Accueil » La diplomatie camerounaise dans les instances multilatérales africaines » Réalisme en relations internationales et diplomatie camerounaise

Réalisme en relations internationales et diplomatie camerounaise

Cet article explore le réalisme en relations internationales, une doctrine essentielle qui s’oppose à l’idéalisme et souligne l’importance des intérêts nationaux dans la diplomatie des États, notamment celle du Cameroun. Diplomatie camerounaise et instances multilatérales: Dans cet article, l’auteur explore la diplomatie camerounaise au sein des instances multilatérales, notamment l’OUA et l’UA, mettant en lumière leur impact sur la politique africaine.

IV : CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE

1- Clarification conceptuelle

L’éclairage conceptuel renvoie à des mots clés qui structurent ou articulent un thème de recherche. Pour ce qui est de notre objet de recherche, quatre (4) concepts clés se greffent autour dudit sujet : Diplomatie, Instances Multilatérales, OUA et UA.

A- La diplomatie

Le terme diplomatie a une extension large, mais l’essentiel a trait aux relations internationales. Ce concept est d’origine grecque, et à double usage. D’une part, en tant que verbe ‘’Diploo’’, il renvoyait à un double pliage et, d’autre part, en tant que nom ‘’Diploma’’, il désignait, tout au long du moyen âge, les documents pliés d’une manière singulière et qui conférait à leur porteur des droits et des privilèges.

C’est  ‘’la conduite des relations extérieures par le moyen de la représentation et de la négociation’’. Jean Serres la définit comme ‘’l’art d’attirer des sympathies à son pays et de l’entourer d’amitiés qui protègent son indépendance, et aussi de régler pacifiquement les conflits internationaux.

C’est en même temps la technique patiente qui préside au développement, sur le mode pacifique et conciliateur des relations internationales’’. D’après le lexique de science politique, c’est  ‘’l’ensemble des moyens et des activités qu’un Etat consacre à la gestion de sa politique étrangère’’.

Par son action diplomatique, un Etat recherche avant tout la préservation de ses intérêts vitaux et son rayonnement sur la scène internationale. La diplomatie camerounaise dont il est question dans cette étude renvoie explicitement à la manière dont le Cameroun mène sa politique au sein des instances régionales en vue de la construction d’un espace continental de paix, prospère, libre et évolué.

B- Instances multilatérales

Le concept d’instance fut emprunté au XIIIe siècle du latin ‘’instantia’’, qui laisse entrevoir par-là imminence, application ardue, sollicitation pressante, vive insistance. Du point de vue juridique, ce concept renvoie à une procédure engagée devant une juridiction. La terminologie multilatérale pour sa part est perçue  de manière classique  comme ‘’tout processus de coopération entre un minimum de trois Etats’’.

Ce concept fut apparu tout abord en Europe sous forme d’une série de grandes conférences diplomatiques visant à restaurer la paix après de grands conflits. Il connait une ébauche d’institutionnalisation au XIXe siècle à travers d’une part le « concert européen » entre grandes puissances et d’autre part les premières ‘’unions’’ internationales comme l’union postale universelle de 1874. Il faut toutefois attendre la société des nations (SDN) pour voir émerger dans l’entre-deux-guerres une première organisation internationale avec des fonctions de sécurité collective.

C’est surtout depuis 1945 que le multilatéralisme ou multilatéral se développa de manière spectaculaire avec la prolifération d’organisations internationales à vocation universelle et régionale. Ce concept s’oppose au bilatéralisme, et plus encore à l’unilatéralisme notamment l’exceptionnalisme américain des années 1990-2000. Dans le cadre de ce travail scientifique, le concept d’instance multilatérale renvoie à toute organisation inter-état créée en Afrique dans le but de catalyser le développement du continent.

C- OUA

L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) est une instance continentale africaine mise sur pied le 25 mai 1963 à Addis-Abeba en Ethiopie. La naissance de cette organisation résulta d’une division idéologique du continent entre les maximalistes ou pro-communistes avec comme figure de proue le Ghanéen Kwame Nkrumah, et le groupe des progressistes ou pragmatiques, ayant pour chefs d’orchestre Felix Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire et Ahmadou Ahidjo du Cameroun entre autre.

C’est ce dernier groupe qui l’emporta, en engageant ainsi le continent africain sur la voie du régionalisme ou du panafricanisme d’intégration régionale. Pour ce qui est du prisme de ce sujet, l’OUA fut une tribune privilégiée pour la diplomatie camerounaise, et cela nous emmène d’ailleurs à montrer comment celle-ci s’est déployée jusqu’à sa mutation en UA en 2002.

D- UA

L’Union Africaine (UA) est une organisation continentale créée au tout début du XXIe siècle. Elle est née sous les centres de la défunte OUA, dans un contexte interne à l’Afrique ponctué par l’accroissement des conflits et de crises. Ce fut le cas à titre indicatif de la crise politico-diplomatique entre le Cameroun et son voisin Nigérian au sujet de la péninsule de Bakassi, ou encore du différend opposant l’Algérie au Maroc au sujet de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental.

C’est suite à l’inaction, et à l’incapacité de l’OUA de trouver des alternatives à la situation de l’Afrique que l’Union africaine vit le jour le 9 juillet 2002 à Durban en Afrique du Sud. Au regard de notre objet de recherche, nous allons essayer de montrer comment la diplomatie camerounaise s’est déployée au sein de cette nouvelle organisation depuis sa genèse en 2002.

2-) Cadre théorique d’analyse

Imaginer les relations internationales sans aucun cadre de référence théorique est impensable. Selon Scott Burchill :

Les théories fournissent un ordre intellectuel dans la manière d’étudier les relations internationales.

Les théories nous permettent de conceptualiser et de contextualiser les évènements du passé et ceux du présent. Elles nous fournissent aussi une gamme de matière, d’interpréter des questions complexes. Les théories nous aident à orienter et à discipliner notre esprit face aux problèmes déconcertants qui nous entourent. Elles nous aident à penser de façon critique et cohérente.

Juste à la suite de cet auteur, la théorie en sciences humaines et sociales désigne d’après Salmon : ‘’un ensemble systématisé d’idées et de lois émises, d’une manière logique à une vérification expérimentale, afin d’établir la vérité d’un système scientifique’’. C’est aussi une construction conceptuelle, qui, comme une règle, explique des actions ou des faits. Le cadre théorique permet de ce fait de fixer le réel scientifique, de l’analyser, de le comprendre, et de l’interpréter.

Ainsi fait, deux principales approches théoriques vont guider cette étude : il s’agit du réalisme et du libéralisme. Le recours exclusif à ces deux théories pourrait susciter quelques reproches, mais elles cadrent le mieux avec l’objectif de cette étude ; celui de montrer comment en tant qu’instrument de projection, la diplomatie camerounaise s’est déployée dans les instances multilatérales africaines notamment à l’OUA/UA de 1963 à 2003.

A-) Le réalisme politico-diplomatique du Cameroun qui réside dans la défense de ses intérêts et la quête du rayonnement à l’échelle continentale.

Le réalisme est une doctrine et une praxéologie des relations internationales. Il se définit principalement comme opposition à ce qu’il nomme l’espoir ou l’illusion idéaliste d’un système international, il est fondé sur la négation de la force et la valeur absolue accordée à une idée ou à une loi.

Les principaux précurseurs de ce courant sont : Thucydide (460-400 avt J-C), Nicholas Machiavel (1469-1527), Thomas Hobbes (1588-1679), Carl Von Clausewitz (1780-1831), Raymond Aron (1905-1983), Andrew Moravcisk, Hans Morgenthau, Kenneth Waltz, Edward Hallett Carr et Henry Kissinger. L’approche réaliste s’adapte le mieux à toute analyse relative à l’étude du déploiement de la diplomatie d’un Etat au sein d’une institution à vocation multilatérale comme c’est d’ailleurs le cas de l’OUA/UA.

Parler du réalisme, c’est évoquer également un certain nombre de postulats, consubstantiels aux relations internationales. De ce fait, Philippe Marchesin liste quatre (4) principaux postulats :

  1. La scène internationale qui est caractérisée par l’anarchie et son corollaire, l’état de guerre, que nulle autorité supranationale ne peut empêcher ;
  2. Les acteurs principaux des relations internationales qui sont les Etats ;
  3. Les Etats qui cherchent à maximiser leur intérêt national défini en termes de puissance ;
  4. La stabilité internationale ne peut être assurée, de façon provisoire que par l’équilibre des puissances.

Les réalistes se fondent sur l’appréhension des rapports entre les groupes sociaux et politiques tels qu’ils sont au-delà de ce qu’on voudrait qu’ils soient au nom d’un certain idéal comme formulé par les libéraux. Il s’agit comme le stipulait Georges Washington (1732-1799) ‘’De ne croire aucune nation au-delà de son intérêt’’. Or, si chaque Etat poursuit au travers de ses représentants notamment les diplomates pour ne citer que ceux-ci, son propre intérêt dit ‘’national’’, il se confronte au même désir de la part des autres Etats ; d’où le conflit.

Dans ce contexte et au-delà du caractère pluriel de la théorie, les réalistes préconisent la lucidité de l’action à la spéculation normative, moraliste et institutionnelle des libéraux.

Par rapport à l’intérêt, Robert Jervis définit ce terme comme ‘’un mécanisme permettant aux Etats d’accepter les concessions dans des circonstances particulières pourtant peu favorables à la collaboration’’. Cette connaissance de l’intérêt participait également au besoin de mettre en œuvre une politique aussi ‘’raisonnable et rationnelle’’ que possible. L’intérêt fut donc érigé comme unique justificatif à l’action internationale.

Vue sous cet angle, la diplomatie camerounaise dans les instances multilatérales africaines s’inscrit dans cette droite ligne et ne fait pas acte de charité. Cette mobilisation de l’arsenal diplomatique du Cameroun vise d’abord la recherche de son intérêt, et la quête du rayonnement à l’échelle régionale. Reconnaitre l’importance de ce paradigme pour cette étude ne signifie pas pour autant qu’il demeure infaillible.

Ce courant a d’ailleurs subi de vives critiques ces dernières décennies. On lui reprochait de considérer les intérêts nationaux comme étant le résultat d’une décision politique rationnelle quantifiable parce que les profits espérés de cette décision n’étaient pas toujours supérieurs aux coûts qui l’ont engendrée. Parfois aussi, il était reproché aux réalistes de se contredire constamment, en estimant le plus souvent que ‘’la politique extérieure est sans rapport avec la politique intérieure’’.

Cette assertion qui a toujours divisée les réalistes jusqu’ici est inadaptée au fondement actuel des relations internationales qui s’exonèrent autour des rapports de force et la recherche du gain national. Dans cet objet de recherche, nous allons également montrer comment la politique africaine du Cameroun par le biais de sa diplomatie est en quelque sorte itinérante de sa politique intérieure.

B-) Le libéralisme pour comprendre le déploiement diplomatique du Cameroun axé sur la préservation de la paix, catalyseur essentiel en vue de l’évolution du continent.

Dominant tout au long de la guerre froide, le réalisme n’a pas été le premier paradigme central des relations internationales. En effet, c’est le libéralisme, dans sa variante idéaliste, qui a prévalu lors de la naissance de la discipline. Cette théorie trouve ses fondements dans la pensée philosophique d’Erasme dont on reconnait la célèbre formule : ‘’la guerre ne paie pas’’.

A sa suite, les auteurs comme Woodrow Wilson, Emmanuel Kant, Jérémie Bertham, Adam Smith, et Richard Cobden défendaient l’idée de la mise en place d’un système commun des droits et des devoirs capable d’assurer la paix de manière perpétuelle entre les hommes, et de sur quoi la continuité de la pensée libérale. Le libéralisme prône la moralisation des relations internationales. La paix, l’amitié, la coopération, et les préférences éthiques constituent le socle sur lequel les relations internationales doivent se construire.

La théorie libérale pose les postulats suivants :

  1. La propagation de la démocratie à travers le monde limite les risques de conflits entre les Etats ;
  2. L’échange commercial encourage la coopération et dissuade les Etats de se faire la guerre ;
  3. Les institutions internationales dotées d’un pouvoir stabilisateur, dissuadent les Etats à travers les mécanismes de sanction, de recourir à la recherche des gains unilatéraux pour rechercher les gains partagés dans la coopération ;
  4. L’intérêt national se réalise dans la coopération.

Nous utiliserons cette dernière frasque pour montrer également comment dans certains cas, le Cameroun de par sa diplomatie, est capable aussi bien dans le cadre d’un déploiement à caractère bilatéral ou multilatéral, de défendre ses intérêts, sans toutefois mettre en péril ceux de ses partenaires, ce dans un climat de paix et de stabilité.

En s’appuyant sur les libéraux, nous indiquerons également comment la diplomatie camerounaise à l’OUA/UA accorde également une place prépondérante à la recherche de la paix en Afrique et au respect du Droit international, gagent pour une évolution progressive du continent.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)
Scroll to Top