L’indépendance juridictionnelle de la commission est essentielle pour garantir l’impartialité dans le traitement des demandes d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires. Cet article analyse ses caractéristiques juridiques, soulignant son rôle en tant que juridiction civile spécialisée.
§2. Les caractéristiques juridictionnelles de l’indépendance de la commission
- L’indépendance juridictionnelle, a démontré Guy CARCASSONNE1, recèle deux caractéristiques essentielles et singulières : elle ne trouve ni ses bénéficiaires ni sa finalité en elle-même. Elle constitue selon cet auteur une garantie pour les justiciables et sa finalité réside dans la recherche de l’impartialité2.
L’indépendance de la commission pourrait alors, dans ce sens, être une indépendance juridictionnelle parce que non seulement elle n’est pas destinée à la commission elle-même, mais aux parties devant elle (A), mais aussi, elle a pour finalité l’impartialité des membres de cette institution (B).
Les destinataires de l’indépendance de la commission : les justiciables
- L’indépendance des juges et des juridictions n’est pas un privilège octroyé dans leur intérêt propre, mais, elle leur est garantie dans l’intérêt des justiciables3. En cela, une indépendance ne peut être dite juridictionnelle que si elle a été prévue comme une garantie au profit des parties à un procès4.
L’indépendance de la commission qui a été démontrée précédemment est-elle prévue pour le compte des justiciables ? Une réponse affirmative peut être apportée à cette interrogation, mais, avec des arguments beaucoup plus socio-historiques que juridiques.
L’indépendance de la commission constitue donc une garantie pour les victimes (1) et pour l’État (2) ; ceux-ci étant les justiciables devant cette institution.
L’indépendance de la commission comme une garantie pour les victimes
- La commission est une institution créée spécialement pour rendre justice aux victimes d’erreurs judiciaires. Elle est sensée arbitrer, d’une façon objective et désintéressée, les droits et les intérêts qui sont soumis à sa décision5 et c’est précisément là l’objet de son indépendance.
Les différentes garanties d’indépendance qui ont été prévues et notamment la collégialité permettent aux victimes d’obtenir une bonne justice qui sera rendue par la commission. Dans ce sens, il est clair que son indépendance ne peut avoir été prévue que dans l’intérêt des victimes.
Or, il est une constante que toute institution qui bénéficie des garanties d’indépendance prévue au profit, non de cet organe lui-même, mais des justiciables ne peut avoir qu’une nature juridictionnelle. C’est donc une évidence de parvenir à la conclusion selon laquelle la commission qui bénéficie des garanties d’indépendance, pas pour elle-même, mais spécialement pour les victimes d’erreurs judiciaires, pourrait avoir un caractère juridictionnel.
- L’indépendance de la commission ainsi que celle de ses membres n’est donc pas faite pour le plaisir de ceux-ci, mais, elle profitera à d’autres, spécialement aux victimes d’erreurs judiciaires. Ceci est vrai dans la mesure où c’est d’abord les victimes qui vont faire appel à cette institution, à la justice, si on peut le dire.
Mais, cette indépendance peut aussi profiter à l’État en sa qualité de partie devant la commission.
L’indépendance de la commission comme une garantie pour l’État
- L’État est partie principale devant la commission d’indemnisation. En effet, toute indemnité qui pourra être accordée à une victime d’erreurs judiciaires est à la charge de l’État6. Ce dernier sera généralement la partie défenderesse au procès devant la commission.
Parce qu’il est justiciable donc, l’indépendance de la commission est également prévue au profit de l’État. Il s’agit là d’une réalité plus profonde qui trouve son origine dans le contexte de la création de la commission.
Dans cette logique, cette institution a été créée par le premier code de procédure pénale camerounais qui a été analysé par tous les acteurs de la vie nationale et internationale comme une avancée considérable vers l’instauration de l’État de droit. La commission étant l’une des grandes innovations de ce texte, on ne peut s’empêcher de constater qu’elle constitue dans ce sens une manifestation de la volonté de l’État camerounais de concrétiser son avancée vers l’État de droit.
- L’indépendance des juridictions est par ailleurs un critère de définition de l’État de droit. C’est dans cette perspective que l’on pourrait comprendre l’importance des garanties d’indépendance entourant la commission. Ces différentes garanties sont donc prévues pour réaliser l’État de droit au Cameroun.
Autrement dit, l’indépendance de la commission profite à l’État dans ce sens qu’elle lui permet d’être un véritable justiciable devant celle-ci. C’est là tout l’intérêt de l’indépendance de la commission pour l’État en ce sens qu’elle serait l’un « des piliers sur lesquels repose l’État de droit »7.
En clair, l’indépendance de la commission profite aux victimes qui sont les initiatrices de son activité et à l’État qui doit se défendre contre les requêtes en indemnisation qui seront dirigées contre lui. Cette indépendance a alors pour finalité de permettre à la commission d’agir de manière impartiale.
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1 CARCASSONNE (G.), « Rapport introductif » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 33 ; V. aussi dans ce sens BERTHIER (L.), La qualité de la justice, thèse, Université de Limoges, 30 novembre 2011, p. 53, n° 41. ↑
2 CARCASSONNE (G.), « Rapport introductif » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 33. ↑
3 DUPLE (N.), « Les interventions externes qui menacent l’indépendance et l’impartialité de la justice » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 86. ↑
4 BERTHIER (L.), La qualité de la justice, op. cit., p. 132, n° 135. ↑
5 OSPINO GARZON (A. F.), L’activité contentieuse de l’administration en droit français et colombien, op. cit., p. 225. ↑
6 Art. 236 al. 3 C.P.P.C. ↑
7 [Référence manquante dans l’original]. ↑