3. Lâencadrement des jeunes
Alors que lâon reconnaĂźt dâabord lâenfance, puis lâadolescence et la jeunesse comme une catĂ©gorie, dâabord psychologique, le recul de lâentrĂ©e dans la vie active commence Ă devenir un phĂ©nomĂšne de masse. La gestion de ce temps libre devient problĂ©matique lorsque la famille doit le prendre en charge32.
DĂšs le dĂ©but du XIXe siĂšcle, la jeunesse devient une question publique, lâobligation scolaire Ă©tant certainement Ă la base de la crĂ©ation des organismes de jeunesse gĂ©rĂ©s et contrĂŽlĂ©s par lâadulte.
Les catholiques sont les premiers Ă crĂ©er des institutions chargĂ©es de prendre en charge cette nouvelle population. La jeunesse populaire nĂ©e et sâautonomise peu Ă peu au travers de mouvements, qui vont progressivement se dĂ©tacher de la tutelle de lâadulte, des bourgeois et du clergĂ©.
LâEtat, Ă partir de Vichy, va prendre une grande part dans cette rĂ©alisation, en mettant la jeunesse au centre dâune politique spĂ©cifique.
3.1. Initiatives privées, les mouvements de jeunesse
Alors que le second Empire sâachĂšve, lâEglise catholique se retrouve renforcĂ©e dans son influence. En 1850, la loi Falloux donne une place importante au clergĂ© dans lâinstruction publique. Les instituteurs dĂ©pendent de lâEglise et les religieux gardent une place importante au sein des activitĂ©s pĂ©dagogiques.
A partir de 1885, on prend conscience dâun besoin dâĂ©mancipation. Deux conceptions sâaffrontent alors dans lâaction sociale catholique. La premiĂšre, incarnĂ©e par Albert de Mun, dĂ©fend lâaction et le rĂŽle de la classe dirigeante, la seconde reprĂ©sentĂ© par LĂ©on Harmel, patron rĂ©mois, prĂŽne lâinitiative de la classe ouvriĂšre et lâimportance de la formation du peuple par le peuple. Cette derniĂšre conception reste importante, car elle est Ă lâorigine du mouvement de dĂ©mocratie chrĂ©tienne Ă partir de 1892.
Le Cercle dâĂ©tudes sociales met alors en place des rĂ©formes pour lâamĂ©lioration de la condition des travailleurs. Le cercle ouvrier marque ici un progrĂšs vers une certaine autonomie, par la prise en charge de la prĂ©sidence du cercle, bien que la direction du patronage leur Ă©chappe encore. Ainsi, Ă la fin du siĂšcle, les Ćuvres hors cadre scolaire subissent une grande mutation.
AprĂšs la dĂ©faite de Sedan et la Commune de Paris, les rĂ©publicains cherchent Ă Ă©tablir durablement la RĂ©publique. Ils votent les lois de 1882 sur lâenseignement, de 1901 sur les associations et de 1905 sur la sĂ©paration de lâEglise et de lâEtat. Ces lois ont pour consĂ©quence de susciter la crĂ©ation dâune nouvelle gĂ©nĂ©ration dâĆuvres et de patronages paroissiaux, qui tentent de se battre contre lâinfluence grandissante de la laĂŻcitĂ©.
Les jeunes de milieu populaire nâayant pas accĂšs Ă lâenseignement secondaire, ils apparaissent comme un Ăąge quâil faut Ă©duquer avant son entrĂ©e dans la vie adulte. On pense Ă lâĂ©poque que lâĂ©ducation des enfants est insuffisante. On constate que les parents, occupĂ©s au travail, ne peuvent surveiller leurs enfants qui sont livrĂ©s Ă eux-mĂȘmes et tendent Ă mettre en place des activitĂ©s marginales.
La surveillance, le cadrage deviennent indispensables. On ne peut accepter que cette jeunesse populaire se marginalise33. Cette idée tenace est à la base du développement des mouvements de jeunesse.
LâĂ©ducation est dĂ©sormais acceptĂ©e comme nĂ©cessaire et obligatoire, la jeunesse se transforme alors en un nouvel enjeu politique. LâĂ©cole laĂŻque et lâEglise en deviennent les canalisateurs.
Les catholiques, et plus largement la classe bourgeoise, tentent par ces actions, dâendiguer la propagation des idĂ©es socialistes, tout en permettant Ă la classe ouvriĂšre dâadopter des comportements dâordre, de tempĂ©rance et dâĂ©conomie. Lâharmonie doit enfin exister entre les classes. La façon la plus probante dâatteindre ces objectifs reste lâĂ©ducation de la jeunesse.
Des minoritĂ©s restreintes souhaitent obtenir une plus grande influence sur la sociĂ©tĂ© civile, afin de prendre une place de dirigeant dans lâensemble social. Les institutions qui les regroupent se dĂ©veloppent sur tout le territoire, en le quadrillant et en proposant des pratiques et des reprĂ©sentations de lâavenir du monde social34.
Trois rĂ©seaux principaux se forment alors, les rĂ©seaux catholiques, rĂ©publicains et socialistes. Chacun dâentre eux Ă©tant traversĂ© par des influences diffĂ©rentes.
Le rĂ©seau catholique est partagĂ© entre un courant traditionaliste, un courant orthodoxe et un courant progressiste. On y retrouve lâaristocratie, la tradition paysanne et la bourgeoisie industrielle (banquiers, nĂ©gociants et commerçants).
Le réseau républicain se divise entre une tendance libérale et une tendance sociale formée de la petite et moyenne bourgeoisie.
Enfin, le rĂ©seau socialiste se diffĂ©rencie en tendances rĂ©formistes et marxistes qui verront leur influence se dĂ©velopper surtout durant lâentre-deux-guerres. On retrouve lĂ une minoritĂ© de la paysannerie, de la petite et moyenne bourgeoisie et surtout la classe ouvriĂšre35.
Ces rĂ©seaux favorisent le regroupement des jeunes dans des mouvements et des patronages, agissant en mĂȘme temps sur lâensemble de la sociĂ©tĂ© sous diffĂ©rentes formes : bibliothĂšques, regroupements de masse, Ă©laboration de doctrines catĂ©gorisant lâhumain en croyant, citoyen ou militant.
Toutes ces actions fonctionnent sur le mode du bénévolat et du volontariat, complÚtement lié au rÎle de multiples petits clercs.
Il faut noter que toutes ces actions passent, malgré le cÎté militantiste, par des activités concrÚtes dans les villes et les quartiers, dont nous pouvons encore saisir quelques traces.
Les activitĂ©s proposĂ©es par chacun des rĂ©seaux ont toutes pour but dâorganiser les loisirs des jeunes sous des formes trĂšs comparables, voir identiques.
Les patronages vont constituer, jusquâĂ la seconde guerre mondiale, une des principales interventions des catholiques envers les classes populaires. Cette forme dâintervention sera dâailleurs quelquefois utilisĂ©e par les laĂŻques.
Le terme «patronage » est employĂ© dĂšs la fin du XVIIIe siĂšcle, pour dĂ©signer des actions de formation morale, permettant de prĂ©server les jeunes contraints dâentrer dans le monde du travail ou de lâapprentissage.
NaĂźt alors le dĂ©sir dâapporter le bien-ĂȘtre matĂ©riel Ă la classe ouvriĂšre. Charles Maignen, RenĂ© de La Tour et Albert de Mun sont Ă lâorigine de la crĂ©ation de lâĆuvre des Cercles catholiques dâouvriers. Son but est de rĂ©habiliter les dĂ©shĂ©ritĂ©s36.
Pourtant, les mouvements de jeunesse ouvriĂšre prennent vraiment corps grĂące Ă Marc Sangnier, qui souhaite mettre sur un vĂ©ritable pied dâĂ©galitĂ© les jeunes de toutes classes. Le mouvement doit alors choisir entre la tĂąche dâĂ©ducation morale et religieuse et un effort dâaction civique et sociale, voire politique.
Les mouvements de jeunesse catholiques apparaissent dÚs 1849. Les patronages se multiplient grùce aux confréries de Saint-Vincent-de-Paul, aux curés et aux vicaires. Ils prennent une position de guide de la jeunesse ouvriÚre, aussi bien dans la religion que dans la formation en apprentissage. TrÚs vite, ces patronages regroupent une grande majorité des jeunes issus de milieu ouvrier.
En fait, ces patronages cherchent tous Ă assurer le maintien dâune relation rĂ©guliĂšre avec les Eglises. Le succĂšs est croissant et le nombre de patronage se multiplie entre 1890 et 1900. Pour rĂ©sister Ă lâinfluence croissante de lâEglise, les laĂŻques sâorganisent autour de lâĂ©cole publique et de la Ligue de lâEnseignement. Cette derniĂšre a Ă©tĂ© créée en 1866 par Jean MacĂ© qui proclame que : « Le pays doit se couvrir dâun rĂ©seau dâassociations rĂ©publicaines et ouvrir la voie de la civilisation ».
Lâappel est entendu et un vaste rĂ©seau dâorganisations post et pĂ©riscolaire se met en place, vouĂ© Ă lâĂ©ducation populaire. Pourtant, jusquâen 1914, les patronages catholiques restent encore supĂ©rieurs en nombre.
La Ligue de lâEnseignement, en crĂ©ant des Ćuvres nouvelles et un vaste rĂ©seau dâassociations et dâamicales dâanciens Ă©lĂšves et lâACJF, association catholique de la jeunesse française, ayant pour devise PiĂ©tĂ©-Ă©tude-action, en dĂ©veloppant les cercles pour jeunes gens, vĂ©ritables lieux de formation, vont ĂȘtre Ă la base de la naissance des mouvements de jeunes spĂ©cialisĂ©s.
Apparaissent alors les colonies de vacances. AprĂšs le milieu du XIXe siĂšcle, lâinstauration de lâĂ©cole entraĂźne lâapparition des vacances. Au dĂ©part, les colonies sont issues de lâidĂ©e dâenvoyer de jeunes citadins des classes dĂ©favorisĂ©es Ă la campagne.
LaĂŻques et catholiques vont trĂšs vite sâemparer de cette idĂ©e pour occuper les vacances de leur jeune public. Leur essor est tel quâen 1906 se rĂ©unit le premier congrĂšs national autour du pasteur Comte37.
Pourtant, la question religieuse divise. Les catholiques se regroupent donc, en 1907, dans lâUnion nationale des colonies de vacances, qui deviendra en 1933 lâUnion française des colonies de vacances (UFCV). Les laĂŻques se rassemblent en 1912 dans la FĂ©dĂ©ration nationale des colonies de vacances, qui deviendra en 1933 lâUnion fĂ©dĂ©rale des Ćuvres de vacances laĂŻques (UFOVAL).
A la veille de 1914, on dĂ©nombre prĂšs de 100 000 enfants frĂ©quentant ces diffĂ©rents centres. Cette progression sâaccroĂźt encore dans lâentre-deux-guerres alors que les municipalitĂ©s crĂ©ent leurs colonies publiques. LâEtat, en subventionnant un grand nombre de centres commence Ă exercer un certain contrĂŽle. Pourtant, les initiatives restent pour la plupart privĂ©es.
En 1873, la puissante Union des sociĂ©tĂ©s de gymnastique de France (USGF) voit le jour et met en place de grandes fĂȘtes annuelles. Pourtant, lâUSGF nâa pas le monopole de la gymnastique. Les rĂ©seaux laĂŻques et catholiques sont, lĂ aussi, bien prĂ©sents. Les jeunes urbains des classes populaires trouvent un grand attrait Ă ces exercices.
ParallĂšlement le modĂšle anglo-saxon dâorganisation de jeux et de compĂ©titions sĂ©duit les classes supĂ©rieures et entraĂźne la crĂ©ation de sociĂ©tĂ©s sportives. Pierre de Coubertin et Georges de Saint-Clair sâassocient pour crĂ©er en 1887 lâUnion des sociĂ©tĂ©s françaises de sports athlĂ©tiques (USFSA).
Ce modĂšle est trĂšs vite contestĂ©. Partout se crĂ©ent des associations sportives scolaires, qui seront souvent Ă lâorigine des clubs sportifs rĂ©gionaux.
LâEglise comprend vite le rĂŽle que peut jouer le sport auprĂšs des jeunes. En 1903, elle crĂ©e la FĂ©dĂ©ration gymnastique et sportive des patronages de France (FGSPF). Les patronages laĂŻques nâont pas les moyens de la FGSPF, ils mettent pourtant en place des associations locales.
Enfin, en 1907 naĂźt lâUnion sportive du parti socialiste, issue de la mise en place des premiers clubs sportifs ouvriers. En fait, au-delĂ dâune proposition de distractions saines et agrĂ©ables, on comprend bien ici lâenvie de tous ces groupes de capter lâattention des jeunes.
On constate que les catholiques sont fortement prĂ©sents et prioritaires dans ces mouvements de jeunesse, les rĂ©publicains et les laĂŻques ayant principalement orientĂ©s leurs actions dans le milieu scolaire ou pĂ©riscolaire. Les Ćuvres laĂŻques de la fin du siĂšcle ont donc des prĂ©occupations essentiellement Ă©ducatives (sociĂ©tĂ© dâinstruction populaire, universitĂ© et bibliothĂšque populaire).
Câest seulement au XXe siĂšcle quâapparaissent «lâUnion fĂ©dĂ©rale des Ćuvres laĂŻques dâĂ©ducation physique » en 1928, «lâUnion fĂ©dĂ©rale des Ćuvres laĂŻques dâĂ©ducation artistique » en 1933, et câest entre 1933 et 1936, avec le Front populaire que le «loisir populaire » et «la culture » prennent la place de lâĂ©ducation.
Ainsi, la fin du XIXe siĂšcle et le dĂ©but du XXe sont le théùtre dâune mise en place de structures dâencadrement de la jeunesse, au travers desquelles on identifie bien les clivages idĂ©ologiques majeurs du pays.
Pourtant, les projets Ă©ducatifs spĂ©cifiques sont absents. Et si le fait juvĂ©nil sâimpose progressivement dans lâespace social du XIXe siĂšcle, câest bien Ă partir de certaines prĂ©occupations dâadultes. Pourtant, câest grĂące Ă ces actions que vont pouvoir se dĂ©velopper par la suite des initiatives mieux adaptĂ©es Ă lâautonomie de la jeunesse38. Alors que de nouvelles formes dâentrĂ©es dans la vie adulte se mettent en place, la jeunesse prend une nouvelle consistance sociale, les temps de libertĂ© sont progressivement investis par lâĂ©ducation.
Celle-ci nâest pourtant pas limitĂ©e Ă un bagage scolaire, mais plutĂŽt Ă©tendu Ă une sorte de formation intĂ©grale, visant la vie rĂ©elle, concrĂšte, totale du jeune. Lâambiance hygiĂ©niste, qui permet aux mĂ©decins et psychologues de prendre la place des philanthropes bourgeois ou des ecclĂ©siastiques du dĂ©but du siĂšcle, sâinstalle. Le nouveau siĂšcle dĂ©finit plus largement lâenfant, la famille nâa plus le monopole de lâĂ©ducation extra-scolaire.
La jeunesse est donc construite comme catégorie sociale en partie grùce aux institutions, pour les cadrer et les introduire dans des enjeux purement adultes. Pourtant, il ne faut pas oublier que cette jeunesse a su se détacher, au moins partiellement, de ces enjeux sociaux et politiques.
On peut le constater dans la formation et la mise en place des mouvements de jeunesse, oĂč lâadulte a dĂ» progressivement cĂ©der sa place Ă des formes de sociabilitĂ© juvĂ©nile plus spontanĂ©e et plus autonome.
On peut cependant dĂ©plorer que les historiens de lâentre-deux-guerres, Ă©tant plus intĂ©ressĂ©s par des pĂ©riodes antĂ©rieures ou postĂ©rieures, lâattitude des adolescents de lâĂ©poque, face aux tentatives dâencadrement de la jeunesse, reste peu connue.
Ainsi donc, lâentre-deux-guerres est une pĂ©riode qui, malgrĂ© une certaine continuitĂ© majoritaire dans lâencadrement de la jeunesse, commence Ă rĂ©aliser la spĂ©cificitĂ© des problĂšmes juvĂ©niles. Câest lĂ que les mouvements de jeunesse vont vraiment sâinstaller, toujours sous la tutelle de lâadulte, mais prenant en compte le fait de la jeunesse. LâEglise va se retrouver en bonne place dans cette conquĂȘte du jeune.
Cette Ă©mergence va se faire Ă partir des structures existant dĂ©jĂ et au sein desquelles, ces nouveaux mouvements vont sâacclimater. Chaque institution se transforme alors profondĂ©ment pour se distinguer des autres.
Le milieu catholique est trĂšs reprĂ©sentatif de ces mutations vers une spĂ©cificitĂ© au sein dâune mĂȘme institution.
LâACJF va orienter ces actions vers la formation et lâaction civique. En 1923 elle organise le congrĂšs de Bordeaux sur la vie municipale, en 1926, le congrĂšs de Besançon sur la vie rĂ©gionale et sur la dimension internationale, en 1935 le congrĂšs de Lyon sur la conception chrĂ©tienne de la paix39.
De ces formations naissent de nouveaux dirigeants politiques locaux et nationaux que lâon retrouvera dans la RĂ©sistance.
En 1926, «la jeunesse ouvriĂšre chrĂ©tienne » (JOC) voit le jour grĂące Ă une nouvelle gĂ©nĂ©ration catholique dâaprĂšs 1914, qui dĂ©nonce les injustices de la sociĂ©tĂ© en faisant profession dâanticapitalisme. On envisage alors le fait que tout le monde nâa pas les mĂȘmes prĂ©occupations et le mĂȘme genre de vie, on admet la diversitĂ© sociale. Câest la naissance des mouvements de jeunesse spĂ©cialisĂ©es40.
La JOC multiplie ses domaines : la jeunesse ouvriÚre chrétienne féminine (JOCF) en 1928, la jeunesse agricole chrétienne (JAC) en 1929, la jeunesse étudiante chrétienne (JEC) en 1930.
Cette rĂ©ussite des mouvements catholiques spĂ©cialisĂ©s est certainement due aux nouveaux rapports quâentretiennent lâEglise catholique, la RĂ©publique et la sociĂ©tĂ© aprĂšs la guerre de 1914-18. En effet, en se ralliant Ă la RĂ©publique, lâEglise peut repartir Ă la conquĂȘte dâun nouveau public. De nouvelles paroisses se crĂ©ent un peu partout et le catholicisme gagne du terrain dans les milieux intellectuels, enseignants et ouvriers. De nouveaux mouvements de jeunesse apparaissent.
En 1920 sont créés «les Scouts de France » et en 1923 «les Guides de France ». Marc Sangnier crĂ©e en 1929 la premiĂšre auberge de jeunesse française et la Ligue française des auberges de jeunesse. En 1933, les syndicats des enseignants appuient la crĂ©ation dâun «Centre laĂŻque des auberges de jeunesse » (CLAJ) qui prend tout son essor avec les congĂ©s payĂ©s de LĂ©o Lagrange Ă partir de 1936.
Des mouvements plus politiques voient le jour. Les Faucons Rouges à tendance socialiste sont créés en 1932.
Les mouvements de jeunesse Ă©voluent vers une Ă©ducation par classe dâĂąge. Le scoutisme catholique distingue «les louveteaux » «des Ă©claireurs » en 1922, puis «les routiers » en 1929. En 1927 apparaissent «les jeannettes » et «les guides aĂźnĂ©es ». En 1936 le mouvement «CĆurs et Ames vaillantes » sâadresse aux enfants des quartiers populaires. On voit bien, ici, se mettre en place des catĂ©gories dâĂąges avec une prise en compte des besoins diffĂ©rents selon les catĂ©gories.
De son cĂŽtĂ©, le mouvement sportif lâemporte sur le mouvement militaire et gymnique. Lâimage et le rĂŽle du sport sont rehaussĂ©s et les associations sportives sont transformĂ©es en instrument de socialisation locale.
Entre 1920 et 1925, toutes les communes possĂšdent un club sportif. Et câest au travers des municipalitĂ©s que lâEtat manifeste peu Ă peu son intĂ©rĂȘt pour la pratique sportive des jeunes. Pourtant, le sport devra encore attendre quelques annĂ©es avant de devenir une affaire dâEtat.
Ainsi, lâorganisation progressive des mouvements de jeunesse, Ă partir dâactions locales, prend toute son ampleur dĂšs la fin de lâentre-deux-guerres en sâintĂ©ressant Ă tous les milieux sociaux.
Pourtant, il ne faut pas surestimer le nombre de jeunes touchés ni oublier que ces mouvements sont souvent issus de filiÚres confessionnelles.
Celle du protestantisme, regroupant lâUCJG (Union Catholique des Jeunes Garçons), lâUCJF (Union Catholique des Jeunes Filles), le scoutisme unioniste et la FĂ©dĂ©ration des Ă©tudiants chrĂ©tiens. Lâensemble formera pendant la guerre le Centre protestant de la jeunesse.
Celle du catholicisme, rassemblant le plus de jeunes et proposant de grandes variĂ©tĂ©s de mouvements spĂ©cialisĂ©s par milieux. Les Scouts et Guides de France deviendront dâailleurs des fĂ©dĂ©rations dominantes du scoutisme français.
Cette prĂ©sence, si fortement marquĂ©e auprĂšs des jeunes, est certainement due Ă leurs fonctions de supplĂ©ances, dans un secteur oĂč lâEtat et les collectivitĂ©s locales ne se sont pas encore investis.
La jeunesse, quant à elle, semble bien avoir su évoluer progressivement au sein de ces organisations canalisatrices, vers une autonomie et une nouvelle forme de sociabilité juvénile.
Les mouvements de jeunesse sont donc bien Ă lâorigine dâun nouveau rapport entre la sociĂ©tĂ© et la jeunesse41.