SECTION 2 :
LE RÉAMENAGEMENT CONSENSUEL DE LA CRÉANCE
Pour sauver sa créance, le banquier essaie d’abord généralement de s’entendre avec son débiteur sur une solution qui pourra satisfaire l’un et accommoder l’autre. Parfois le banquier fait appel à un médiateur (paragraphe 1), pour aboutir à un plan de restructuration de la créance (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LE RECOURS A LA MEDIATION
La médiation est tout processus quel que soit son appellation dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord (…) découlant d’un rapport juridique, contractuel ou autre lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des Etats117.
117 Article 1 acte uniforme OHADA du 23 Novembre 2017 relatif à la médiation.
Le recours à la médiation est souvent une bonne initiative du banquier, car l’accord de médiation (A), a généralement plus d’efficacité que celui conclu en l’absence de médiateur (B).
A – L’ACCORD DE MÉDIATION
L’accord en médiation n’est pas une solution imposée par le banquier, mais négociée avec le débiteur. Bien que le médiateur accompagne les deux parties, elles sont maitresses de leur accord et le médiateur ne joue qu’un rôle de modérateur. L’ouverture de la médiation implique soit la mise en œuvre de la clause de médiation118 ou l’acceptation d’une invitation à la médiation119, après la survenance de l’impayé. Le médiateur n’est valablement choisi que si les deux parties sont d’accord pour sa désignation. Dans les limites des dispositions d’ordre public, les parties à la médiation organisent les règles de fond comme de forme du déroulement de la médiation.
118 L’article 4 alinéa 1 AUM prescrit une clause de médiation au contrat qui peut être écrite ou non.
119 L’article 4 alinéa 2 AUM précise que l’invitation à la médiation doit être écrite.
Le banquier et le débiteur doivent communiquer de bonne foi c’est-à-dire ne cacher aucune information déterminante dans la conclusion de l’accord. Les parties déterminent leurs droits et obligations par des clauses à l’accord, Dans leur accord, les parties déterminent leurs prérogatives réciproques et s’engagent à les respecter.
Elles sont libres de fixer le contenu de leur contrat, de ce fait de fixer le contenu de leurs droits, de spécifier leur portée et les modalités d’interprétation120. Les parties s’accordent des droits relativement à la solution finale envisagée. Les parties sont les artisans de leur propre décision mais doivent se soumettre à des impératifs d’ordre public et de bonnes mœurs. Ainsi les parties ne peuvent statuer que sur des droits dont elles sont titulaires.

120 Opération qui consiste à discerner le véritable sens d’un texte obscur.
L’obligation peut être définie comme la prestation due par le débiteur121. La nature des obligations qui peuvent lier les parties est diverse. Le droit civil reconnait 3 catégories d’obligations : l’obligation de donner, l’obligation de faire et l’obligation de ne pas faire. Les parties sont libres de se fixer des obligations mais sont astreintes à respecter cette assiette.
Le banquier peut mettre à la charge du débiteur l’obligation de le payer à une date donnée, contre une obligation à sa charge de ne pas réclamer la dette durant une certaine période. Ces compromis sont plus faciles à atteindre avec l’aide du médiateur qui est tenu de l’obligation de confidentialité122, et de loyauté.
Le médiateur doit garder pour lui des confidences des parties, il ne peut le partager à des tiers intervenant ou non à la négociation123, il doit également faire connaitre aux parties, sans tarder toutes circonstances capables de soulever des doutes légitimes sur son indépendance et son impartialité124. Ces exigences garantissent une plus grande efficacité de l’accord de médiation.
121 TERRÉ (F.), SIMLER (P.), LEQUETTE (Y.), CHENEDÉ (F.), Droit civil Les obligations, 12ème édition, Paris, Dalloz, P.382.
122 Article 10 AUM.
123 L’article 7. 4 du règlement du CMAP énonce notamment que : « le médiateur et les parties sont tenus à la plus stricte confidentialité pour tout ce qui concerne la médiation ; aucune constatation, déclaration ou proposition effectuée devant le médiateur ou par lui ne peut être utilisée ultérieurement, même en justice, sauf accord formel de toutes les parties ».
124 Article 5 alinéa 6 de l’acte uniforme relatif à la médiation.
B – L’ÉFFICACITÉ DE L’ACCORD DE MÉDIATION
L’accord en médiation pour être efficace doit être valable. L’accord de médiation doit remplir des conditions de forme et de font. En ce qui concerne le fond, il faut que les parties mettent en œuvre en pleine connaissance de cause leur consentement, le consentement doit être intègre donc exempt des vices de l’article 1109 du code civil.
Les parties doivent également posséder la capacité requise pour contracter125. En outre, l’accord doit avoir un objet certain et une cause licite. Pour ce qui est de la forme, l’accord de médiation doit être solennel126 et visé des parties127.
125 Les parties ne doivent être incapables selon l’article 1124 du code civil.
126 Article 12 Alinéa 1 AUM.
127 Idem.
Lorsque les parties à la médiation remplissent les conditions requises, et qu’elles prennent un accord valable, cet accord a plusieurs effets. En plus de l’effet obligatoire du lien contractuel de droit commun, l’accord en médiation a l’imperium du juge étatique.
Cela implique que, suite à l »homologation de l’accord il y’a apposition de la formule exécutoire, permettant au créancier de l’obligation reconnue par l’accord de médiation d’avoir recours à la force publique pour exécution de cet accord. L’accord de médiation éteint le litige. Donc le droit d’action est dissout, et le juge est exclu de l’examen de l’affaire.
L’acte uniforme relatif au droit de la médiation dispose que sauf convention contraire des parties, le début de la procédure de médiation suspend le délai de prescription de l’action128. Par conséquent durant la négociation, le droit d’action en justice est hors de leur portée mais conservé par la suspension de la prescription.
L’accord une fois conclu, met fin définitivement au droit d’action. Le droit d’action est neutralisé, les parties ne peuvent plus déposer leur demande en justice129.
128 Article 4 alinéa 4 de l’acte uniforme relatif à la médiation.
129 [Note manquante dans le texte original]
Il va sans dire qu’il serait judicieux pour le banquier de conclure un accord avec son débiteur par la médiation. Cet accord lui permettra non seulement de négocier plus facilement avec le débiteur, mais d’obtenir un titre exécutoire plus rapidement en cas de réticence de ce dernier à l’exécution des mesures prises lors de la restructuration.