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Découvrez comment la crise politique et économico-structurelle a entravé l’implication diplomatique du Cameroun à l’OUA entre 1983 et 1998, révélant des enjeux méconnus de cette période.

Le 32ème sommet de l’OUA à Yaoundé : enjeux diplomatiques: Cet article explore le 32ème sommet de l’OUA à Yaoundé, soulignant son importance pour la diplomatie camerounaise et les enjeux politiques et économiques de l’époque, et comment la diplomatie préventive, abordée par le président camerounais, a influencé l’OUA et les dynamiques africaines dans cet article captivant.

2. Un déploiement diplomatique certes continu mais en proie à une baisse d’intensité : 1983-1998

Dans cette rubrique, nous allons mettre un accent sur les facteurs qui justifient dans une certaine mesure la faible implication diplomatique du Cameroun à l’OUA sous Biya de 1983 à 1991. Enfin, un des points forts à mettre sans aucun doute à l’actif de celui-ci est le fait qu’il a décroché l’organisation du 32ème sommet de l’OUA à Yaoundé en 1996.

2.1. Les obstacles à la faible implication diplomatique du Cameroun à l’OUA

Comme nous l’avons relevé plus haut, l’implication diplomatique du Cameroun dans la dynamique fonctionnelle de l’OUA sous la présidence d’Ahmadou Ahidjo n’a pas suivi la même dynamique avec Paul Biya. On observe à ce sujet une baisse considérable d’intensité ou de régime qui est perceptible par son absentéisme notoire aux différents sommets de l’organisation de 1983 à 1991. En plus, on note de nombreux arriérés dans le versement des cotisations.

A ce sujet, plusieurs freins d’ordre endogène peuvent dans une certaine mesure expliquer ce difficile déploiement du Cameroun à l’OUA : la crise politique post-alternance de 1983 à 1985, la crise économico-structurelle de 1986 à 1989 et la difficile démocratisation de 1990 à 1992.

La crise politique post-alternance (1983-1985)

Entre 1983-1985, l’Etat du Cameroun traverse une crise politique post-alternance qui a influé son déploiement au sein de l’OUA. Ainsi, le 18 juin 1983, quelques jours après la fin de sa tournée de prise de contact à travers le pays, le nouveau président de la République procède à un remaniement du gouvernement sans informer ni consulter l’ancien président Ahmadou Ahidjo.

Il limoge ainsi tous les anciens collaborateurs et fidèles de son prédécesseur à l’instar de Victor Ayissi Mvondo ministre d’Etat chargé de l’administration territoriale, Sadou Daoudou secrétaire général à la présidence de la République et Samuel Eboua ministre chargé de l’agriculture. Néanmoins, des proches d’Ahidjo restent dans le navire.

Ce remaniement marqua soudainement le début de la crise politique, qui se culmine avec une tentative de putsch l’année suivante en 1984 dans la nuit du 5 au 6 avril. Ceci conduit à la condamnation à mort par contumace d’Ahmadou Ahidjo, qui entre temps prend le chemin des vacances puis de l’exil. Cette crise s’étale jusqu’au 21-24 avril 1985 à Bamenda lieu où se tient le 4ème congrès de l’UNC, et sa mutation en RDPC, consacrant ainsi une rupture totale des liens avec son prédécesseur.

Quoiqu’il en soit, cette crise politique post-alternance a eu un impact direct sur l’implication du Cameroun dans la dynamique fonctionnelle de l’OUA. A cet effet, ceci peut être explicable par le fait que durant cette période, le président n’a pas assisté personnellement à un sommet de l’OUA, à l’exception de celui de 1983 à Addis-Abeba. Lors des sommets de 1984 et 1985 qui coïncident avec cette période de crise politique, le président Paul Biya a été représenté respectivement par William Aurélien Eteki faisant office de ministre des Relations Extérieures et chef de la délégation en 1984 et de Youssoufa Daouda, ministre d’Etat chargé du MINEPAT qui fait office de chef de la délégation camerounaise en 1985.

Contrairement à son prédécesseur qui a fait de l’OUA une tribune privilégiée pour écarter la menace nationaliste upéciste lors de la première décennie post-indépendance, le nouveau chef de l’Etat Camerounais a décidé d’opter pour le repli afin de se concentrer personnellement à la situation politique interne qui prévaut dans son pays.

A peine la crise politique post-alternance achevée, le Cameroun a connu à nouveau une nouvelle turbulence interne mais cette fois-ci d’obédience économique, qui est perceptible au niveau de l’instance par des arriérés de versement des cotisations.

La crise économico-structurelle (1986-1989)

Juste après la sortie de crise politique post-alternance, le Cameroun entra dans une grave période de turbulences économiques dont il commença à voir la fin qu’au sortir du XXème siècle. Significatifs sont les six accords signés avec le FMI et les trois plans d’ajustement structurel (PAS) mis en œuvre entre 1988 et 2000.

Pourtant, quelques années auparavant, notamment au cours des années 1970, le Cameroun a tout son potentiel économique et fait figure de modèle économique africain. Il semble donc promu à un développement économique et social. Mais à partir de 1986-1989, ‘’le réveil est douloureux pour les Camerounais’’. Alors que les finances publiques connaissent un déficit de sept milliards de FCFA lors de l’exercice 1980-1981, celui-ci s’accroit considérablement atteignant deux cents trente milliards de 1985-1986. Ce sont ces deux dernières années qui marquent véritablement le début de la crise économique.

Durant la première moitié des années 1980, diverses performances économiques parviennent à masquer les faiblesses de l’économie et des finances camerounaises. A côté de ça, rappelons que le début des années 1980 est tout aussi caractérisé d’un point de vue synoptique par la crise internationale de la dette, et les institutions internationales multilatérales conçoivent un joyau formidable pour venir à bout de la dynamique d’endettement et d’expansion du capitalisme d’Etat répandu dans les pays encore en développement : les ajustements structurels.

Du fait de la raréfaction des financements extérieurs, le Cameroun fut contraint à revoir certaines de ses options diplomatiques. Cette révision entraîna une contraction de son outil diplomatique : il s’ensuivit une mise en hibernation financière des missions diplomatiques et la fermeture des missions économiques et commerciales qui ont essaimé dans les années 1980.

Cette crise économico-structurelle (1986-1989) a eu plusieurs effets sur l’implication diplomatique du Cameroun dans le fonctionnement de l’OUA d’abord dans la mesure où le président Paul Biya n a pris part à aucun sommet de l’OUA durant cette période. De plus, le pays n’arrive plus à honorer à ses engagements financiers vis-à-vis de l’organisation. A ce sujet, entre l’intervalle 1985-1987, le Cameroun accumule soit une dette de près de 730.667,24 $ E.U, soit 401 866 982 francs cfa. Soit 125.873,66 $ E.U c’est-à-dire 69 230 513 francs cfa au titre de l’exercice 1985-1986 et 604.794, 50 $ E.U, soit 332 636 975 francs cfa au titre de l’exercice 1986-1987. Ce montant augmenta entre 1987 et 1993.

Sans entrer dans plus de détails concernant cette crise, il est important de préciser que la situation économique du pays n’a connu qu’un regain de stabilité qu’au sortir du siècle. Juste après cette crise économico-structurelle, le Cameroun fit également face à une difficile démocratisation de 1990 à 1992. Durant les années 1990, en Afrique francophone de manière large et au Cameroun de façon précise, ce fut le temps de la Baule qui inaugura la course au multipartisme.

Comme dans les autres pays francophones au Sud du Sahara, l’accent fut mis sur l’organisation d’élections transparentes supervisées par des observateurs internationaux et la soumission des rapports sur la situation des droits de l’homme devant la commission des droits de l’homme des Nations Unies, entre autres.

En clair, les ressources symboliques et le capital diplomatique sont mis au service de ces priorités pendant que la bataille contre la crise économique et les revues trimestrielles menées du FMI gagnent en importance. Suite à cette situation liée au contexte des années 1990, cela contribua à impacter sur l’implication et le déploiement diplomatique du Cameroun au sein de l’OUA. A ce sujet, le chef de l’Etat ne faisait toujours pas preuve de régularité aux différents sommets des chefs d’Etat et de gouvernement, en plus des arriérés dans le versement des cotisations qui persistaient toujours durant cette période de gestation démocratique.

Au regard de ces différentes crises qui survinrent lors de la première décennie d’accession à la magistrature suprême du président Paul Biya, celles-ci ont entraîné un statuquo dans le déploiement et l’implication du Cameroun dans la dynamique fonctionnelle de l’OUA. Malgré cela, le pays a tout de même eu le privilège d’organiser le 32ème sommet de l’organisation, une première depuis la genèse de l’instance le 25 mai 1963.

Le 32ème sommet de l’OUA à Yaoundé 8-10 juillet 1996

L’organisation du 32ème sommet de l’OUA à Yaoundé est à mettre à l’actif des dirigeants Camerounais dans l’ensemble. A cet effet, c’est au cours du 30ème sommet de l’organisation tenu en Tunisie en juin 1994 que le Cameroun fut désigné pour abriter la conférence des chefs d’Etat de l’organisation panafricaine deux ans plus tard. En 1995, Ferdinand Oyono alors ministre des Relations Extérieures de l’époque, de retour d’Addis-Abeba ne se fait plus de souci dans la mesure où son pays vient d’épurer ses arriérés de cotisation qui s’élève à environ cinq cents millions de FCFA auprès de l’OUA. Membre fondateur de l’organisation, le Cameroun n’a jamais abrité un sommet de l’OUA jusqu’à celui-ci.

Pourtant le diplomate Oyono fait partie de la délégation qui s’est rendue à Addis-Abeba à la suite du président Ahidjo le 25 mai 1963 pour participer à la création de cette organisation. Il donne les raisons de la tenue du sommet de l’OUA à Yaoundé en ces termes :

‘’…le Cameroun en tant que membre fondateur entendait ainsi apporter une fois de plus sa contribution au progrès de l’Afrique, au progrès de l’OUA. Ceci fait partie des responsabilités normales attachées à la qualité de membre d’une organisation internationale…’’

Au cours de la réunion préparatoire dudit sommet, le comité d’experts de l’organisation africaine a retenu trente-cinq (35) thèmes relevant des domaines suivants : politique, économique, social, financier de la coopération multilatérale et politique extracontinentale de l’OUA. Ainsi, pas moins de 31 chefs d’Etat et du gouvernement, de ministres et de chefs de délégations venues de tout le continent africain ont honoré à ce rendez-vous de la capitale camerounaise. Pour la réussite d’une telle entreprise, c’est le ministre des Relations extérieures qu’incombe une des plus lourdes tâches des préparatifs, à savoir s’assurer et veiller à la bonne tenue et à la participation effective des différentes délégations, en vue d’un établissement ou d’un renforcement des liens de coopération.

De l’avis de certains observateurs afro pessimistes, ne doit pas se tenir compte tenu de l’absentéisme notoire du président Paul Biya à presque tous les sommets de l’institution de 1983 à 1991 d’une part, du climat sociopolitique qui règne en Afrique dans les années 1990 caractérisé par les conflits ethniques, les guerres frontalières d’autre part. A tous ceux-là, Ferdinand Léopold Oyono, Vice-président du comité national d’organisation dudit sommet et qui est l’un des principaux artisans de sa tenue répond au cours d’une interview en prélude au sommet de Yaoundé en ces termes :

…Nous déplorons comme vous ces conflits qui déchirent le continent. Ils constituent hélas un obstacle réel au développement économique et social des pays concernés ; mais en aucun cas ils ne sauraient être la preuve de l’échec de la dynamique unitaire inspirée par l’OUA. L’OUA est un organe de concertation et de décision par excellence, les rencontres périodiques des chefs d’Etat et de gouvernement voire les différents conseils des ministres ne sont que la partie visible de l’iceberg….

Sur le plan économique et social, l’actualité africaine est marquée par la psychose qui règne au Burundi. Toutefois, les participants ont pu débattre également sur l’état des conflits Rwandais, Libériens et Somaliens. A ce sujet, une résolution portant sur le maintien de la paix et de la sécurité est prise à la sortie de ce sommet.

Hors mis ces problèmes de paix qui affectaient le continent africain, le sommet de Yaoundé a permis de débattre des questions économiques régionales mais également de la promotion d’un développement durable. Parlant du rôle de l’OUA sur la situation économique des pays d’Afrique Ferdinand Léopold Oyono ministre des Relations extérieures déclare que :

…Les problèmes liés à la décolonisation du continent, à l’Apartheid étant déjà réglés, il était important pour l’organisation de s’attaquer aux questions essentielles de la survie et du bien-être des peuples. Une partie des discussions aura porté sur les rails du traité d’Abuja instituant la Communauté économique africaine entrée en vigueur en mai 1994….

Ce sommet a aussi permis aux différents participants d’aborder la question de dette extérieure, de la situation socio-économique de l’Afrique, la coopération et de l’intégration économique régionale. La promotion d’un développement durable, le maintien de la paix et de la sécurité, tout comme la gestion de l’environnement et de la promotion de la culture et des industries africaines ne sont pas en reste.

En somme, le 32ème sommet de l’OUA à Yaoundé du 8 au 10 juin 1996 est pour la diplomatie camerounaise un rendez-vous d’une Afrique qui, consciente des enjeux et du climat qui sévit à l’époque, devait se préparer pour le troisième millénaire ; se débarrasser de ses tabous. C’est bien évidemment un succès pour sa diplomatie qui est jusqu’ici en panne depuis le début des années 1980.

Après la tenue de ce sommet qui s’est achevée comme lors de la cérémonie d’ouverture par un discours de clôture du chef de l’Etat camerounais qui est aussi président en exercice de l’OUA, le 25 mai 1997 était consacré à la journée de l’Afrique. Il a prononcé également un discours pour la circonstance. Il souligne son attachement à une diplomatie préventive face aux regains de tensions que connaissent certains pays africains en conflit notamment le Zaïre. Il a achevé son propos en se projetant déjà sur le prochain sommet de l’OUA à Harare en vue d’appréhender à nouveau cette question.

Sauf qu’à la surprise générale lors de la tenue dudit sommet du 2 au 4 juin 1997, le chef de l’Etat choque ses pairs lorsqu’il ne se rend pas audit sommet et pourtant il est toujours président en exercice de l’OUA, alors qu’il devait passer le témoin à son homologue Zimbabwéen Robert Mugabe. Il se fait représenté par son premier ministre Peter Mafany Musonge. Cette nouvelle attitude du président Biya fut perçue par les autres Etats membre de l’OUA présents à Harare comme une véritable claque à l’égard de l’institution continentale.

Nous pouvons affirmer que de 1963-1998, nous sommes quittés d’une diplomatie présidentielle avec Ahidjo qui prend toujours part à toutes les rencontres continentales, pour une autre représentative avec Paul Biya qui répond aux abonnés absents aux assises régionales africaines, se faisant représenté à chaque fois soit par le MINREX, le 1er ministre ou par le président de l’Assemblée nationale.

Ainsi, après avoir présenté l’implication de celle-ci dans la dynamique fonctionnelle de l’OUA qui a connu deux séquences opposées, nous allons essayer de montrer comment celle-ci s’est impliquée dans l’avènement de l’UA.

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