L’impartialité de la commission d’indemnisation est essentielle pour garantir une justice équitable aux victimes d’erreurs judiciaires. Cet article analyse sa nature juridique, soulignant que la commission fonctionne comme une juridiction civile spécialisée, fondée sur des critères d’indépendance et d’impartialité.
La finalité de l’indépendance de la commission : l’impartialité
L’impartialité1 renvoie à un état d’esprit ou une attitude du juge faisant abstention de toute considération que celle d’appliquer aux faits la règle de droit pertinente2.
La notion d’indépendance appliquée aux juridictions trouve sa finalité dans la recherche de cette impartialité qui est nécessaire pour l’office du juge3. En effet, l’indépendance juridictionnelle « n’est qu’un moyen mis au service d’une autre fin, celle de l’impartialité, qui prémunit contre tout préjugé. »4.
Il a été reconnu que l’indépendance du juge n’est pas une fin en soi5, qu’elle est plutôt un moyen par lequel on parvient à une bonne justice c’est-à-dire une justice impartiale qui assurerait une égalité de tous les justiciables devant la loi. Ainsi, il se poser la question de savoir si l’indépendance de la commission a pour finalité de garantir l’impartialité6 de celle-ci en tant que juge.
7 SZEPLAKI-NAGY (G.), « Les protection statutaires et matérielles » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 115 ; LAMANDA (V.), Discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire 2009 in Cour de Cassation (française), Rapport annuel, 2008, p. 32 ; KOUAM (S. P.), « L’organisation juridictionnelle et la construction de l’État de droit au Cameroun » op. cit., pp. 79 et s.
8 L’impartialité est une absence de parti pris, de préjugé, de préférence, d’idée préconçue, exigence consubstantielle à la fonction juridictionnelle dont le propre est de départager des adversaires en toute justice et équité. V. CORNU (G.) (S/D), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 193. Sur les différentes conceptions de la notion d’impartialité, V. MAGNIER (V.), « La notion de justice impartiale », La semaine juridique, éd. gle, n° 36, septembre 2000, pp. 1595-1600 ; FRICERO (N.), « Impartialité » in CADIET (L.), Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, 1ère éd., 2004, pp. 607-610
9 Alors que l’indépendance, comme on l’a vu, renvoie à l’absence de lien de soumission envers le législateur et le gouvernement dans l’exercice de la fonction juridictionnelle. V. DUPLE (N.), « Les interventions externes qui menacent l’indépendance et l’impartialité de la justice » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 93
10 Sur les différentes dimensions de l’office du juge, lire notamment L’office du juge, Actes du colloque organisé par le Sénat français du 29 au 30 septembre 2006 précité.
11 CARCASSONNE (G.), « Rapport introductif » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 33 ; V. dans le même sens LAMANDA (V.), Discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire 2009 in Cour de Cassation (française), Rapport annuel, 2008, p. 31
12 FALL (A.-B.), « Les menaces internes » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 53
13 Selon Gérard Cornu, cette garantie se fait en deux étapes. D’abord, au moment des débats, il est attendu de la part du juge, une attention scrupuleuse à respecter et à faire respecter le principe de la contradiction, en veillant à ce que chacune des parties jouisse des mêmes chances de faire valoir ses prétentions, en tenant entre elles la balance égale dans la recherche des preuves. Ensuite, au moment, de la prise de décision, l’impartialité se manifeste par l’abstention de tout favoritisme, l’obligation rigoureuse de n’avantager aucun des plaideurs, de ne jamais statuer au profit de l’un d’eux pour d’autres raisons que celles qui tiennent au bien-fondé de ses prétentions, le devoir de stricte justice. V. CORNU (G.), ibid., p. 193.
La commission, dans sa mission de « dire le droit »14 dans le cadre d’un litige15, doit accomplir sa fonction de manière impartiale, sans pression d’aucune sorte, réelle ou potentielle, susceptible de restreindre l’autonomie de sa décision.
Les parties ne doivent pas avoir de motif raisonnable de questionner l’impartialité de la décision qui sera rendue dans le contexte d’un procès qui les concerne ; ce qui ne manquerait pas de survenir si le juge ne jouissait pas de garanties objectives d’indépendance le mettant à l’abri de toute influence indue16.
C’est à cette finalité seule que l’indépendance de cette institution a été prévue c’est-à-dire pour rendre une justice de manière impartiale en disant le droit relatif à l’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires. L’indépendance de la commission pourrait être qualifiée d’ « inutile »17 si elle n’était pas un moyen mis à son service pour accomplir sa mission de rendre justice.
L’indépendance de la commission en tant que juge18 n’a dès lors de valeur que si elle permet à celle-ci d’appliquer la loi de manière égale pour tous19.
Elle permet non seulement de restaurer la confiance rompue à l’égard des victimes d’erreurs judiciaires, mais aussi de désarmer l’État de ses prérogatives de puissance publique pour le rendre comme un simple justiciable devant elle.
C’est seulement dans cette posture que la commission pourra appliquer aux situations concrètes qui lui sont soumises les textes généraux et abstraits20 du code de procédure pénale relatifs à l’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires.
On comprend donc que c’est pour les parties devant elle et pour cette fin uniquement que la commission justifie son indépendance. Et c’est là finalement une caractéristique de l’indépendance juridictionnelle21.
En somme, l’indépendance de la commission ressemble bel et bien à une indépendance juridictionnelle. Mais, relativisons cette démonstration par cet enseignement d’un auteur22 bien averti : « l’indépendance vraie est une conquête quotidienne, et d’abord un effort sur soi-même. Et qu’on n’oublie surtout pas qu’elle n’est pas une fin en soi, mais un moyen au service de la justice, cet objectif jamais atteint, cette aspiration toujours vivante, qui, en prêtant son nom à une institution, lui a interdit le repos et la satisfaction de soi ».
Conclusion du chapitre 1
Au plan de l’organisation, la commission pourrait bien recevoir le qualificatif d’organe juridictionnel. Il pourrait s’agir d’une juridiction parce que d’une part elle est une instance collégiale, composée uniquement de personnes qui peuvent avoir la qualité de juges (professionnels et non professionnels).
La collégialité qui lui est appliquée paraît revêtir une caractéristique juridictionnelle tant il est vrai qu’elle est une émanation de la volonté du législateur et constitue, de ce fait, un principe légal et non pas une pratique quelconque.
Il pourrait s’agir d’une juridiction à cause d’autre part de son caractère indépendant ; une indépendance qui est à la fois organique et fonctionnelle. Son indépendance ressemble à celle appliquée aux instances juridictionnelles car, étant destinée à des justiciables et ayant pour finalité son impartialité.
La commission remplit donc le critère d’une organisation juridictionnelle. Cette organisation juridictionnelle qui se manifeste au final par deux principes (collégialité et indépendance) qui se recoupent au niveau du travail de la commission qui, une fois qu’elle aura décidé, ne peut être remis en cause que par des voies juridictionnelles.
Cette vérité permet de glisser inévitablement vers un autre critère non moins important à la démonstration de la nature juridictionnelle de la commission : c’est la procédure applicable devant cette institution.
23 MAIN (D.), « Regard désabusé sur l’acte de juger », op. cit., p. 114 ; V. aussi dans ce sens LAMANDA (V.), Discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire 2009 in Cour de Cassation (française), Rapport 2009, p. 32 ; CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC, L’indépendance judiciaire…contrainte ou gage de liberté, Actes du colloque 2002, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 2003, p. 63
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1 L’impartialité est une absence de parti pris, de préjugé, de préférence, d’idée préconçue, exigence consubstantielle à la fonction juridictionnelle dont le propre est de départager des adversaires en toute justice et équité. V. CORNU (G.) (S/D), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 193. Sur les différentes conceptions de la notion d’impartialité, V. MAGNIER (V.), « La notion de justice impartiale », La semaine juridique, éd. gle, n° 36, septembre 2000, pp. 1595-1600 ; FRICERO (N.), « Impartialité » in CADIET (L.), Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, 1ère éd., 2004, pp. 607-610. ↑
2 Alors que l’indépendance, comme on l’a vu, renvoie à l’absence de lien de soumission envers le législateur et le gouvernement dans l’exercice de la fonction juridictionnelle. V. DUPLE (N.), « Les interventions externes qui menacent l’indépendance et l’impartialité de la justice » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 93. ↑
3 Sur les différentes dimensions de l’office du juge, lire notamment L’office du juge, Actes du colloque organisé par le Sénat français du 29 au 30 septembre 2006 précité. ↑
4 CARCASSONNE (G.), « Rapport introductif » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 33 ; V. dans le même sens LAMANDA (V.), Discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire 2009 in Cour de Cassation (française), Rapport annuel, 2008, p. 31. ↑
5 FALL (A.-B.), « Les menaces internes » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 53. ↑
6 Selon Gérard Cornu, cette garantie se fait en deux étapes. D’abord, au moment des débats, il est attendu de la part du juge, une attention scrupuleuse à respecter et à faire respecter le principe de la contradiction, en veillant à ce que chacune des parties jouisse des mêmes chances de faire valoir ses prétentions, en tenant entre elles la balance égale dans la recherche des preuves. Ensuite, au moment, de la prise de décision, l’impartialité se manifeste par l’abstention de tout favoritisme, l’obligation rigoureuse de n’avantager aucun des plaideurs, de ne jamais statuer au profit de l’un d’eux pour d’autres raisons que celles qui tiennent au bien-fondé de ses prétentions, le devoir de stricte justice. V. CORNU (G.), ibid., p. 193. ↑
7 SZEPLAKI-NAGY (G.), « Les protection statutaires et matérielles » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 115 ; LAMANDA (V.), Discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire 2009 in Cour de Cassation (française), Rapport annuel, 2008, p. 32 ; KOUAM (S. P.), « L’organisation juridictionnelle et la construction de l’État de droit au Cameroun » op. cit., pp. 79 et s. ↑
8 L’impartialité est une absence de parti pris, de préjugé, de préférence, d’idée préconçue, exigence consubstantielle à la fonction juridictionnelle dont le propre est de départager des adversaires en toute justice et équité. V. CORNU (G.) (S/D), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 193. Sur les différentes conceptions de la notion d’impartialité, V. MAGNIER (V.), « La notion de justice impartiale », La semaine juridique, éd. gle, n° 36, septembre 2000, pp. 1595-1600 ; FRICERO (N.), « Impartialité » in CADIET (L.), Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, 1ère éd., 2004, pp. 607-610. ↑
9 Alors que l’indépendance, comme on l’a vu, renvoie à l’absence de lien de soumission envers le législateur et le gouvernement dans l’exercice de la fonction juridictionnelle. V. DUPLE (N.), « Les interventions externes qui menacent l’indépendance et l’impartialité de la justice » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 93. ↑
10 Sur les différentes dimensions de l’office du juge, lire notamment L’office du juge, Actes du colloque organisé par le Sénat français du 29 au 30 septembre 2006 précité. ↑
11 CARCASSONNE (G.), « Rapport introductif » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 33 ; V. dans le même sens LAMANDA (V.), Discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire 2009 in Cour de Cassation (française), Rapport annuel, 2008, p. 31. ↑
12 FALL (A.-B.), « Les menaces internes » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 53. ↑
13 Selon Gérard Cornu, cette garantie se fait en deux étapes. D’abord, au moment des débats, il est attendu de la part du juge, une attention scrupuleuse à respecter et à faire respecter le principe de la contradiction, en veillant à ce que chacune des parties jouisse des mêmes chances de faire valoir ses prétentions, en tenant entre elles la balance égale dans la recherche des preuves. Ensuite, au moment, de la prise de décision, l’impartialité se manifeste par l’abstention de tout favoritisme, l’obligation rigoureuse de n’avantager aucun des plaideurs, de ne jamais statuer au profit de l’un d’eux pour d’autres raisons que celles qui tiennent au bien-fondé de ses prétentions, le devoir de stricte justice. V. CORNU (G.), ibid., p. 193. ↑
14 Sur la façon dont la commission dit le droit, V. infra n°s 158 et s. ↑
15 Sur la notion de litige devant cette institution, V. infra n°s 101 et s. ↑
16 DUPLE (N.), « Les interventions externes qui menacent l’indépendance et l’impartialité de la justice » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 86. ↑
17 CARCASSONNE (G.), « Rapport introductif » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 41. ↑
18 Le terme juge a été défini comme « toute juridiction, de quelque nature, degré, ordre qu’elle soit ». V. dans ce sens, DEPAMBOUR-TARRIDE (L.), « Juge (Longue durée) » in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (S/D), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 867. Il est également défini selon deux acceptions : il peut s’agir de la juridiction dans son ensemble ou du magistrat pris individuellement. V. à cet effet BONNEMAISON (J.-L.), La responsabilité juridictionnelle, op. cit., p. 10, n° 10 ; MATRINGE (E.), « L’office du juge et le déploiement dans le temps des effets de sa décision en droit français et en droit suisse », Jurisdotoria, n° 7, 2011, p. 74. ↑
19 VEROUGSTRAETE (I.), « Rapport de synthèse » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 159. ↑
20 SZEPLAKI-NAGY (G.), « Les protection statutaires et matérielles » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 116. ↑
21 BESSIS (Ph. R.), Procédures disciplinaires à l’encontre des professionnels de santé et des auxiliaires médicaux, Éditions Vision du futur, mai 2011, p. 353 http://editionsvisiondufutur.com/doc/souscri-new.pdf ; consulté pour la dernière fois le 23 mars 2016 à 17h 21mn. ↑
22 MAIN (D.), « Regard désabusé sur l’acte de juger », op. cit., p. 114 ; V. aussi dans ce sens LAMANDA (V.), Discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire 2009 in Cour de Cassation (française), Rapport 2009, p. 32 ; CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC, L’indépendance judiciaire…contrainte ou gage de liberté, Actes du colloque 2002, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 2003, p. 63. ↑
23 MAIN (D.), « Regard désabusé sur l’acte de juger », op. cit., p. 114 ; V. aussi dans ce sens LAMANDA (V.), Discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire 2009 in Cour de Cassation (française), Rapport 2009, p. 32 ; CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC, L’indépendance judiciaire…contrainte ou gage de liberté, Actes du colloque 2002, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 2003, p. 63. ↑