les règles de provisionnement applicables à ces créances (section 2).
SECTION 1 :
LES CRITÈRES DES CRÉANCES EN SOUFFRANCE
Les critères des créances en souffrance sont les caractères ou signes qui permettent de les distinguer. Ces caractères sont en rapport avec deux indicateurs cumulatifs: l’échéance et le recouvrement. En principe, les créances en souffrance sont des créances échues et non encore recouvrées (paragraphe 1), mais il peut arriver que certaines créances sur la base d’autre critères soient classées parmi les créances douteuses (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 :
DES CRÉANCES ÉCHUES ET NON REMBOURSÉES
Une créance est échue lorsqu’elle est parvenue à son terme et est de ce fait immédiatement exigible. En règle générale les créances en souffrance sont des créances immédiatement exigibles et qui ne sont pas encore remboursées par le débiteur. Il est question aussi bien des créances normalement parvenues à leur terme (A), que de celle frappées par la déchéance du terme (B).
A – DES CRÉANCES NON REMBOURSÉES PARVENUES À TERME
Le premier critère d’identification des créances en souffrance est l’exigibilité. Les articles 6 et suivants du règlement suscité classent les créances en fonction du moment à partir duquel elles ont commencé à être exigibles.
De la lecture de l’article 7, il ressort que les créances immobilisées sont les créances détenues directement ou indirectement sur l’Etat échues depuis plus de 90 Jours, les créances impayées quant à elles sont des créances détenues sur les personnes privées, elles deviennent des créances impayées lorsqu’elles sont échues depuis une période en deçà ou égale à 90 jours pour les créances mobilières. Il s’agit « -des échéances de crédits autres qu’immobiliers impayées pendant une durée inférieure ou égale à 90 jours ;
-des loyers de location-simple, de location avec option d’achat ou de crédit-bail afférents à des biens mobiliers, impayés pendant une durée inférieure ou égale à 90 jours ;
-des dépassements par rapport aux limites de crédit autorisées (montant et/ou période de validité) enregistrés sur les comptes courants, qui ne sont pas régularisés dans un délai inférieur ou égal à 90 jours ;
– des intérêts et/ou du principal des titres de créance échus et impayés pendant une durée inférieure ou égale à 90 jours. »40
Il s’agit également des créances immobilières échues depuis plus de 90 jours et moins de 180 jours ce sont « des loyers de location-simple, de location avec option d’achat ou de crédit-bail afférents à des biens immobiliers et des échéances de crédits immobiliers impayés pendant une durée inférieure ou égale à 180 jours. »41
Au-delà de 180 jours passés depuis l’échéance du terme pour les créances immobilières, et de 90 jours pour les créances mobilières, les créances impayées deviennent des créances douteuses42.
Les créances en souffrance en plus d’être échues sont des créances non remboursées, c’est ce critère qui est déterminant dans leur distinction des autres types de créances proches. Les créances saines par exemple sont constituées de créances échues dont le remboursement s’effectue conformément aux dispositions contractuelles et qui sont détenues sur des contreparties dont la capacité à honorer l’intégralité de leurs engagements actuels et futurs ne soulève aucun motif d’inquiétude43.
Il en va de même pour les créances sensibles qui sont des créances dont le remboursement s’effectue conformément aux dispositions contractuelles, mais dont la capacité actuelle et future du bénéficiaire à rembourser, intégralement et à bonne date, ses engagements soulèvent des motifs d’inquiétude. Du fait de considérations intrinsèques (existence de signes de détérioration de la situation financière du client, problèmes au niveau du management, changement dans l’actionnariat, etc.) ou externes (difficultés au niveau du secteur d’activité du client, tendance baissière de la valeur de marché des titres émis par la contrepartie non justifiée par le niveau général de taux d’intérêt, etc.)44.
La classification des créances en souffrance est déterminée par le défaut de remboursement de la créance à terme. Il peut aussi arriver que le terme soit rapproché.
B – DES CRÉANCES NON REMBOURSÉES FRAPPÉES DE DÉCHÉANCE DU TERME
La déchéance du terme désigne la perte pour le bénéficiaire d’un contrat à échéance, de la faculté de payer sa dette selon l’échéancier prévu45. C’est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation. La déchéance du terme rend la dette immédiatement exigible46. Elle peut être légale ou conventionnelle.
La déchéance du terme conventionnelle ne pose aucun problème. Lorsque la déchéance du terme est conventionnelle elle devra être expressément prévue par les parties L’obligation devient immédiatement exigible dès lors que la cause de déchéance du terme prévue par les parties se réalise47.
La déchéance légale du terme à des causes et une mise en œuvre particulière. Parmi ses causes on retrouve : la diminution des suretés48, la défaillance l’emprunteur49, la liquidation des biens du débiteur50, la survenance d’impayés ou l’incapacité de remboursement du débiteur51.
Le règlement 2018/01 classe les concours frappés de déchéance. Les concours frappés de déchéance depuis moins de 90 jours pour tout motif autre que la survenance d’impayés ou l’incapacité de remboursement du débiteur font partie des créances impayées52. Les autres concours frappés de déchéance rentrent dans les créances douteuses. Il s’agit des concours frappés de déchéance depuis plus de 90 jours, ou ceux frappés de déchéance pour survenance d’impayés ou incapacité de remboursement du débiteur53.
La déchéance du terme qui résulte de l’insolvabilité du débiteur n’est pas encourue de plein droit, mais doit être demandée en justice. Ainsi, en cas de vente ou de réalisation du fonds de commerce, l’article 174 de l’acte uniforme sur les suretés autorise les créanciers chirographaires à demander en justice la déchéance du terme de leurs créances pour concourir à la distribution du prix.
La déchéance du terme rend les créances frappées exigibles au même titre que celles parvenues normalement à leur terme. Aussi, le retard dans le paiement de ces dernières entraine leur reclassement dans les catégories des créances en souffrance. En dehors de ces critères, une partie des créances douteuses répondent à des critères assez différents des autres créances en souffrance.
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40 Article 8 du règlement COBAC R 2018/01 op.cit.
41 Idem.
42 Article 9 du règlement COBAC R 2018/01 op.cit.
43 Article 4 du règlement COBAC R 2018/01 op.cit.
44 Article 6 du règlement COBAC 2018/01 op.cit.
45 BAMBE (A.), BOURDOISEAU (J.), « la déchéance du terme »,[en ligne], https://aurelienbambe.com. consulté le 18 avril 2020.
46 BALTA KALTO (A.), « la protection des créanciers du vendeur de fonds de commerce dans l’espace OHADA », revue de l’ersuma, N°6 janvier 2016 p. 140.
47 BAMBE (A.), BOURDOISEAU (J.), op.cit.
48 Article 109, 110, 175, acte uniforme des suretés en abrégé AUS.
49 Article 94 du règlement N° 03/16-CEMAC-UMAC-CM relatif au système, moyens et incidents de paiement.
50 Article 76 Acte uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif.
51 Article 8 du règlement COBAC R 2018/01
52 Article 8 du règlement COBAC R 2018/01 op.cit.
53 Article 9 ibid.