Le cadre juridique de la valorisation immobilière

« Les Cadres juridiques et techniques de la valorisation » – 2ème PARTIE :
Le terme générique de Valorisation, en vogue actuellement, est employé dès qu’une mise en valeur est souhaitée ou a été réalisée. Il désigne aussi bien le simple rafraîchissement que le changement d’affectation, en passant par l’augmentation de surfaces ou la modification de la répartition des locaux. Il s’applique aussi bien à des opérations de marchand de biens qu’à des travaux réalisés par un locataire.
De fait, une grande partie du patrimoine immobilier parisien est ancien et ne correspond plus aux besoins et aux attentes des entreprises modernes, adeptes des nouvelles technologies. Aussi, les projets deviennent de plus en plus complexes. En outre, les contraintes architecturales et administratives se montrent de plus en plus sévères. La qualité du tissu urbain environnant se doit d’être respectée. La réhabilitation des immeubles, indispensable aujourd’hui pour s’adapter à la potentialité de la clientèle, se heurte à de nombreuses contraintes.
A noter qu’il semblerait plus judicieux d’utiliser le terme de réhabilitation plutôt que de rénovation, dans la mesure où ce dernier terme a pris un sens particulier dans l’expression « rénovation urbaine » réglementé par les dispositions L.312-1 et suivantes du Code de l’Urbanisme, abrogées par les dispositions de la loi du 18 juillet 1985.
La valorisation concerne donc la réalisation de travaux aussi bien dans les parties communes que dans les parties privatives, sur le gros œuvre ou sur le second oeuvre et ce pour tous les corps d’état. Néanmoins, tous ces travaux sont limités par des contraintes juridiques et techniques qui se révéleront extrêmement strictes et sévères.
Aussi, dans un premier temps, nous étudierons le cadre juridique de la valorisation puis nous nous intéresserons au cadre technique.
A] Le cadre juridique :
Le cadre juridique reprend l’ensemble des règles et contraintes afférentes à la valorisation qu’il s’agisse d’une opération de marchand de biens ou d’une simple rénovation de patrimoine personnel. Ainsi, la législation se doit d’être respectée. De plus, chaque intervenant a un rôle bien précis dans tout projet de ce type et les responsabilités de chacun doivent être connues de tous. Enfin, il arrive souvent que l’opération de valorisation se heurte directement à des limites juridiques.
1) Rappel sur la législation
Tout d’abord rappelons que la loi HOGUET réglemente les activités du secteur de l’immobilier bien que celle de marchand de biens ait un statut particulier.
a) La Loi HOGUET
La législation de la profession est très stricte en matière de transactions immobilières. Le cadre juridique de la loi HOGUET est relativement complexe. A noter que l’on peut retrouver l’intégralité de cette loi HOGUET sur le site web : www.snpi.fr (site du syndicat national des professions immobilières).
Les dispositions de la loi HOGUET ou loi n°70-9 du 2 janvier 1970 s’appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leurs concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à :
– L’achat, la vente, l’échange, la location ou sous-location en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ;
– L’achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ;
– La cession d’un cheptel mort (machines) ou vif (bétail) ;
– La souscription, l’achat, la vente d’actions ou de parts de sociétés immobilières donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété;
– L’achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l’actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce;
– La gestion immobilière;
– La conclusion de tout contrat de jouissance d’immeuble à temps partagé régi par les articles L.121-60 et suivants du code de la consommation.
Le décret d’application n°72-678 DU 20 JUILLET 72 précise toutes les applications de cette loi.
b) La Carte Professionnelle
Le décret d’application n° 72-768 du 20 juillet 1972 fixe les conditions d’applications de la loi sus visée en réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.
En son chapitre premier et ses articles 1 à 10, ce décret d’application fixe les conditions d’obtention et d’utilisation de la carte professionnelle.
L’activité exercée est régie par l’article 1er de ce décret. Aussi, quiconque souhaitant exercer une activité de transaction ou de gestion immobilière doit se voir délivrer une carte professionnelle par le préfet du département où le demandeur a le siège de ses activités, à l’exception de Paris où les cartes professionnelles sont délivrées par le préfet de police. Les modalités d’acquisition figurent d’ailleurs aux articles suivants de ce même décret.
A la différence, les marchands de biens font partie d’une profession « non réglementée ».
c) La Profession de marchand de biens :
Rappelons les caractéristiques de la profession de marchand de biens :
Ainsi que son nom l’indique, le marchand de biens achète pour revendre. L’usage veut que le terme général de marchand de biens soit réservé à une activité portant sur des immeubles ou meubles corporels, à savoir parts de sociétés, fonds de commerce. Le marchand de biens est donc celui qui achète pour revendre, que ce commerce porte sur un immeuble entier ou sur une fraction de lot de copropriétés. Quoiqu’il en soit, le marchand de biens devient propriétaire du bien dont il fait le commerce à l’inverse de l’agence immobilière qui n’est qu’intermédiaire.
Si beaucoup de professions de l’immobilier sont limitées par une réglementation particulière, cf. paragraphe précédent, le marchand de biens échappe à certaines contraintes et se trouve soumis simplement à la réglementation générale applicable aux commerçants et sur le plan fiscal, à quelques prescriptions spéciales.
En outre, le marchand de biens doit veiller à ce que ses activités n’empiètent pas sur celles qui sont réglementées, car il serait alors en totale infraction avec les réglementations en question et ces infractions sont sanctionnées pénalement.
L’activité de marchand de biens peut s’exercer sous différentes formes. L’activité peut revêtir un caractère commercial, s’il s’agit d’une activité habituelle et professionnelle, avec obligation de respecter le principe de capacité et d’interdiction d’exercer. Que l’activité soit exercée à titre personnel ou sous forme de société, il doit y avoir immatriculation au registre du commerce et des sociétés, tenu par le greffier de chaque tribunal de commerce, sauf dans le cadre de sociétés civiles immobilières.
Dernier point important : les dispositions de l’article 1596 du Code Civil interdisent aux mandataires de se porter adjudicataires des biens qu’ils ont reçu le mandat de vendre. Lorsqu’une même personne exerce à la fois l’activité de marchand de biens et d’agent immobilier et ce même par des sociétés interposées, il doit s’interdire absolument de se porter acquéreur des biens pour lesquels il a reçu mandat de vendre. A noter que dans certains cas, les juges n’ont pas hésité à retenir « le délit d’escroquerie ».
2) Le rôle des intervenants et leurs responsabilités
a) Le propriétaire
Dans le cas d’une opération de marchand de biens, le propriétaire est par définition le marchand de biens. Son rôle est total. Il est souvent le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage en même temps. Dans le cadre d’un immeuble en copropriété, son rôle est pondéré par la présence du syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic.
Les responsabilités du marchand de biens sont multiples. Tellement d’ailleurs qu’il semble impossible d’en dresser une liste exhaustive en particulier dans le domaine subtil et complexe de la responsabilité civile.
Intéressons-nous aux sources principales de cette responsabilité avant d’en voir les principales conséquences et ce dans une opération de valorisation :
i) La responsabilité du fait de la vente :
En théorie, le seul contrat qui lie le marchand de biens et son client est la vente. Le code civil met à la charge du vendeur deux garanties particulières que sont la garantie d’éviction et la garantie des vices cachés.
Concernant la garantie d’éviction, le vendeur doit assurer la garantie de son fait personnel mais également du fait d’autrui contre l’éviction proprement dite, si tant est que la cause juridique du trouble ait une origine antérieure à la vente. L’exemple le plus simple est la vente d’un local précédemment loué où le locataire occupe toujours les lieux après la vente…De plus, l’Article 138 du Code Civil vise le cas où le bien vendu se trouve grevé de servitudes non apparentes qui n’ont pas été déclarées dans l’acte de vente.
Concernant la responsabilité du vendeur en cas de vices cachés, l’article 1641 du CC impose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus ».
Rappelons les conditions pour que l’on puisse opposer au vendeur cette garantie :
– Le vice caché doit rendre la chose impropre à sa destination. Citons l’exemple de la présence de termites, des fondations défectueuses,…..
– Le vice caché doit être caché, i.e. avoir un caractère occulte.
– Le vice doit avoir un caractère d’antériorité par rapport à la vente.
– Le vice doit être imputable à la vente (à la différence d’une usure normale par usage prolongé de la chose ou d’une mauvaise utilisation….).
Le délai d’action, flou juridique, se doit d’être bref au sens de l’article 1648 du CC. Ce qui est certain c’est qu’il ne commence à courir qu’au jour de la découverte du vice. Ainsi le marchand de biens doit être conscient qu’il courre un risque pour une durée quasi illimitée. La sanction étant alors la résolution de la vente avec paiement de dommages et intérêts le cas échéant.
Enfin il est bon de rappeler que le marchand de biens ne peut, contrairement à un vendeur non professionnel, s’exonérer de cette responsabilité.
ii) La responsabilité extra-contractuelle :
Cette responsabilité est importante pour les marchands de biens. L’article 1382 du CC rappelle que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cet article du Code Civil pose la base d’une responsabilité quasi-délictuelle qui s’impose à tout à chacun et qui entraîne que quiconque est responsable d’un dommage causé à un tiers doit réparation même en dehors de tout lien contractuel avec ce tiers, d’où une responsabilité extra-contractuelle.
L’activité de marchand de biens se trouve fréquemment confrontée à cette responsabilité du fait de la réception de clientèle dans des bureaux ou de dommages occasionnés aux biens ou aux personnes par un éventuel éboulement de l’immeuble appartenant au marchand de biens.
Aussi, les biens immobiliers sont les plus concernés par cette responsabilité. Le défaut d’entretien, de gardiennage ou la mauvaise qualité des réparations ou de la réhabilitation peuvent avoir des conséquences particulièrement graves.
iii) Le marchand de biens et les assurances :
Il convient de signaler que le marchand de biens n’a aucune obligation de s’assurer dans le cas d’une réhabilitation d’immeuble, sauf pour son activité de construction. Néanmoins, le marchand de biens qui le désire peut contracter une assurance pour garantir les conséquences de sa responsabilité civile. La méfiance est de mise car si la responsabilité est multiple et de durée illimitée, l’assurance est précise et limitée. Il est donc souhaitable de bien examiner le contrat d’assurance et de vérifier l’étendue des garanties.
A noter qu’en cas d’acte de construire, une assurance de responsabilité et une assurance dommages-ouvrages doivent être contractées par le marchand de biens.
b) Le copropriétaire face à la copropriété
Chaque copropriétaire a des droits et des devoirs régis par la loi du 10 juillet 1965.
Aussi, en matière de travaux, le copropriétaire n’est pas totalement libre dans ses choix. Il peut se heurter au règlement de copropriété voire aux copropriétaires eux-mêmes.
En outre, l’avis des copropriétaires est souvent requis lors d’un vote où des majorités doivent être obtenues pour valider les décisions comme on pourra le constater dans la quatrième partie de ce mémoire.
3) Les limites juridiques
a) La capacité du signataire :
Le pouvoir de signature est une limite juridique importante. Peu de personnes se méfient de l’authenticité et de l’unicité du pouvoir du signataire lorsqu’ils signent un contrat synallagmatique.
La fourniture des statuts permet un premier contrôle, et ce notamment pour des sociétés étrangères pour lesquelles de nombreux intermédiaires sont présents et interviennent dans les décisions (actionnaires, filiales…). Il convient également de vérifier la nature et le lien de la société concernée avec une éventuelle maison mère.
Il convient également de récupérer un pouvoir du signataire, pour être sûr de sa capacité juridique et surtout pour vérifier s’il peut à lui seul prendre une telle décision ou s’il doit faire appel à d’autres « cosignataires ». Il faut savoir que la validité d’un acte authentique peut être remise en cause si la capacité du signataire fait défaut.
A l’heure de la mondialisation et du développement des sociétés étrangères, les propriétaires deviennent de plus en plus méfiants à l’égard des signataires et ce quelle que soit la taille et l’importance de leurs clients.
Citons le cas d’une société nationale de chemins de fer étrangère qui a été contrainte de prouver la capacité du signataire pour officialiser le contrat, la signature ayant eu lieu en table tournante, c’est à dire en deux étapes. La première a été la signature du client qui a transmis le bail au propriétaire pour qu’il valide le contrat. A aucun moment de la commercialisation le signataire ne s’est présenté, d’où le doute de la part du propriétaire, bien qu’il s’agisse d’une société nationale, de l’envergure de la S.N.C.F.
b) La destination des locaux :
La destination des locaux est une deuxième limite juridique. Cette destination est garantie par le règlement de copropriété le cas échéant dans le domaine du droit privé et par la fourniture du certificat administratif en ce qui concerne le droit public, dont la délivrance et la portée ont été étudiées en première partie.
Pour rappel, le règlement de copropriété impose, entre autre, les règles d’usage par chaque copropriétaire des parties communes générales et particulières et surtout des parties privatives.
La possession du certificat administratif relatif à l’immeuble concerné est devenue indispensable à l’époque où le service juridique des entreprises occupe quasiment le rôle principal. En matière de valorisation immobilière et notamment dans le secteur de l’immobilier d’entreprise, ce certificat vaut une « mine d’or ».
En effet, prenons l’exemple de Paris : Le C.O.S. (Coefficient d’Occupation du Sol) a un ratio du simple au double voire triple entre le bureau et l’habitation. Les promoteurs ont intérêt à construire de l’habitation, ils peuvent en effet construire beaucoup plus de S.H.O.N. (Surface Hors Œuvre Nette) pour une même surface de terrain.
Aussi, s’il est possible de transformer du bureau en habitation et de perdre par la même occasion la commercialité, il est en principe interdit de transformer de l’habitation en bureau. Le C.O.S. est bien souvent déjà atteint et il faut donc penser à racheter des droits à construire. La Préfecture s’y oppose la plupart du temps lorsque la destination est le bureau.
En outre, asseoir la commercialité reste indispensable. On ne s’étonnera pas si les propriétaires se refusent à consentir un bail commercial à des avocats, par exemple, qui peuvent transformer leurs baux commerciaux en baux professionnels de manière irréversible. La perte du caractère commercial est alors à craindre pour les propriétaires.
En matière de valorisation, la possession de ce certificat est conseillée. En effet, le simple rachat à une société de ses bureaux ne suffit pas à prouver que la destination des lieux est effectivement du bureau. Le certificat administratif fait foi en cas de litige. La valorisation d’un bureau, la meilleure soit-elle, ne remplace en rien la fourniture d’un certificat administratif en bonne et due forme.
Il convient donc de s’informer et de respecter la destination des locaux.
c) Les contraintes d’urbanisme :
Il faut ensuite tenir compte de la zone dans laquelle est situé l’immeuble. L’immeuble peut se situer dans une zone de Droit de Préemption Urbain Simple ou Renforcé. Cet élément prend une dimension considérable au moment de la revente, dans la mesure où la mairie pourra se porter acquéreur ou sera obligatoirement acquéreur dans le cas d’un droit de préemption renforcé. Ce droit est un droit de privilège.
La marge de négociation ne sera alors plus du tout la même et la valorisation pourra même se révéler inutile. En effet, une mairie décide d’exercer son droit de préemption, si tant est que la zone soit effectivement frappée de ce précédent droit, lorsqu’elle a un projet à développer et qu’elle a besoin des terrains. C’est une mesure plus tranquille que l’expropriation, mais moins rapide. Les travaux réalisés pendant la valorisation ne seront alors pas payés à leur juste valeur. De plus, il convient de vérifier si le bâtiment est situé dans un périmètre de protection d’un monument historique ou d’un monument politique tel une ambassade, au quel cas, les travaux sont extrêmement réglementés.
Enfin, il faut s’assurer que l’immeuble ne soit pas frappé d’un arrêté de péril ou d’insalubrité. La revente pourrait s’avérer dans ce cas extrêmement complexe. De même, il faut s’assurer d’être en possession des différentes pièces juridiques et techniques présentées dans la partie précédente.
Une fois toutes ces conditions réunies, on peut envisager d’effectuer des travaux de valorisation de façon, encore une fois, très réglementée.
Lire le mémoire complet ==> (La valorisation d’un bien en immobilier d’entreprise)
Mémoire présenté en vue d’obtenir le diplôme d’ingénieur E.S.G.T.
Ecole Supérieure Des Géomètres Et Topographes – Conservatoire National Des Arts Et Métiers

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