Contrat d’Assurance Vie, Libéralités et Droit des Successions – Section 2 : Notons que la désignation d’un bénéficiaire n’est pas obligatoire. Cependant, en pareil cas (rare, il faut le reconnaître), le souscripteur se prive d’une faculté du contrat d’assurance vie, à savoir la transmission puisqu’au dénouement du contrat, les fonds seront réintégrées dans son patrimoine. Cependant, qu’en est-il en cas de désignation d’un bénéficiaire ? § 1 / Bénéficiaires d’un Contrat d’Assurance Vie en cas de vie Dans la très grande majorité des contrats d’Assurance Vie en cas de vie, le souscripteur est lui-même le bénéficiaire. Celui-ci n’envisage alors un tel contrat que comme un placement et se prive ainsi d’un élément attractif du contrat d’assurance Vie, celui de la transmission de patrimoine. Cependant, rien n’interdit que souscripteur et bénéficiaire soient deux personnes différentes. La conséquence majeure étant alors que cette transmission aura pour fondement une intention libérale et à ce titre, sera assimilée à une donation indirecte avec toutes les conséquences d‘une telle qualification. Entre autre, les règles du rapport et de la réduction seront applicables. Si le bénéficiaire est soumis au rapport, (héritier acceptant la succession), la libéralité sera rapportable sauf si elle a été consentie par préciput et hors part. Si le bénéficiaire n’est pas soumis au rapport (parce que n’étant pas un héritier réservataire du souscripteur par exemple), la prime excessive ne sera pas rapportable, mais seulement réductible. Concernant la réduction, la libéralité sera réductible à la quotité disponible. § 2 / Bénéficiaires d’un Contrat d’Assurance Vie en cas de décès A / Le Code des Assurances dispose de règles spécifiques qui dérogent aux règles communes du Droit Civil. – Alors que le Code Civil prévoit par : – L’Art. 843, que tout héritier doit rapporter à ses co-héritiers ce qu’il a reçu du défunt ; ce rapport étant destiné à maintenir l’égalité (théorique) entre les héritiers. – L’Art. 913, que les libéralités consenties par le disposant ne pourront excéder la moitié de ses biens s’il ne laisse qu’un enfant, le tiers s’il en laisse deux, et enfin, le quart s’il en laisse trois ou plus. A défaut du respect de cette règle, les libéralités consenties sont réductibles. – L’Art 920, que les dispositions soit entre vifs, soit à cause de mort, qui excéderont la quotité disponible seront réductibles à cette quotité lors de l’ouverture de la succession. – Le Code des Assurances, dans son Art. L 132-13 affirme au contraire que le capital payable lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé, ne faisant pas partie de la succession de l’assuré, n’est soumis ni à la règle du rapport, ni à celle de la réduction. Le rapport et la réduction ne peuvent pas porter sur le capital assuré, car celui-ci n’a jamais fait partie du patrimoine du souscripteur. En effet, au jour de la souscription, les fonds passent dans le patrimoine de l’assureur. La question s’est longtemps posée de savoir si ce régime dérogatoire ne devait pas être réservé aux véritables contrats d’assurance décès. La jurisprudence et la doctrine étaient partagées sur l’application de ce régime aux contrats d’assurance vie à capital différé contre assuré. Ce type de contrat spécifique est-il dérogatoire au droit commun ? Ou doit-on lui appliquer les règles du code des Assurances ? La réponse réside dans la notion d’aléa. Notion d’autant plus important qu le contrat d’assurance vie repose sur cette notion. La question posée est de savoir si au cas par cas, cet aléa est bien caractérisé tant du point de vue du Code Civil que du Code des Assurances. Notons que l’Art. 1964 Code Civil définit le contrat aléatoire comme « une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain. Tels sont : le Contrat d’Assurance, …. » Mais, le problème majeur est le fait que si la notion de contrat aléatoire est définie, la notion d’aléa n’est quant à elle, ni définie par le législateur, ni par la jurisprudence. La doctrine s’est donc emparée de cette notion, et comme presque toujours en pareil cas, différentes thèses s’affrontent. B / La notion d’Aléa 1/ La notion d’aléa est-elle rattachée à la date du dénouement du contrat ? Date qui au jour de la souscription du contrat, est inconnue. Dans ce cas, le contrat serait aléatoire en raison de l’inconnu de cette durée. C’est en ce sens que s’est prononcé la Cour Suprême dans quatre arrêts (Cass. Ch. Mixte 23/11/2004), en affirmant : – que le contrat d’assurance dont les effets dépendent de la durée de la vie humaine comporte un aléa au sens des Art. 1964 du Code Civil et L310-1 1° du Code des Assurances. – Ou encore, cassation de l’Arrêt qui pour dire que le contrat est un contrat de capitalisation et non d’assurance sur la vie, retient que la survie de l’assuré est sans influence sur les versements et que les obligations de l’assureur sont indépendantes de la durée de la vie de l’assuré. Cette position nette de la Haute Juridiction était nécessaire devant le doute juridique qu’elle avait elle-même crée dans un arrêt dit « Leroux » rendu par la 1ère chambre civile le 18 Juillet 2000. A cette date, la Cour de Cassation avait affirmé que « les dispositions des Arts. L 132-12 et L 132-13 du Code des Assurances ne s’appliquent pas au contrat de capitalisation. » Ne fallait- voir dans cette affirmation que le rappel d’un principe bien établi ou un argument en faveur de la requalification des contrats d’assurance vie mixtes ? Notons que bien que contrats d’assurance vie et contrats de capitalisation soient soumis à des dispositions communes, il est faux d’en faire un parallèle puisque entre autre : – L’assurance de capitalisation n’a d’assurance que le nom : aucun risque n’est couvert. – De même, il s’agit plus d’une opération d’épargne à long terme où le capital investi donne droit à des intérêts qui ne sont pas versés au souscripteur mais réinvestis dans le contrat. – Enfin, pour la transmissibilité hors succession à un bénéficiaire déterminé, les fonds doivent être rapporté à la succession. Pour couper court au débat, la Cour de Cassation, dans son rapport annuel pour l’année 2000, déclara que sa décision ne remettait pas en cause le statut spécifique de l’assurance vie. Pourtant, deux ans plus tard, elle reprenait la même formule dans un arrêt similaire du 29 janvier 2002. Autant dire que les quatre arrêts du 23 novembre 2004 relatifs à des contrats d’assurance vie mixtes levèrent les incertitudes relatives à la qualification juridique de ces derniers : la Cour a clairement énoncé son refus de les assimiler à de pures opérations de placements. 2/ D’autres pensent que l’aléa tient à la personne du bénéficiaire. En effet, au jour de la souscription du contrat, l’assureur ne saura pas qui il devra payer à l’échéance de celui-ci. 3/ Enfin, un troisième courant pense que l’aléa tient en l’éventualité que l’assureur conservera les fonds si personne ne se présente au décès de l’assuré pour en réclamer le versement.